Prix du meilleur livre d'économie décerné par l'Association Française de Sciences Économiques.
Les réflexions présentées dans cet ouvrage sont le fruit de nombreux travaux que j’ai réalisés ces dernières années sur la TTF. J’ai commencé à m’intéresser à ce sujet en 2010, suite à la grave crise financière qui a secoué la planète. Au moins cette crise a-t-elle eu le mérite de relancer, ne serait-ce qu’un temps, les débats autour de la régulation financière.
Au départ, je n’avais guère d’avis sur la TTF. Comme pour beaucoup d’économistes, cela me paraissait n’être qu’un « petit » sujet, qui ne méritait peut-être pas l’attention que lui prête la presse et le grand public. Certes, ce sujet n’est guère comparable avec, par exemple, la lutte contre le dérèglement climatique, les inégalités, la révolution numérique, etc. Mais à mesure que je m’y intéressais, la question gagnait en épaisseur ; je réalisais à quel point la TTF est au carrefour des débats sur la finance, la fiscalité, le rôle de l’UE, et la mondialisation.
Le véritable point de départ de mes travaux a été l’introduction de la TTF en France en 2012. Cette réforme constitue un cas d’école ; l’occasion était parfaite pour appliquer les outils méthodologiques propres aux quasi-expériences. De nombreux chercheurs un peu partout dans le monde se sont d’ailleurs eux-aussi saisis du sujet. Mais alors que les données et les méthodes utilisées sont très proches, les différences d’interprétations se sont révélées saisissantes. Comment expliquer de telles différences de vue ? Qui plus est entre des chercheurs censés faire preuve de la plus grande rigueur. Mon objectif est alors devenu moins de comprendre les effets de la TTF que de comprendre les différences d’interprétations.
Le débat sur la TTF est incroyablement clivant. J’ai eu de très nombreuses discussions à ce sujet non seulement avec des collègues, mais aussi des étudiants, des praticiens, des journalistes, des militants, des hauts-fonctionnaires, des élus, etc. La plupart de ceux avec qui j’ai échangé, de façon formelle ou informelle, avait un avis particulièrement tranché et, très souvent, j’ai eu le sentiment que le débat était joué d’avance.
La TTF est malheureusement prisonnière de nos préjugés. C’est devenu au fil du temps un marqueur politique : être favorable à la TTF, c’est sombrer dans une dérive gauchisante ; émettre des réserves, c’est être un affreux libéral vendu aux marchés. Généralement, lorsque je débattais du sujet, j’étais sommé de choisir un camp. Et ce n’était évidemment jamais le bon. Quand je faisais remarquer que la TTF ne mettrait pas fin aux crises financières, qu’elle ne suffirait pas à financer les biens publics mondiaux, au fond qu’elle ne saurait régler tous les problèmes, on me suspectait de rouler pour le lobby bancaire. À l’inverse, quand j’affirmais que c’était tout sauf une futilité, encore moins une sottise, on me faisait gentiment comprendre que j’étais naïf, que c’était infaisable, et en somme que je ne comprenais rien à rien. Et de toute part, j’ai observé une vraie lassitude, teintée de pessimisme, face à ce serpent de mer.
Le but de cet ouvrage est de sortir de ce débat manichéen. Être pour ou contre la TTF, cela n’a juste pas de sens. Ce serait comme débattre de savoir s’il faut être pour ou contre les impôts ou pour ou contre les marchés. Tout est question de nuances ; comme bien souvent le diable se cache dans les détails. Je me suis donc longuement documenté – non sans mal. J’ai essayé de réunir un maximum d’informations sur la TTF, accumulé les données, multiplié les études cas, j’ai essayé de confronter les arguments des uns et des autres, de mieux comprendre les expériences historiques, de mieux saisir les différences qui existent entre les dispositifs en vigueur ou ceux en projet. Il m’a alors semblé qu’il pourrait être utile de consigner toute ces informations éparses dans un seul et unique manuscrit.
Il ne s’agit pas d’un pamphlet, ni d’un essai général sur la régulation financière, mais plutôt d’une synthèse. J’espère que cet ouvrage fournira aux lecteurs l’essentiel des informations lui permettant de comprendre les termes du débat. J’ai essayé à la fois d’être compréhensible par le plus grand nombre, tout en étant complet, et donc sans éluder les points les plus techniques. Je me suis évidemment toujours efforcé de rester le plus rigoureux possible et, dans les tous les cas, de travailler en toute indépendance. Pour autant, cela ne signifie pas que je sois resté complètement neutre. J’ai toutefois essayé de faire fi de mes préjugés. J’ai cherché à confronter tous les points de vue : ceux des chercheurs, des ONG, des banques, des associations professionnelles, des autorités de régulation ou de l’administration fiscale. Avec le temps, mes arguments se sont – je l’espère – affinés et renforcés. J’en profite donc pour remercier mes co-auteurs, mes collègues, à l’université et au sein du conseil scientifique de l’Autorité des marchés financiers, et tous ceux avec qui j’ai pu échanger.
J'ai publié plusieurs études d'impact sur le cas français, italien et coréen. Il ressort de ces articles, et plus généralement de littérature académique sur le sujet, que la TTF réduit le montant des transactions, sans toutefois avoir d'effet nuisible sur la liquidité et la volatilité.
J'ai aussi rédigé plusieurs articles plus normatifs :
Enfin, je travaille aussi sur d'autres sujets liés la fiscalité du secteur financier, notamment les paradis fiscaux et les taxes bancaires.
Dans le cas français, l’exemption, de fait, des transactions intrajournalières limite considérablement les recettes fiscales. Surtout, c’est contradictoire avec les objectifs mis en avant, censés viser essentiellement les mouvements à court terme. Harmoniser le dispositif pour le rendre plus cohérent, plus transparent et plus juste nécessite de revoir le mécanisme de collecte jusque-là fondé sur le transfert de propriété.
Cette figure schématise les transactions financières qui sont soumises à la TTF en France. En vert : les transactions boursières qui sont effectivement taxées. En blanc : les transactions boursières qui sont exemptées pour ne pas nuire au fonctionnement du marché boursier. En orange : les transactions boursières qui sont taxées, mais échappent à la collecte du fait de l’optimisation fiscale. En bleu : les transactions boursières qui ne sont pas concernées par la TTF-F (et sont donc de fait exonérées), sans qu’il y ait de justification à cela. A gauche, la situation actuelle, à droite la situation souhaitable dans un souci d’efficacité et de justice fiscale.
Situation actuelle
Situation souhaitable