2003 – 2004
Impact des facteurs biotiques et abiotiques sur mobilisation des métaux présents dans les sédiments de dragage.
Depuis mes études en DEA, mes activités de recherche s’inscrivent dans la compréhension des imbrications des cycles biogéochimiques dans l’environnement et leur impact sur la mobilité des éléments. Ces études se focalisent sur les interactions entre les éléments majeurs et traces, les phases minérales et organiques et les microorganismes présents dans les eaux, les sédiments, les sols et les solutions des sols.
Aussi mes travaux de DEA se sont intéressés au rôle des microorganismes autochtones dans la biodégradation de la matière organique et la mobilisation de métaux lourds contenus dans un sédiment dragué et stocké dans une gravière dans le site du Rouillard. Pour ce faire, des cinétiques de solubilisation ont été menées dans des réacteurs en conditions anaérobies simulant celle rencontrés in situ. A différents temps, les activités minéralisatrices du carbone (dégagement du CO2) et solubilisatrices des métaux ont été suivies. Les résultats obtenus suggéraient que dans des conditions anaérobies telles que celles existant dans les sédiments de dragage, une activité microbienne peut se mettre en place affectant la mobilité des métaux avec des risques de pollution des sols, des solutions du sol et de transfert vers la chaîne alimentaire.
2005 - 2008
Sujet de Thèse : Biogéochimie du fer et des éléments associés : exemple de l’arsenic V
Mes travaux de thèse, portant sur la biogéochimie du fer et des contaminants associés, se sont subdivisés en deux grands volets : (i) la bio-oxydation et (ii) la bio-réduction. L’approche utilisée dans ce travail est pluridisciplinaire, couplant géomicrobiologie, chimie et minéralogie. Cette étude s’est déroulée en couplant de l’observation et l’expérimentation in situ (terrain) et ex situ (laboratoire). Ce travail a permis d’apporter de nouveaux éclairages sur les relations existant entre l’activité des micro-organismes, la stabilité et la réactivité des oxyhydroxydes de fer et la mobilité de l’arsenic dans les sols et les eaux.
Dans ce volet, on a étudié l’impact de la présence bactérienne sur la biominéralisation et l’oxydation du fer (II), en réalisant des cinétiques d’oxydation du fer dans des conditions contrôlées de pH, de température, de concentration en oxygène et de conductivité, en présence et en absence de bactéries. Différents niveaux de saturation de la surface des bactéries en fer ont été testés.
Les bactéries retardent l’oxydation du Fe(II) plutôt que de la catalyser
Dans le cadre de cette étude, les cinétiques d’oxydation abiotique du fer à un pH neutre, sont très rapides. Cette oxydation est cependant inhibée en présence de bactéries soit, par adsorption des ions sur les sites de la surface membranaire, soit, par complexation des ions Fe2+ aux molécules libérées par ces mêmes bactéries (polymères de surface ou produits de lyse des cellules). Les oxydations abiotiques sont caractérisées par un ‘overshoot’ important qui est dû à l’effet auto-catalytique (c.à.d. l’oxydation des ions Fe2+ par les oxydes de Fe (III)), et qui se manifeste très peu de temps après le début de la réaction d’oxydation. (Fig. 1)
Figure 1 Cinétiques de synthèse des oxydes de fer en présence de différentes concentrations Cb des bactéries Cb=0 (cercles), 0.135 g.L-1 (croix), 0.350 g.L-1 (triangles) et 1.3 g. L-1 (carrés)
Les ‘overshoots’ sont maximums dans les systèmes abiotiques alors qu’ils diminuent avec l’augmentation de la concentration en cellules bactériennes dans les systèmes biotiques. La présence de bactéries diminue ‘l’overshoot’ et augmente aussi la durée de mise en équilibre du système, c.à.d. le temps nécessaire pour que les ions Fe2+ complexés à la surface des bactéries ou sur les polymères qu’elles sécrètent, s’oxydent en Fe3+. Dans le cas où les concentrations en cellules bactériennes sont élevées (c.à.d. nombre de sites de surface > nombre d’ion Fe2+), tous les atomes de fer présents (Fe2+, Fe3+ et oligomères de Fe(III)) sont adsorbés à la surface des bactéries ou complexés avec les molécules libérés par ces bactéries.
