Maison neuve

Bonjour,

Quand j'étais enfant, entre l'âge de 6 ans à 13 ans, nous avions à la maison des Fêtes assez spéciales, uniques dans toute l'histoire de ma petite vie. Ce qui changera avec l'éveil de la révolution tranquille des années '60. Il faut d'abord vous dire que je suis né au printemps 1947 alors que Papa et Maman étaient revenus vivre sur la ferme paternelle achetée originellement par notre arrière-grand-père paternel Eugène Gagnon.

Tous les enfants chez nous ont connu la vieille maison, qui avait abrité déjà deux générations de Gagnon, et dont la vétustée avait eu raison des talents du grand oncle maternel qui l'avait bâtie. Cette dernière fut remplacée par une maison au toît pyramidal, à deux étages, soutenue par un solage de ciment formant une cave profonde, logeant une fournaise au centre, alimentée par des bûches de bois francs dont la chaleur intense était distribuée par un système de tuyauterie de fer blanc galvanisé. Ce qui fit notre bonheur pendant de nombreuses années par la suite.

Cette vieille maison qui fût, était comme un bon vin qui avait été éprouvé par les années évoquant tant de souvenances en ce Tingwick des années '50. Depuis le début du 20ième siècle, elle avait essuyé les assaults des hivers, les orages de l'été avaient eu raison de ses bardeaux de cèdres bien que remplacés à l'occasion. Protégée en partie par une ceriseraie élevée et une pommeraie nombreuse, elle n'était plus à la hauteur. Elle était petite et aurait demandée de nombreuses transformations pour répondre aux normes de l'électrification nouvelle entre autre. Elle ne possédait pas de cave facilement accessible et facile d'entretient. Enfin tout plaidait en faveur d'une nouvelle édification pour notre toît.

Une terre en bois debout fût achetée de notre grand-tante Joseph McNeil, belle-soeur de notre grand-mère Alphonsine McNeil. Notre grande tante Rosa Lallier McNeil devenue veuve accorda la transaction et les plus vieux de la famille accompagnèrent mon père dans la coupe du boisé de conifères et dans le sciage qui s'en suivit sur la ferme. Un trou avait été creusé par un "bulldozer" entre temps. Les grenouilles et les roseaux s'en sont faits un lieu de prédilections pendant au moins deux ans avant la mise en place du solage. Quelques-uns se souviendront de la vie autour de cette mare d'eau que les pluies et la neige avaient allimenté. Chacun des enfants de la maisonnée, tous déjà nés, y a mis un peu de soi mais ce sont les "grands" qui ont secondé le plus nos parents, architectes de ce nouveau lieu. Je me rappelle ces nouveaux livres encyclopédiques sur les façons de faire pour la construction à venir que consultaient mes frères alors que nous vivions les derniers mois de cette vieille maison. J'ai plusieurs souvenirs de notre vie dans ce lieu qui n'est plus mais malgré tout bien vivant dans ma mémoire. La grande cuisine, la pompe à eau sur le comptoir restreint de la cuisine. Les quelques armoires en coin. L'armoire à bois, la hûche à pain. La baratte à beurre avec son couvercle en écoutille comme celles isolant les compartiments des sous-marins. Les jeux que nous faisions avec les chaises, la table, et tout ce qui était à notre portée. Le théâtre d'ombres chinoises monté dans les portes de garde-robe fermées par des rideaux. Le grenier qui était la quatrième chambre inachevée du 2ième étage où se trouvaient des trésors inestimables dans mon imaginaire d'enfant. Tante Éveline y jouait à l'école avec son jeune frère Réal me disait-elle dans une révision de nos souvenirs que nous faisions ensemble un jour alors que je la visitais les dernières années de sa vie. Enfin celui qui nous gardait tout au chaud, c'était le vieux poèle en fonte et chromé qui finira ses jours chez ma soeur Carmen dans la maison qu'ils avaient achetée de M. Rioux. Il était devenu l'hôte de la cuisine d'été chez elle.

Alors vint le temps d'entrer dans ce nouveau lieu après toutes ces heures de sueurs. Un moment bien mérité. Je ne sais plus quel jour, mais je sais que ce fût en 1954 au début de l'été. La date avait été inscrite sur un des madriers dans l'entrée menant de la cuisine à la cave, à droite en ouvrant la porte pour descendre l'escalier. Avant l'entrée officielle de toutes nos hardes dans cette nouvelle maison toute propre, nous allions mon frérôt et moi, y prendre un bain bénéficiant d'une grande baingnoire et d'eau chaude réchauffée par un poêle à bois où passait l'eau dans un réchaud de fonte. Petit à petit les jours animèrent cette nouvelle maison, lui donnant une âme que nous avons apprivoisée. Les fenêtres étaient grande. Beaucoup de lumière. L'électricité était omniprésente. Et un tout nouveau meuble inhabituel trônait dans la cuisinette. C'était le frigidaire de marque Norge qu'on disait. C'était écrit en toutes lettres chromées sur le devant de celui-ci. En fait il faudra apprendre à dire "réfrigérateur". Mais tous s'accomodèrent bien de "frigidaire" pendant longtemps et probablement encore aujourd'hui. Les murs intérieurs étaient de "giproc" ( gyspe - roc), grands panneauxs bien connus aujourd'hui et l'extérieur était entouré de bardeaux d'amiante pressée et ridelée. Ils étaient retenus par des clous insérés dans des trous perforés au préalable. Le toît lui était couvert de tôle galvanisée. La cheminée de brique culminait celui-ci avant qu'une antenne de télévision ne viennent la détrôner quelques années plus tard. Mais la cheminée était plus efficace pour le moment toute fraîche montée et plus rassurante pour Maman qui craignait les feux de cheminée comme la peste à éviter.

Qui se rappelera des premiers ronrons dans ce nouveau berceau que la maisonnée avait investi? La sécurité qu'il inspirait nous l'a fait certainement oublié car les archives oublient ces premiers moments tellement ils sont euphorisants. Parlons maintenant des célébrations: le temps des Fêtes, le mariage de mes frères et soeurs, les visites de l'été et tous les autres événements rassembleurs où la famille fourmillait d'activités..... à suivre.

Lucantonin