Bref aperçu sur le stoïcisme.
Le stoïcisme se décompose en deux périodes :
Première période :
1- L’ancien stoïcisme
a) Une doctrine universelle
b) La théorie du destin
- Les choses qui ne dépendent pas de nous
- Les choses qui dépendent de nous
2- Le Moyen stoïcisme
a) Philosophie de la civilisation conçue comme humanisme
b) La civilisation comme produit de l’activité manuelle.
Deuxième période :
1- Le stoïcisme à Rome
a) Cicéron, un philosophe humaniste
b) Le stoïcisme de :
- Épictète
- Sénèque
- Marc-Aurèle
Le stoïcisme est un courant philosophique issu de l’école du Portique, fondée par Zénon, en 301 av. J.-C. à Athènes, et qui va s’étendre jusqu’à 150 de notre ère. Il se divise en huit périodes ou écoles, se poursuit pendant plusieurs siècles, subissant des transformations, puis exerçant diverses influences, allant jusqu'à la période classique en Europe, du XVIIIème siècle avec Descartes jusqu’à nos jours.
Nous connaissons « L’ancien Stoïcisme » de Zénon et de Citions, le « Moyen Stoïcisme » de Panaïtios de Rhodes et Poséidonios, et le « Stoïcisme Impérial ou latin » de Sénèque, Épictète et Marc-Aurèle.
Le stoïcisme a permis de mettre en valeur l'universalité de l'homme.
C’est une philosophie du bonheur dans la liberté.
Le stoïcisme constitue l’une des principales philosophies de la période hellénistique, avec l’épicurisme et le scepticisme.
La philosophie stoïcienne forme un tout cohérent : c’est une philosophie de la totalité qui a les traits caractéristiques de l'éthique des systèmes de pensées antiques.
Le stoïcisme s’appuie sur la distinction entre d’une part les choses qui dépendent de nous et sur lesquelles nous pouvons agir et d’autre part les choses qui ne dépendent pas de nous sur lesquelles nous n’avons aucune influence. Les stoïciens empruntent à Héraclite la loi de l’univers physique et les trois principes : le principe divin pour tenir en harmonie les parties de l’univers ; la logique, qui permet d’éviter l’erreur et le troisième l’éthique et la morale stoïcienne. Ces trois parties forment une totalité organique et de ces principes est née la doctrine stoïcienne. L’éthique occupe la place principale dans le stoïcisme. Et l’éthique commande toutes les autres formes de connaissance philosophique.
Épictète.
Épictète est un philosophe de l’école stoïcienne. Il n'a laissé aucune œuvre écrite. Son disciple Flavius Arrien publia le Manuel où sont collectés les cours que sont maître enseignait.
La vie d’Épictète est peu connue. Né en 50 à Hiérapolis, fils d’esclave, il fut lui-même esclave et vendu à Rome à Epaphrodite . Torturé par son maître il resta boiteux toute sa vie. A la suite de l’expulsion des philosophes hors de la cité, d’après la volonté de l’empereur Domitien, en 89, Épictète se retira à Nicopolis d’Epire où il vécut dans la pauvreté. Affranchi, il se consacra à la philosophie et au stoïcisme en particulier. A Nicopolis il ouvrit une école qui connut un grand succès.
Il enseignait sous la forme de dialogues, selon la méthode chère à Socrate. On ne sait pas comment Épictète est mort, mais ce fut à un âge avancé à Nicopolis entre 125 et 130.
Doctrine.
Épictète met fortement en avant la partie éthique de la philosophie qu’il appelle éthique naturelle.
Il divise l’éthique en :
éthique théorique
éthique pratique
La première étant subordonnée à la seconde. Son enseignement se divise en :
L'apprentissage des règles de vie (éthique pratique)
La justification de ces pratiques est complémentaire et explicative
La base dialectique qui soutient les principes théoriques et constitue la logique.
La question principale dans la philosophie d’Épictète est de savoir comment il faut vivre sa vie.
Il pose d’abord la question de l’existence d’une « nature des choses » dont certaines dépendent de nous et qu'il nomme « aprohairétiques » (c.-à-d. : événements, objets, individus,…), d’autres ne dépendent pas de nous et il les nomme « prohairesis ». L’individu choisit tel ou tel genre de vie. Le jugement « dihairesis » est le critère qui nous permet de respecter la nature de choses. Épictète nous dit qu’il faut accepter ce que les événements et le destin nous apportent, du moment que ces événements ne sont pas de notre ressort.
