🇨🇵 Quand les mathématiques traquent l’information dans le monde quantique
Dans le monde microscopique, celui des photons, des électrons et des atomes, les lois classiques de la physique ne s’appliquent plus. Nous entrons dans un univers régi par la mécanique quantique, une théorie étrange mais extraordinairement précise. Dans ce cadre, une question centrale se pose : jusqu’où peut-on transmettre de l’information, et quels phénomènes quantiques peuvent amplifier cette capacité ?
C’est à cette interface entre mathématiques pures, physique quantique et théorie de l’information que se situent mes recherches. Je m’intéresse à la manière dont certaines structures abstraites, appelées groupes quantiques, permettent de mieux comprendre les capacités d’information dans des systèmes où la physique quantique joue un rôle essentiel.
L’intrication : un phénomène non classique
L’un des phénomènes les plus mystérieux de la physique quantique est ce qu’on appelle l’intrication. Deux particules sont dites intriquées lorsqu’elles partagent un état commun si profondément que ce qui arrive à l’une influence instantanément l’autre, même à distance. Ce n’est pas de la télépathie : c’est un lien mathématique entre leurs propriétés, qui ne peut être décrit par une information locale, comme on le ferait dans le monde classique.
Par exemple, si deux photons sont intriqués, les mesurer séparément donne des résultats aléatoires… mais corrélés. Il est impossible de prévoir individuellement le résultat de chaque mesure, mais ensemble, les deux résultats respectent une certaine structure, comme s’ils formaient un tout indivisible.
Ce phénomène, que même Einstein qualifiait de « fantomatique », est aujourd’hui expérimentalement vérifié, et constitue la ressource centrale pour de nombreuses technologies quantiques : cryptographie, capteurs, et bien sûr… communication quantique.
Transmettre plus d’information grâce à l’intrication
Un canal quantique est un système dans lequel on envoie un état quantique (représentant une information) et d’où ressort un autre état, modifié par le bruit ou les imperfections. Classiquement, on peut estimer combien d’information passe par ce canal.
Mais si on autorise l’émetteur et le récepteur à partager à l’avance un grand nombre d’états intriqués, alors on peut parfois augmenter significativement la quantité d’information transmise. C’est ce que l’on appelle la capacité classique assistée par l’intrication.
Dans mes recherches, je propose une méthode mathématique fondée sur les groupes quantiques, qui permet de modéliser certains canaux et de calculer leur capacité. On y voit comment des concepts abstraits comme la convolution ou les multiplicateurs de Fourier permettent d’exprimer, de façon calculable, combien d’information peut être transmise, en présence d’intrication.
Une actualité brûlante
Ce sujet n’est plus seulement théorique. En 2025, plusieurs expériences marquantes ont été rapportées dans Nature (lien vers l’article) : des physiciens ont réussi à transmettre des messages sécurisés via des réseaux intriqués à distance, connectant plusieurs villes.
Ces avancées marquent les premières étapes concrètes vers un « internet quantique », où la sécurité et l’efficacité des communications dépendront précisément de notre capacité à exploiter l’intrication. Dans ce contexte, comprendre mathématiquement les limites et les mécanismes de cette capacité devient un enjeu stratégique autant que scientifique.
En guise de conclusion
Ces recherches illustrent comment les mathématiques, même dans leurs formes les plus abstraites, peuvent jouer un rôle central dans la compréhension des phénomènes physiques les plus subtils. En étudiant la capacité assistée par l’intrication, on explore non seulement les limites de la communication, mais aussi les frontières du connaissable, là où la nature elle-même devient non locale, imprévisible… et profondément interconnectée.
🇬🇧 When Mathematics Tracks Information in the Quantum World
In the microscopic world—the realm of photons, electrons, and atoms—the classical laws of physics no longer apply. We enter a universe governed by quantum mechanics: a strange yet remarkably accurate theory. In this framework, a central question arises: how far can information be transmitted, and which quantum phenomena can enhance this capacity?
My research lies at the intersection of pure mathematics, quantum physics, and information theory. I explore how certain abstract structures, called quantum groups, can help us better understand the information-carrying potential of systems where quantum effects play a fundamental role.
 Entanglement: A Non-Classical Phenomenon
One of the most mysterious features of quantum physics is entanglement. Two particles are said to be entangled when they share a common state so deeply that what happens to one instantly affects the other—even at a distance. This is not telepathy; it's a mathematical link between their properties that cannot be described using only local information, as we would in the classical world.
For example, when two photons are entangled, measuring them separately yields random results… but results that are correlated. While each measurement appears unpredictable, the two outcomes together obey a certain structure—as if they formed an indivisible whole.
This phenomenon, which even Einstein famously described as “spooky,” is now experimentally verified and constitutes a key resource for many quantum technologies: cryptography, sensing, and, of course… quantum communication.
Transmitting More Information Using Entanglement
A quantum channel is a system through which a quantum state—carrying information—is sent and altered by noise or imperfections. Classically, one can estimate how much information gets through such a channel.
But if the sender and receiver are allowed to pre-share a large number of entangled states, then in some cases, the amount of information transmitted can be significantly increased. This is known as the entanglement-assisted classical capacity.
In my work, I develop a mathematical method based on quantum groups that models certain quantum channels and allows us to compute their capacity. Abstract concepts such as convolution and Fourier multipliers become tools to quantify how much information can be transmitted in the presence of entanglement.
A Hot Topic
This is no longer just theory. In 2025, several groundbreaking experiments were reported in Nature (see the paper): physicists succeeded in transmitting secure messages using long-distance entangled networks connecting multiple cities.
These advances mark the first concrete steps toward a quantum internet, where the security and efficiency of communication will rely on our ability to harness entanglement. In this context, understanding the mathematical limits and mechanisms of information capacity is becoming a strategic, as well as scientific, priority.
In Conclusion
This research highlights how mathematics—even in its most abstract forms—can play a central role in unveiling the subtle workings of the physical world. By studying entanglement-assisted capacity, we not only explore the boundaries of communication, but also the limits of what can be known, where nature itself reveals its non-local, unpredictable, and profoundly interconnected nature.