Schopenhauer est un philosophe allemand caractérisé par son pessimisme.
Il naît le 22 février 1788 à Dantzig, et décède d'une crise cardiaque le 21 septembre1860 à Francfort-sur-le-Main. Il a une sœur cadette, Adèle. Son père, un commerçant bourgeois (et aussi un grand mélancolique, d’après José Pernin), a la ferme intention que son fils prenne sa succession.
Schopenhauer poursuit d’abord des études au Havre pour apprendre le français. A quinze ans, il est envoyé par son père à Hambourg suivre des études commerciales. En 1804, tout en continuant à suivre cette voie, le futur philosophe part à Londres pour apprendre l'anglais. Mais après la mort de son père, Schopenhauer abandonne le commerce pour commencer des études de lettres à Weimar, puis à Berlin.
C’est à cette époque que sa mère ouvre un salon littéraire, auquel participe son fils.
Durant ces études, Schopenhauer étudie la philosophie, et s’intéresse particulièrement à Kant. Il commence une thèse à vingt-cinq ans et, en 1814, passera à Berlin son doctorat, dont le titre est De la quadruple racine du principe de raison suffisante.
Cette même année 1814, il s'installe à Dresde et commence à rédiger son œuvre maîtresse, Le Monde comme volonté et comme représentation.
En même temps, il découvre la philosophie hindoue, qui va transparaître dans son œuvre.
C’est un bel homme, mais qui demeurera à jamais célibataire, sans attaches familiales, sans charges ni fonction, sans devoirs envers la société : il n'aura vécu que pour son œuvre !
Schopenhauer est donc la figure du pessimisme et du romantisme allemand. Il s'attache à l’idéalisme de Kant (1724-1804), dont il extrait tous les éléments susceptibles de contribuer à sa vision du monde.
Ses travaux se fondent sur la psychologie, la métaphysique, l’éthique, l’esthétique et la phénoménologie.
D’après lui, dans l’œuvre d'un grand esprit – et il se fonde sur des références claires et complètes -, il est beaucoup plus facile de relever les fautes et les erreurs, que de faire ressortir les mérites. Le chef-d’œuvre achevé d'un esprit véritablement grand, exercera toujours sur l’ensemble de l'humanité une action profonde et d'une intensité telle, qu'il est impossible d'établir quelle est, à travers les pays et les âges, la sphère de son influence lumineuse.
Son livre le plus connu et sur lequel il a travaillé pendant toute sa vie en ajoutant constamment des compléments est Le Monde comme volonté et comme représentation.
La première édition paraît en 1819 chez Brockhaus à Leipzig. La deuxième sort en 1844 chez le même éditeur, augmentée du tome II. Puis, toujours chez Brockhaus, en 1859, la troisième édition voit le jour, avec cent trente-six pages en plus. La première traduction en français est réalisée en 1818 par J. A. Cantacuzène, un prince phanariote qui vit en Roumanie - un Grec qui possède une connaissance approfondie de la philosophie de Schopenhauer.
L’édition de 1844 sort donc en deux volumes.
Le tome 1 se divise en quatre livres.
Le premier présente sa philosophie, « la volonté et représentation du monde », répartie sur plusieurs chapitres, chacun avec un thème différent (la douleur et l'ennui, l'immortalité de l'être, et l’affirmation et la négation du vouloir-vivre).
Le deuxième volume contient les compléments que le philosophe a ajoutés au fur et à mesure que les pensées lui viennent, au fil du temps.
Quand Schopenhauer écrit, à vingt-huit ans, Le Monde comme volonté et comme représentation, il dépasse Hegel, retourne à Kant, et fait chavirer l'idéalisme de l'objectivité de la raison pure. Le point commun entre les deux philosophes reste cependant une certaine idée de l'homme comme conscience malheureuse.
En 1836, De la volonté dans la nature remporte un prix.
Les productions suivantes sont : Le fondement de la morale (1840), Les Deux problèmes fondamentaux de l'éthique (1841) et Parerga et Paralipomena (1851, Berlin).
Dans son œuvre (d'après Richard Roos), Schopenhauer use d'une langue suggestive où s'expriment son tempérament d'artiste et son goût de la clarté. Il a un amour de la symétrie dans son écriture, une soumission aux préjugés religieux, et le refus d'aller jusqu'au terme de sa pensée - ce qui l'empêche d'aboutir aux résultats qui sont inscrits dans la logique de sa démonstration.
Le monde comme volonté et comme représentation, traduit par A. Burdeau, sera édité par les Presses Universitaire de France en 1966.
C’est ce livre, et dans cette traduction, que nous nous proposons d’analyser.
Avant tout, cette œuvre n'est pas une dissertation sur l'absurdité de notre existence. Elle dénonce un monde de misère, et, ce faisant, nous le rend pour ainsi dire encore plus sensible en le montrant comme un spectacle, celui de la tragédie du vouloir. C'est la forme que Schopenhauer a donnée à son exposé, non pas par un jeu gratuit ou par une recherche d'originalité, mais par une nécessité qui tient au tempérament de l'homme et à sa manière de philosopher.
Cette édition réunit pour la première fois, en un seul volume, cette œuvre avec les quatre livres du Monde, la Critique de la philosophie kantienne (en appendice), et quelques Suppléments aux quatre livres à la fin.
En introduction nous avons les trois préfaces :
Dans la préface de la première édition (sortie en 1819) le lecteur est invité à se référer à la philosophie de Pline : « Combien il est de choses qu'on juge impossible, jusqu'au jour où elles se trouvent faites ! ». Quand il s'agit d'un système de pensée, celui-ci doit nécessairement se présenter dans un ordre architectonique. Au contraire, lorsqu'il s'agit d'une pensée une, si ample qu'elle soit, elle doit s'offrir avec la plus parfaite unité. Le conseil donné au lecteur, c'est de « lire le livre deux fois ».
