lundi, août 14, 2006

Sine die

Je suspends sine die la publication de Citoyen durable. D'une part, je me rends compte que je tourne en rond, que je n'ai pas grand-chose d'autre à écrire que je n'ai déjà écrit auparavant. D'autre part, la vie m'appelle ailleurs et je n'ai plus guère de temps à consacrer à ce blog.

Si je ne m'interdis pas de reprendre un jour, ce sera au mieux dans plusieurs mois.

Amitiés à tous.

http://citoyendurable.blogspot.com/2006_05_01_citoyendurable_archive.html

posted by xxc at 2:52 PM 34 comments

samedi, août 12, 2006

Un futur qui retarde

Je me demande parfois l'effet que peut avoir sur de jeunes gens la lecture de romans d'anticipation comme Le meilleur des mondes (A. HUXLEY), 1984 (G. ORWELL), Humanité et demie (T. J. BASS) ou Les monades urbaines (R. SILVERBERG). Des récits censés nous montrer les germes actuels des catastrophes sociales futures, des récits qui agissent comme des mises en garde, qui nous disent « attention ! ». Quel est le sens de tels romans maintenant qu'on peut les lire au passé, maintenant que la catastrophe sociale est derrière nous, qu'elle est déjà arrivée ? Qu'est-ce donc que des jeunes gens qui ne connaissent que les temps de l'après-catastrophe peuvent penser de tels récits ? Étudie-t-on encore de tels textes à l'école ?

Voilà quelques questions que je me posais en parcourant un récent article de Libération consacré à la Cité du design de Saint-Etienne :

[…]

En septembre, sur le site de l'ancienne Manufacture nationale d'armes de Saint-Etienne, s'élèvera une tour d'observation haute de 28 mètres, qui s'offrira au public comme le phare symbolique de la future Cité du design. En octobre, date de début des travaux, cette structure métallique, qui évoque un puits minier, permettra de suivre la construction de la « platine interclimatique » imaginée par l'architecte berlinois Finn Geipel (agence Lin) qui sera livrée en 2008.

Voilà qui est bien gentil, cette tour qui s'offre au public. Depuis un bon bout de temps déjà, la langue de bois est devenue la langue officielle des médias français : les mots expriment une vérité aussi fausse que construite, le mensonge est devenu la façon normale de s'exprimer.

Ici, en l'occurrence, la tour ne s'offre pas au public, de même qu'elle n'est pas non plus offerte au public. C'est au contraire "le public" qui a été pressuré pour que cette tour qu'il n'a pas voulue soit construite ; car en réalité, "le public" ne dépense pas spontanément son argent pour des "phares symboliques" et des "platines climatiques". Et puis d'ailleurs : "le public" n'existe pas, "le public" est une fiction qu'utilisent les experts en manipulation sociale pour parvenir à leurs fins. Il n'y a pas de "public" doté d'une vie autonome, il n' y a que des individus, tous différents. Bref, d'emblée, tout sonne faux.

La Cité du design, c'est un peu le Graal pour Saint-Etienne et la région Rhône-Alpes. Cet ancien bassin minier, qui a fortement souffert du chômage, mise sur l'innovation industrielle pour se reconvertir. Le projet a été lancé officiellement en 2004, mais sa gestation a connu bien des aléas. Le débat sur le contenu a été occulté par une polémique menée autour de la reconversion architecturale de l'ensemble industriel militaire impérial de la « Manu ». Les associations patrimoniales de la ville se sont en effet opposées à la démolition d'une petite partie du site. Finn Geipel a opté, quant à lui, pour une « restauration critique », qui préserve l'essentiel des bâtiments, à l'exception de quatre maisons de maître qui ont été détruites.

Nommé en 2004, le premier directeur de la Cité, François Mouly, ancien responsable du design chez Decaux, a essuyé les plâtres de cette controverse et n'a pas pu faire avancer le projet. La ville se rêvait « capitale du design », mais la coquille semblait un peu vide.

Cependant, la structure administrative de la Cité a été mise en place en 2005, sous la forme d'un syndicat mixte présidé par le maire-sénateur Michel Thiollière, qui comprend des élus de la ville et de la métropole (communauté d'agglomérations).

Comme il est écrit plus haut, la coquille est un peu vide. C'est la noria des structures : Cité du design, ville, région, bassin minier, ensemble industriel, associations patrimoniales, structure administrative, syndicat mixte, métropole et communauté d'agglomérations. D'hommes, il est à peine question, seuls les engrenages bureaucratiques semblent avoir un sens.

Strictement absents du propos : les contribuables. Et pour cause : si l'on devait exposer la réalité crue, il faudrait montrer l'opposition entre les étrangers au projet, spoliés, et les promoteurs du projet, automatiquement bénéficiaires sans prendre le moindre risque.

Depuis septembre 2005, c'est Elsa Francès qui a repris les commandes de cet eldorado. Née en 1966 à Paris, cette diplômée de l'Ecole nationale supérieure de création industrielle (Ensci, à Paris) a travaillé pendant treize ans chez Thomson. Du Tim Thom si inventif avec Philippe Starck au design prospectif qu'elle a ensuite pris en charge dans cette mégaentreprise internationale. Cette designer a déjà pris ses marques à Saint-Etienne.

En deux ans, deux directeurs. Et la Cité du design n'est pas encore sortie de terre ! Sacré eldorado ! On se rassure en constatant qu'en un an de travail à Saint-Etienne, Elsa Francès y « a déjà pris ses marques ». Jolie prouesse.

Elsa Francès est maintenant interviewée par la journaliste de Libération :

Comment avez-vous reformulé le projet ?

En puisant sur la force du territoire. Saint-Etienne a un passé industriel lié à l'objet (les cycles, les armes) et un présent tourné vers les technologies de pointe. La ville dispose d'une école des beaux-arts, d'une Biennale internationale du design depuis 1998, des musées d'Art moderne, des Arts et des Industries, de la Mine, d'écoles d'architecture et d'ingénieur, d'universités et du site Le Corbusier à Firminy.

La Cité du design fédère toutes ces institutions, qui restent autonomes.

Forcément, ça manquait quelque peu d'institutions dans le coin. Il suffit de jeter un coup d'œil au site web de la Cité du design pour constater le vide institutionnel local et l'impérieuse nécessité de créer une bureaucratie supplémentaire. Aux côtés de la Cité du design vont en effet travailler : Ville de Saint-Étienne, Saint-Étienne Métropole, Ministère de la Culture, DRAC Rhône-Alpes, Conseil Régional Rhône-Alpes, Conseil Général de la Loire, CulturesFrance/AFAA, Ministère des Affaires Etrangères, Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole, Musée d’Art et d’Industrie, Musée de la Mine, EPURES, EPORA, École d’Architecture, Université Jean Monnet, École Supérieure de Commerce, École des Mines, Pôle des Technologies Médicales, Pôles de Compétitivité, Direction Départementale de l’Équipement, Centre du Design Rhône-Alpes, PNR Design, Institut Régional pour le Développement du Design, Centre Départemental de Documentation Pédagogique, Conservatoire National des Arts et Métiers, Chambre de Commerce et d’Industrie, Loire Entreprendre, Chambre des Métiers et de l’Artisanat, Grand Lyon, Agence du Développement Économique de la Loire. Un vide institutionnel plutôt angoissant que viendra judicieusement combler la Cité du design.

Ce n'est pas un projet muséographique, mais un stimulateur pour la recherche.

Et il est bien sûr dans les missions fondamentales du Service public de créer des stimulateurs de recherche…

Le design doit devenir un outil d'anticipation sociale, culturelle et économique. En créant des transferts d'idées entre design et art, design et entreprises, architecture et politique.

[…]

Voilà. C'est dit. Tranquillement, benoîtement, sans complexe. Vivement demain ! Vivement les horizons collectifs polis à l'esthétique industrielle d'État ! Gloire à la Grande société citoyenne designée, gloire à nos maîtres bien aimés !

Quelle est votre méthode de construction ?

L'urgent était de réorganiser la quatrième Biennale du design, manifestation qui n'est pas une foire commerciale mais un moment de travail, d'inventivité et de rencontres entre tous les continents.

Qu'on se le dise : une foire commerciale n'est pas un lieu où l'on travaille, où l'on invente et où l'on fait des rencontres. Dans les foires commerciales, on ne trouve que des glandeurs bornés et introvertis. Voilà qui contraste résolument avec le sympathique dynamisme qui émane de toute institution publique qui se respecte !

L'important a été aussi de constituer une équipe, ni pyramidale ni administrative. Mon expérience me permet de créer un pont entre le public et le privé, deux mondes aux fonctionnements différents mais pas antagoniques. Une équipe, c'est primordial. Je crois plus à cela qu'à un organigramme. Et il était vital qu'on s'installe déjà sur le site de la manufacture.

Trop cool l'équipe d'Elsa ! C'est une administration non administrative ! C'est vrai qu'une administration administrative, ça la fout mal. Et puis Elsa renonce à son titre de directrice et à son salaire de directrice, histoire que ce ne soit pas pyramidal. C'est vraiment sympa tout ça, d'autant qu'Elsa fait circuler le joint entre le public et le privé. Je sais pas vous, mais moi je l'adore Elsa.

Comment y définir le design ?

Il faut répéter que ce n'est pas une cerise sur le gâteau, un style, mais une valeur intrinsèque, qui traverse toutes les étapes d'un projet. Nous allons beaucoup travailler sur les mots, car personne ne comprend plus personne.

Voilà : tout le monde ne pense pas les mêmes choses en ce qui concerne le design, et ça n'est pas acceptable. Comment peut-on vivre ensemble et se comprendre si l'on a pas tous les mêmes idées ? Une pensée homogène et unifiée émise par l'équipe d'Elsa et intégrée en aval par tous, voilà la solution.

Quels sont les premiers axes de travail de la Cité ?

[…]

Il faut que le design invente des systèmes de vie, des images, des objets, mais également des services pour créer du lien social. Nous serons un centre de ressources créatif, pour explorer de nouveaux modes de vie alternatifs, dans un engagement citoyen.

Des systèmes de vie clés en main, des existences balisées, des expériences sociétales, des engagements citoyens décidés à l'avance en haut lieu. Et j'en reviens à mes réflexions initiales : à quoi peut servir aujourd'hui la lecture des romans de SF de mon adolescence ? Disent-ils autre chose que ce qui est déjà réalisé ? Ne montrent-t-ils pas un futur qui retarde ?

posted by xxc at 11:28 AM 3 comments

mardi, août 08, 2006

Life is a bitch

Pauvres hommes de l'UE ! Si souvent moqués pour réglementer sur tout et n'importe quoi, de l'importation des bananes à la courbure des concombres, et voilà qu'on leur reproche aujourd'hui de n'avoir pas assez légiféré !

En effet, alors qu'un patron irlandais s'est mis en tête de ne pas embaucher de fumeurs, nos hommes de l'UE viennent de se rendre compte qu'ils n'ont pas le moindre petit règlement à lui opposer (via ce post de Rocou). Et donc que le patron en question est parfaitement dans son droit.

Scandale bien sûr ! Et les vigilants citoyens européens de s'enflammer. Comment ça ? L'on aurait encore le droit d'embaucher qui l'on veut ? Quelques lambeaux de liberté subsisteraient encore en UE ? Allons, allons, nos bons maîtres, resserrez donc encore un peu nos chaînes ! Ne mollissez pas !

Et les bons maîtres de s'excuser sur leur site web de s'être laisser aller :

Bruxelles 08-08-2006. It is a misinterpretation to say that the EU “gives green light to refuse smokers a job”, thinks “discrimination of smokers is ok” or “allows discrimination against smokers” as was invoked by some media.

As clearly stated in the Charter of Fundamental Rights the EU is against any kind of discrimination.

Ouf ! On respire !

J'espère que, dans la foulée, les hommes de l'UE ne manquerons pas de mettre à l'index tous ces États européens qui discriminent les fumeurs en les surtaxant quotidiennement. Car s'il est scandaleux de refuser du travail à un fumeur, il est aussi scandaleux de priver un fumeur des fruits de son travail quand il en a un.

Et puis aussi, puisque discriminer est mauvais, interdisons toute différentiation. Interdisons à tout homme de choisir sa femme, car n'est-ce pas là équivalent à rejeter toutes les autres ? (Quand je pense que j'ai refusé la polygamie, quel chien j'ai été !) Interdisons à tout employé de choisir le patron pour lequel il va travailler, car n'est-ce pas là priver injustement tous les autres ? Interdisons à tout un chacun de choisir ses amis et ses ennemis.

--

Mais trêve d'ironie. Discriminer, c'est distinguer, c'est séparer, c'est choisir. Et personne n'a comme droit d'être choisi par tel ou tel pour être son employé, son ami ou son conjoint. Il n'y a aucun droit à ne pas être éconduit, life is a bitch. Ce qui au contraire s'oppose au droit c'est d'imposer aux uns d'autres dont ils ne veulent pas.

Alors bien sûr les critères d'embauche de notre patron irlandais peuvent être jugés consternants. (C'est d'ailleurs mon avis.) Mais n'est-ce pas la liberté de cet homme d'être consternant aux yeux des autres ? Agresse-t-il quiconque en ne voulant travailler qu'avec des non-fumeurs ? Prive-t-il quelqu'un de ce qu'il a, de ses droits ? Et puis enfin, pourquoi les donneurs de leçons n'embauchent-ils pas eux-mêmes les fumeurs écartés ? S'ils ne le font pas, en quoi se distinguent-ils donc de celui qu'il condamne ?

posted by xxc at 10:32 PM 2 comments

dimanche, août 06, 2006

L'inouïe violence de l'État

La violence social-démocrate commune, quotidienne, celle que l'on croise à chaque coin de rue, au détour du moindre propos de l'étatiste viscéral, est une violence sournoise qui s'attaque d'abord aux esprits, qui emprunte les voies de la sujétion, de la coercition et du lavage des cerveaux. Pourtant, les sociaux-démocrates ne s'interdisent pas la plus extrême violence physique contre ces citoyens-mêmes qu'ils prétendent faussement protéger, la plus folle furie destructrice contre ces territoires-mêmes qu'ils affirment, en se rengorgeant, défendre.

Lu dans le Figaro du 3 août 2006 :

Pour la première fois, une enquête épidémiologique française conclut que les essais nucléaires français réalisés en Polynésie entre 1969 et 1996 auraient entraîné une augmentation des cancers de la thyroïde. Les résultats de cette étude, non encore publiée, effectuée par Florent de Vathaire, directeur de l'unité 605 sur l'épidémiologie des cancers de l'Inserm, suscitent des remous au sein de l'armée française et des associations de victimes.

« Nous confirmons que nous avons établi un lien entre les retombées dues aux essais nucléaires réalisés par la France et le risque de cancer ultérieur de la thyroïde. Ce lien explique un faible nombre de cancers thyroïdiens, mais il est significatif », explique Florent de Vathaire.