Les bactéries peuvent inhiber la cristallisation des oxydes de fer
Les surfaces de bactéries, en favorisant l’adsorption des ions ferreux, retardent leur oxydation et leur précipitation. De plus, les oxydes formés sont moins cristallisés. Ces effets augmentent avec le rapport (bactéries/fer). Les cinétiques d’oxydation abiotique dans cette étude ont conduit à la formation de lépidocrocite. L’application de conditions expérimentales analogues sur les systèmes biotiques a conduit à la formation de lépidocrocite de moins en moins cristallisée en fonction de l’augmentation de la concentration en cellules bactériennes. Pour des concentrations très élevées en cellules bactériennes, les observations microscopiques et les analyses DRX ont montré qu’il n’y avait pas de formation d’oxydes de fer (Fig. 2). Les atomes de fer se sont complexés sur les surfaces ou avec les molécules libérées par ces bactéries sous forme de Fe(II) ou Fe(III) monomériques ou Fe(III) polymériques.
Figure 2. Photographie au microscope électronique à balayage (MEB) pour des : oxydes de fer abiotiques (a) ; des oxydes de fer préparés en présences de différentes concentrations de B. subtilis 0.135g.L-1 (b), 0.35 g.L-1 (c) et 1.3 g.L-1 (d).
Les bactéries ralentissent l’oxydation du Fe(II)
L’oxydation des ions Fe2+ est un phénomène bien plus lent en conditions biotiques qu’en conditions abiotiques dans des conditions physico-chimiques équivalentes. De plus l’oxydation est plus rapide à pH 7,5 qu’à pH 6,5 alors que la plupart des ions sont adsorbés à la surface des cellules. Ceci suggère que (a) soit, l’oxydation a lieu rapidement dans la solution après désorption des ions de la membrane bactérienne (b) soit, les ions ferreux s’oxydent malgré leur adsorption à la surface des bactéries, ceci indique que leur oxydation dans la configuration d’ion adsorbé est dépendante du pH.
Implications pour le cycle du fer
Le cycle du fer dépend essentiellement des réactions redox, et des activités microbiennes. Le fait que les bactéries puissent diminuer, voire inhiber la cristallisation des oxydes de fer, rend à la fois le fer plus mobile dans l’environnement, mais augmente aussi les surfaces spécifiques des oxydes de fer biogéniques et par conséquent favorise l’adsorption des éléments traces métalliques. Les oxydes de fer biogéniques sont donc des pièges mais aussi des sources potentielles des polluants métalliques. Par exemple l’arsenic possède une grande affinité pour les oxydes de fer amorphes et peut s’immobiliser à leurs surfaces. Cette technique est utilisée comme méthode de dépollution des eaux contaminées en arsenic (par exemple, ouest de Bengale en Asie).
Dans cette partie, nous avons étudié in-situ et ex-situ l’impact de la dissolution des oxyhydroxydes de fer et/ou de leurs changements minéralogiques sur la mobilisation des éléments en trace qui leur sont associés. Pour cela, des plaquettes acryliques inertes ont été recouvertes d’oxydes de fer (ferrihydrite et lépidocrocite dopés ou non en As(V)) puis insérées directement dans les différents horizons d’un sol hydromorphe de zone humide (zone humide du bassin versant expérimental de Kervidy-Naizin, Bretagne, France) et dans une colonne de sol anaérobie (un échantillon de sol est placé à l’intérieur d’une colonne en polypropylène, entre deux plaques de téflon perforées maintenant un tissu nylon. A travers ce volume de sol circule en flux inverse, grâce à une pompe péristaltique, un volume connu de solution nutritive anaérobie. Cette solution est recueillie dans un flacon après avoir circulé à travers le sol. Elle est à nouveau pompée et entame un second cycle de circulation et ainsi de suite. Afin de créer et maintenir l’anaérobie, les colonnes sont placées dans une chambre anaérobie. Après un temps donné de contact, les plaquettes on été analysées quantitativement et qualitativement afin (a) de mesurer la cinétique de dissolution réductrice des oxyhydroxydes de fer, (b) d’identifier les phases secondaires néoformées et (c) d’évaluer l’impact de la dissolution et de la reprécipitation des phases secondaires sur la mobilité de l’arsenic initialement associé aux oxyhydroxydes de fer.
Nouvelle méthode in situ de suivi des oxydes de fer
La technique des plaquettes acryliques recouvertes d’oxyhydroxydes de fer (Fig. 3 a et b) a montré son fort potentiel concernant l’étude qualitative et quantitative de la dissolution réductrice des oxyhydroxydes de fer et de son impact sur la mobilité des éléments traces associés. Elle a ainsi permis de : (a) déterminer des taux de dissolution dans le milieu naturel des oxyhydroxydes de fer et de l’arsenic associé, (b) d’identifier la nature des principales phases secondaires formées dans un sol naturel réduit. Elle offre aussi la possibilité de mettre directement en contact des oxydes de fer, un horizon de sol et sa solution, sans perte de matériel et sans avoir la difficulté, ensuite, de séparer les oxydes de fer du reste de la matrice. De plus, les supports polymères permettent l’installation d'oxydes selon une distribution verticale et horizontale à différentes profondeurs au sein d'un même horizon. Il devient alors possible d’évaluer l’influence de l’organisation spatiale du sol sur la biodissolution notamment en localisant les fronts redox au sein des profils.