Dans la préface de la deuxième édition (1844) l'auteur nous dit : « Mon point de vue est uniquement celui de la réflexion, la consultation de la raison étant toujours fidèlement communiquée. Jamais je ne recours à l'inspiration, qu'on décore du titre d'intuition intellectuelle ou de connaissance absolue, mais dont le véritable nom serait jactance vide et charlatanisme. »
Dans la préface de la troisième édition de 1859 – Schopenhauer a alors soixante-douze ans -, le philosophe nous précise que rien n'a changé depuis la seconde édition.
Avant d'analyser l’œuvre, il est nécessaire de connaître quelques éléments sur la Critique de la philosophie kantienne.
Schopenhauer est persuadé que la vraie philosophie est encore là où Kant l'a laissée. C'est pourquoi il se réfère directement à lui.
Mais le but de cet appendice, c'est précisément de justifier les divergences avec cette philosophie kantienne.
Schopenhauer a un profond respect et une reconnaissance pour son prédécesseur. « Le plus grand mérite de Kant, c'est d'avoir distingué le phénomène de la chose en soi » Par cette affirmation, il complète la philosophie hindoue et la fameuse Idée de Platon.
Mais remarquons qu’avant Kant, il y avait déjà eu Locke, qui avait remarqué et distingué les qualités secondaires et les qualités primaires.
Après des recherches qu'il consacre à ses profondes analyses, Kant a trois attitudes différentes :
Sa doctrine confirme et élargit la philosophie de Locke.
Elle confisque à son profit la philosophie de Hume (ce qu'on trouve dans Paralipomena).
Enfin, elle détruit la philosophie de Leibniz et de Wolff.
La doctrine de Kant proclame une imperméabilité absolue entre idéal et réel. Kant a démontré par des procédés scientifiques et réfléchis, il a exposé d'une manière raisonnée, que le monde n'est, dans tout son être, qu'illusion : telle est l'âme, tel est aussi le mérite capital de toute sa philosophie.
D'après sa doctrine, les vérités éternelles sont un produit de notre cerveau ; elles procèdent des formes originelles de l'entendement humain - formes que l’homme porte en lui et dont il se sert pour concevoir un monde objectif. Ce sont donc les vérités éternelles elles-mêmes que Kant met en question ; et c’est pourquoi sa philosophie est qualifiée de transcendantale.
Avant Kant, nous étions dans le temps. Depuis Kant, c'est le temps qui est en nous. Et ainsi de suite des autres formes a priori.
Kant a donné le coup de grâce à la philosophie scolastique. La théologie spéculative et la psychologie rationnelle ont disparu avec lui.
Cependant, Kant ne veut remettre en question ni l'existence de Dieu, ni la valeur de la vertu.
Avant lui, on se contentait d’observer, sans en approfondir l'essence, les lois du monde phénoménal.
Malgré tout, le résultat immédiat de sa réforme ne fut que négatif : Kant n'a apporté aucun système complet. Les philosophes de ce temps n'eurent ni l’essor personnel, ni la révélation intérieure qui caractérisent l'époque de Spinoza.
Kant déclare que métaphysique et connaissance a priori sont identiques.
Mais pour cela il aurait fallu commencer par démontrer que les éléments nécessaires pour résoudre le problème du monde ne doivent absolument pas faire partie du monde lui-même.
Le style de Kant est en général la marque d'un esprit supérieur, d'une vraie et puissante originalité.
Et malgré tout, chez lui, l'exposition est souvent confuse, indécise, insuffisante, et parfois obscure.
Il est étonnant de voir à quel point Kant poursuit son chemin sans réfléchir davantage. il se laisse guider par la symétrie, ordonne tout d'après elle, et jamais ne considère en lui-même aucun des objets ainsi abordés. Il a conçu les douze concepts purs de l'Analytique sur le modèle des deux formes pures de l'Esthétique.
En ce qui concerne les conceptions de Kant quant au beau, on les trouve dans la Critique du jugement esthétique. Mais on ne peut considérer la solution qu'il donne comme acceptable.
Dans ce domaine, la théorie du sublime est meilleure que la théorie du beau.
La critique du jugement téléologique révèle plus de netteté, à cause de la grande simplicité de la matière d'où Kant sort un livre. Tout cet ouvrage se réduit à ceci : « Bien que les corps organisés nous apparaissent nécessairement comme soumis, dans leur structure, à un concept préalable de finalité, rien ne nous autorise cependant à regarder cette finalité comme objective. »
A ce sujet, David Hume a été le précurseur de Kant dans la connaissance de cette vérité. Lui aussi a discuté la conception théologique dans Dialogues concerning the naturel religion. La différence essentielle qu'il y a entre la critique de Hume et celle de Kant, c'est que Hume donne cette conception comme ayant son fondement dans l'expérience, et que Kant au contraire la critique comme une idée a priori.
Tous deux ont raison, et leurs explications se complètent réciproquement. La doctrine de Kant, à ce sujet, se trouve dans le commentaire de Simplicius sur Physique d'Aristote.
Kant arrive à la théorie suivante : de même qu'entre la pensée abstraite de nos concepts acquis par l’expérience, et la claire intuition, qui nous vient par les sens, il y a comme intermédiaire un schéma; de même entre la sensibilité pure – et l'entendement pur – faculté de percevoir intuitivement à priori – et l'entendement pur – faculté de penser à priori, qui n'est autre chose que les catégories – il doit également y avoir « des schémas à priori analogues », « les schémas de concepts purs de l'entendement » ; ces schémas, Kant les définit un à un comme des monogrammes de l'imagination pure a priori et il classe chacun d'eux dans la catégorie qui lui correspond ; cela fait le sujet de l'étonnant chapitre du schématisme des concepts purs de l'entendement, chapitre réputé obscur entre tous, parce que personne, jusqu'à présent, n'y a pu voir clair.