Pour Épictète il y a trois disciplines par lesquelles l’homme peut acquérir la perfection :
Celle qui concerne les désirs et les aversions, c'est par là qu’arrivent les passions qui amènent les troubles, les agitations, les chagrins…
La seconde discipline concerne les tendances positives et les tendances négatives qui ont pour but d’agir au service de la communauté humaine (développer la vertu de justice ou l’amour des hommes).
La troisième est ce qui se rapporte aux sentiments (aimer la vérité, ne pas se précipiter dans ses jugements.
Ces disciplines définissent la situation de l’homme aux trois rapports :
Rapport avec le cosmos, en lien avec la physique
Rapport de l’homme, avec des autres hommes, qui est en lien avec l'éthique
Rapport de l’homme avec lui-même, en lien avec la logique
Acceptation, ascèse et détachement, sont les trois valeurs fondamentales que dégage l’enseignement d’Epictète attachés aux théories du stoïcisme ancien.
Le Manuel
Son disciple Arrien mis en forme les notes prises lors des leçons de son maître, en huit livres, et intitula l'ensemble « le Manuel ». (il nous en reste seulement quatre).
Cette œuvre est fondée sur la grandeur d’âme, la volonté et le courage. Sa philosophie est avant tout pratique et il a une méthode pour atteindre le bonheur par l’ataraxie, en acceptant le destin inexorable.
Il nous dit : « ne dis pas : je fais de la philosophie, dis : je m’affranchis ».
« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu’ils en ont ».
« Certaines choses sont en notre pouvoir exclusif, tandis que d’autres ne le sont pas ».
« Ne demande pas que les choses arrivent comme tu le désires mais désire-les telles qu’elles arrivent et tu seras heureux ».
C’est Guillaume du Vair, garde de sceaux de Louis XIII qui traduisit pour la première fois en français le Manuel en 1591. Dès le XVIème siècle le Manuel d’Epictète fait une impression vive sur le génie de Pascal. Maurice Croiset dans son livre intitulé « La civilisation hellénique » écrit : « c’est un maître de force morale et de bonheur, mais un maître exigent, impérieux dans sa bienveillance. »
Sénèque
Sénèque est né dans une famille de haute lignée à Cordoue en Espagne vers l’an 4 av. J.C. Il était un homme politique romain, mais aussi dramaturge, poète et philosophe. Il était encore jeune quand sa famille arriva à Rome. Après ses études, Sénèque devint conseiller à la cour impériale sous Caligula.
Il reçut une solide formation rhétorique et philosophique. Il occupe une grande place dans l’évolution du stoïcisme. Sénèque fut le précepteur de Néron et c’est lui qui composa le plus bel éloge funèbre prononcé par Néron à la mort de Claude.
Sénèque est un stoïcien qui concilie la vie et la doctrine : se tenir en éveil et éveiller autrui, tel est le but de tout écrit de morale.
On classe Sénèque et Épictète dans le groupe des « Moralistes de L’Antiquité ». La vie politique de Sénèque fut très mouvementée car il traversa le règne des cinq premiers Césars.
En 62 la puissance de Sénèque déclina et il se retira de la vie politique. Mais en 65 Néron le condamne à mort. Et Sénèque s’ouvre les veines attendant que tout le sang coule, à l'âge de 61 ans.
Sénèque a une doctrine du bon savoir vivre.
Le but que tout homme doit se proposer est de s’approcher de plus en plus de cet idéal. Si on n’arrive pas être le sage, on peut être le sage en marche pour arriver à la perfection. Selon Sénèque, la sagesse est le bien de l’esprit humain, parvenu à sa perfection, alors que la philosophie est l’amour de la sagesse : « la philosophie tend là où l’autre est parvenue ». Fidèle à la doctrine stoïcienne il place au premier rang les passions fondamentales : la peine, la crainte, le désir et le plaisir. Ce sont des « mouvements irrationnels de l’âme ». Les trois dernières correspondent : la joie au plaisir, la défiance à la crainte et l’aspiration au désir. La passion est une émotion irrationnelle, un jugement qui nous dépossède de notre maîtrise. Sénèque ne s’attache à aucun bien matériel. La pauvreté c’est le manque des choses superflues, car il faut peu de choses pour vivre. Les premiers biens sont la santé, le bien-être et tout ce qui peut nous être utile dans la vie. La morale de stoïciens c’est de vivre par des choix conformes à la raison universelle, vivre en suivant la nature.
