La dialectique naît avec la démocratie athénienne du Ve siècle avant J.-C. Elle a des origines grecques, mais également des traces latines grâce au travail de Varron, qui fut le premier à traduire ces enseignements dans la langue des Romains.
La dialectique existait déjà avant qu'on ne lui donne ce nom.
L'art de Zénon d’Élée est défini comme « art de l'antilogie », c'est-à-dire l’art de produire des contradictions.
Les sophistes, qui évoquent la dialectique, sont Protagoras et Gorgias.
Protagoras est célèbre dans l'Antiquité pour avoir été le premier à affirmer que sur tout sujet, il est possible de soutenir des opinions opposées. L’une de ses œuvres s'intitule Antilogies, c'est-à-dire « discours opposés » (œuvre perdue).
Gorgias fut surtout maître de rhétorique et d'éristique (l’art de la controverse).
Un autre père fondateur de la dialectique est Socrate. Avec lui se produit un changement décisif dans la configuration de la dialectique, qui dépend de l’attitude que l’on a par rapport aux opinions, du fait que ces dernières se révèlent toutes également réfutables ou soutenables. La dialectique socratique est débarrassée de toute interférence avec la rhétorique.
Platon la développera dans le sens du savoir épistémique.
S'éloignant de Platon, Aristote réduit l'activité dialectique au domaine des opinions, revenant en ce sens à la conception de Protagoras.
La logique est considérée par Aristote comme un instrument qui permet de faire progresser les sciences. Aristote définit le syllogisme comme raisonnement médiat, fondé sur les rapports d'implication des termes.
Aristote consacre à l'étude de la dialectique trois œuvres : L'Organon, Topiques, et Réfutations sophistiques.
Les Topiques sont sortis en huit livres et les Réfutations Sophistiques, dans certains manuscrits, apparaissent comme le neuvième livre de Topiques.
Aristote, dans les Topiques, a entrepris de définir la dialectique très méthodiquement et très systématiquement, ce qu’admire Schopenhauer. Mais d'après lui, Aristote ne définit pas aussi strictement la finalité de la dialectique.
L'Organon est un ensemble de traités de logique et d'argumentation. L'objectif est l’entraînement intellectuel, le contrat avec autrui, l'acquisition de connaissances de caractère philosophique, et aussi l’accession aux principes premiers de chaque science.
Toute controverse se rapporte à un problème. Ces rapports se déclinent en quatre classes. C'est à l'un de ces rapports que doit être ramené le problème dans toute controverse.
Dans les six premiers livres, Aristote établit tous les rapports (ou règles) que, de ces quatre points de vue, des concepts peuvent entretenir entre eux.
La construction de chacune de ces règles ou de chacun de ces rapports généraux entre les concepts de classe est appelée, topos, locus. Aristote indique 382 de ces topoi - d'où le titre de Topiques.
Ces topoi servent à édifier et à renverser une proposition.
Il est également intéressant de signaler les autres conceptions de la dialectique dans l'Antiquité, par exemple celle de l’école mégarique, au sein de laquelle plusieurs auteurs ont particulièrement développé l'éristique et la doctrine des sophistes.
Celle des Stoïciens identifie la dialectique avec la logique tout entière.
Les Topiques de Cicéron, d'après Schopenhauer, sont une imitation - d’une platitude et d'une pauvreté extrême - de l’œuvre d'Aristote.
Kant est le philosophe de l'époque moderne qui reprend philosophiquement le problème de la dialectique, à laquelle il donne un agencement décisif.
Dans la Critique de la raison pure, il implique dans son architecture une articulation en esthétique et logique, et la logique est à son tour divisée en deux – qualifiée d’analytique et de dialectique.
Kant considère Aristote comme point de référence pour son traité.
Dès lors, la logique générale, en tant que l'organon présumé, s'appelle dialectique.
Kant appelle dialectique la prétention illusoire à produire la connaissance par le seul moyen de l'activité de la raison : « la logique générale, considérée en tant que l'organon », est toujours, selon lui, une logique de l’illusion, c'est-à-dire qu'elle est toujours dialectique.