Kant se met à chercher, mais il ne s'aperçoit pas que de tels schémas n'atteignent nullement leur but.
Il convient donc de rejeter toute la doctrine des catégories, et de la mettre au nombre des hypothèses sans fondement qui, chez Kant gâtent la théorie de la connaissance.
Le premier livre a comme titre Le principe de la raison suffisante – L'objet de l'expérience et de la science. Il commence avec « Le monde est ma représentation ».
Cette proposition est une vérité pour tout être vivant et pensant, bien que chez l'homme seul, elle arrive à se transformer en connaissance abstraite et réfléchie. Ce qui connaît tout le reste, sans être soi-même connu, c'est le sujet. Ce sujet, chacun le trouve en soi.
Dans ce livre, on voit le monde à titre de simple représentation d'objet mis en regard d'un sujet, c'est-à-dire que l’on voit le monde comme représentation et assujetti au principe de raison.
Si l’on voit la forme d'où dépendent toute énumération et tout calcul, on a par-là même pénétré l'essence totale du temps. Car l'espace n'est rien de plus que la propriété dont jouissent les parties de l'étendue de se déterminer réciproquement.
Le monde, considéré comme représentation, comprend deux moities essentielles, nécessaires et inséparables, même dans la pensée.
La première moitié est l'objet, qui forme l'espace et le temps. La seconde est le sujet. Elles existent et cessent d'exister ensemble. Où commence l'objet, finit le sujet.
Ce que la loi de causalité détermine, ce n'est donc pas la simple succession des états dans le temps lui-même, mais dans le temps considéré par rapport à un espace donné ; ce n'est pas, d'autre part, la présence des phénomènes à tel endroit, mais leur présence en ce point, à un instant marqué. C'est donc la causalité qui forme le lien entre le temps et l'espace.
C'est de la combinaison du temps et de l'espace que résulte la matière, qui est la probabilité de l'existence simultanée. La matière, d'autre part, tient du temps par la qualité (ou accident), sans laquelle elle ne saurait apparaître.
Mais l'objet supposant toujours le sujet, il ne peut jamais exister entre eux aucune relation causale.
L'essence de la matière consiste dans son activité.
La Dissertation sur le principe de raison a pour but d'établir que le contenu de ce principe n'est autre que la forme essentielle de tout objet, c'est-à-dire le monde universel d'une existence objective quelconque, envisagée comme telle.
Aux autres théories on peut répondre tout d'abord que l'objet et la représentation ne sont qu'une seule et même chose ; ensuite que l'être des objets n'est autre que leur action même ; que c'est dans cette action que consiste leur réalité ; qu'enfin chercher l'existence de l'objet en dehors de la représentation du sujet, ou l'être des choses réelles en dehors de leur activité, c'est là une entreprise contradictoire et qui se détruit elle-même ; que, par suite, la connaissance du mode d'action d'un objet d'intuition épuise l'idée de cet objet en tant que tel, c'est-à-dire comme représentation, puisqu'en dehors de celle-ci il ne reste rien de connaissable dans cet objet.
Mais, d'autre part, il n'y a de causalité que dans et pour l'entendement ; ainsi, le monde réel, c'est-à-dire actif, est toujours, comme tel, conditionné par l'entendement, sans lequel il ne serait rien. Et cette raison n'est pas seule.
Tout le monde objectif est et demeure représentation, et, pour cette raison, est absolument et éternellement conditionné par le sujet ; en d'autres termes, l'univers a une identité transcendantale. Le monde est intelligible pour un entendement sain, et cela dans son sens le plus profond ; il lui parle un langage qui se laisse entièrement comprendre.
Devant les sens et l'entendement, le monde se révèle et se donne avec une sorte de naïve franchise pour ce qu'il est, pour une représentation intuitive, qui se développe sous le contrôle de la loi de causalité. Un examen du principe de raison, considéré dans son essence, et une étude approfondie du rapport qui existe entre l'objet et le sujet, ainsi que de la nature des perceptions sensibles, devaient nécessairement supprimer le problème, en lui ôtant toute signification.
La vie est un rêve. Nous avons des rêves nocturnes et diurnes. Des rêves longs et des rêves courts.
D'après Kant, c'est « l'enchaînement des représentations par la loi de causalité qui distingue la vie du rêve ». Mais, dans le rêve lui-même, tout détail des phénomènes est également soumis à ce principe sous toutes ses formes, et le lien causal ne se rompt qu'entre la veille et le rêve, ou d'un songe à l'autre. Kant nous dit que le long rêve (celui de la vie) est réglé dans ses diverses parties par la loi de causalité, mais n'offre aucune liaison avec les rêves courts, bien que chacun de ceux-ci présente en soi cet enchaînement causal ; entre le premier et le second le pont est donc coupé, et c'est ainsi qu'on arrive à les distinguer.
Toutefois, il serait assez difficile, souvent même impossible, de déterminer, à l'aide de ce critère, si une chose a été perçue ou simplement rêvée par nous. L'unique critère empirique ; c'est le fait du réveil qui rompt d'une manière effective et sensible tout lien de causalité entre les événements du rêve et ceux de la veille.
Hobbes, dans son Léviathan, a donné des exemples à ce propos.
Notons aussi l’influence de Platon chez Schopenhauer.
Platon dit souvent que les hommes vivent dans un rêve, et que seul le philosophe cherche à se tenir éveillé (voir Pindare).
Voilà ce qu'on sait sur l'origine empirique du problème de la réalité du monde extérieur.