Pour les stoïciens, vertu et bien sont identiques. Le vide selon les stoïciens, est ce qui peut être occupé par un existant mais n’est pas occupé. Le fatalisme est une notion fondamentale du stoïcisme. Paul Albert (1827-1880) analyse la philosophie de Sénèque dans «Histoire de la littérature romaine » il nous dit « Sénèque est le représentant le plus complet de la doctrine stoïcienne, bien qu’il était un Romain », et que « son œuvre n’a pas l’unité d’un système ».
La mort pour Sénèque est une nécessité de la nature.
La religion du philosophe : son Dieu est l’homme, celui qu’il appelle le sage et ne diffère de Dieu que par la durée. Dieu est placé hors de l’attente des maux, au-dessus d’eux.
L’unité du système stoïcien implique à la fois la physique, l’éthique et la logique.
Pour Sénèque, l’éthique « forme le cœur de la philosophie ».
L’éthique stoïcienne est en accord avec la physique. Nous connaissons plusieurs divisions de l’éthique stoïcienne. Sénèque nous apprend une tripartition : en premier la valeur attribuée à chaque chose, en second l’impulsion ordonnée et mesurée vers les choses, en troisième la réalisation d’une convenance entre l’impulsion et l’acte de façon à être en accord avec soi-même.
Sénèque nous présente sa doctrine d’harmonie sociale dans le traité « Des bienfaits » où il analyse des nouvelles relations interpersonnelles fondées sur la reconnaissance et le juste échange de « services ».
Œuvre
A l'époque où vécut Sénèque, nul n’était sûr du lendemain ; le caprice de César, un danger incertain menaçait tout homme. Le stoïcisme romain : sous les Empereurs, les cieux sont vides, les dieux sont partis, l’homme de cœur se fera Dieu. Sénèque occupe une place importante dans l’évolution du stoïcisme, notamment car son influence dans la construction de l’idéologie impériale permit à l'empire romain de durer.
A la fin de sa vie (vers 63 ou 64) Sénèque écrivit sa plus belle œuvre : les 124 lettres à l’attention de son ami Lucilius le Jeune, gouverneur romain de Sicile (il nous manque aujourd’hui les 15 dernières lettres).
« Lettres à Lucilius » est une correspondance entre un philosophe accompli et un néophyte intéressé par le stoïcisme.
Les trente premières lettres sont inspirées des lettres d’Epicure.
Dans les lettres il reprend et approfondit le contenu de ses œuvres antérieures, précise ou nuance les idées qui jalonnèrent sa pensée. D’autre part, Sénèque cherche à encourager les premiers pas de son ami vers le stoïcisme. Il affirme la profondeur stoïcienne et invite Lucilius à revenir à lui-même par un mouvement d’intériorisation de la liberté individuelle. Dans tous les cas, la solution est intérieure à chacun.
En plus de l’enseignement du stoïcisme, les lettres fournissent des indications sur le mode de vie des Romains de l’époque (1èr s.), la vie quotidienne et les préoccupations métaphysiques.
Chaque lettre crée un système de rationalité critique et autocritique dans lequel elle fait entrer son lecteur. La lettre 24 propose un modèle d’entraînement afin de supporter les malheurs à venir.
Ceux qui lisent Sénèque ont un grand plaisir, comme disait Montaigne : « le bonheur quasi voluptueux qu’il prend à lire Sénèque ».
Marc-Aurèle
Il est né à Rome le 26 avril 121 sous le nom de Marcus Annius Verus. Son grand-père, son oncle, sa tante et son père furent des grands dignitaires (consul, préfet, etc.). Il fut élevé à Rome et très tôt initié à la philosophie. Ses maîtres furent Apollonius de Chalcédoine et Sextius de Chéronée.
Il épousa Annia Faustina qui lui donna 14 enfants.