[…]

À ces cobayes de la violence déchaînée de l'État, il faudrait y ajouter les victimes des essais des années 60 dans le Hoggar en algérien. Dès que leurs intérêts sont en jeu, les étatistes n'hésitent pas longtemps à sacrifier des innocents, ils ne s'embarrassent guère non plus de scrupules écologistes. Ce sont parfois les mêmes hommes qui ont soigneusement ravagé hier Mururoa et Fangataufa et qui se posent aujourd'hui en défenseurs du littoral. Les mêmes qui ont vitrifié hier le désert algérien et qui se piquent aujourd'hui de développement durable. Les mêmes qui irradiaient hier de sang-froid les citoyens sous leur protection et qui s'opposent aujourd'hui véhémentement aux violences domestiques.

Ces tartufes étatistes n'ont jamais eu la moindre limite morale. Choisir ceux qui, sur le territoire national, devaient être sacrifiés sur l'autel de la modernité atomique, n'était qu'une décision administrative commode. Nous voilà au cœur de l'idéologie collectiviste : au nom de l'intérêt supérieur de l'État, au nom de l'intérêt général, des victimes sont choisies et sacrifiées. La cohésion sociale à la mode collectiviste s'appuie sur la prédation et la peur : on s'active à désigner les victimes de l'intérêt général, et on est d'autant plus prompt à les désigner qu'on ne souhaite pas être désigné soi-même comme prochaine victime. Lui plutôt que moi. Tout le monde était bien content que ces essais aient lieu en Polynésie : tant que quelques Polynésiens se font copieusement irradier, je ne me fais pas, moi qui habite l'Alsace ou le Limousin, irradier. Va pour Mururoa : un bel endroit loin de chez moi pour expérimenter l'inouïe violence nucléaire. Tous solidaires pour accepter l'inacceptable, tous volontaires pour gober les rassurants mensonges des hommes de l'État sur l'innocuité des essais.

Pour quels bénéfices ? Pour la défense du pays ? Vraiment ? Pour l'armée de la République ? Pour cette armée qui n'a pas empêché les boucheries de 14-18, la débâcle de 1940 ou la défaite de Diên Biên Phu ? Pour cette armée qui maniait la gégène à qui mieux mieux en Algérie, qui s'est impliquée et s'implique encore aujourd'hui aux côtés de tant de tyrans africains ? Pour cette armée au comportement si ambigu lors du génocide rwandais ? Pour cette armée qui, toute personne qui est passée par le Service national le sait fort bien, rivalise tous les jours d'ingéniosité pour gaspiller l'argent du contribuable ?

En ces temps de militantisme citoyen affiché, d'engagement républicain proclamé, qui exigera que soient mis aux fers les coupables du Hoggar, de Mururoa et de Fangataufa ? Ne peut-on craindre que les professionnels de la bonne conscience citoyenne ne soient plutôt en quête de nouvelles et commodes victimes de l'intérêt général ?

posted by xxc at 3:35 PM 9 comments

vendredi, juillet 28, 2006

La centrifugeuse familiale (4)

(Suite du post précédent et fin de cette revue commentée de la Conférence de la famille 2006.)

Dernier volet de la Conférence de la famille : on sent que les génies qui ont phosphoré sur cette édition 2006 étaient quelque peu épuisés par les efforts fournis précédemment (faut dire qu'entre le carnet de l'aidant familial et les cités intergénérationnelles, y a de quoi se sentir tout flapi). En effet, on se contente de reprendre le congé parental de la conférence de l'an dernier et de glisser deux ou trois considérations imprécises.

Mais qu'est-ce que le congé parental ? Un petit retour en arrière(1) :

Le complément de libre choix d’activité (CLCA) est un élément de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) destiné à indemniser celles et ceux qui cessent leur activité pour s’occuper de leur enfant âgé entre 0 et 3 ans. Aujourd’hui, ce congé parental est d’une durée de 3 ans et d’un montant de 524 €/mois, pour les personnes ayant deux enfants ou plus. Le même dispositif existe pour les parents n’ayant qu’un seul enfant, mais la durée en est limitée à 6 mois.

Lors de la conférence de la Famille 2005, le Premier ministre avait annoncé la création d’un congé parental plus court (1 an) et mieux rémunéré (750 €), le congé optionnel de libre choix d’activité (COLCA) : il est entré en application le 1er juillet 2006. Cette option est offerte aux parents ayant 3 enfants ou plus et cessant totalement leur activité professionnelle pendant la durée du congé. Elle facilite le retour à l’emploi et s’insère mieux dans une carrière professionnelle.

Les parents qui souhaitent s’arrêter temporairement pour élever leur enfant peuvent désormais choisir entre deux formules de congé parental, d’1 an ou de 3 ans, avec une rémunération différente.

On voudrait redéfinir les rôles des parents qu'on ne s'y prendrait pas autrement. En effet, le coût en temps et en euros d'un troisième enfant n'est plus assumé intégralement par les parents eux-mêmes mais au contraire par ceux qui n'ont pas de troisième enfant ! Des dispositions qui inversent le sens des responsabilités les plus élémentaires : le choix d'avoir un troisième enfant ne s'accompagne pas du devoir de prendre en charge ce troisième enfant. Ceux qui agissent ne sont pas responsables de leurs actes, et ceux qui n'agissent pas sont responsables des actes de ceux qui agissent. Extravagant ! Des liens sociaux et familiaux arbitraires, imposés par décret, construits et qui se posent en concurrents des liens sociaux et familiaux véritables et naturels. N'apprend-on pas d'ailleurs d'emblée que la naissance d'un enfant donne droit à indemnités, comme si la procréation et la filiation relevaient de la nuisance, du préjudice ou de la catastrophe naturelle ?

Notons que, du point de vue de l'enfant, on peut se demander ce que "papa" et "maman" veulent encore dire quand ce sont des inconnus (la société), et non les parents eux-mêmes, qui subviennent pour partie aux besoins de l'enfant. Paternité et maternité en sont diminuées, diluées qu'elles sont au sein du corps social. De fait, l'enfant est enfant de l'État comme il l'est de ses parents biologiques (jusqu'au jour où les parents biologiques seront intégralement et autoritairement déchargés de l'éducation de leurs rejetons). Sans doute peut-on penser que le brave petit citoyen sera, une fois devenu adulte, reconnaissant et soumis aux gens de l'État qui l'ont élevé. Il n'y a pas d'âge pour fidéliser la clientèle !

Mais bref, quelles mesures nos maniaques du contrôle social vont-ils prendre ?

Il faut poursuivre la réflexion sur d’autres améliorations du congé parental, notamment pour les familles ayant 1 ou 2 enfants. Par ailleurs, il faut trouver les moyens d’inciter les pères à prendre plus souvent ce congé pour s’occuper de leurs enfants en bas âge. Aujourd’hui, seuls 1% des pères prennent un congé parental…

Pour répondre ces questions, une mission est confiée par le Premier ministre à un parlementaire, auprès du ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille. Elle aura pour objet d’identifier les différentes pistes d’évolution du congé parental, leurs effets sur l’emploi, les modes de garde, pour une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Ah mince alors, seuls 1% des pères prennent un congé parental ! On peut se demander si cette épouvantable situation ne serait pas un tant soit peu liée avec le fait que 0% des hommes daignent accoucher et que 0% des hommes s'abaissent à donner le sein… La biologie est une opinion sexiste et réactionnaire qu'il n'est que temps de combattre !

En attendant l'avènement de l'homme nouveau génétiquement modifié aux hanches larges et aux tétons prolactinés, nous aurons droit à quelque mission parlementaire pour imaginer les relations que tu auras demain, cher lecteur, avec ta femme, avec ton fils et avec ta mère. Du pur extrait de bonheur en perspective !

(Fin du petit feuilleton sur la Conférence de la famille 2006.)

Note :

1. Les citations sont toutes extraites de ce document (format pdf, 170 Ko).

posted by xxc at 8:07 PM 6 comments

jeudi, juillet 20, 2006

La centrifugeuse familiale (3)

(Suite du post précédent. Je passe au deuxième volet de la Conférence de la famille 2006 : "faciliter l'intergénérationnel au quotidien". C'est assez long, aussi je serai expéditif, n'ayant guère le temps de fignoler mon texte.)

Ce deuxième volet de la Conférence de la famille est une sorte de fourre-tout de mesures diverses, la plupart stupides ou liberticides ou avilissantes (voire parfois les trois à la fois). Pas étonnant d'ailleurs : que peut-on produire d'intelligent quand on s'impose de travailler sur l'"intergénérationnel au quotidien" ? Pur baragouin de sociologue constructiviste dont il ne peut guère sortir autre chose que de nuisibles niaiseries.

Quoique, oh surprise !, nous avons tout de même une mesure neutre, qui ne contraint personne, qui laisse des adultes consentants s'entendre par voie contractuelle. En effet(1) :

Il sera créé un mandat de protection future qui permettra à toute personne, juridiquement capable, de donner mandat à un tiers pour la représenter le jour où elle ne pourra plus pourvoir seule à ses propres intérêts.

À travers ce mandat, la personne pourra définir le contenu et l'étendue de la protection qu’elle décide. Cette protection pourra porter sur la gestion de ses revenus, sur celle de son patrimoine et sur sa protection.

Ce mandat sera contractuel.

Le contrat pourra être conclu :

    • par acte sous seing privé, c’est à dire librement, rédigé et signé directement par la personne qui donne mandat et la personne qui le reçoit. Il sera contresigné par deux témoins.

    • par acte notarié, auprès d’un notaire.

Je n'ai rien de spécial à dire là-dessus (sauf que l'adjectif "notarié" signifie justement "auprès d'un notaire"). Je me demande seulement si le droit actuel ne permet pas déjà de procéder ainsi. Dans ce cas cette disposition serait inutile et inoffensive, ce qui est une excellente chose. (Ben oui, tout le temps qu'un ministre passe à produire des bricoles inutiles et inoffensives il nous fiche la paix.)

Mais passons maintenant aux autres mesures, bien plus discutables. Et commençons par une authentique et inquiétante dinguerie :

Promouvoir un urbanisme intergénérationnel

[…] Le Gouvernement souhaite favoriser le développement de ces réalisations qui concourent à resserrer les liens entre les générations : la présence de petits enfants permet des temps d’échange et de partage avec des personnes âgées, qui continuent ainsi d’avoir une vie active et transmettent leurs savoirs, leur mémoire...

Cette mesure donne, dans le processus d’autorisation des projets, la priorité aux innovations intergénérationnelles. Les préfets et les collectivités territoriales seront ainsi incités à privilégier des projets d’établissements favorisant les liens intergénérationnels.

Imprégnés de l'amphigouri citoyen officiel, nos ingénieurs sociaux poursuivent leurs expériences in situ et in vivo : les cités intergénérationnelles, sans doute mâtinées de métissage éthno-culturo-républicain, seront, à n'en pas douter, d'authentiques réussites où il fera bon vivre, à l'instar des grands ensembles paradisiaques des années 60. Il n'y a jamais de leçon du passé chez les socialistes, il n'y a jamais d'humilité ni de soumission aux faits. Les lendemains qui déchantent sont autant de raisons pour persévérer dans l'erreur : si nous avons échoué c'est que notre collectivisme était trop timide. Forcément.

Tout comme on persévère dans l'erreur en mettant en place une n-ième mesure destinée à aider les "jeunes" :

Pour mieux aider les jeunes qui entrent dans la vie professionnelle, il est proposé :

    • que les jeunes de 18 à 25 ans puissent bénéficier dès 2007 de prêts à taux 0%, garantis par le Fonds de cohésion sociale ;

    • de prendre en charge la garantie de leur logement (locapass).

Le prêt et la garantie correspondante pourront être octroyés, sous condition de ressources, aux jeunes âgés de 18 à 25 ans qui entrent dans la vie active ou qui sont demandeurs d’emploi.

Le prêt vise à soutenir une dépense liée à l’entrée dans la vie active. Pourront ainsi être retenus au titre des dépenses éligibles : l’achat d’une automobile ou de tout autre moyen de locomotion (scooter, moto, etc.), l’acquisition de meubles et équipements importants pour la maison, l’habillement et l’équipement professionnel. Le prêt sera distribué par le réseau bancaire. Il sera d’un montant maximal de 5000 € et garanti par l’Etat grâce au Fonds de cohésion sociale.

Le bénéficiaire pourra le rembourser sur une durée maximale de 5 années. Enfin, cette garantie ouvrira également droit à un locapass (caution, garantie des impayés et des travaux de 24 mois) qui pourra aider le bénéficiaire à trouver plus facilement un logement.

Toujours les mêmes bêtises.

Celle d'abord de considérer "les jeunes" comme une catégorie pertinente et cohérente. Or, le seul point commun aux jeunes de 18 à 25 ans, c'est qu'ils sont âgés de 18 à 25 ans. Pour le reste, il y a de tout : des débrouillards, des empotés, des gros, des maigres, des diplômés, des non-diplômés, des riches, des pauvres, des marrants, des pas drôles, etc. Décrivez-moi dans le détail ce qu'est un "jeune" et je vous parie qu'au moins les deux tiers des gens âgés de 18 à 25 ans échappent à votre description. Bref, "les jeunes" n'existent pas.

La deuxième bêtise est de considérer qu'être pauvre à vingt ans est une anomalie dramatique alors que ce n'en est pas une. Il n'y a au contraire rien d'anormal à être démuni quand on démarre dans la vie.

La troisième bêtise est de croire qu'il faut intervenir. Or la "pauvreté" à vingt ans n'est pas une si mauvaise école de la vie, elle est en outre souvent très supportable à cet âge-là (je n'ai pas un si mauvais souvenir de mes jeunes années de vaches maigres).

Quatrième bêtise : c'est de prendre à des gens non-jeunes pour donner à des gens jeunes sous le prétexte que l'argent des premiers serait plus utile dans les mains des seconds, ce qui une affirmation gratuite, arbitraire et donc fausse. (Et je passe sur l'immoralité manifeste du transfert forcé.)

En fait de bêtises, il est plus probable que les hommes de l'État s'achètent avec l'argent d'autrui de futurs électeurs. C'est toujours autant de citoyens convertis et assujettis.

Mais dans la soumission débilitante, les hommes de l'État vont beaucoup plus loin :

Chaque personne proche de la retraite ou chaque retraité intéressé recevra son « passeport pour une retraite active », c’est à dire un document d’information, incitatif pour l’engager dans le cadre du bénévolat.

Ce document comportera :

    • des informations générales sur le bénévolat et ses avantages ; les domaines dans lesquels il est possible de s’investir ; les associations, centres de documentation et sites à consulter ; les démarches à effectuer ; les droits, etc.

    • un volet local donnera des informations sur les principales associations et lieux d’information à contacter pour effectuer une démarche de bénévolat dans le département. Ce volet sera réactualisé chaque année.

    • un volet d’information destiné à informer les jeunes retraités sur les bénéfices du recours à une alimentation saine et diversifiée (conseil nutritionnels), sur la nécessité de se maintenir en bonne santé physique, dans une perspective de prévention de santé publique.

    • des informations générales sur les services à la personne (Plan de cohésion sociale).