Le corps est considéré comme un objet immédiat, c'est-à-dire comme la représentation qui sert de point de départ au sujet dans la connaissance.
Jamais l'entendement n'entrerait en activité s'il ne trouvait dans autre chose que lui-même un point de départ. Une autre faculté est la sensibilité proprement dite, ou la conscience directe des changements qui se produisent dans le corps et en font un objet immédiat.
Deux conditions fondent la possibilité de la connaissance du monde de l'intuition ; la première, exprimée objectivement, est la puissance qu'ont les objets matériels d'agir les uns sur les autres et de se modifier mutuellement. Subjectivement, cette condition, c'est avant tout que l'entendement rende possible l'intuition.
La seconde condition est la sensibilité, que possède l'organisme animal, et la propriété, inhérente à certains corps, d'être immédiatement objet du sujet. Toutefois, il ne faut pas prendre ici le terme d'objet dans son acception stricte ; car cette connaissance directe du corps animal, antérieure à l'exercice de l'entendement, étant une pure sensation, elle ne permet pas encore de penser comme objet le corps lui-même, mais uniquement les corps agissant sur lui.
Les corps de tous les animaux sont aussi des objets immédiats. L'entendement est le même dans les animaux et dans l'homme ; il présente partout la même essence simple : connaissance par les causes, faculté de rattacher l'effet à le cause, ou la cause à l'effet, et rien de plus (explication que l’on trouve dans Dissertation sur le principe de raison).
Cette connaissance appartient à l'entendement, et non à la raison ; les notions abstraites de cette dernière faculté servent seulement à classer, à fixer et à combiner les connaissances immédiates de l'entendement, sans jamais produire aucune connaissance proprement dite.
Toute force, toute loi, doivent d'abord être perçues par intuition, avant de pouvoir se présenter à l'état abstrait aux yeux de la raison dans la conscience réfléchie. Ce fut la découverte de R. Hooke, confirmée ensuite par les calculs de Newton, permettant de réduire à une loi unique des phénomènes si nombreux et si importants.
Toutes ces découvertes ne sont autre chose qu'un passage immédiat et légitime de l’effet à la cause.
Dans les différentes espèces animales, les degrés de l'entendement ne sont pas moins divers que dans l'humanité. Chez toutes, et même chez celles qui se rapprochent du règne végétal, on rencontre la somme d'entendement nécessaire pour passer de l'action exercée sur l'objet immédiat à sa cause dans l'objet médiat ; autrement dit, toutes possèdent l'intuition, ou l’appréhension de l'objet.
La connaissance a priori du rapport de cause à effet (cette forme générale de tout entendement, qui doit être attribuée aux animaux) résulte du fait même que cette connaissance est, pour eux comme pour nous, la condition préalable de toute perception du monde extérieur.
D'après Schopenhauer, la connaissance est une représentation, et la représentation est un processus physiologique complexe.
« Le manque d'entendement s'appelle stupidité », nous dit Schopenhauer.
L'apparence est produite par le fait qu'une seule et même action peut dériver de deux causes absolument différentes, l'une agissant fréquemment, l'autre rarement ; l'entendement, qui manque de critères pour distinguer laquelle des deux produit l'effet à un moment donné, suppose que celui-ci doit être attribué à la cause la plus ordinaire ; or, comme l'opération de l'entendement est non pas réflexive et discursive, mais directe et immédiate, cette cause toute fictive apparaît faussement comme un objet d'intuition.
Telle est la nature de l'apparence.
Le deuxième livre traite de L'objectivation de la volonté.
Nous en arrivons ainsi à la représentation intuitive.
Nous pouvons nous prononcer sur la signification propre - sur cette signification qu'on ne fait que sentir, et grâce à laquelle ces formes, qui sans cela seraient étrangères et insignifiantes pour nous, nous parlent directement, nous deviennent compréhensibles, et obtiennent à nos yeux un intérêt qui saisit notre être tout entier.
Mais ce qui nous est acquis, après toutes ces recherches, ne nous suffit pas. Nous voulons connaître la signification de ces représentations ; nous nous demandons alors si le monde ne les dépasse pas.
Ou bien, au contraire, n'est-il pas quelque chose d'autre que la représentation, quelque chose de plus ? Nous nous sommes élevés de la connaissance immédiate de la conscience, in concreto, au savoir rationnel, ou, en d'autres termes, nous l'avons transportée dans la connaissance in abstracto, mais quant à la demander, comme connaissance médiate sa nature s'y oppose, parce qu'elle est elle-même la plus immédiate de nos connaissances.
L'observation de la nature dans son ensemble a son achèvement dans la morphologie, qui dénombre toutes les formes fixes de la nature organique, qui les compare et les coordonne.
Sur le corps, on peut citer diverses expressions : « mon corps et ma volonté ne font qu'un ». Ou bien : « ce que je nomme mon corps en tant que représentation intuitive, je le nomme ma volonté, en tant que j'en ai conscience d'une façon toute différente et qui ne souffre de comparaison avec aucune autre ». Ou bien : « mon corps est l'objectivité de ma volonté ». Ou encore : « mon corps, hormis qu'il est ma représentation, n'est que ma volonté ».
L'idée de l'homme a besoin, pour se manifester dans toute sa valeur, de ne pas s'exprimer seule et détachée (comme chez Kant), mais elle doit être accompagnée de la série descendante des degrés à travers les formes animales, en passant par le règne végétal pour aller jusqu'à la matière inorganique formant un tout pour l'objection complète de la volonté.
La volonté est comme de la matière vivante.
On appelle cause, au sens le plus étroit du mot, tout état de la matière qui en produit un autre, nécessairement, et en subit en même temps une modification égale à celle qu'il cause.
On trouve les causes des phénomènes de volonté dans la matière brute.
