Empédocle est un philosophe, poète, ingénieur et médecin grec.
Il naquit à Agrigente en Sicile vers 490 avant. J.-C. et la légende le fait disparaître dans le cratère de l’Etna vers 430 avant. J.-C., mais ces dates sont incertaines. Son père se nommait Métron et son grand-père Empédocle avait remporté une victoire aux courses de chevaux d’Olympie dans l’Olympiade de 496 avant J.-C.
Strabon relate la fascination d’Empédocle pour l’Etna, ainsi que la légende de sa mort : englouti par le volcan, seule sa sandale aurait été retrouvée non loin du cratère.
La vie d’Empédocle est mal connue, il reste difficile d'isoler la vérité historique de toutes les légendes qui se rapportent à son existence. Les détails de la vie d’Empédocle sont discutés, avec une critique soignée des sources, par Bidez, dans « La biographie d’Empédocle » parue en 1894.
Il fut un jeune contemporain de Parménide, bien que sa doctrine présente plus d’affinités avec celle d’Héraclite. Dans sa jeunesse, il est possible qu’il fût rattaché à l’orphisme qui parait avoir été en pleine vogue à Agrigente à l’époque de Théron. D'après Bertrand Russell, Empédocle serait devenu philosophe plus tard. Timée relate beaucoup d'épisodes biographiques concernant Empédocle, mais là encore il est quasiment impossible de distinguer la vérité de la légende.
Empédocle reçut l’influence de Pythagore.
Mêlé aux affaires publiques, il fut un grand leader démocratique d’Agrigente, mais il finit par être banni et dût s'exiler de sa ville. Il termina sa vie dans le Péloponnèse, où il devint prophète itinérant (d’après Burnet). Empédocle fut le fondateur de l’école italienne de médecine qui eut une grande influence sur Platon et Aristote. L’école marqua de son empreinte toute la pensée scientifique et philosophique de la Grèce.
Comme Parménide, Empédocle écrivait en vers, dont il ne nous reste seulement des fragments (quatre cents d’après Diels). Il faut ajouter un papyrus fragmentaire découvert à Strasbourg en 1999.
La source principale des fragments conservés d’Empédocle est l’œuvre d’Aristote. Herman Diels a recensé tous les fragments existants. Outre les deux poèmes, les savants alexandrins possédaient une œuvre en prose sur la médecine de six-cents lignes, qu'ils attribuaient à Empédocle, mais qui a disparu avec la bibliothèque d’Alexandrie.
Empédocle expose sa philosophie dans deux poèmes : « De la nature » et « Purifications » (« Les cathares » en grec). Dès le début de son poème, Empédocle prend soin de marquer la différence entre les investigateurs qui l’ont précédé et lui-même. Il semble que « De la nature » ait été un ouvrage de physique, qui recherchait la structure de la réalité et le second poème un traité d’éthique, exposant les conditions de la vie bonne.
La pensée d’Empédocle est issue de plusieurs courants philosophiques : pythagorisme, héracliteisme ainsi que des cultes mystiques, celui de Dionysos en particulier.
La doctrine fondamentale d’Empédocle repose sur l’identification des quatre éléments. Empédocle songe à un paradis bienheureux où règne l’Amitié.
Il nous dit : « ce qui se passe en ce monde résulte de la lutte d’Éros et Polémos, de l’Amour et de la Haine » (voir L. Jerphagnon). Empédocle pose donc ces deux principes (l'Amitié et la Haine) comme régissant cycliquement l’Univers. Pour lui, l’Amitié est une force d’unification et de cohésion qui fait tendre vers l’unité, vers l’Un quand il s’agit du Cosmos.
La Haine est une force de division et de destruction qui fait tendre les choses vers le multiple (voir J. Brun dans « Les Présocratiques ») ».
A partir de ces deux principes, Empédocle rend compte de la formation de quatre éléments qui composent toutes choses dans l’univers : l’eau, l’air, le feu, et la terre d’où procèdent les vivants. Il donnait aussi aux « quatre racines » les noms de certaines divinités : Zeus qui brille, Héra qui donne la vie, Aidoneus et Nestis (voir le fragment 6). Nestis était, disait-on, une divinité aquatique de la Sicile qui représentait l’eau.
Pour Empédocle l’air était « le souffle », car il avait fait la grande découverte que l’air atmosphérique était une substance corporelle. Il soutenait aussi que nous respirons par tous les pores du corps et que l’acte de respirer est en relation directe avec le mouvement du sang. La doctrine d’Empédocle considérait le cœur (et non le cerveau) comme l’organe où siège la conscience.
Empédocle prend comme binaire les contrastes : chaud/froid, humide/sec, bon/mauvais, etc.
D’après Jean-François Mattei, Empédocle va plus loin dans sa démonstration et nous dit : « Lorsque la force centrifuge de la Haine (neikos) viole l’intégrité de la sphère cosmique, elle engendre par réaction une nouvelle organisation de retour vers soi, que l’on pourrait qualifier de centripète.
L’Amour (philia) revient au centre de la sphère et déploie une sorte de tourbillon cosmique ».
Les deux principes provoquent ainsi un jeu permanent d’opposition polaire, qui n’est pas encore philosophiquement dialectique comme plus tard chez Platon et Aristote, mais physiquement créateur d’énergie, puisqu’il est à l’origine des quatre éléments.
La doctrine d’Empédocle s’étend sur des domaines aussi variés que l’univers, la religion, la nature et la médecine.
Empédocle, comme les autres philosophes avant lui, essaie de comprendre la formation de l’Univers.