Une pure horreur bienveillante et avilissante. À rapprocher du "passeport de l'engagement" distribués aux enfants de dix ou onze ans (suite à la Conférence de la famille de 2004). D'ici peu, je ne serais pas étonné que nous ayons tous notre passeport du citoyen. Je verrais bien un passeport citoyen à points : 500 points accumulés = 1 journée de RTT supplémentaire ; 1000 points = 5% d'IRPP en moins ; 5000 points = 1 stage gratuit de formation en développement durable ; etc. Ça, c'est pour les bons points, ceux que l'on gagne en allant voter ou en dénonçant son voisin au fisc. Mais on peut aussi imaginer les mauvais points qui sanctionnent une absence à la fête de la musique (- 200 points), un soutien du bout des lèvres à l'Équipe de France de Football (- 50 points) ou une tentative de désaffiliation à la SS (- 50.000 points).

Et d'ailleurs, sur ce principe du dressage citoyen (mais hélas bien réel cette fois-ci) nous avons droit à :

Créer un « compte épargne services » en faveur des retraités qui se sont engagés auprès de la collectivité

Les retraités qui, dans leur quartier ou leur commune, consacrent une partie de leur temps disponible à des actions ponctuelles, bénévoles et de solidarité, souvent intergénérationnelles (par exemple la surveillance des trajets des écoliers, l’aide aux devoirs, la gestion d’une bibliothèque) ont ou auront eux-mêmes des besoins d’aide dans leur vie quotidienne.

[…]

Il s’agit de permettre à des collectivités territoriales (communes, conseils généraux) et leurs établissements publics (CCAS, CICAS), si elles le souhaitent, de pouvoir reconnaître un service antérieurement rendu par ces retraités bénévoles à travers la création d’un « compte épargne services » dans les banques et le versement de CESU(2) pré-financés.

[…]

Les services dont ils pourront bénéficier sont, par exemple :

    • l’entretien de la maison et les travaux ménagers,

    • les petits travaux de jardinage,

    • les travaux de petit bricolage,

    • la préparation de repas à domicile,

    • les courses,

    • la livraison de repas à domicile,

    • la collecte et la livraison de linge à domicile, etc.

Le versement de CESU est, on le voit, purement discrétionnaire. Tout au plus se rattache-t-il à l'idée fumeuse d'engagement auprès de la collectivité. Je sens que les vieux amis de monsieur le Maire ou de monsieur le Conseiller général vont avoir les allées de leurs jardins bien ratissées, leurs tables bien dressées et leurs chemises bien repassées !

Franchement, ces dispositions sentent la manœuvre de margoulin à plein nez : de deux choses l'une, ou bien l'on exerce une activité bénévolement (c'est-à-dire sans rétribution ni contrepartie), ou bien l'on est payé pour cela. Mais verser des chèques à quelqu'un pour des services rendus bénévolement, c'est antinomique. Les gens de l'État s'autorisent ici en fait à distribuer des sinécures aux copains, voire à employer légalement des retraités au noir ! (Puisqu'on paye les bénévoles, on doit bien pouvoir aussi travailler légalement au noir, non ?)

--

Et voilà pour ce deuxième volet, fort décousu, de la Conférence de la famille 2006. Je ne vois guère ce qui, dans cet éventaire de dispositions chamarrées, facilitera "l'intergénérationnel au quotidien". En revanche, je vois très bien se généraliser l'immixtion de fonctionnaires et de règlements au sein des échanges humains les plus banals. C'est d'autant plus désespérant que chacune de ces entraves à la liberté est toujours saluée par la quasi-totalité des gens comme une disposition sympathique, généreuse, voire… libératrice ! Consternant.

(Suite et fin au prochain post.)

Notes :

1. Les citations sont toutes extraites de ce document (format pdf, 170 Ko).

2. Chèque emploi service universel.

posted by xxc at 11:39 AM 6 comments

lundi, juillet 17, 2006

La centrifugeuse familiale (2)

(Suite du post précédent. Je me propose ici de commenter le premier volet de la Conférence de la famille 2006 : "reconnaître et soutenir les aidants familiaux".)

Or donc, jamais avares de créations ingénieuses dès lors qu'il s'agit d'enrégimenter, nos hommes de l'État inventent l'aidant familial. Définition(1) :

Cette mesure vise à reconnaître et définir les aidants auprès des personnes âgées, par un décret créant un article nouveau dans le Code de l’Action Sociale et des Familles.

Pour les personnes âgées, l’aidant familial est défini comme celui qui « apporte, seul ou en complément de l’intervention d’un professionnel, l’aide humaine rendue nécessaire par la perte d’autonomie de la personne âgée ou destinée à prévenir une perte d’autonomie, et qui n’est pas salariée pour cette aide ».

Jusque là, tout va bien. Définition a priori inutile d'une situation des plus banales. On croise les doigts en attendant la suite…

Cette reconnaissance sera effectuée par l’équipe médico-sociale pluridisciplinaire du département qui, déjà aujourd’hui, évalue le besoin d’aide de la personne âgée et construit son plan d’aide.

Et hop ! En deux coups de cuillère à pot, nos hommes de l'État viennent de décréter qui aide et qui n'aide pas son grand-père alité. Aide son grand-père celui qui est agréé par la commission idoine. Sinon, il ne l'aide pas. On change le sens des mots, on décrète benoîtement la réalité et surtout, mine de rien, on s'introduit dans les familles pour statuer et dire qui fait quoi. Le lien entre pépé et sa petite-fille passe dorénavant par les hommes de l'État. Ce qu'il pouvait y avoir d'unique et d'intime disparaît : la relation entre pépé et sa petite-fille est à présent une affaire publique réglementée. L'humanité, la solidarité et la singularité s'effacent au profit de la norme administrative.

Et à quoi va donc maintenant servir cette lumineuse définition de l'aidant familial ? D'abord à distribuer des droits :

Créer un congé de soutien familial avec constitution de droits à retraite

Créer un droit au répit pour les aidants familiaux

En substance, lesdits droits consistent à assurer un certain confort à l'aidant familial, confort qui sera financé par ses voisins de contribuables. De fait, il commence à il y avoir pas mal de monde entre pépé et sa petite-fille : c'en est vraiment terminé du lien privilégié qui les unissait. Quand au voisin contribuable qui a cassé sa tirelire pour payer une place en maison de retraite à sa vieille maman, eh bien lui n'a droit à rien de particulier, il a seulement l'obligation de financer son aidant familial de voisin qui n'a pas fait le même effort financier que lui. Quelle belle chose que la cohésion sociale quand même !

Contrepartie des droits au congé ou au repos, un contrôle étatique des faits et gestes de l'aidant familial par le biais du "Carnet de l'aidant familial" :

Il [le carnet de l'aidant familial] est destiné à :

    • informer l’aidant sur ses droits, lui indiquer les coordonnées des centres d’information et les adresses des associations actives dans ce domaine ;

    • constituer un « lieu de mémoire » et de référence à la charge symbolique forte (au même titre qu’un carnet de santé) ;

    • faciliter la collecte de documents et de preuves de ses activités, des formations suivies, de son engagement associatif, etc.

Il faut vraiment être un psychopathe d'étatiste pour imaginer un truc pareil ! Rappelons-le, aider un vieillard, c'est faire ses courses, discuter avec lui du temps qu'il fait, lui préparer la soupe et lui donner un coup de main pour la toilette. Et ces activités-là, il faudrait les coucher sur le papier ?! Et ça va constituer un lieu de mémoire !?! La passion morbide du contrôle des existences poussent les hommes de l'État à des extrémités incroyables. Il faut maintenant justifier à l'aide de documents et de preuves que l'on a bien préparé la soupe de pépé !

On relèvera qu'est évoqué à propos du Carnet de l'aidant une formation. En effet :

Afin de répondre à leurs besoins, la possibilité est ouverte aux aidants familiaux de recourir à des formations ou à des actions collectives de soutien psychologique.

Une formation et un soutien psychologique pour passer la serpillière ou faire les courses de pépé, on aura tout vu ! C'est toujours comme ça avec les missions de Service public : no limit !

Avec le Service public, au début, il est juste question de police et de justice. OK, très bien. Et puis finalement, on y ajoute aussi le réseau routier. Pourquoi pas, hein ? Et puis tant qu'on on y est, soyons fous, incluons l'éducation des enfants dans le package. Yeah ! Et aussi un système de soins. Super ! Et puis la retraite pour les vieux. Hip, hip, hip, hourra ! Et puis, et puis, et puis… les intermittents du spectacle, les ours tchèques dans les Pyrénées, la protection de la banane française, la taxe sur les billets d'avion qui guérit du paludisme, la plage à Paris, plus de plage à Mururoa, le PC à un euro par jour, les balades en kayak dans le Stade de France(2), etc. Excuse-moi, cher lecteur, si tu es à table, mais le Service public, c'est une chiasse cyclopéenne et inextinguible.

Mais bref, revenons-en à nos moutons : sur quoi vont déboucher ces stupides formations ?

Tout aidant familial qui souhaitera devenir un professionnel dans le domaine médico-social pourra faire reconnaître les acquis de son expérience en tant qu’aidant familial, à l’occasion d’une évaluation par un centre de formation.

Seuls les plus grands naïfs ne se doutaient pas d'une telle conclusion : la norme, le diplôme, le statut. Rendez-vous dans trois ou quatre ans : le statut d'aidant familial ne sera plus alors seulement une possibilité mais une obligation. C'est-à-dire qu'il sera interdit par la loi d'aider pépé si l'on n'est pas au préalable reconnu comme aidant familial agréé par les hommes de l'État. Autrement dit : il sera interdit de nouer directement des liens avec pépé, il sera seulement autorisé de solliciter auprès des hommes de l'État la possibilité d'assister son grand-père. Certificats, normes, contrôles, homologations : tout ce qui, au sein de la famille, relève de la chaleur humaine et de la simplicité, est ici transcrit en barbarie froide et administrative.

La centrifugeuse familiale broie les liens familiaux naturels, y substitue une machinerie glacée et arbitraire. Elle détruit la solidarité au nom de la solidarité, avec le cynisme tranquille des tyrans.

(À suivre…)

Notes :

1. Les citations sont toutes extraites de ce document (format pdf, 170 Ko).

2. Si, si. J'ai vu de mes yeux vu à la télé des cons qui se promènent en kayak dans une immense bassine posée en plein Stade de France, le tout au frais du contribuable et au prétendu bénéfice de ceux qui n'ont pas les moyens de se payer des vacances au bord de la grande bleue.

posted by xxc at 1:42 PM 7 comments

vendredi, juillet 14, 2006

La centrifugeuse familiale (1)

Je crois qu'il y a au fond, chez le social-démocrate, un enracinement dans le socialisme révolutionnaire. Quoiqu'il prétende, quoiqu'il se refuse à admettre, le social-démocrate est un constructiviste qui rêve d'hommes soumis au Corps social, qui rêve d'hommes nouveaux, qui rêve de la mort des hommes tels qu'ils sont. La social-démocratie n'est qu'un moyen présentable de faire passer la pilule. Mais en filigrane, la table rase reste l'idée fondatrice.

À cet égard, la Conférence de la famille est exemplaire. Ce "moment fort de l’action publique", comme le dit Dominique de Villepin, s'attache de fait à couper les liens établis entre l'individu et sa famille pour y substituer un lien organique unique entre l'individu et l'État. Autrement dit, en pratique, les hommes de l'État tentent de s'imposer comme vecteurs exclusifs des rapports entre une fille et sa mère, entre un homme, sa femme et ses enfants. C'est une politique de destruction de la famille : l'ordre social naturel doit céder la place à la juxtaposition étanche des individus. La Conférence de la famille, et la politique familiale en général, est une centrifugeuse. Objectifs : une société atomisée, des individus-terminaux exclusivement reliés à l'État-serveur, l'État comme interface totale des rapports entre les individus. À terme, le mot individu pourra d'ailleurs être avantageusement remplacé par abacule(1).

Si cette monstruosité glacée n'est pas encore accomplie, elle est en bonne voie et l'édition 2006 de la Conférence de la famille est un cru honorable. Trois grosses parties :

    1. reconnaître et soutenir les aidants familiaux,

    2. faciliter l'intergénérationnel au quotidien,

    3. faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Je me propose de traiter ce sujet sur plusieurs posts. En effet, l'État congolais n'atteint pas l'excellence de son homologue français et ne me facilite aucunement l'intergénérationnel au quotidien avec ma fille nouveau-née. Résultat, ma femme et moi devons la changer et la laver nous-mêmes, sans compter les nuits blanches qui s'accumulent à cause des pleurs. Bref, ça foire complètement au niveau de l'intergénérationnel en ce moment, ce qui m'oblige à poster par petits bouts. À bientôt donc pour la suite. En attendant, vous pouvez vous régaler de ce compte rendu sur la dernière édition de la Conférence de la famille (document pdf de 170 Ko environ).

Note :

1. Les abacules sont ces petits cubes de terre cuite qui constituent une mosaïque.

posted by xxc at 2:15 PM 6 comments

mardi, juillet 11, 2006

Le monde marche sur la tête

Suivez le lien !

posted by xxc at 10:45 AM 4 comments

samedi, juillet 08, 2006

Délire systématique

Je tombai il y a quelques jours sur l'émission "i> a pas que le CAC" de la chaîne i>Télé. Le principe de l'émission est simple : deux professeurs d'université, messieurs Chalmin et Maris débattent de l'actualité économique.

"i> a pas que le CAC" est un nom d'émission un peu énigmatique. Car y a-t-il, pardon, i> a-t-il une seule personne sur Terre qui pense qu'il n'y a que le CAC ? Une idée aussi saugrenue a-t-elle un jour été produite par un cerveau sain ? Sans doute les audacieux créateurs de l'émission tenaient-ils à promouvoir un point de vue sur l'économie qui prenne le contre-pied original d'idées que personne ne défend. Courageux et rebelles. Tout comme est courageusement rebelle le fait de confronter un professeur social-démocrate à un professeur altermondialiste, ce qui assure dans tous les cas, quelle que soit l'issue du débat, le triomphe des idées d'un fonctionnaire socialiste.

Mais bref, je n'ai pas l'intention de rebaptiser ou de modifier les émissions de i>Télé, après tout, ils font ce qu'ils veulent et je m'en contrefiche. Venons-en plutôt au sujet de principal de l'émission de la semaine dernière : la discussion portait sur le fameux don du milliardaire Warren Buffet d'une très grosse part de sa fortune à des œuvres de bienfaisance.

Bernard Maris, affectant un air serein et détendu, nous explique d'emblée que le don de M. Buffet s'inscrit à rebours du libéralisme, que l'estime que l'on peut porter à l'auteur du don ne doit pas être portée au crédit du libéralisme. Car Bernard Maris est du genre "vigie militante", il a un message politique à asséner. Il ne vient pas à la télé pour discuter et trouver la vérité, il y vient pour conscientiser les masses. En l'occurrence, le téléspectateur moyen pourrait s'imaginer qu'un milliardaire américain ayant fait fortune dans la finance n'est pas exactement un socialiste bon teint, que ledit milliardaire est peut-être même un tout petit peu libéral sur les bords. Or M. Maris ne veut pas que l'on pense cela, ça jure avec son petit catéchisme dualiste et altermondialiste (gentil = socialiste, méchant = libéral). Et donc il prend les devants (Buffet très généreux => Buffet gentil => Buffet socialiste).