Nous pouvons trouver dans le monde des corps la représentation, et, par son essence, la volonté.
Il faut savoir la distinguer de son phénomène, sous ses nombreuses formes ; quand elle est nécessairement déterminée par des motifs, elle n'appartient plus à l'essence de la volonté, mais à son phénomène, l'homme ou animal.
Ces actes de volonté ont toujours un fondement, en dehors d'eux-mêmes, dans leurs motifs.
Le principe de la raison, dans toutes ses manifestations, n'est que la forme de la connaissance, et sa valeur ne s'étend qu'à la représentation, au phénomène, à la visibilité de la volonté, et non à la volonté elle-même, qui devient visible.
On considère « le rapport » qu'il y a entre la volonté, comme chose en soi, et son phénomène, c'est-à-dire entre le monde comme volonté et le monde comme représentation - ce qui est traité dans ce livre II.
La nécessité interne de l'objectivité, inhérente à la volonté, et inséparable de la suite des degrés de manifestation, nous la trouvons encore dans l'ensemble de ces manifestations, exprimée par une nécessité externe ; cette elle qui fait que l'homme, pour subsister, a besoin des animaux ; et ceux-ci, par série graduelles, ont besoin les uns des autres, puis aussi des plantes ; lesquelles, à leur tour, ont besoin du sol, de l’eau, etc.
Prenons garde à la confusion entre l'être en soi et le phénomène ; le phénomène est soumis au principe de raison, dont la loi de causalité est une forme ; il n'en est pas de même de l'être en soi.
L'homme a toujours un but et des motifs qui règlent ses actions. L'absence de tout but et de toute limite est, en effet, essentielle à la volonté de soi, qui est un effet sans fin.
La volonté sait toujours, quand la conscience l'éclaire, ce qu'elle veut à tel moment et à tel endroit ; ce qu'elle veut en général, elle ne le sait jamais.
Tout acte particulier a un but ; la volonté même n'en a pas ; comme tous les phénomènes naturels isolés, son apparition à tel lieu, à tel moment, est déterminée par une cause justificatrice.
Dans le seconde livre, le but est de faire voir que cette chose en soi est la volonté. Le philosophe le démontre par l'étude de l'organisme humain et animal.
Par l'objectivation, il entend l'action de se représenter dans le monde réel du corps.
Sa thèse est la suivante : « Ce qui, dans la conscience de nous-mêmes, c'est-à-dire subjectivement, se présente sous la forme de l'intellect, dans la conscience d'autres chose, c'est-à-dire objectivement, prend la forme du cerveau. Et ce qui, dans la conscience de nous-mêmes, c'est-à-dire subjectivement, prend la forme de la volonté, dans la conscience d'autre chose, c'est-à-dire objectivement, prend la forme de l'organisme dans son ensemble ».
La démarche la plus originale de Schopenhauer, dans ce livre, est d’avoir découvert le passage (déclaré impossible par Kant) du phénomène à la chose en soi. De cerner la connaissance d'une chose en soi, et d’établir que cette connaissance est nécessairement limitée. Il le démontre dans La volonté dans la nature (édition de 1867).
Le troisième livre traite de la représentation, considérée indépendamment du principe de raison, de l'idée platonicienne et de l'objet de l'art.
Dans ce livre, Schopenhauer fait une comparaison entre la doctrine de Platon et celle de Kant.
Platon considérait les Idées comme éternelles, et les formes comme immuables. Ces Idées sont reconnues comme le dogme à la fois capital et le plus obscur, le plus paradoxal de sa doctrine.
Kant affirme que « l'espace, le temps, la causalité ne sont point des caractères de la chose en soi, ils n’appartiennent qu'à son phénomène, attendu qu'ils ne sont que des formes de notre connaissance ».
Or, notre connaissance étant conditionnée par ces formes, l'expérience tout entière n'est que la connaissance du phénomène, nullement celle de la chose en soi ; aussi n'en peut-on appliquer légitimement les lois à la chose en soi.
Platon nous dit également que « les choses de ce monde, telles que nos sens les perçoivent, n'ont aucun être réel ; elles deviennent toujours, elles ne sont jamais, elles n'ont qu'un être relatif, elles n'existent que dans et pour leurs rapports réciproques ; aussi peut-on nommer tout leur être un non-être ».
Dans ce cas, les deux doctrines ont le même sens. elles tiennent le monde sensible pour une apparence qui en soi est sans valeur et n'a de signification et de réalité qu'en vertu de ce qui s'exprime par lui (les Idées pour Platon, la chose en soi pour Kant).
Deux théories hétérogènes émergent ainsi : la théorie kantienne des formes, qui restreint aux purs phénomènes la faculté de connaître l'individu, et la théorie platonicienne des Idées, Idées dont la connaissance supprime expressément ces formes mêmes.
La conclusion de Schopenhauer est que la théorie des Idées de Platon et la critique kantienne de la raison n'ont absolument rien de commun.
Pour arriver à une intuition plus profonde de l’être du monde, il faut de toute nécessité faire une première distinction entre la volonté considérée comme chose en soi et son objectivité adéquate ; puis une seconde entre les différents degrés de clarté et de perfection de cette objectivité, c'est-à-dire les Idées soumises aux différentes expressions du principe de raison et de la modalité inhérente à la connaissance individuelle.
Dans ce monde des phénomènes, toute perte absolue est impossible, comme tout gain absolu.
La valeur seule existe ; elle est la chose en soi, elle est la source de tous ces phénomènes.
La connaissance, soumise au principe de raison, constitue la connaissance rationnelle ; elle n'a de valeur et d'utilité que dans la vie pratique et dans la science.
La contemplation, qui s'abstrait du principe de raison, est le propre du génie, elle n'a de valeur que dans l'Art.