Pour lui, la vie naît sous la forme de particules vivantes qui s’assemblent au hasard de différentes façons jusqu’à constituer des organismes viables, lesquels se distingueront par leur sexe.
Empédocle savait que la lune brillait en réfléchissant la lumière et croyait qu’il en était de même pour le soleil. Frg. 48 : « c’est la Terre qui fait la nuit en passant devant la lumière ». Il disait que la lumière mettait un certain temps pour voyager, et que nous ne pouvions l’observer. Empédocle proposa le premier une explication correcte des éclipses de soleil.
Il reprit la sphère de Parménide et lui ajouta une dimension ontologique, ignorant la multiplicité et la lutte.
Il pensait que la terre restait statique par l’effet d’un tourbillon qui l’aurait entourée. Fragment 56 : « le sel fut solidifié par le choc des rayons du soleil ».
Empédocle croyait en la transmigration des âmes et concevait le cycle des existences comme une expiation. Dans le fragment 117 on peut lire « …car j’ai été autrefois un garçon et une fille, un buisson et un oiseau, et un poisson muet dans la mer ». On note dans ce fragment son approche de l’hindouisme. Empédocle était un apôtre de la nouvelle religion qui cherchait à délivrer de la « roue des naissances » par la pureté de l’abstinence, mais nous ne savons pas avec certitude à quelle forme de cette religion il se rattachait.
Au sujet de dieux Nietzsche écrit : « Ce peuple était donc encore suffisamment sain, suffisamment grec, pour choisir la vie en conservant ses dieux.
Les commentateurs antiques précisent qu’il prônait le végétarisme comme les pythagoriciens, car la nature elle-même est dotée d'une âme. Ainsi, Fragment 102 : « toutes choses ont leur part de souffle et d’odeur ».
Empédocle parlant de ceux qui avaient acquis la « divine sagesse » sans opinion confuse sur les dieux, leur conseillait : « jeûnez de la méchanceté » (fragment 144).
Toujours selon la légende, Empédocle aurait accompli certains miracles, parfois par magie, parfois grâce à ses connaissances scientifiques et médicales (d’après Gorgias qui fut son disciple en physique et médecine). Galien faisait de lui le fondateur de l’école de médecine (d’après J. Burnet).
Les fragments qui nous sont parvenus ont été compilés par Hermann Diels. En voici quelques-uns authentifiés par John Burnet :
Frg. 11 et 12 : « Fous – car ils n’ont pas de pensées étendues – qui s’imaginent que ce qui n’était pas auparavant vient à l’existence, ou que quelque chose peut périr et être entièrement détruit. Car il ne se peut pas que rien puisse naître de ce qui n’existe en aucune manière, et il est impossible et inouï que ce qui est doive périr ; car il sera toujours, en quelque lieu qu’on le place ».
Frg. 14 : « dans le Tout, il n’y a rien de vide. D’où, par conséquent, pourrait venir quelque chose qui l’augmentât ? ».
Frg. 17 : « je vais annoncer un double discours. A un moment donné, l’Un se forma du multiple, en un autre moment, il se divisa et de l’Un sortit le multiple. Il y a une double naissance des choses périssables, et une double destruction. La réunion de toutes choses amène une génération à l’existence et la détruit ; l’autre croît et se dissipe quand les choses se séparent. Et ces choses ne cessent de changer continuellement de place… Mais, pour autant qu’elles ne cessent jamais d’échanger leurs places, dans cette mesure, elles sont toujours immobiles quand elles parcourent le cycle de l’existence… ».
Frg. 110 : « Ces Choses te seront là prochaines, prêtes à t’assister, pourvu que tu rends des soins…
Mais le texte ne dit pas qui, ou ce que sont ces Choses.
Frg. 129 : « Quand il se remuait en esprit, il réussissait facilement à contempler tous les êtres, pour trente générations d’hommes… Là les spécialistes posent la question : trente générations d’hommes ou trente vies humaines ?
Diogène Laërce fait d’Empédocle un membre de l’école pythagoricienne.
Hegel lui reconnaît un grand intérêt.
Hölderlin le voit comme un héros romantique hanté.
Nietzsche voit en lui un homme agonal suite à sa façon de s’habiller avec des vêtements de pourpre et des souliers de bronze (d’après Favorinus d’Arles).
Empédocle est classé par Nietzsche, avec Anaximandre et Pythagore, parmi ceux qui ont conservé le caractère religieux. Empédocle selon Nietzsche, a rêvé une paix panhellénique.
De tous les présocratiques, Empédocle aurait été celui qui prenait le plus facilement stature de réformateur et statut de chef de peuple.
Freud voit dans le combat de l’Amour et de la Haine la préfiguration de ses théories sur la lutte d’Eros et de Thanatos, en nous, des instincts de mort et de vie (voir dans « Abrégé de psychanalyse »).
D’après Étienne Gros, Empédocle fut le premier à savoir rassembler des observations sur ce qui allait devenir la rhétorique.
Romain Roland affirmait qu’Empédocle « représentait pour son temps l’homme universel ».
Nous constatons que, depuis l’époque de Parménide jusqu'à celle de Platon tous les penseurs ont fait un progrès, abandonnant peu à peu l’hypothèse moniste.
La philosophie d’Empédocle est plus scientifique que celle de Parménide, de Platon et d’Aristote.
Il était sensible à la puissance de la nature et des « êtres avec un souffle », incapable de faire du mal (Fragment 136). La philosophie d'Empédocle ne semble pas avoir eu de successeurs précis.
Empédocle : «Il faut illuminer ce qui est obscur par ce qui est clair ; rien ne naît de rien » (voir Jean Voilquin).