Son vis-à-vis, visiblement un peu consterné, ose avancer qu'il ne voit pas trop ce qu'il y a de libéral ou de non libéral à effectuer un don. M. Chalmin a raison : rien, dans le libéralisme, ne s'oppose au don, à la générosité et à la solidarité. Les libéraux ne s'opposent qu'à la fausse solidarité, celle qui s'appuie sur la coercition et la spoliation, et qui n'est un transfert de fonds autoritaire au bénéfice d'une clientèle.

Contre-attaque immédiate de Bernard Maris qui a tout prévu : il rapporte que Warren Buffet estime normal de donner une grande partie de sa fortune puisque, le dit-il lui-même, s'il est si riche, c'est aussi grâce aux autres. Et toc ! À genou le libéralisme ! Affaire bouclée ! Mission accomplie ! Tout va bien, on a eu chaud mais on est sauvé ! Merci Bernard !

Il est sans doute utile de préciser ici les diplômes de M. Maris : agrégation et doctorat en économie. Autrement dit, Bernard Maris sait pertinemment que le libéralisme n'interdit absolument pas le don (et que le socialisme interdit forcément de donner ce qu'il confisque). Mais aussi, M. Maris sait très bien ce qu'est la valeur pour les libéraux. La valeur est créée au sein de l'échange, il n'y a pas de création de valeur hors de l'échange et de la coopération entre les hommes. C'est une évidence : créer des richesses monétaires si l'on est seul au monde, si l'on ne noue aucun lien avec quiconque, n'a aucun sens. Warren Buffet est effectivement très riche grâce aux hommes avec qui il a échangé, et sans eux ses milliards de dollars n'existeraient pas. En disant cela, notre milliardaire ne s'oppose aucunement à une vision libérale de la valeur, bien au contraire. Qu'en outre, alors qu'il est vieillard et que les hommes de l'État reluquent son or, il souhaite que son immense fortune ne tombe pas entre n'importe quelles mains, en quoi est-ce un comportement anti-libéral ?

Attention ! Je ne cherche pas ici à utiliser Warren Buffet, ses idées et ses actes, au service d'une cause (le libéralisme) qui n'est peut-être pas la sienne. M. Buffet est peut-être au fond un constructiviste de la pire espèce, là n'est pas la question, et d'ailleurs cela m'est égal. Je dis seulement qu'un professeur agrégé en économie, en outre docteur, qui affirme que donner n'est pas compatible avec le libéralisme et que créer de la valeur grâce à autrui n'est pas non plus compatible avec le libéralisme, est un menteur patenté qui sait très bien ce qu'il fait. C'est un homme sans scrupules qui utilise le lustre de ses diplômes, de son statut professionnel et de son statut de vedette médiatique pour tromper et manipuler.

Je suis curieux de savoir comment M. Maris, dans son délire systématique, peut expliquer le fait que Warren Buffet cède 80 % de sa fortune à des fondations privées et non à des États ou à des organisations super-étatiques (ONU, UNICEF, etc.). Ça aussi, c'est à contre-courant du libéralisme ?

posted by xxc at 11:02 AM 10 comments

vendredi, juin 30, 2006

Les mailles se resserrent

Ce qui est bien avec la campagne, c'est qu'on s'y sent moins oppressé, on respire. Moins d'agitation, des bruits plus doux, plus harmonieux, moins de règles et de contraintes. Et puis moins d'État aussi. Les gens de l'État aiment surtout les grandes concentrations humaines : il y a moins à parcourir d'un contribuable à l'autre. À la campagne, ce sont parfois plusieurs kilomètres qu'il faut avaler, et ce n'est pas drôle. Il faut être vraiment motivé, avoir ma prédation dans le sang. Or l'homme de l'État préfère l'argent facile, sinon bien sûr il travaillerait vraiment au lieu de vivre en parasite d'autrui.

J'ai habité plusieurs années durant une cabane en bois montée sur pilotis dans la forêt guyanaise, à quelques kilomètres d'un petit village. Un terrain régulièrement inondé, infesté de moustiques, parcouru par les animaux les plus divers, de l'anaconda au caïman en passant par le paresseux. La cabane elle-même abritait, outre votre serviteur, quelques rainettes que venaient chasser mygales ou serpents liane. Bref, une habitation suffisamment isolée et déconcertante pour que l'homme de l'État m'y laisse en paix. J'étais ignoré et heureux. Les fonctionnaires ne pointaient pas leurs nez tous les quatre matins pour m'imposer une mise aux normes sanitaires, pour exiger la carte grise de ma pirogue, pour m'enjoindre d'acheter des produits certifiés CE ou NF auprès de commerçants dûment déclarés, pour jouer des castagnettes sous mes fenêtres le 21 juin, pour m'exproprier afin d'ériger une médiathèque municipale ou encore, plus généralement, pour me redresser la citoyenneté (à ma plus grande honte, j'ai la citoyenneté branlante). C'est bien simple : on ne m'a même pas réclamé non plus de taxe d'habitation. Dans des situations semblables se trouvaient d'ailleurs de nombreuses autres personnes disséminées dans la forêt, Amérindiens, Noirs marrons, Hmongs ou Européens exilés, le sabre ou le fusil chargé toujours à portée de main, prêts à accueillir l'importun, façon brousse.

Un état d'esprit frondeur qui s'est longtemps perpétué dans les campagnes françaises de métropole. Il y a quelques décennies à peine, on tirait encore sur le garde-chasse zélé, on distillait le moût en se contrefoutant du fonctionnaire, on travaillait sans factures au nez et à la barbe du percepteur, on achetait le foie gras de la voisine en se moquant des normes européennes. Bref, on vivait en bonne intelligence, anarchiquement et paisiblement.

Hélas, cet esprit d'indépendance a presque disparu, les paysans se sont faits piéger par la subvention empoisonnée et sont devenus de fait fonctionnaires, la résistance à l'oppression s'est considérablement émoussée. Les rétiaires d'État resserrent à présent les mailles des filets et affûtent leurs tridents ; la déshumanisation totale des campagnes n'est plus qu'une question de temps(1) :

Une charte(2) pour les services publics en milieu rural

Dominique de Villepin a signé, le 23 juin 2006, la Charte sur l’organisation de l’offre de services publics en milieu rural. Il s’agit de réduire les inégalités d’accès et de garantir une offre mieux répartie sur le territoire.

[…]

Les principes d’égalité entre les territoires et entre les citoyens devront être respectés. Essentielles au milieu rural, la proximité et l’accessibilité des services publics devront être assurées. Les collectivités devront donc rechercher « toutes les formules de mutualisation, de regroupement (...) ou de dématérialisation des relations avec les gestionnaires de service public ou au public ». Le Premier ministre estime essentiel, par ailleurs, de s’ « appuyer sur les nouvelles technologies ».

En réalité, la proximité des services publics n'a rien d'essentiel. Les gens qui ont choisi de vivre à la campagne ne se plaignent généralement pas des distances qui les séparent de la CAF, des services fiscaux ou de la CNAM. Bien au contraire, ce qui attirent les gens à la campagne c'est notamment cet isolement relatif, cette distance mise entre soi et la machinerie administrative. Sinon, ils iraient plutôt vivre en ville, pardi !

Les Français qui habitent à la campagne ne sont pas particulièrement demandeurs d'une plus grande proximité avec les services publics, ce sont en revanche les services publics qui souhaitent être au plus près des contribuables. Car, la technologie aidant, il devient de moins en moins fatiguant et de plus en plus rentable de traquer l'administré jusque chez lui au fin fond de l'Aubrac ou des Alpes. Voilà les vraies raisons de la mise en coupe réglée des campagnes.

[…]

Cette politique sera dotée de moyens financiers distincts du fonctionnement normal des services, associant les collectivités territoriales et spécialement dédiés aux projets retenus. Le Gouvernement portera ainsi en 2006 la dotation de développement rural à 20 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 20 millions provenant du fonds national de développement et d’aménagement du territoire. Plus spécifiquement, des actions « propres au développement du haut débit sur tout le territoire » et à la téléphonie mobile seront engagées. Un « formidable outil », selon le Premier ministre, pour rompre l’isolement.

J'insiste : il n'y a pas de problème d'isolement pour les gens de la campagne. Cet isolement est au contraire une situation très prisée, et d'ailleurs bien des fermes du bout du monde s'arrachent souvent à prix d'or. Ce sont en réalité les services fiscaux qui souhaitent être à deux clics de souris des contribuables et non le contraire.

Quoiqu'il en soit, si vraiment quelques campagnards souffrent d'isolement, qu'ils quittent donc les champs et les bois pour un lotissement de banlieue, qu'ils abandonnent les brebis et les vignes pour embrasser une chouette carrière de technicien de surface chez Carrefour. Ils auront alors l'immense joie de payer des impôts pour financer l'internet à haut débit dans les campagnes. Ce que je veux dire au fond, c'est qu'il y a des avantages et des inconvénients à vivre à la campagne, de même qu'il y a des avantages et des inconvénients à vivre en ville, que chacun est libre de s'installer où il veut et que chacun est tenu de se débrouiller avec les conséquences de ses choix. Après tout, celui qui jouit quotidiennement du calme et de la beauté champêtres va-t-il céder au banlieusard une partie de ce calme et de cette beauté-là ? Non ! Et il n'y a donc aucune raison pour que le banlieusard soit contraint de financer le PC du paysan.

Les péréquations étatiques sont des horreurs qui nient les choix de vie de chacun, qui nient les goûts et les singularités, qui transcrivent le goût de Jean pour le soleil en euros ou la tranquillité de Pierre en taxes. L'idéal social étatique est un idéal de clayères, de parc à huîtres aux destins homogènes. La vie humaine, dans ce qu'elle a de complexe, de brouillon, de foisonnant, de varié, de riche est niée : l'idéal étatique est un idéal de mort.

Enfin, le Gouvernement souhaite encourager les projets innovants, notamment à travers les pôles d’excellence rurale. 340 dossiers ont été déposés en deux mois.

Traduction : le gouvernement s'autorise à soudoyer n'importe quel affreux au service de la cause. Et les affreux ne manquent pas, ils sont 340 en deux mois. Plus que jamais, « l'État est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde ».

Notes :

1. C'est à lire sur http://www.psychopathes.gouv.fr.

2. La charte à la noix est ici, au format pdf.

posted by xxc at 5:42 PM 3 comments

vendredi, juin 23, 2006

Les créanciers perpétuels

L'idée de lutte des classes, cet antagonisme qui oppose la classe des exploités à la classe des exploiteurs, conserve une certaine validité dans nos démocraties modernes. D'une part, ceux que la contrainte étatique spolie ; d'autre part, ceux qui touchent les dividendes de cette contrainte. Une fracture sociale qui n'a rien d'accidentel, qui découle somme toute assez naturellement du suffrage universel : d'une population pourra toujours émerger une majorité décidée à exploiter en toute décontraction une minorité.

Certes, les choses ne sont pas si simples. Dans bien des situations, nous sommes à la fois exploiteurs et exploités. Par exemple, comme usager de la Sécurité sociale, je suis un exploiteur (je contrains autrui à payer mes soins) mais je suis aussi exploité (on me contraint à payer les soins d'autrui). Autre exemple, un cheminot est à la fois un exploiteur (monopole de la SNCF, subventions de l'État) mais aussi peut-être un exploité (car contraint d'exercer son métier dans le seul cadre de la SNCF alors qu'il souhaiterait peut-être fonder sa propre compagnie de chemin de fer). Ces ambivalences ne sont d'ailleurs pas fortuites : les aliénations croisées sont le ciment très particulier des social-démocraties(1).

Mais bref, si les situations ne sont pas toujours des plus claires, il n'en reste pas moins que certains individus s'inscrivent sans ambiguïté dans la catégorie des exploiteurs, ne s'en cachent pas, revendiquent cette appartenance et semblent d'ailleurs en tirer une certaine fierté. En quelque sorte, ils se posent en créanciers perpétuels, en êtres d'exception dont la collectivité est redevable quoiqu'ils fassent.

Voici quelques uns de ces énergumènes désinhibés, observés ici(2) en pleine partie de chasse à la subvention dans leur biotope favori, ce fameux cloaque qui s'étend du Ministère de la culture au monde interlope des associations artistiques sous perfusion étatique, en passant par les pages "culture" de quelques "grands" journaux dopés aux aides à la presse écrite :

Le cirque contemporain appelle à l'aide

"Le cirque en danger" ! Territoires de cirque, réseau français regroupant quatorze lieux de production et de diffusion des arts de la piste, s'alarme de la situation économique du cirque contemporain. Il a remis une analyse en ce sens au ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres.

Quand un quidam a besoin d'aide, il s'adresse à la police (s'il est agressé), ou aux pompiers (si le feu menace sa maison), ou à son banquier (s'il est confronté à des problèmes financiers) ou encore à toute autre personne susceptible de le soutenir dans l'épreuve. À toute autre personne sauf, bien sûr, à un ministre ! De ça, il n'en est pas question un seul instant ! Imaginez un peu : « Bonjour monsieur le ministre, je suis carrossier à Aurillac et les affaires ne marchent pas très fort depuis quelques années. Pourriez-vous me venir en aide, siouplé ? ». Impensable !

Eh bien, quand un créancier perpétuel estime que sa situation économique n'est pas conforme à ses attentes, il écrit, lui, tout naturellement au ministre en personne. Et tout naturellement, le "journal de référence" national relaie publiquement ses doléances. Voilà comment se passent les choses dans les sociétés à deux vitesses.

Cinq ans après l'Année du cirque, la reconnaissance de cet art, placé sous l'autorité du ministère de l'agriculture jusqu'à la fin des années 1970 (en raison de la forte présence d'animaux), reste fragile, voire en perte de vitesse. Après l'euphorie, la gueule de bois. L'élan a été stoppé, la visibilité parasitée.

La France compte 404 compagnies de cirque, contre 93 en 1990. Si la formation a été accompagnée, avec la mise en place d'écoles de haut niveau comme celle du Centre national des arts du cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne, le soutien des jeunes artistes constitués en compagnie n'est pas à la hauteur. En 2004, les subventions du ministère atteignaient, pour les écoles, 4 834 341 euros, contre 3 805 817 euros pour les compagnies.

Donc le voilà notre secteur en grande difficulté économique : on passe de 93 compagnies de cirque en 1990 à 404 en 2006, soit une progression du nombre de compagnies de près de 10 % par an pendant seize ans !

À l'aide ! Au secours ! Les 8,6 millions d'euros de subventions annuelles du ministère (auxquelles il faudrait ajouter les subventions des municipalités, des départements, des régions et tutti quanti) attirent tant d'avides aspirants à la créance perpétuelle que les parts du gâteau deviennent de plus en plus dérisoires ! C'est bien simple : si rien n'est fait, les gens du cirque vont devoir gagner leur vie par eux-mêmes ! Comme des gens ordinaires, quoi ! Comme le font des shampouineuses, des éboueurs ou des vigiles de parking !