Schopenhauer définit l'Art comme la contemplation des choses, indépendamment du principe de raison. Ill s'oppose ainsi à l’expérience et à la science.
L’œuvre d'art n'est qu'un moyen destiné à faciliter la connaissance des idée, connaissance qui constitue le plaisir esthétique.
Le but de l'Art est donc de communiquer l'Idée, une fois celle-ci conçue ; après être ainsi passée par l'esprit de l'artiste, où elle apparaît purifiée et isolée de tout élément étranger, elle est intelligible, même pour une intelligence d'une faible réceptivité et d'une stérilité complète.
Les hommes de génie ne peuvent sans répugnance porter leur attention sur le contenu du principe de raison. Le génie, présenté dans ce livre, consiste dans l'aptitude à s'affranchir du principe de raison, à faire abstraction des choses particulières, lesquelles n'existent qu'en vertu des rapports, à reconnaître les Idées, et enfin à se poser soi-même en face d'elles comme leur corrélatifs, non plus à titre d'individu, mais à titre de pur sujet connaissant.
Le philosophe cherche à mettre en lumière la part subjective du plaisir (en parlant de part subjective, il entend ce qui, dans ce plaisir, se ramène à la joie d'exercer, à la faculté de connaître d'une manière pure, intuitive, indépendante de la volonté).
Affirmer qu’une chose est belle, c'est exprimer qu'elle est l'objet de notre contemplation esthétique, ce qui implique que la vue de cette chose nous rend objectifs, c'est-à-dire qu'en la contemplant, nous avons conscience de nous-mêmes non plus à titre d'individus, mais à titre de sujets connaissants purs, exempts de volonté ; et ainsi nous reconnaissons dans l'objet non plus une chose particulière, mais une Idée.
La connaissance du beau suppose toujours un sujet connaissant pur et une Idée comme objet. Les deux sont simultanés et indissociables.
Quant à la musique, elle n'est pas, comme les autres arts, une reproduction de la volonté des Idées, mais une reproduction de la volonté au même titre que les Idées elles-mêmes. La musique est une objectivité, une copie aussi immédiate de toute la volonté que l'est le monde, que le sont les Idées elles-mêmes, dont le phénomène multiple constitue le monde des objets individuels.
Dans le complément sur le troisième livre, Schopenhauer précise que « l'intellect au service de la volonté, c'est-à-dire dans sa fonction naturelle, ne connaît proprement que les rapports des choses ; tout d'abord les relations des choses avec la volonté, à laquelle il appartient, ce qui sert à en faire des motifs ; et ensuite, pour compléter cette connaissance, les relations des choses entre elles. »
La connaissance pure, sans mélange de volonté, se produit donc lorsque la conscience des autres choses s'élève à une telle puissance que la conscience du Moi propre disparaît.
Dans l'intuition directe du monde et de la vie, nous ne considérons d'ordinaire les choses que dans leurs relations, c'est-à-dire dans leur essence, dans leur existence relative et non absolue.
Dans ce livre, Schopenhauer consolide ses démonstrations faites dans les précédents.
Son jugement est fondé sur la Critique de Kant et les Idées de Platon, et il remonte le temps jusqu'aux présocratiques.
Où il y a de la volonté, il y aura la vie.
Le vouloir-vivre c'est la vie. La négation du vouloir-vivre est le néant.
Kant distingue le phénomène de la chose en soi.
Platon oppose le devenir, le non-être, à l'être.
Les Indiens voient par le tissu de Maya. Les textes de Véda disent : « Sa vue se confond avec le soleil, son odorat avec la terre, son goût avec l’eau, son ouïe avec l'air, sa parole avec le feu... Et toutes ses facultés reviennent à son fils ! »
Volonté et sujet sont hors du temps.
Toute chose est d'une part phénomène, objet, et par-là même nécessaire ; et d’autre part en soi, volonté et, comme telle, libre de toute éternité.
Un objet quelconque n'est que volonté, mais passé à l'état de représentation, le sujet est le corrélatif nécessaire de l'objet. d'autre part, il n'y a d’objets réels que dans le présent. Le passé et l'avenir sont les champs de notions fantômes.
L'école nous apprend que l'éternité n'est pas l'écoulement d'un temps sans fin ni commencement : elle est bien plutôt un présent stable ; autrement dit un maintenant. En ce sens, il n’y a pas de différence entre éternité et présent (voir le Léviathan de Hobbes).
Le présent seul est la forme de toute la vie, forme qui toujours existe, stable, inébranlable, et ce qu'elle contient a pour racine et pour appui la volonté de vivre, la chose en soi ; et nous sommes cette chose.
La propriété de la volonté est la vie ; et celle de la vie, le présent.
La manifestation de la volonté n'est ni phénomène, ni représentation, ni objet, elle est la chose en soi, elle échappe au principe de la raison suffisante, elle est libre.
La liberté du vouloir est traitée dans Les deux problèmes fondamentaux de la morale.
Le monde, en tant qu'objet représenté, offre à la volonté le miroir où elle prend connaissance d'elle-même, voit une clarté avec une perfection qui va croissant par degrés, le degré supérieur étant occupé par l'homme.
L'individu est une manifestation particulière de la volonté. L'homme est, comme tout autre être de la nature, une manifestation de la volonté.
Le regret est une rectification de notre notion du rapport entre un acte et son but véritable.
L'homme a son caractère. De ce caractère, les motifs font sortir ses actes, d'une façon nécessaire. Chaque action d'une personne doit être attribuée à la libre volonté, et à la conscience.
Il y a encore le caractère acquis ; c'est celui qu'on se forge dans la vie et par l'usage du monde ; c'est de celui-là qu'on parle quand on loue un homme d'avoir du caractère.