Figure 3a : Coupe schématique d’un support acrylique et d’une strie incrustée d’oxyde de fer
Figure 3b : Support recouvert de lépidocrocite pure, a) stries incrustées d’oxydes, b) photographie au microscope électronique à balayage (MEB) de stries incrustées de lépidocrocite, c) écailles de lépidocrocite dans les stries du support.
Impact de la nature des oxydes de fer sur leur biodissolution
La nature des oxydes de fer influe sur les processus et les vitesses de dissolution des oxydes. Il a, ainsi, été montré que la dissolution réductrice de la ferrihydrite était plus rapide que celle de la lépidocrocite. De plus, l’altération et la dissolution de la ferrihydrite se produisent en surface des agglomérats très denses formés par les nano-particules d’oxydes et se traduisent par un arrondissement global de la surface. Dans le cas de la lépidocrocite, constituée d’une ‘couche’ de cristaux de 0,1 μm de longueur empilés les uns sur les autres, la dissolution se traduit de deux manières : les cristaux sont fortement altérés sur les côtés (Fig. 4a), de profondes cavités colonisées par des bactéries apparaissent dans la couche de lépidocrocite (Fig. 4b).
Figure 4. Observation par microscopie électronique de la lépidocrocite dopée en As dans l’horizon organo-minéral, après 5 mois d’incubation. Les flèches montrent les trous formés par les bactéries (a) ; une bactérie qui colonise un trou (b).
Nature des phases secondaires
Les phases secondaires issues des études de laboratoire portant sur la dissolution réductrice d’oxyhydroxydes de fer ont mis en évidence la présence d’amakinite, d’hydroxyde de carbonate ferreux, de magnétite, de pyrite, de rouilles vertes, de sidérite et de vivianite. Cependant, dans ma thèse, ce sont essentiellement des sulfures de fer plus ou moins cristallisés qui se sont formés. La formation de sulfures de fer s’explique par la présence de sulfates dans la solution du sol et par un comportement hétérogène de la matrice du sol.
Mécanismes bactériens de bio-réduction
Les observations microscopiques ont montré une forte colonisation bactérienne en contact directe avec les oxydes de fer sur les plaquettes, suggérant que les micro-organismes jouent un rôle important dans les processus de réduction. La colonisation bactérienne, la présence de biofilms, l’altération de la surface des oxydes de fer et la précipitation de phases secondaires suggèrent que les processus biologiques, physiques et physico-chimiques se produisent simultanément. En début d’incubation, les oxydes de fer sont facilement accessibles aux bactéries, alors qu’en fin d’incubation, l’accessibilité des oxydes de fer aux bactéries devient difficile à cause de la présence des particules de sol. Ce dernier point est démontré par la chute de taux de dissolution. Par ailleurs, la nature du sol a un effet majeur sur les colonisations bactériennes qui sont plus présentes dans l’horizon organo-minéral que dans l’horizon albique.
Mobilisation de l’arsenic
Une partie de l’arsenic associé aux deux oxyhydroxydes de fer étudiés (ferrihydrite, lépidocrocite) a été réduit en As(III) comme l’ont montré les analyses XANES. Cet As(III) a été vraisemblablement réincorporé à la surface de la plaquette, très probablement par réadsorption sur l’oxyhydroxyde de fer non dissous comme le laisse penser l’épaulement obtenu sur les spectres XANES et suggérant une liaison As-O. Le processus de contrôle de la spéciation de l’arsenic semble donc être un couplage entre (a) une réaction de réduction biotique de l’As(V) (libéré dans la solution par dissolution des oxyhydroxyde) en As(III) par des bactéries réductrices de l’As et/ou du Fe et (b) une réaction de réadsorption. Le taux d’arsenic réadsorbé est plus important à la surface de ferrihydrite qu’à la surface de la lépidocrocite. La surface spécifique de la ferrihydrite est élevée, ce qui permet à l’arsenic de se réadsorber. Par contre, dans le cas de la lépidocrocite non seulement, le nombre de sites disponibles est moins important mais en plus, la dissolution des cristaux induit la destruction des sites préférentiels d’adsorption de l’arsenic qui ne peut plus se réadsorber.