« L'année du cirque a été utile, commente Marc Fouilland, président de Territoires de cirque et directeur de Circuits d'Auch. En créant par exemple les douze pôles cirque en région, qui se sont constitués depuis en Territoires de cirque avec d'autres partenaires, le ministère montrait son désir de s'engager en donnant un élan aux collectivités territoriales. Depuis, ces lieux, en général de petites structures situées dans des petites communes comme Lannion ou Auch, peinent. Et les artistes rament pour monter des coproductions et se faire diffuser. »

Eh oui ! Les artistes peinent, les artistes rament, comme le dit M. Fouillant (à la tête de deux organisations, soit deux fois plus de subventions). Aucun mot bien entendu pour ces gens ordinaires qui peinent et qui rament dans un boulot qui ne leur plaît pas toujours, et qui en outre sont contraints de financer un cirque qu'ils n'ont pas envie d'aller voir.

Car c'est aussi bête que cela : si les gens allaient au cirque, le cirque ne serait pas en danger, mais les gens ne vont pas au cirque (parce que ça ne les intéresse pas) et donc le cirque manque d'argent. Et comme les "artistes" du cirque n'ont pas les moyens de contraindre les gens ordinaires à venir les voir, ils se contentent de leur faire les poches.

Et il suffit ensuite d'enrober ce qui n'est rien d'autre qu'un vol(3) de quelques propos emberlificotés :

Depuis 2001, ces quatorze lieux constituant Territoires de cirque, tous très divers dans leur statut et dans leur parti pris artistique, ont appris à se connaître. Chacun des directeurs est allé chez ses voisins pour imaginer une pensée collective de défense des arts de la piste.

Pendant que des millions de Français apprennent à se connaître tous seuls comme des grands et sans être subventionnés pour cela, d'autres "imaginent une pensée collective de défense", c'est-à-dire, en des termes moins châtiés, organisent la prédation pour racketter plus large !

(Je saute quelques paragraphes de l'article dans lesquels il nous est expliqué que si les gens du cirque ne prenaient pas autoritairement aux autres avec la complicité de l'État, alors ils ne vivraient pas aussi bien. Argument imparable auquel il est difficile de répondre sans perdre son calme.)

Autre point névralgique : le retour d'un cirque de divertissement, plus facile à vendre, qui évacue les risques artistiques au profit des grosses ficelles conviviales. Pour les compagnies, un encouragement à la création passerait donc par un effort dans l'accueil des compagnies, la mise à disposition de chapiteaux pour travailler, l'invention de centres pour des résidences spécifiques. Il est urgent aussi de préserver dans les villes des emplacements pour l'implantation des toiles de plus en plus déplacées vers les périphéries.

Où l'on apprend que les "artistes" du cirque savent très bien comment attirer suffisamment de spectateurs pour vivre de leur art, mais que… ILS NE VEULENT PAS S'ABAISSER À SATISFAIRE LE PUBLIC ! Et qu'ils ne veulent pas non plus renoncer à le faire cracher au bassinet ! La muflerie, la morgue et l'égocentrisme se portent à merveille dans le milieu du cirque ! C'est révoltant ! Le résultat, à n'en pas douter, de longues années de biberonnages intensifs au sein étatique.

Contre l'appauvrissement qui menace, Territoires de cirque multiplie les prises de parole. Le réseau entend faire parler des arts de la piste au Festival d'Avignon, lors d'une journée spéciale rassemblant la profession.

Alors là, l'apothéose ! Le bouquet final ! Un chantage à peine voilé et parfaitement désinvolte : vous payez la rançon ou sinon on vous pourrit le festival d'Avignon. Les masques tombent : entre argent facile et culture, nos "artistes" du cirque affichent leur choix.

Notes :

1. Cf. ce post : L'asile d'aliénés.

2. C'est à lire dans le Monde du 15 juin 2006 : précisément ici.

3. Le mot "vol" est ici relatif au droit naturel bien sûr, et non au droit positif. Relativement au droit positif, la démarche des "artistes" du cirque est parfaitement légitime, digne, citoyenne et socialement vitaminée.

posted by xxc at 9:21 AM 6 comments

mercredi, juin 14, 2006

La vie étiquetée

Dans leur travail d'assujettissement des êtres, les directeurs du parc à thèmes national font principalement usage de deux instruments : l'impôt et la réglementation. Avec un effet recherché de rasoir à deux lames : l'impôt nous prive d'une bonne moitié de nos richesses (première lame), et la réglementation nous interdit d'utiliser les richesses restantes comme nous le voudrions (deuxième lame). Résultat : une société propre et nette, sans poils de liberté qui dépassent.

Seulement voilà, le système n'est parfait qu'en théorie et il arrive que quelques velléités indistinctes échappent aux faux étatiques, que subsistent accidentellement de maigres latitudes d'action volontaire et indépendante. C'est la vie : les administrés échouent souvent à se comporter en robots, hélas. Sans doute quelques scories primitives des temps pré-citoyens, quelques séquelles d'un individualisme que l'on croyait terrassé.

Mais bref, quoiqu'il en soit, les étatistes ne pouvaient pas laisser la situation perdurer : puisque le citoyen manifeste une certaine propension à s'écarter du chemin en dépit des barrières et des rails, balisons donc le chemin, montrons la voie, induisons les bons comportements, étiquetons la vie, labellisons l'existence. Puisque la manière forte n'y suffit pas, prenons gentiment le vulgaire par la main, accompagnons-le et faisons-lui découvrir combien l'État lui a réservé des merveilles.

Label Rouge, label national Ville Internet, label Ville Fleurie, label Bio, Appelation d'Origine Contrôlée, label Internet, etc. Tout un système de signalisation destiné à renforcer le conditionnement et, in fine, à étendre l'empire étatique sur les consciences.

Dernier en date de ces labels idiots, le label "Famille Plus"(1).

Léon BERTRAND, ministre délégué au Tourisme, a lancé officiellement le mardi 30 mai 2006 le nouveau label FAMILLE PLUS, qualifiant l’accueil et les prestations proposés aux familles et aux enfants dans les communes touristiques françaises. Ce label s’inscrit dans la démarche du Plan Qualité Tourisme qui vise une meilleure lisibilité de l’offre touristique française.

Voilà. Dans le temps jadis, il arrivait fréquemment que des familles ne partent pas en vacances dans les bonnes communes, c'est-à-dire dans les communes que les gens de l'État estimaient préférables. Situation des plus regrettables. Car il faut bien comprendre que les gens de l'État savent mieux que quiconque où et comment Pierre, sa femme Marie et leurs trois enfants devraient idéalement passer leurs vacances, où et comment François, célibataire, profiterait au mieux de ses congés, où et comment Frédéric et Amina, jeune couple sans enfants, passeraient le plus beau des week-ends. Ce que les gens de l'État apportent à ces aimables crétins qui partent en vacances en dépit du bon sens collectiviste, c'est de la lisibilité. L'homme de l'État est voyant, il est le phare qui ouvre la voie.

FAMILLE PLUS est le fruit du travail de trois associations de communes touristiques : l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne (ANMSM – Ski France), l’Association Nationale des Maires des Stations Classées et des Communes Touristiques (ANMSCCT) et la Fédération des Stations Vertes de Vacances et Villages de Neige, qui représentent aujourd’hui 1700 destinations touristiques françaises.

Magie du Service public et de la productivité : 1700 communes, trois associations subventionnées, un ministère indispensable et hop ! abracadabra ! vous obtenez un label "Famille Plus" !

Face à un besoin croissant des familles en termes d’accueil, d’animations adaptées à chacun, FAMILLE PLUS s’engage sur :

- un accueil personnalisé ;

- des animations et des activités adaptées à tous les âges ;

- des tarifs malins ;

- une sensibilisation des professionnels aux attentes des enfants.

Bien sûr, contrairement à ce qui est écrit, le label ne s'engage en rien. D'abord parce qu'un label ne peut pas s'engager, ensuite parce qu'aucun contrat n'est passé avec quiconque. C'est-à-dire que les maires des communes labellisées n'ont aucune obligation véritable, et que les gogos victimes du label "Famille Plus" n'auront aucuns droits à faire valoir. Car la seule et véritable raison d'être du label est la conscientisation du citoyen, sa valeur est éducative : un comportement est attendu.

D'ailleurs, les prétendus engagements sont d'une totale vacuité. Un accueil personnalisé ? Quelle différence avec le fait d'être accueilli normalement ? Des animations et des activités adaptées à tous les âges ? Ainsi, les gens de l'État savent ce que l'on doit faire et ne pas faire selon que l'on est jeune ou vieux ? Ou bien est-ce à dire qu'avant le label "Famille Plus", on obligeait les vieux à faire du deltaplane et les adolescents des mots croisés ? Des tarifs malins ? Comment ça, "malins" ? Doit-on comprendre "méchants" ? Ou plutôt "astucieux" ? Comment donc un tarif peut-il être astucieux ? Une sensibilisation des professionnels aux attentes des enfants ? Les professionnels n'ont-ils jamais été enfants eux-mêmes ? N'ont-ils pas des enfants ? Sont-ils, en tant que professionnels de l'accueil des familles en général et des enfants en particulier, moins au fait des attentes des plus jeunes que ne le sont des présidents d'associations ou un ministre ?

« FAMILLE PLUS, destination pour petits et grands », est le label auquel les familles vont pouvoir se référer, dès cet été, pour un séjour réussi.

Véritablement savoureux ! Ça sent la bonne vieille réclame de pépé !

Mais ce qui est, somme toute, le plus cocasse, c'est cette prétention à être une référence, à apposer son label comme gage de sérieux et de solidité alors que, justement, l'État ne nous montre que déficits abyssaux, gaspillages monstrueux, grenouillages pathétiques, interventions irresponsables et viols quotidiens des droits de l'homme. C'est bien simple : à la seule vue du label d'État "Famille Plus", les familles devraient s'enfuir sans délai à toutes jambes !

Note :

1. Document au format pdf (400 Ko environ) à télécharger ici.

posted by xxc at 10:56 AM 5 comments

vendredi, juin 09, 2006

États, ONG et carambouilles

Hôpital public Congo malembé (littéralement : Congo pas trop vite) de Tié-Tié, faubourg ponténégrin. Je suis dans le petit bureau déprimant de M. René Tchiyaka (j'ai changé le nom). Avec un sourire, René pousse vers moi deux piles de billets de dix mille francs.

« Voilà ! Tout est là !

- Très bien. », dis-je. « Je vais recompter tout ça, au cas où une erreur ce serait produite.

- Oh, ne vous fatiguez pas…

- Ce sera vite fait, la plupart sont tout neufs et rangés par numéro. C'est vous qui les fabriquez ?

- Euh… non, je les ai eu à la banque. », me répond, perplexe, mon interlocuteur.

L'ami René est manifestement étanche à l'humour. Je laisse tomber et compte minutieusement les billets.

« Bien, les liasses sont complètes…

- Parfait ! », enchaîne prestement René en me tendant une feuille de papier. « Vous pouvez signer l'acte de vente du véhicule !

- C'est que les liasses sont bien complètes… mais il en manque deux. Je n'ai compté que deux millions, il manque donc deux liasses de cent mille francs. Pendant que je signe, trouvez-les moi s'il-vous-plaît.

- Ah… mais il faut être généreux ! Vous savez au Congo, nous avons besoin d'être aidés !

- Précisément : j'habite le Congo, je suis congolais de fait et j'ai besoin d'être aidé. Soyez généreux avec moi, René : payez donc ce qui était convenu.

- Ah… mais vous les Moundélés (les Blancs) vous êtes d'ordinaire gentils avec les Congolais… vous ne pouvez pas faire un petit cadeau ?

- Non, non, non ! Les anciens Moundélés étaient gentils, mais les nouveaux sont méchants. C'est comme ça, il n'y a plus de cadeaux. Sortez donc les liasses manquantes de votre tiroir, mon cher René. »

René explose de rire, le coup des anciens Moundélés gentils et des nouveaux Moundélés méchants le fait se boyauter, il n'en peut plus. Il ouvre son tiroir et en tire deux cent mille francs qu'il pose sur le bureau.

« On y est presque, il manque juste cinq mille francs dans cette liasse », dis-je après avoir compté.

« Ah bon ? Vous êtes sûr ? Comment ça se fait ?

- Sans doute un rat. »

René me sent intraitable et se résout à sortir le billet de cinq mille francs qui manque. Je signe l'acte et m'apprête à prendre congé.

Mais René veut absolument que je visite l'hôpital avant de partir et nous voilà donc partis à déambuler ici et là dans ce désolant établissement. C'est immonde, délabré, obscur. Par terre, vautrés, des malades attendent, on a l'impression qu'ils attendent comme ça depuis des années. Ils sont parfaitement inscrits dans ce décor d'apocalypse ; par endroits, on les a parqués avec du fil de fer barbelé. C'est d'une tristesse infinie. René me montre des installations radiologiques d'une saleté et d'une vétusté qui repoussent les limites de mon imagination. Les locaux sont plus infâmes que la plus infâme cave d'immeuble HLM. J'ai très envie de quitter ce film d'horreur le plus rapidement possible avant d'attraper ebola ou le choléra. Je trouve un prétexte pour écourter la visite et nous nous dirigeons vers la sortie.

Parvenus au soleil, je me dis que ce n'est pas avec ce que René gagne ici qu'il a pu réunir les deux millions deux cent mille pour acheter ma voiture. Ça sent la magouille à plein nez.

« Au fait, René, vous avez un deuxième métier ? Ou bien vous ne travaillez qu'ici ?

- J'ai monté un bizness d'installations d'appareils médicaux. Grâce aux compétences que j'ai acquises à l'hôpital, j'équipe intégralement certaines cliniques de la ville.

- Et les appareils médicaux, où les trouvez-vous ?

- Grâce à mon association de bienfaisance. J'ai monté une association qui sert à collecter les dons en matériels médicaux en provenance d'ONG françaises. Ensuite, je revends les dons aux cliniques et j'installe le matériel.

- Et les organisations en question, elles ne vous demandent pas des comptes ?

- Non, ils ne viennent jamais ici. »

René m'expose sa carambouille en toute simplicité et sans la moindre gêne ou retenue. Des pratiques si courantes et si connues qu'il est inutile d'essayer de les cacher.

Au départ de l'escroquerie, nous avons des ONG et l'État français. Ces ONG s'emploient à faire pleurer dans les chaumières pour récupérer des dons. L'État prélève pour sa part autoritairement des impôts et reverse des subventions aux ONG. Une partie de l'argent récolté, dons et impôts, est consommé par les ONG et l'État eux-mêmes, le reste est confié aux mains d'inconnus à l'autre bout de la planète sans aucun contrôle. Ces inconnus servent d'alibis : ils peuvent prétendre sans mentir qu'ils ont bien reçus de l'argent et du matériel de telle ou telle ONG. Tout est en règle. Administratifs, associatifs, fonctionnaires hospitaliers et douaniers se sont goinfrés au passage : pas de risque qu'ils s'opposent à la combine puisqu'ils sont partie prenante.

Les dindons de la farce ? D'abord les donateurs et contribuables français, clairement abusés dans cette histoire. Mais aussi, et ce n'en est que plus révoltant, les malades congolais les plus pauvres. Ceux-ci, déjà dépossédés quotidiennement de leurs richesses par les rapaces de la fonction publique, n'ont plus les moyens de payer une consultation dans une clinique bien équipée. Pour eux, c'est l'hôpital public, un hôpital à l'abandon, pillé par les fonctionnaires hospitaliers eux-mêmes, ces fonctionnaires qui consacrent plus de temps au "bizness" qu'aux malades.