Dans ce cas, deux voix s'élèvent celle de la réflexion raisonnée, qui va plus loin, et celle de l’instinct, qui vise le but. La décision ne se révèle dans le domaine de l'intellect que par pure expérience. Pour elle, c'est le coup final.
Kant a établi la distinction entre les deux caractères, l'intelligible et l'empirique ; selon Schopenhauer, le premier n'est autre que la volonté, comme chose en soi, se manifestant en un individu déterminé, et jusqu'à un certain degré ; le second, c'est cette manifestation même, qui se déploie dans la conduite de l'individu, selon le temps et la loi de l'espace.
Les disciples de Zénon, appellent le caractère la source de la vie, car c'est de lui qu'une à une découlent les actions.
La naissance, la mort… ces mots n'ont de sens que par rapport à l'apparence visible revêtue par la volonté. Ces deux accidents de la vie s’équilibrent entre eux. Dans la vie, on distingue deux maux différents : la mort et la souffrance. La mort effraie car elle représente la disparition de l'individu, d'où la volonté de vivre. L'homme pense à la mort et cela le fait souffrir. l'animal ne pense à rien, il vit pour son existence. La cause de notre douleur, comme de notre joie, est le plus souvent hors du présent, de l'actuel ; elle réside dans des pensées tout abstraites ; ce sont elles qui nous accablent de leur poids et apportent les souffrances.
La souffrance c'est le fond de toute la vie.
Le suicide est un acte inutile, sans objet.
La philosophie reste dans l'immanent.
La volonté dont tout être et toute vie de l'homme ne sont qu'une manifestation, ne peut se démentir dans un cas particulier ; et ce que l'homme veut une fois pour toutes, il le voudra aussi en chaque cas particulier.
L'affirmation de la volonté, c'est la volonté elle-même, subsistant avec l'intelligence.
dès qu'il commence à se connaître, l'homme se voit occupé à vouloir, et en règle générale son intelligence demeure en un rapport constant avec sa volonté.
La souffrance, elle, prend sa source dans le désir inaccompli, la peur de la mort et la douleur.
Les grandes douleurs font taire les petits ennuis, et en l’absence de toute grande douleur, les plus faibles contrariétés nous tourmentent et nous chagrinent. Les changements qui arrivent et nous frappent, avec tristesse ou joie, s’évanouissent à l'instant, car tous deux étant nés d'illusion, ce qui les produisait est l’espérance d'un avenir sur lequel nous anticipions en pensée. Dans notre hypothèse, il en serait de même du sentiment du mal ou du bien-être comme de celui de la connaissance.
Pour l'homme, le droit et la justice découlent de la morale.
L'invasion dans le domaine où est affirmée par autrui la volonté est bien connue sous le nom d'injustice.
Il résulte que le droit et l'injustice sont des notions purement et simplement morales ; autrement dit, elles n'ont de sens que pour qui a en vue l'action humaine considérée en soi, et sa valeur intime.
Si le monde ne considère que l'action est juste ou injuste, si tout son rôle est de tracer nettement à quiconque a résolu de ne pas faire d'injustice, les bornes où se doit contenir son activité, il en est tout autrement de la théorie de l’État.
La science de l’État, la science de la législation n'a en vue que la victoire de la victime de l'injustice.
La justice temporelle est celle qui siège au sein de l’État.
La justice éternelle existe dans l'essence de l'univers ; ce qui résulte de toute notre pensée.
Le monde est ce qu'il est, parce que la volonté, dont il est la forme visible, est ce qu'elle est et veut ce qu'elle veut.
Dans ce livre, nous allons jusqu'au bout ; pour ceux que la Volonté anime encore, ce qui reste après la suppression totale de la Volonté, c'est effectivement le néant. Mais à l'inverse, pour ceux qui ont converti et aboli la Volonté, c'est notre monde actuel, ce monde si réel avec tous ses soleils et toutes ses voies lactées, qui est le néant (voir le bouddhisme).
Kant dit ne rien savoir,
Schilling et Hegel prétendent tout savoir,
Schopenhauer pense savoir quelque chose !
Sa philosophie relève d’un dogmatisme immanent, qui reste dans le domaine de l'expérience.
Il s'éloigne des espoirs d'objectivité de Hegel pour ne retenir que la conclusion de Kant au terme de la Critique de la raison pure.
Cette Critique est un exposé synthétique qui s'empresse d'analyser la raison dans ses fonctions élémentaires, c'est-à-dire dans les intuitions, concepts, jugements et idées a priori. Tout élément a priori d'une connaissance est transcendantal. Cette théorie réfute l'empirisme, qui est connaissance a posteriori (à partir de l’expérience) et réintroduit une part d'innéisme (a priori) dans la connaissance. Tel est l'idéalisme transcendantal de Kant.
Schopenhauer déploie une vision pessimiste de l'existence et une théorie de la connaissance qui semble troquer l'universalisme idéaliste pour un individualisme de la connaissance. C'est une vision initiale d'une triste condition humaine.
Schopenhauer définit l'homme comme un animal métaphysique capable de s'étonner devant sa propre existence et devant le spectacle du monde ; un être aspirant à l'absolu. Le corps est un objet parmi les objets, mais il est aussi Volonté, sujet réel qui s'exprime. Le mot allemand der Wille peut être traduit par le vouloir ou la volonté. L'expression de la volonté est comprise comme impulsion, énergie, force originelle. Le « vouloir-vivre » est une volonté sans raison. L'égoïsme de la volonté est le moteur de l'humanité.
« L'instinct sexuel est la volonté de vivre » (assertion reprise plus tard par Freud).
Il faut se détacher du vouloir-vivre pour atteindre, enfin, l'ultime sérénité liée à l’extinction de tout désir. C'est au désir sans cesse renaissant qu'il faut s'attaquer.