Implications environnementales
Cette étude a montré qu’en conditions naturelles les sulfures constituent la phase minérale secondaire majeure issue de la dissolution réductrice des oxyhydroxydes de fer. Or, les sulfures se comportent comme une phase puits capable de servir de réservoir temporaire ou définitif de nombreux métaux traces. Cependant, dans les sols hydromorphes faisant l’objet d’alternances redox, les éléments métalliques peuvent s’adsorber aux sulfures de fer. Les changements de conditions d’oxydo-réduction représentent donc un danger important pour l’environnement en raison de la transformation potentielle des sulfures métalliques en sulfates et de la grande solubilité de ces derniers. Une partie importante des éléments traces peut donc ainsi être transférée suite à une oxydation des sulfures métalliques de la solution du sol vers les hydrosystèmes.
2008-2010
Sujet de recherche : Biogéochimie du mercure
Etant données leur ubiquité et leur réactivité, les oxyhydroxydes de fer jouent un rôle important dans le contrôle de la mobilité des éléments traces (nutriments, métaux toxiques…). Ces éléments peuvent être adsorbés à leur surface bloquant ainsi l’accès des sites aux réducteurs lors des processus de dissolution réductrice. Ils peuvent également être mis en jeu dans des substitutions isomorphiques aux seins des structures cristallines des oxyhydroxydes de Fe(III) influençant ainsi leur morphologie, la taille des cristaux, leur surface spécifique, leur réactivité de surface et en conséquence leur taux de dissolution en milieux acides ou réduits. La plupart des métaux substitués au sein des oxyhydroxydes de Fe(III) diminuent la solubilité des oxydes et ralentissent leur transformation en un autre oxyde de fer par rapport à leur homologue pur. Des études récentes ont montré une corrélation entre les teneurs oxydes de fer et le mercure dans le sol guyanais, ce qui laisse suggérer la forte implication d’où des oxydes de fer dans la mobilité et la biodisponbilité du mercure et l’effet de ce dernier sur la réactivité des oxydes de fer.
Dans ce cadre et afin de montrer l’influence de l’activité bactérienne ferri-réductrice sur la mobilité du mercure des cinétiques de solubilisation ont été menées dans des microcosmes en condition anaérobie. A différents temps, les activités minéralisatrices du carbone (dégagement du CO2), la solubilisatrice du fer et du mercure ont été suivies. Dans nos conditions expérimentales, l’activité minéralisatrice a été importante témoignant de la présence d’une population bactérienne très active notamment lors de l’ajout d’une source de carbone facilement biodégradable (glucose). Parallèlement à la minéralisation du carbone, la solubilisation du fer sous forme ferreux a été observée ainsi qu’une augmentation du mercure dans la solution du sol.
Nos résultats montrent l’existence d’une corrélation entre la réduction bactérienne des oxydes de fer dans le sol guyanais et la solubilisation du mercure dans les conditions hydromorphies et réductrices rencontrées dans les bas-fonds d’un bassin versant. De plus nous avons observé que le mercure solubilisé provenait d’abord des phases échangeables du sol, ensuite de la matière organique puis de la réduction bactérienne des oxydes de fer amorphes et enfin de la réduction bactérienne des oxydes de fer cristallisés.
D’autres études en cours s’intéressent d’une part à l’isolement des souches bactériennes responsable de la réduction des oxydes de fer et par conséquent de la mobilité du mercure associé. Ces mêmes études cherchent d’autre part à évaluer la capacité de méthylation du mercure des souches étudiées. La concomitance des deux activités : réduction du fer et méthylation du mercure (rapportée dans de rares études) constituerait un facteur de risque supplémentaire à évaluer dans les sols tropicaux où une forte association entre fer et mercure à été décrite.
Pour mener à bien ces recherches différentes approches conceptuelles et expérimentales sont menées de front :
- Développement de protocoles expérimentaux en colonne de sol pour la dissolution des oxydes de fer et la mobilité du mercure
- Etude de dissolution d’oxydes de Fer de synthèse (Ferrihydrite, Lépidocrocite et Goethite dopées ou non en mercure) ;
- Suivi de la diversité fonctionnelle et génétique des communautés microbiennes impliquées ((PCR, DGGE, Ecolog) ;
- Développement d’une nouvelle technique de suivi in situ de la dissolution des oxydes fer.
Dosage de cations par ICP-MS (Agilent 4500), par absorption atomique (Thermoelemental Soolar); Dosage d’anions par chromatographie ionique (Dionex DX-120), par titrage potentiométrique (794 Basic Titrino Methrom); Dosage de carbone organique dissous par analyseur de carbone (Shimadzu TOC-5050A); Caractérisation physico-chimique par spectrophotomètrie UV (Uvikonxs Biotek Instruments) ; Dosage des métaux (FRX) ; Dosage du mercure (AMA).
Utilisation d’un modèle de spéciation chimique (Visual MINTEQ) et modélisation des phénomènes de dissolution microbienne
Rayon X ; XANES ; EXAFS ; MEB/EDS.