L'aide à l'Afrique ? Une pompe Afrique !

posted by xxc at 10:22 AM 3 comments

vendredi, juin 02, 2006

Les fables du sport

L'État est une fiction, « c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde »,(F. Bastiat). Et les escamoteurs qui officient sous pavillon noir étatique n'ont rien d'autre à montrer que des mirages et des illusions. Car ces gens ne font rien : ils se situent. Leur "travail" consiste à s'entourer de bonnes fables utiles à subjuguer et à distraire.

Parmi ces fables : le sport et ses prétendues vertus sociales positives. Tous les politiques adorent le sport depuis qu'ils ont compris qu'ils tenaient là le papier tue-mouche idéal : foules enthousiastes et cocardières, événements spectaculaires, un interventionnisme public tout tracé en matière d'équipements, de personnels et d'usinage social. Du coup, le sport a été artificiellement habillé de valeurs toutes plus sympathiques les unes que les autres. Le sport c'est la santé, le sport est une école de la vie, le sport rend sociable, responsable, humble, fair-play, sincère, tolérant, pacifique, antiraciste, antisexiste, etc.

Rien de tout cela n'est vrai bien sûr et il arrive parfois que, manque de bol, la fable dérape outrageusement et que les faits s'imposent sans complaisance pour la Vérité officielle :

Traite des femmes : Ne soyons pas complices !

Jean-François Lamour [ministre des sports] a présenté, le 24 mai 2006, une campagne de sensibilisation à la traite des femmes, lancée en partenariat avec la Fédération française de football, la Ligue de football professionnel et la coalition contre la traite des femmes.

Les voilà bien embêtés, nos mythomanes du sport. Les supporters braillards de la prochaine coupe du monde de foot en Allemagne n'ont pas l'intention de se contenter de bière, ils veulent aussi des filles. La réalité crue du sport tel qu'il se passe s'écarte fort dangereusement des niaiseries citoyennes que l'on entend à longueur d'année. Ça vaut bien une petite parade hypocrite pour tenter de sauver le mythe du sport vertueux.

Lors d’évènements sportifs majeurs, la traite des femmes en vue d’alimenter les réseaux de prostitution se développe. « Cet esclavage des temps modernes est contraire à l’éthique du sport et aux valeurs de l’olympisme », a souligné le ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative.

En réalité, il n'y a pas d'éthique du sport, le sport est ce que les sportifs en font. Et dans le sport de compétition, même de bas niveau, il n'est pas rare que les sportifs apportent la vanité, l'envie, la colère, la tricherie, la méchanceté, la violence, les drogues et la mauvaise foi. Quand aux troupes de supporters, elles sont souvent bêtes, braillardes et chauvines, parfois avinées et bagarreuses. Et accessoirement elles ne s'interdisent pas toujours la fréquentation des prostituées. Je ne souhaite pas ici dépeindre un tableau désespérant des sportifs et des spectateurs, je dis seulement que le sport c'est aussi ça.

Et voilà une réalité qui embête bien M. Lamour, lui qui préfère les fables sportives d'État. De même qu'il s'est construit sa petite vérité relative à la prostitution, c'est d'un sport idéal et non de sport réel qu'il parle. Car ce n'est pas le sport lui-même qui importe mais la manière dont le sport, vitrine publicitaire du régime, est perçu par l'opinion.

Cette campagne comporte un clip de sensibilisation qui sera projeté le 27 mai au Stade de France à l’occasion du match de football France-Mexique.

Réaction typique du social-démocrate : quand il croit voir (ou fait mine de voir) un crime (ici, des humains prétendument réduits à l'état d'esclaves), plutôt que d'appeler la police ou de prévenir le parquet, c'est-à-dire d'agir de la manière la plus naturelle qui soit en de telles circonstances, il crée un événement, il dénonce le "mal" en public, il "sensibilise". De fait, il met en scène son inaction, sa vacuité. Il organise un détournement du réel : il prétend ici que les gens du sport s'élèvent contre la prostitution quand les faits montrent justement le contraire.

« La lutte contre la traite des femmes mérite notre mobilisation à tous », a affirmé Jean-François Lamour.

Sans doute pas.

Si effectivement il y a traite, c'est-à-dire esclavage, alors l'affaire concerne avant tout les professionnels de la police et de la justice. Je ne vois pas ce que je pourrais faire d'intelligent et d'approprié contre de tels trafics.

Sinon, s'il n'y a pas traite, s'il n'y a que des adultes consentants, alors contre quoi se mobiliser ? Si M. Lamour s'inquiète pour l'image (ridicule et fausse) qu'il souhaite donner du sport, c'est son problème et il devrait financer des clips de sensibilisation sur ses propres deniers. Si c'est la fréquentation des prostituées qui choque sa morale personnelle, eh bien il est libre de ne pas se rendre au bordel.

Pour pasticher M. Lamour, je dirais : « la lutte contre l'existence d'un ministère des sports mérite notre mobilisation à tous ».

posted by xxc at 8:24 AM 8 comments

mardi, mai 23, 2006

Les alchimistes

Les alchimistes médiévaux ont recherché en vain la pierre philosophale, cette substance merveilleuse capable de transmuer le plomb en or. Les alchimistes sociaux-démocrates du XXe siècle concentrent plutôt leurs efforts sur une pierre philosophale d'un type différent : celle-ci se nomme impôt, taxe, patente, charge, contribution, prélèvement, droit, octroi, cotisation ou redevance, et son pouvoir est de changer l'or en plomb. Perfectionnistes, nos alchimistes suent sang et eau pour réaliser leur chef d'œuvre : l'impôt parfait, l'impôt qui confisque la totalité des richesses, qui asservit à la perfection, l'impôt qui spolie intégralement tout en laissant la victime en vie, avec juste assez de souffle de vie pour pouvoir dire oui quand on lui pose un drain supplémentaire.

Cette perfection fiscale n'est pas encore de ce monde mais, comme on peut le lire dans le Monde, on y travaille :

[…] Le PS veut créer « l'impôt citoyen sur le revenu ». Il sera le fruit de la fusion, par étapes, sur cinq à dix ans, soit au moins deux législatures, de l'actuel impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG).

Assurément, citoyen sonne mieux que civique, adjectif aujourd'hui déclassé. Civique renvoyait à une certaine docilité, à une certaine passivité : le péquin moyen devait se laisser tondre en courbant l'échine, en se soumettant à la volonté de ses bons maîtres, parce que c'était comme ça. Avec l'adjectif citoyen, rien à voir. Se faire plumer devient un engagement, une profession de foi, un moment de joie collective. Et ça change tout !

Bonne idée, donc, de parer de vernis citoyen ces cinq à dix ans de plomberie fiscale. Car la fusion IR-CSG, peu sexy, risque fort de consommer plus d'énergie qu'elle n'en consommera. En effet :

[…] Un terrain d'entente a été trouvé en étalant le calendrier, afin de mettre en oeuvre la retenue à la source de l'IR tout en supprimant des niches fiscales, d'introduire la progressivité de la CSG, et d'organiser la discussion avec les partenaires sociaux. Le produit de la part CSG continuerait à être affecté à la Sécurité sociale.

Eh oui, on fusionne deux impôts mais le produit de chacun d'eux est affecté à des postes différents, les mêmes qu'avant la fusion ! C'est le principe de la fusion-fission : tu prends un verre de grains de riz et un verre de grains de blé, tu verses les deux contenus dans un même saladier, tu mélanges bien le tout, et pour finir tu remets les grains de riz dans le premier verre et les grains de blé dans le second. Ça occupe. Et puis, un aussi incroyable gaspillage de temps et d'énergie ne pouvait que séduire nos alchimistes socialistes.

[…] La réforme, pour le PS, serait redistributive.

En général, quand on redistribue les cartes, c'est qu'il y a eu maldonne lors d'une première distribution. Or ici, nous parlons de richesses produites : que je sache, il n'y a pas la moindre distribution ni répartition là-dedans, les richesses étant possédées par ceux qui les créent (les créeraient-ils sinon ?). L'idée selon laquelle une distribution initiale déplorable serait corrigée par une redistribution de socialistes avisés est totalement fausse : il n'y a pas de distribution initiale. Y en aurait-il une, sur quels critères objectifs pourrait-on affirmer que Pierre a trop et Jean pas assez ? Il n'y en a tout simplement aucun ! La seule situation juste, c'est que chacun conserve ce qu'il a honnêtement gagné. Tout le reste relève du mythe ad hoc : une justice sociale, qui n'a de justice que le nom, est construite de toutes pièces dans le but de couvrir des activités prédatrices.

[…] une majorité de socialistes a entrepris de "réhabiliter" l'impôt. Dans le rapport introductif à la réunion, mercredi, Eric Besson, secrétaire national à l'économie, estime que la « fiscalité est un enjeu de la mondialisation : les socialistes doivent plaider sans relâche contre la concurrence par le moins-disant fiscal ». Et d'ajouter : « Les socialistes français optent, de fait, comme plusieurs pays de l'Europe du Nord, pour un niveau de prélèvements obligatoires élevés. »

Réhabiliter l'impôt !? La bête fiscale est pourtant plus enflée qu'elle ne l'a sans doute jamais été. Mais au moins, on ne peut pas accuser nos alchimistes de cacher leur jeu : toujours plus d'impôts au programme avec pour justification le fait que plus il y en a, mieux c'est. L'impôt comme idéal. Et les citoyens là-dedans ? Pas un mot. On prend tout ce que l'on peut, voilà ce qui importe.

Et quand on pense que ce sont les mêmes gens de gauche qui prétendent s'élever contre ceux qui mettent l'homme au service de l'argent…

[…] Concernant l'impôt sur les sociétés (IS), M. Strauss-Kahn a plaidé pour sa modulation en fonction de plusieurs paramètres, tels que le nombre de jeunes et de seniors dans l'entreprise, les formations dispensées, les accidents du travail, les impératifs écologiques, ou le réinvestissement des bénéfices.

Car non seulement nos alchimistes s'activent à spolier plus qu'hier et moins que demain mais il leur faut aussi diriger les entreprises à la place des entrepreneurs. Récompenses et punitions fiscales y pourvoiront : de belles usines à gaz avec manettes, leviers, robinets et boutons poussoirs, tout ce qu'il faut pour faire un bon meccano national, pour jouer à Dieu depuis son bureau au ministère. Ces gens sont décidément des malades mentaux épris de tyrannie.

Enfin, une taxe écologique, qui existe déjà sous le nom de TGAP mais améliorée, serait appliquée de façon modulable aux activités polluantes (CO2, déchets, eau...). […]

Et si les plus grands pollueurs de nos vies étaient justement les alchimistes collectivistes ? À force d'expériences sociétales frelatées, de mixtures fiscales méphitiques et de réglementations vénéneuses, ne sont-ce pas eux les premiers fossoyeurs de nos existences ?

posted by xxc at 7:55 AM 4 comments

vendredi, mai 19, 2006

Fraich'attitude (2)

Juste deux mots en passant à propos de la semaine Fraich'attitude 2006. On peut lire ceci sur http://ahlescons.gouv.fr:

Pour marquer leur engagement en faveur de la consommation de ce type de produits [fruits et légumes], le ministre [des PME] et des professionnels ont signée une Charte qui prévoit notamment de […] remplacer les produits sucrés et gras de certains distributeurs par des fruits et légumes […].

Gasp.

« Voyons voir… Qu'est-ce que je vais prendre… Tiens ! Un chou de Bruxelles ! Il n'y en a plus qu'un !

— Oh ben non, prends plutôt un Kinder Bueno ! C'est plein de bon lait et de cacao !

— Un Kinder Bueno ? Mouais… Tu crois ? Oh et puis non, je vais plutôt prendre le chou de Bruxelles ! »

posted by xxc at 8:01 AM 1 comments

mercredi, mai 17, 2006

Fraich'attitude

Mon Dieu mais ils sont complètement tarés. Voici les titres à la une du portail du gouvernement :

Energie : "une politique de développement durable"

15-05-2006 00:00

"Construire un avenir meilleur pour les français"

16-05-2006 19:19

Semaine de la Fraich’attitude : encourager la consommation des fruits et légumes

16-05-2006 16:55

Protéger les jardins, susciter des vocations

16-05-2006 16:49

Le Quai d’Orsay veut rendre la culture française plus attractive

16-05-2006 10:38

Remise des rapports préparatoires à la Conférence de la famille

15-05-2006 17:24

La Fraich'attitude ! Voilà qui me donnerait surtout des envies de boucheries !

posted by xxc at 12:07 PM 3 comments

Gazelles et vampires

Nouvelle facétie du gouvernement, on dirait du Raffarin quand il était à son apogée (qu'est-ce qu'il me manque celui-là alors, c'est terrible…) : voilà que nos ministres se portent au secours des… gazelles ! On pensait qu'ils avaient touché le fond, oh que non !, ils creusent encore !

Lu sur http://parasites.gouv.fr :

Qui sont les gazelles ? Le ministère des PME les a sélectionnées parmi "l’ensemble des sociétés françaises comptant 5 à 250 salariés et dont le chiffre d’affaire a augmenté de plus de 34 % en 2003 et à nouveau en 2004". Ce sont des entreprises dont la masse salariale et le nombre d’emplois ont plus que doublé en deux ans, et qui sont indépendantes au sens de la statistique publique (pas de contrôle à plus de 50 %).

Euh… Hem… Alors comme ça, de telles entreprises sont des gazelles ? À ce compte, quelles sortes de mammifères exotiques sont la SNCF ou La Poste ? Des hippopotames alités ? Des aïs exténués ?

Mais bref, pourquoi précisément cette définition-là de la gazelle-selon-l'État ? Pourquoi pas plutôt une fourchette de 10 à 300 salariés ? Pourquoi pas plutôt un CA en hausse de 30,51 % ? Sans prendre de grands risques, je mets ma main à couper que ces critères sont totalement arbitraires et que, par voie de conséquence, la catégorie "gazelle" n'a aucune existence hors d'un cerveau dérangé de ministre.

Plus de 400 de ces "gazelles" ont répondu à une enquête lancée par le ministère des PME. Il en ressort que 77 % de ces entreprises recrutent en CDI mais qu’un quart d’entre elles ont fait appel au CNE. Leur principale difficulté est aujourd’hui de trouver des collaborateurs qualifiés. Les autres préoccupations sont la gestion de la trésorerie et la gestion des formalités administratives. Une sur trois voit son développement ralenti par des difficultés d’accès au financement.

Difficultés plutôt banales et, somme toute, normales. Notons en tout cas que les hommes de l'État s'inscrivent bien au registre des difficultés rencontrées : la complexité administrative est de leur fait, les problèmes financiers seraient moindres sans spoliation fiscale et parafiscale.

Les réseaux, les financements et les experts à la rescousse

De par leur taille et face à l’importance du réseau relationnel, le programme "Gazelle" prévoit de favoriser les rencontres entre PME. Pour cela, il fera appel à un "réseau des gazelles". Celui-ci permettra d’échanger expériences et compétences, grâce à l’aide d’associations de chefs d’entreprises et aux chambres de commerce et d’industrie. Ces partenaires permettront aux gazelles de répondre à des problématiques concrètes telles que "Comment lever des capitaux ?", "Comment réussir la fusion-acquisition ?" ou encore "Comment financer l’innovation ?".