La dialectique signifie en général « habilité dans la discussion », c'est-à-dire précisément ce qu'en dit Schopenhauer.
La dialectique éristique est l'art de la controverse, menée de telle manière qu'on ait toujours raison. Car on peut avoir objectivement raison, quant à l'objet même du débat, tout en restant dans son tort aux yeux des assistants, et même parfois de soi-même (Schopenhauer).
La dialectique scientifique a pour tâche de mettre à jour et d’analyser ces stratagèmes de la déloyauté dans la controverse, afin qu'on puisse les démasquer et les enlever dans les débats réels.
Quand on parle de dialectique en philosophie, on pense à la conception de Hegel et à sa filiation dans le marxisme. Mais Hegel soutient sur la dialectique un point de vue diamétralement opposé à Schopenhauer. Pour Hegel, la dialectique est la forme même du déploiement et du développement de l'esprit, selon un trajet qui s’élève jusqu'à l'Absolu, et précisément sans la forme de ce savoir qui s'auto-comprend comme l'explication de la totalité même.
Schopenhauer rédige et publie à Berlin, en 1864, L'Art d'avoir toujours raison, où il explique comment terrasser son adversaire et avoir raison à tout prix. Plus tard, les idées exposées dans ce livre sont reprises dans Parerga et Paralipomena.
Dans ce court traité, L'Art d'avoir toujours raison, Schopenhauer distingue la dialectique de la sophistique et de l'éristique : la différence consistant selon lui, en ce que les syllogismes dialectiques sont vrais d'après leur forme et leur contenu. Cela le distingue d'Aristote.
Pour Schopenhauer, il y a deux éléments à mettre en évidence :
D'une part, le fait que la dialectique soit la source même du savoir scientifique et qu'elle soit fondamentalement assimilée à la logique entendue comme l'ensemble des règles permettant un raisonnement et une argumentation corrects, afin de discerner le vrai du faux.
D’autre part, le fait que la dialectique, justement, compte tenu de sa nature même (la source du savoir), est rigoureusement séparée de la sophistique et de l'éristique, qui n'ont que l'apparence du savoir.
Le traité de Schopenhauer, L'Art d'avoir toujours raison, est composé de trente-huit stratagèmes qui montrent comment avoir raison dans toute controverse. Pour analyser tous ces stratagèmes, le philosophe se fonde sur les Topiques d'Aristote, mais avec sa propre dialectique.
Schopenhauer nous explique le fondement de sa dialectique en précisant que, pour toute controverse, il y a deux modes et deux méthodes.
Les modes :
la proposition ne concorde pas avec la nature des choses, la vérité objective, qui est absolue.
elle ne s'accorde pas avec d'autres affirmations, c'est-à-dire avec la vérité subjective, qui est relative.
Les méthodes :
la réfutation directe qui attaque la thèse dans ses fondements, d'où découlent deux choses :
on démontre que les fondements de son affirmation sont faux.
on admet les fondements, mais on démontre que l'affirmation ne s'ensuit pas.
la réfutation indirecte nous donne :
L’apagôgé : on admet la vérité de sa proposition et on démontre ce qui résulte lorsque, en la combinant avec une autre proposition, admise comme vraie, nous l’utilisons comme prémisse d'une conclusion, et qu'il en résulte une conclusion dont la fausseté est éclatante, soit qu'elle contredise la nature des choses, soit qu'elle s'oppose aux autres affirmations de l'adversaire.
L'instance : démonstration directe est faite de cas particuliers compris dans le domaine de son affirmation, et auxquels toutefois elle ne s'applique pas, de sorte qu'elle-même ne peut qu'être fausse.
Schopenhauer fait bien une démonstration, mais sans se préoccuper du fait que l'on a, ou que l'on n'a pas, objectivement raison.
Dans la démonstration, il est également impossible de distinguer le vrai de l'apparent. Du reste, on ne saurait discuter avec quelqu'un qui conteste les principes de ce que l’on affirme.
Schopenhauer considère l'Art d'avoir raison, comme la « théorie de la démarche de l'arrogance humaine naturelle ».
Schopenhauer ne rattache pas la dialectique à une philosophie, mais à la condition même de l'homme en tant qu'animal doué de parole.