L'homme est soumis à la force pure. Tout est volonté. Pas de cerveau, pas de volonté !
Schopenhauer nomme « idées » les différents degrés d'objectivation de la volonté. La volonté n'a ici rien à voir avec le sens que lui donnait Kant. Elle est, chez Schopenhauer, une tendance vers l'acte d'exister. Et ces degrés de l'objectivation de la volonté ne sont autres choses que les « Idées de Platon ». Tout ne serait pas soumis au temps : il y a des idées éternelles et leur connaissance porte en soi le salut et la consolation en arrachant l'homme à la folie qui habite l'existence dans le temps.
Cependant, si la vérité philosophique est possible en soi, elle ne concerne que les intelligences désintéressées, celles de rares et pures génies qui échappent au destin commun pour devenir « clairs miroirs de l'être du monde ».
Schopenhauer s'inquiète des relations entre l'intelligence et la volonté pour conclure que si les idées sont dans l'intelligence, la volonté, elle, reste première dans notre représentation du monde, « car rien ne prépare le goût de la vérité dans l'exercice normal de l'intellect ».
Schopenhauer comprend la vie comme une lutte pour l'existence, une « entre-mangerie sans fin », en conséquence de quoi le « vouloir-être » aboutit à la perte de l'être. L'histoire est un éternel recommencement, sans aucun sens.
(voir le paragraphe 35 du tome 1 du Monde).
D'après sa théorie, il y a deux types d'hommes : normal et intellectuel.
L'homme normal ne s'occupe que de passer le temps.
Pour l'intellectuel, la vie est une solitude choisie, une source d'enrichissement intérieur, et il n'a rien à attendre des autres.
L'intellectuel a peu de choses à lui, car il a restreint ses désirs. Son loisir consiste à penser et à contempler, ce qui fait que son centre de gravité tombe sur lui-même.
Pour Schopenhauer, les femmes se partagent en deux : les femmes trompées et les femmes trompeuses. Il était misogyne et le plus virulent philosophe qui fût jamais à l'égard des femmes. Cette tendance a influencé Freud.
Schopenhauer réintroduit le sentiment au cœur de la morale, alors que Kant se contentait d'une morale déontologique et formelle.
Pour Schopenhauer, le bonheur ne désigne rien de positif, mais seulement la cessation momentanée d'une douleur ou d'une privation ; loin d’apparaître comme plénitude concrète, il représente un simple élément.
L'espace et le temps nous montre les choses, non comme elles sont en elles-mêmes (noumènes), mais seulement telles qu'elles nous apparaissent(phénomènes). Le monde et les objets qui les composent ne sont que représentations.
La vision schopenhauerienne réinterprète le thème kantien de la phénoménalité de l'existence.
Chez Schopenhauer, on constate un glissement du phénomène vers l'apparence. En cela, il rejoint Hume, mais aussi l’hindouisme, qui suggère l'idée que c'est le désir fait surgir le voile de l'apparence - c'est-à-dire l'illusion d'un monde spatio-temporel où les causes et les effets s'enchaînent.
Le chapitre XIX du Monde livre les analyses de l'action de la volonté sur l'intellect.
Pour le philosophe, la vie est une punition qui invite à quelques consolations, parmi lesquelles les arts en général et la musique en particulier.
La musique est pour lui l'art suprême car si tous les arts reproduisent les idées par la production d'une copie, la musique ne représente aucune idée, elle va au delà des idées et c'est « le remède de tous nos maux » (paragraphe 52 du Monde).
Nous pouvons dire peut-être qu'il n'est pas une seule, mais plusieurs philosophies au XIXe siècle, époque où s’entredéchirent catholiques conservateurs et socialistes laïcs, autrement dit la guerre que se mènent l’individu et cette société qui cherche à sortir des méandres de l'idéalisme pour développer une pensée résolument nouvelle.
« Le monde est ma représentation », écrit Schopenhauer dans son livre Le Monde comme volonté et représentation, qui confirme la vision baroque de l'existence que nous propose la Commedia dell'arte.
Schopenhauer reste ainsi le philosophe de la tragédie.
Il tire l'idéalisme vers un individualisme et un objectivisme qui ne s'exprime jamais aussi bien que chez Kierkegaard.
L'idée d'un individu discret chez Schopenhauer, qui appelle la notion de volonté, est plus marquée chez Kierkegaard, penseur de l’existence qui a transformé la civilisation moderne. Les deux doctrines trouveront leur aboutissement dans l'existentialisme de Heidegger, et plus tard celui de Sartre.
Chez Hegel et Marx, l'individu disparaît derrière l'histoire. Chez Durkheim et Comte, derrière la société.
Avec Schopenhauer il n'y a plus que l'histoire privée de chaque homme dans son rapport à soi. L'être de l'homme, c'est « une existence, non une essence ».
Schopenhauer a présenté une idée, « la vie », qui a joué un rôle éminent dans la philosophie.
D'après Emil Bréhie, dans la revue de métaphysique et de morale, Schopenhauer a substitué au lyrisme des romantiques le drame impitoyable que nous révèle l’expérience directe de la vie et de la mort.
Retenons donc que Schopenhauer a incontestablement influencé les philosophes, les écrivains et même les artistes du XIXe et du XXe siècles : Nietzsche, Freud, Bergson, Wagner, Cioran, Maupassant, Eminescu…
« Les hommes sont comme les hérissons : trop rapprochés, ils s’entre-piquent ; trop éloignés, ils ne se tiennent plus assez chaud les uns aux autres ».
« L'essentiel pour le bonheur de la vie, c'est ce que l'on a en soi-même ».
« L'homme ordinaire ne se préoccupe que de passer le temps, l'homme de talent que de l'employer ».
« La femme est un animal à cheveux longs et à idées courtes »…