Mais ce n’est pas le seul partenaire auquel il fait appel : des partenaires "financement" et "conseil d’experts" ont aussi été mobilisés.

Nos gazelles vont en rester comme deux ronds de flan : c'est à ces entreprises dynamiques et performantes que l'État cacochyme et obèse, incapable de dire le montant de sa dette abyssale ou encore le nombre de ses fonctionnaires, vient porter secours ! Le monde à l'envers !

En réalité, cette minable manœuvre du gouvernement cache mal un nouveau grignotage, une nouvelle métastase du cancer étatique. Car réseaux, financements et experts apparaissent et se développent spontanément au sein d'un marché libre dès lors qu'il y a une demande, il n'est besoin d'aucune intervention extérieure pour les créer. Entre entrepreneurs, financiers et conseillers, l'homme de l'État n'a pas plus sa place qu'un chien dans un jeu de quilles : non seulement il est inutile mais il dérange tout le monde. Ses interventions sont des prétextes pour se mettre en avant, pour parader, pour faire semblant de faire quelque chose, pour faire croire qu'il est indispensable et entretenir ainsi la légende de l'État providentiel.

Sous couvert d'aide ou d'assistance (mais pourquoi donc subventionner des entreprises performantes ?), les hommes de l'État n'œuvrent que pour eux-mêmes et leurs méthodes sont celles de vampires aux manières perfides.

posted by xxc at 8:05 AM 3 comments

mercredi, mai 10, 2006

Les rois du racket

En novembre 2005, en réaction aux émeutes urbaines, Dominique de Villepin promettait : « J'ai décidé de renforcer les moyens dont disposent les associations en débloquant 100 millions d'euros supplémentaires en 2006. »

Finalement, selon Catherine Vautrin, ministre délégué-e à la cohésion sociale, ce sont 157 millions d'euros que les associations recevront en mai et juin 2006 dans le cadre du FIV (fond d'intervention pour la ville). À cet argent s'ajouteront bien entendu d'autres contributions d'État, celles aussi que versent mairies, communautés de communes, conseils généraux, régions et autres collectivités boutiquières de l'hydre collectiviste. Ajoutons-y diverses facilités, mises à disposition gracieuses de personnes, de locaux, de matériels divers ou d'espaces publicitaires. En fin de compte, combien de milliards d'euros servis sur un plateau d'argent aux associations ?

Et puis, qu'est-ce qu'une association d'abord ? En langue française non corrompue, une association, ce sont des hommes qui se regroupent librement pour coopérer, c'est-à-dire pour agir ensemble, mettre leurs efforts en commun, cotiser et solliciter des dons, tout cela en vue d'atteindre certains objectifs qu'ils se sont fixés. Se regrouper en association est un acte libre : les associés s'impliquent parce qu'ils le veulent et comme ils le veulent, et ils ne contraignent personne à se joindre à eux.

Une telle association, c'est-à-dire une association authentique, n'a aux yeux des gens de l'État aucun intérêt, aucune existence. Elle est en effet indépendante du pouvoir politique et poursuit son petit bonhomme de chemin de manière autonome. Seules les façades associatives, seules les officines aux faux airs d'associations qui engloutissent de l'argent public sont prises au sérieux par les politiques : une bonne association est une association corruptible, achetable, qui joue le jeu du business de la subvention.

D'une vraie association, l'homme politique ne peut rien espérer. D'une fausse association, il en tire au contraire des dividendes : distribuer des subventions ne lui coûte rien (ce n'est pas son argent) et lui permet de se poser en bienfaiteur de l'humanité (grâce à son statut usurpé de donateur), et surtout il se rend indispensable au bon fonctionnement desdites "associations". Pouvoir de "donner" ce qui n'est pas à lui, pouvoir de l'entregent et de la coercition.

Alors que l'homme politique et la vraie association n'ont rien à se dire, l'homme politique et les membres de la fausse association ont des intérêts communs et vivent en parfaite symbiose : du pouvoir pour l'homme politique contre de l'argent pour les membres de l'association (cet argent sale volé par l'impôt puis blanchi par l'onction publique). Dès lors, il n'est pas étonnant que de très nombreuses associations ne soient que des coquilles vides, ou presque vides, des associations lucratives sans but.

Dans le cas précis des associations des banlieues difficiles, les faits montrent, sans surprise, que le tissu associatif ne sert à peu près à rien, qu'il n'empêche pas les difficultés d'arriver, que l'argent versé pendant des décennies ne résout pas les problèmes. Et c'est très compréhensible : la plupart des associations sont fausses, leur objet réel et inavoué est d'abord de rendre service aux membres associés (en mettant la main sur de l'argent public) et aux pseudo-donateurs que sont les politiques. Tout est faux et frelaté !

Face à la cruelle réalité des faits, le discours citoyen, c'est-à-dire celui des affairistes de la subvention, est d'une hypocrisie imparable : « Si ça ne marche pas, c'est bien la preuve que notre action est bonne mais qu'il faut l'amplifier ! ». À cette énormité s'ajoute un "chantage social" : « Si tu oses dénoncer notre collusion alors tu es un salaud qui méprise les gens des banlieues, tu es un type mesquin crispé sur tes euros, nous allons te pourrir et te montrer du doigt, tu seras un paria. ». Chantage à la stigmatisation, culpabilisation, habitants des banlieues pris en otages et inversion des valeurs (les victimes sont les coupables et les coupables sont des victimes) : nos affairistes en symbiose sont les rois du racket.

MARDI, MAI 02, 2006

Les vandales

À peine sort-on de cette effarante tentative d'écriture d'une histoire officielle de la France coloniale(1), et voilà que les députés remettent le couvert.

Le journal le Monde rapporte en effet que :

« le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a déposé, le 12 avril, une proposition de loi visant à sanctionner la négation du génocide arménien. ».

Et les députés UMP ne sont pas en reste :

« une proposition de loi visant également à sanctionner la négation du génocide arménien a été déposée par Eric Raoult (UMP, Seine-Saint-Denis) ».

Face à l'urgence de la situation, deux lois pour sanctionner le même crime (sans victime) s'imposent ! (Et puis la communauté arménienne en France, c'est quelques centaines de milliers de bulletins de vote…)


On le savait déjà, le rôle du Parlement français est d'écrire l'histoire de la Turquie. Nos parlementaires ont tellement légiféré sur les existences des Français, leur imposant ceci, leur interdisant cela, qu'ils ont besoin parfois de se changer un peu les idées en répandant leur trop-plein de bien-pensance et de dirigisme sur des peuples plus exotiques. Et aujourd'hui, on passe à la vitesse supérieure : non seulement l'État français écrit l'histoire de la Turquie mais il souhaite emprisonner cinq ans et condamner à payer 45.000 euros le renégat qui s'aventurerait à écrire une histoire de la Turquie différente (la déportation aux îles du Salut n'a pas été évoquée).

Le président de la Grande Assemblée nationale de Turquie a fait savoir qu'il trouvait tout cela moyennement drôle. Et M. Devedjian (UMP) s'est empressé de dénoncer ces insupportables pressions. (C'est vrai quoi, il est con ou quoi ce Turc ? Non mais de quoi je me mêle ?)

D'ici peu, grâce au travail de nos parlementaires, les étudiants en histoire n'auront pas besoin de digérer des dizaines d'ouvrages pour progresser dans leur discipline : le Journal officiel suffira. Entre les livres interdits et un internet aux contenus sous contrôle, il faudra s'expatrier pour se faire son opinion sur ce qui s'est passé entre Turcs et Arméniens au début du XXe siècle.

D'une manière générale, on ne voit pas trop ce qui pourrait arrêter cette tendance à vitrifier l'histoire et à condamner les idées désagréables ou simplement différentes. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin et ne pas passer au tamis étatique n'importe quelle autre période historique ? En point de mire : une histoire "mémorielle", unifiée, unique, c'est-à-dire une histoire qui tourne le dos à la connaissance, la nie, la détruit. Nihilisme et vandalisme : nos horizons sociaux-démocrates ?

VENDREDI, AVRIL 28, 2006

La parade des écornifleurs

Lu sur l'excellent site web du gouvernement (http://oui-bwana.gouv.fr)

François Loos est intervenu, mercredi 26 avril 2006, lors de l’ouverture de la 13e édition des journées Capital-IT.

« Depuis près de quatre ans, l’action du Gouvernement a conduit à replacer la France dans le peloton de tête en termes d’équipement informatique et d’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) », a souligné le ministre délégué à l’Industrie.

Mazette ! Depuis une bonne quarantaine année l'État se mêle d'informatique (Plan calcul, Bull, Plan informatique pour tous, Minitel et autres fiascos dispendieux), et voilà que tout à coup, sans prévenir, ça marche ! Bien joué !

Comme quoi il est vraiment inutile que les constructeurs d'ordinateurs, les éditeurs de logiciels et les commerçants se décarcassent pour proposer les prix les plus bas pour des machines toujours plus performantes, des logiciels toujours plus conviviaux et satisfaisants ou des connexions à internet toujours plus ébouriffantes : si les Français achètent des PC, l'action du gouvernement en est la cause !

Baste ! De deux choses l'une : ou bien le père Loos est une triste ganache qui croît en les âneries qu'elle raconte, ou bien il nous prend pour de profonds imbéciles. Dans un cas comme dans l'autre, pourquoi ne le vire-t-on pas ?

Il s’agit, en particulier des initiatives comme l’ordinateur portable à 1 euro pour les étudiants ou l’opération "Internet accompagné"

Initiatives risibles. D'abord pourquoi les étudiants ne se paieraient-ils pas leurs portables eux-mêmes ? S'ils ne sont pas disposés à bosser pour se payer un PC, pourquoi donc devrais-je être disposé à bosser pour leur en payer un ? Quand à "Internet accompagné", c'est quoi cette farce ? On a besoin d'un fonctionnaire maintenant pour apprendre à cliquer sur un lien ou envoyer un e-mail ? De mon temps, tout cela se faisait naturellement, les plus doués expliquaient patiemment aux plus tartes, gratuitement et gentiment, mais apparemment ce n'est plus possible aujourd'hui, l'altruisme et la solidarité ont été depuis nationalisés. Faut payer à présent.

Mais pourquoi ? Oui, pourquoi faut-il payer pour que se développent les TIC ? Pourquoi les TIC doivent-elles se développer ? Et si des gens n'aiment pas les ordinateurs et vivent très bien ainsi ? Pourquoi doit-on les inciter à se planter devant l'écran d'un PC ? S'ils préfèrent cultiver leurs poireaux, faire la cuisine, bricoler, lire ou écouter Mozart ? Quel est le problème ?

Le problème est que les paons sont pris de l'irrésistible envie de faire la roue, que les écornifleurs ressentent l'impérieuse nécessité de parader : les hommes de l'État veulent se faire voir, veulent être aimés, veulent qu'on les louent, veulent qu'on les croient nos bienfaiteurs quand ils ne sont que nos parasites.

Preuve en est encore ceci (toujours dans le cadre des journées "Capital-IT") :

Un "cadre économique favorable à l’innovation pour les entreprises"

Le Gouvernement a mis en place un crédit d’impôt recherche et un statut de jeunes entreprises innovantes afin de diminuer le coût des efforts de recherche et développement pour les entreprises.

Par ailleurs, ont été créées trois agences :

  • l’OSEO, en janvier 2005, qui a pour mission de soutenir les PME à tous les stades de leur développement, en particulier les accompagner vers l’innovation ;

  • l’Agence nationale de la recherche (ANR), en février 2005, dont le rôle est de concentrer des moyens en direction de projets de recherche préalablement sélectionnés, créant ainsi des passerelles entre la recherche académique et la recherche industrielle ;

  • l’Agence de l’innovation industrielle (AII), qui vise à soutenir des programmes mobilisateurs d’innovation industrielle (PMII).


Afin d’« encourager la recherche coopérative, particulièrement public-privé », ont été mis en place les pôles de compétitivité. Ce sont des éléments stratégiques de « la mise en réseau des acteurs de l’économie industrielle de demain et que l’Etat accompagnera résolument » avec 1,5 milliard d’euros sur 2006-2008, a précisé François Loos.

Trois agences sinon rien ! Que ne ferait-on pas pour faire croire qu'on sert à quelque chose, pour se rendre indispensable ?

Et pendant que paradent les écornifleurs, pingouins pathétiques, les contribuables sont pressurés pour financer les rondes simiesques des étatistes, des milliers de gens talentueux sont absorbés dans ces boutiques clientélistes d'État où tout ce qu'ils ont de brillant et de dynamique est impitoyablement broyé (échelons, statuts, indices, hiérarchies), pendant ce temps-là, la jeunesse française, celle qui vit encore, part tenter sa chance à l'extérieur, hors les murs, loin de la gangrène collectiviste. N'attendez pas, jeunes gens, partez : le monde est si beau ailleurs !


MERCREDI, AVRIL 26, 2006

Dépersonnalisation et statistiques

Lu dans le Monde du 20 avril 2006 :


La consommation énergétique de la France a pratiquement stagné en 2005, mais sa facture s'est encore alourdie de 34,7% (après 24,1% en 2004) en raison de la forte hausse du prix des énergies fossiles.

Les bonimenteurs étatistes aiment beaucoup les statistiques (du latin status, l'État), ils les aiment tant qu'ils les hypostasient, qu'ils croient et font croire à la réalité vivante des concepts statistiques et à la nécessité de prendre la défense de ces êtres. Un jour, un ministre nous enjoint de nous mobiliser pour la croissance, un autre jour pour un déficit commercial, un taux de tabagisme ou une moyenne mondiale des températures. Des hommes, il n'est plus question, sinon comme valetaille au service des êtres statistiques, ces surhommes.

Ici, on nous parle de consommation énergétique de la France. Cette consommation énergétique est en réalité la somme des consommations en énergie de chacun des Français. Ce n'est qu'une mesure statistique : un pays ne consomme bien sûr pas d'énergie, seuls ses habitants le font. Et d'emblée, reconnaissons que l'intérêt de connaître la consommation énergétique d'un pays ne saute pas aux yeux. Quand on ajoute les énergies consommées par Jean pour chauffer sa maison, par Pierre pour faire griller des saucisses et par Sophie pour prendre l'avion, on obtient un nombre de joules (ou de calories ou de tep) qui n'a guère de sens. Une consommation d'énergie a un sens dès lors qu'elle vise à atteindre un objectif qu'une personne s'est fixé : c'est par exemple Sophie qui brûle du kérosène pour passer ces vacances à Nouakchot. Y ajouter le charbon utilisé par Pierre pour ses saucisses est ridicule : deux individus, deux choix.

