Date de publication : 26 juin 2013 09:36:09
Chers amis,
Je pleure un compagnon qui a marqué fortement ma vie. Si nous nous voyions très peu ces dernières années, à chacune de nos rencontres je me sentais immédiatement en phase et en complicité avec Jacques.
Après avoir quitté la direction de l'entreprise de menuiserie d'aménagements de magasins et bureaux à Lisieux, Jacques s'est investi auprès des chômeurs de son territoire . Avec Claude Bureau, ayant eu connaissance, à travers Ouest-France, de notre expérience redonnaise, il nous a rejoint au cours de l'année 1984 pour contribuer à la création du Comité de Coordination d'Aide aux Chômeurs par l'Emploi (COORACE). Alors que j'étais le premier président de 1985 à 1988, il a immédiatement mis à disposition de notre organisation ses nombreuses compétences acquises à la direction de son entreprise, mais aussi dans l'animation de son syndicat professionnel et dans l'action politique locale. Il est un exemple très marquant de la diversité socio-professionnelle et militante des fondateurs du COORACE ; il avait une vision véritablement économique de l'insertion, une volonté de participer à la création d'entreprises solidaires nouvelles, une bonne connaissance des logiques de développement local. Nous avons ensemble organisé les premiers rendez-vous ministériels, courru les bureaux parisiens bien avant d'être nous-même installés à Paris, rédigé des textes sur des tables de bistrots, entre deux trains, organisé les premières rencontres avec les associations qui nous contactaient à travers la France.....
Cet appui d'un compagnon qui avait l'âge d'être mon père a été fondamental pour le jeune président que j'étais ; nos discussions et débats marquaient quelques différences d'approche sur le compromis que nous avions fait en 1986 pour la création légale des AI, mais nous partagions les objectifs et les moyens à mettre en oeuvre. Ce binôme s'est poursuivi avec beaucoup de bonheurs pour l'un et l'autre quand il a accepté en 1988 de prendre la présidence du COORACE pour que je devienne Délégué Général salarié.
Ce qui m'a toujours frappé chez Jacques, c'est cette sérénité, cette paix avec lui-même qui lui permettait d'agir sans chercher à paraître, sans rechercher de lauriers, mais simplement la siatisfaction des choses bien faîtes et le plaisir de la conversation et du débat (avec assez souvent l'esprit de contradiction pour débusquer des faux semblants) ; Jacques était politique au sens plein du terme, en recherche de l'intérêt général et du bien commun, avec cette pointe d'ironie et de phrases déstabilisatrices à l'égard de ceux qui prenaient trop au sérieux leur pouvoir.
La vie se poursuit, avec le souvenir et la trace très riche de ces compagnons qui nous quittent ; après mon propre père il y a un an, d'autres amis nonagénaires ces derniers mois, Jean Achard en octobre, Jacques aujourd'hui, je ressens à quel point cette génération des années 20 s'efface, avec tout ce qu'elle a traversé de ce qui fait notre histoire, c'est la vie ! Nous perdons nos pères. Les plus âgés de nos pionniers nous laissent assez désemparés, parce que cette séparation est une douleur, et parce que notre combat n'a pas encore, loin de là, produit ce que nous espérions; alors, continuons.
Au revoir Jacques que nous avons beaucoup aimé.
Jean-René MARSAC