Après la mort d’Antonin il devient Empereur sous le nom de Marc-Aurèle le 8 mars 161.
Malgré son dégoût de la violence, il doit sans cesse défendre l’Empire contre les barbares.
Son règne fut marqué par des guerres sur tous les fronts. Il régna avec une grande rigueur morale. Très tôt intéressé par la philosophie, il découvrit les idées d’Épictète et devint l’élève de Frontin, le célèbre orateur romain. Hérodien affirme dans « Histoire romaine » que de tous les princes qui ont pris la qualité de philosophe, lui seul l’a méritée ». Ses maîtres sont les représentants du Portique ; Epictète, Sextus de Chéronée, Sénèque. Stoïcien, il a fait de sa vie une philosophie pratique.
La philosophie de Marc-Aurèle n’est pas un système, elle demeure cependant fondamentale pour toute construction éthique. Hippolyte Taine nous dit que « Marc-Aurèle est l’âme la plus noble qui ait vécue ».
Doctrine
Marc-Aurèle s’inscrit dans un stoïcisme abouti. Il garde une justesse éthique au sein de sa vie.
Les fondements de sa philosophie sont les valeurs de l’être humain : prudence, justice, courage et tempérance.
La philosophie de Marc-Aurèle insiste sur l’idée que la vision du Tout, de ses éternelles transformations, élève notre âme, elle va au-delà de cette conception d’équilibre et place l’individu dans un rapport complexe avec l’ensemble de l’Univers.
Il s’oblige à la multiplicité des relations entre un homme et la totalité de l’existence (toute la vie).
Toutes les choses font partie d’un Tout qu’il nomme l’Un, Dieu, Nature, Substance, Loi, Raison.
Nous les hommes, nous sommes des parties de ce Tout. Nous devons vivre selon la Nature, en suivant la Loi de la Nature. Celle-ci procède de la providence, donc tout ce qui arrive est nécessaire et utile au monde Universel, dont nous faisons tous partie.
Le but de l’homme est d’être utile au bien commun, car tous les hommes sont liés à la Nature.
L’homme qui suit la raison en tout est « tranquille et décidé, radieux et en même temps consistant ».
Marc-Aurèle était un lointain précurseur de la philosophie des Lumières (voir Kant). L’originalité et la modernité de la pensée de Marc-Aurèle réside dans la distinction radicale et déjà « cartésienne » de l’intelligence humaine non seulement avec le corps mais avec l’âme d’essence matérielle.
A partir de cette conception physique, le philosophe parle de ses considérations éthiques qui sont : « principe de fonctions vitales, maîtrise des passions et marque de l’esprit du temps ».
Marc-Aurèle est un penseur de la liaison d’une relativité de liens, s’inscrivant dans l’absolu d’une unification donnant sens à nos actions. Marc-Aurèle est un humaniste, témoin de son temps et de la marche de la civilisation romaine.
Œuvre
Son unique ouvrage « Pensées pour moi-même » écrit en 12 livres, souvent sous forme de maximes, est inspiré par la même doctrine et la même foi que les Entretiens d’Épictète.
Il note ses pensées pour se juger et s’améliorer. Juge sans indulgence, à qui rien n’échappe puisqu’il est en même temps l’accusé et l’accusateur. Dans les 12 livres il y a la reconnaissance de l’harmonie de ce souffle chaud qui traverse notre être pour le mener vers le mouvement de la vie et de son équilibre. Aucun livre n’a jamais mieux découvert l’homme, cet homme qui est le meilleur et le plus digne d’être admiré et aimé.
Des analyses psychologiques qu'il tenait de sa propre observation, ressort une image vraie du cœur humain. Son œuvre rayonne de richesse intérieure, des décisions et de la conduite pratique d’une vie consacrée toute entière au bien des hommes et au salut de l’Empire.
L’originalité de son œuvre témoigne d’une attention à l’urgence de « vivre pour le bien ».
« Le but de l’homme est de vivre dignement le présent (...) d’être utile au bien commun car tous les hommes sont liés à la Nature. »
Ses maximes : « la meilleure manière de se venger, c’est ne pas se rendre semblable à ceux qui t’ont fait mal ».
« L’homme peut apporter en termes d’équilibre autant pour lui-même que pour le Monde ».