De même, il n'y a aucune facture énergétique nationale (ou sinon, qu'on me la présente !). En réalité, chaque Français choisit de consommer une certaine quantité d'énergie dans un but particulier et paie pour cela une certaine quantité d'argent au commerçant qui lui a fourni cette énergie (et beaucoup d'argent encore à l'État sous forme de taxes, mais il n'est plus question de choix ici…). La somme des dépenses énergétiques de tous les Français a-t-elle vraiment un sens ? Si j'ajoute au confort de Jean l'appétit de Pierre et le goût de Sophie pour les contrées lointaines, qu'est-ce que j'obtiens de cohérent ? Une facture globale ? Que veut dire cette facture pour Jean ? pour Pierre ? pour Sophie ? Pourquoi cette facture unique, qui n'a aucun sens pour les premiers concernés, en aurait-elle pour un tiers ? À quoi donc peuvent bien servir les considérations statistiques relatées dans cet article du Monde puisque, très raisonnablement, aucun Français ne devrait être plus soucieux de la facture énergétique de la France plutôt que de celle du Portugal, du Laos ou de la Zambie ?

Réponse : parce que les statistiques permettent de définir des bases pour lever l'impôt, et que l'impôt est le fluide vital des goules collectivistes. Les étatistes cherchent à être performants : comment prélever le plus possible ? Peu importent aux étatistes les choix de Jean, de Pierre ou de Sophie, non, ce qui fait briller leurs regards avides, ce sont les joules consommés : avec une taxe de x% par joule, ça fait tant d'euros dans la besace ! Où sont les gisements fiscaux les plus juteux ? Les statistiques répondent à la question, permettent les ajustements les plus habiles. Les choix de vie n'ont aucune importance pour les collectivistes, seuls comptent les flux de capitaux qui quittent les porte-monnaie des citoyens pour finir dans les caisses publiques.

En outre, les êtres statistiques agissent comme autant d'alibis pour intervenir dans la vie des citoyens. Dès lors que l'on arrive à faire croire au pékin moyen en la réalité d'une facture énergétique globale, bingo !, on peut lui faire gober toutes sortes de balivernes. Notamment le fait que l'État doit absolument intervenir pour limiter ladite facture : un Haut conseil à la facture énergétique est créé, toute une panoplie de taxes est instaurée, une loi sur les économies d'énergie est votée, le gaspillage d'énergie fossile devient passible d'emprisonnement (crime contre les générations futures), une journée nationale de l'énergie voit le jour, etc.

Bref, les êtres statistiques qu'adorent les collectivistes substituent à la diversité des préoccupations et des aspirations de Jean, de celles de Pierre et de celles de Sophie, un projet de vie unique pour tous. Les brebis dépersonnalisées n'en sont que plus faciles à traire.

VENDREDI, AVRIL 21, 2006

L'autre réalité

La moyenne est sans doute la plus connue des mesures statistiques : la moyenne de n valeurs numériques est le quotient de la somme de ces n valeurs par n. Par exemple, lorsque je lis dans le Quid que les précipitations à Paris en avril s'élèvent à 38 mm, il s'agit d'une moyenne réalisée sur de nombreux mois d'avril. Cela ne signifie pas qu'il tombe systématiquement 38 mm d'eau à Paris en avril. Peut-être d'ailleurs cette valeur n'est-elle que très rarement égalée : de nombreux mois d'avril au-dessous de 38 mm et de nombreux autres mois d'avril au-dessus de 38 mm peuvent fort bien donner une moyenne égale à 38 mm. Ainsi, s'il tombe en avril de cette année à Paris 33 mm ou 43 mm d'eau, eh bien rien d'exceptionnel ou d'anormal ne sera passé, ce ne sera pas moins anormal ou exceptionnel que d'obtenir précisément 38 mm, la moyenne.

Si j'insiste aussi pesamment sur une notion aussi simple, c'est qu'en matière de météorologie, le terme "moyenne" est souvent remplacé par le terme de "normale" qui, en l'espèce, signifie la même chose. Ainsi, lorsque l'on parle de "normales saisonnières" à propos de températures ou de précipitations, c'est bien de moyennes dont il s'agit, ce que beaucoup de gens ne savent pas. Tout au contraire, certains s'imaginent que si l'on est au-dessus ou au-dessous de la température normale, c'est que, branle-bas de combat !, la température est anormale, y a plus de saison, on est foutu palsambleu !

Eh bien voilà que Nelly Olin, ministre de l'Écologie et du Développement durable, après s'être bien plantée en nous promettant une année « très difficile, voire historique » en matière de sécheresse, n'hésite pas à recourir à l'équivoque du vocabulaire pour continuer à avoir raison quand bien même elle a tort. Un ministre de l'Écologie a absolument besoin de situations alarmantes et de catastrophes imminentes s'il espère un budget en hausse, une considération accrue à son égard et de nombreux passages à la télé. Manque de bol pour madame Olin, il a beaucoup plu en mars et le cataclysme lui est passé sous le nez au dernier moment. Pschitt !

Mais notre brave dame a plus d'un tour dans son sac, comme on peut le lire sur http://mafiosi.gouv.fr :

« Je sais que ces bonnes nouvelles, signifient des milieux aquatiques mieux préservés, et des activités économiques, particulièrement l’agriculture, moins pénalisées », a souligné la ministre de l’Ecologie et du Développement durable.

Néanmoins, certaines régions bénéficient moins de ces conditions favorables comme l’extrême nord du territoire et le pourtour méditerranéen. Malgré la résorption partielle du déficit pluviométrique de ces derniers mois, le niveau des nappes phréatiques reste inférieur à la normale au nord de Paris, le long de l’axe du Rhône et en amont de la Garonne.

Inférieur à la normale, la belle affaire ! Il est en fait tout à fait normal que dans certaines régions le niveau des nappes soit inférieur à la normale, c'est-à-dire à la moyenne. Ce qui serait étonnant, et que l'on pourrait peut-être considérer comme anormal, c'est que partout en France, les niveaux des nappes soient tous supérieurs à la moyenne.

La France est en effet un pays aux contrastes climatiques importants, il y a des années sèches, des années humides, des années où certaines régions sont très arrosées tandis que d'autres régions manquent cruellement d'eau. C'est là la réalité du climat en France depuis des lustres, et l'année 2006 n'a rien d'anormal.

Ce qui n'empêche évidemment pas l'application d'un plan de la rareté de l'eau pour parer à une sécheresse aussi dramatique qu'imaginaire :

Dans le cadre du plan de gestion de rareté de l’eau annoncé au Conseil des ministres du 26 octobre 2005, les actions à mettre en œuvre dans les dix bassins versants prioritaires sont en cours de définition. De plus, les actions pour développer la récupération des eaux de pluie et inciter les collectivités ainsi que les services d’eau à mieux valoriser les ressources sont engagées avec l’association des maires de France.

Faisons comme si de rien n'était, ajustons nos œillères et continuons d'avancer : la réalité, on s'en fout ; la réalité vraie, c'est nous. D'ailleurs :

« Quelle que soit la situation cet été, nous devons réduire structurellement notre vulnérabilité aux phénomènes de sécheresse », a-t-elle noté.

Quelle que soit la réalité, nous devons réduire structurellement le lien que le corps social entretient avec cette réalité afin qu'il se tourne vers la réalité que l'on construit pour lui.

Demain, le gouvernement réduira structurellement notre vulnérabilité aux nuées de criquets extra-terrestres.

MERCREDI, AVRIL 19, 2006

Fantaisie vélocipédique

Trouvées sur http://servitude.gouv.fr, le site web qui égrène l'agonie lente des Français, ces âneries :

Afin de promouvoir la pratique du vélo, Dominique Perben a annoncé, mardi 18 avril, la nomination d’un coordinateur interministériel pour le développement de l’usage de ce mode de transport et a également lancé un travail de réflexion sur le "Code de la Rue".

Mince, encore une belle planque qui m'échappe : coordinateur interministériel pour le développement de la bicyclette, de la glande de haute volée de cet acabit je signe les yeux bandés. Je parie que le gonze dispose d'ailleurs d'une voiture avec chauffeur, on n'est pas à une tartuferie près. Et le gars se voit si gougnafier d'émarger à un poste aussi évidemment vide qu'il s'est senti contraint d'inventer une incroyable réflexion sur un "Code de la rue", histoire de faire diversion. Le permis de déambulation et la taxe de trottoir ne devraient pas se faire attendre bien longtemps.

"L’exigence de développement durable implique que nous sachions utiliser, dans nos agglomérations, l’ensemble des modes de transport de façon pertinente", en particulier "les "modes doux" : marche à pied, vélo et autres, ceci en toute sécurité", a indiqué Dominique Perben.

Voilà. En ce qui concerne mes déplacements, je suis trop bête pour choisir ce qui est bon pour moi. Réjouissons-nous en tous cas que l'accent soit mis sur le vélo, nous échappons ainsi pour l'instant à ces modes doux (???) que sont la trottinette, la chaise à porteurs, les patins à roulettes, le rickshaw et la draisine à bras. Et puis le vélo, c'est tellement pratique l'hiver à 6 heures du matin pour se rendre au boulot, pour arriver à un rendez-vous amoureux avec d'immenses auréoles sous les bras et une puanteur de bouc ou encore aussi pour faire ses courses.

Le Président de la République a nommé Hubert Peigné au poste de coordinateur interministériel, rattaché au ministère des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer.

Outre la relance de la coordination interministérielle de la politique en faveur du vélo, ce dernier aura pour rôle de mobiliser les différents acteurs afin de favoriser ce mode de transport et de loisir en plein essor.

Pourquoi donc relancer, mobiliser et favoriser si le vélo est naturellement en plein essor ? Hein ? En réalité, ce laïus technocratique ne fait qu'enrober la pratique habituelle du parasitisme étatique. Le vélo se développe, il y a donc du fric à se faire et matière à ingérence, l'étatiste ramène son bec enfariné pour ratisser sa quote-part. C'est aussi simple que cela. Le racket prendra la forme d'une taxe, d'une contribution, d'une réglementation, d'une norme, d'une obligation, d'une interdiction ou de tout cela à la fois, mais quoiqu'il en soit ce sera toujours moins de liberté et plus d'impôts.

Le coordinateur aura, en particulier, pour mission de :

  • mutualiser les expériences acquises par un échange permanent entre les élus, les associations, les fédérations et les ministères concernés ;

  • recenser les structures actuelles en charge de ces sujets pour la mise en cohérence de leurs actions sur les problématiques liées au vélo et aux modes de déplacements doux ;

  • s’inspirer des exemples étrangers ;

  • orienter la réflexion du Gouvernement sur l’évolution nécessaire de la réglementation ;

  • élaborer un plan d’actions pluriannuel pour mettre en évidence les avantages que représente pour toute la société le développement du vélo et des modes doux.


Dans ces lignes, aucune place n'est laissée à l'individu, à la liberté de se déplacer comme on l'entend. Il n'est question que de décider à la place des autres de ce qu'ils doivent faire (tout en leur envoyant la facture bien sûr). La liberté de circuler est une survivance des temps passés : supprimons-la.

En partenariat avec les acteurs institutionnels et associatifs, le ministre des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer a engagé des travaux de réflexion sur le thème du "Code de la rue", à partir des dispositions du Code de la route spécifiques au milieu urbain.

Un Comité de pilotage a, de ce fait, été installé.

Ah bon !? Parce que le coordinateur interministériel et ses ministères coordonnés ne suffisent pas ? Il faut aussi le Comité de pilotage idoine ? Et tout ça pour que nous puissions faire du vélo ?

Selon la Sécurité routière, en 2004, les piétons et cyclistes ont été impliqués dans 30% des accidents corporels urbains et représentent 31% des tués ainsi que 32% des blessés graves en ville.

Souhaitant améliorer l’information et la sécurité des déplacements par modes doux, ce "Code de la rue" viserait à mieux partager l’espace public urbain entre tous les usagers de la voirie.

Oui bon, on n'est pas des ânes, on le voyait venir : la voiture est un engin de mort, c'est un mode dur de déplacement, c'est un véhicule individualiste qui altère le lien social. Nos ingénieurs sociaux n'en veulent plus. Ils veulent un "Code de la rue" parce qu'il subsiste trop souvent encore des individus fantasques dans nos rues et nos avenues, des types rétifs à la l'usinage citoyen et peu enclins au destin d'huître d'élevage. Eh bien, qu'ils le veuillent ou non, ils seront des huîtres, des huîtres à vélo !


VENDREDI, AVRIL 07, 2006

Paradis artificiels, enfer réel

Les dealers sont gentils, les dealers t'appellent « mon frère », ils te font des cadeaux, ils te donnent de la dope parce que tu es leur ami, ils t'arrangent le coup quand ça ne va pas, ils sont là pour toi. Ils te comprennent, ils ne te laissent jamais seul en face du vide. Alors tu te donnes à eux, c'est normal, pourquoi tu t'embêterais avec les empêcheurs de s'abandonner en rond tandis que tes copains dealers te refilent des bonbons de couleur ?

Jusqu'à ce qu'arrive ce jour où, à force de t'abandonner à eux, tes amis dealers deviennent de moins en moins sympathiques et prévenants, mais de plus en plus froids, intransigeants et tyranniques. Ils te tiennent maintenant, et maintenant tu sais qu'il est trop tard pour te soustraire : tu es leur créature, tu les sers.

Eh bien les choses se passent un peu comme ça en SA2I (société anonyme à irresponsabilité illimitée). Les dealers en collectivisme se proposent toujours de t'aider, de te soulager d'une partie de tes problèmes, d'être à tes côtés. Toi, bien sûr, tu acceptes : c'est si bon de se défaire du poids de la responsabilité, de se laisser porter.

Tu ne fichais pas grand-chose à l'école ? Pour toi, ils ont fait le diplôme facile pour tous. Tu voulais un appartement que tu ne pouvais pas te payer ? Pour toi, ils ont fait l'allocation logement et le prêt à taux zéro. Tu ne voulais passer ta vie à la gagner ? Pour toi, ils ont fait la fonction publique. Tu t'ennuyais le week-end ? Pour toi, ils ont fait le cinéma subventionné et le terrain de foot de la mairie. Tu voulais trois gosses mais ne pas te fatiguer à les nourrir ? Pour toi, ils ont fait la CAF. Le quatrième gosse, tous comptes faits, tu as changé d'avis et tu ne le voulais plus ? Pour toi, ils ont fait l'IVG.

Ils ont tout fait pour toi, ils ont créé tous les sigles et tous les bidules pour que tu t'abandonnes à eux, ils ont tout fait pour que tes faiblesses et tes mauvais choix soient financés par autrui, pour que tu gardes l'esprit léger. Ils ont flatté ta nonchalance, ta mesquinerie et ton égoïsme, et tu as trouvé que tout cela était bon et confortable.

Mais à chaque fois qu'ils t'ôtaient une part de ta responsabilité, tu ne voyais pas que tu y perdais aussi un peu de ta liberté et de ta propriété. Tant et si bien qu'aujourd'hui tu es irresponsable, tu es esclave, tu es leur créature. Tu n'as pas d'autre choix que de les louer pour ce qu'ils ont fait de toi : tu ne penses plus depuis longtemps, tu ne sais plus ce qu'est un choix, tu ne t'imagines pas dire autre chose que du bien de tes maîtres, tu ne vis plus que dans les mystifications de la défonce collectiviste, tu es un citoyen junkie.

Le pacte social existe bel et bien : paradis artificiels, enfer réel.

VENDREDI, MARS 31, 2006

Les prédateurs

Liminaire : un petit rappel de ce qu'est la propriété. Je cite un extrait de l'article "propriété" de l'indispensable encyclopédie Wikibéral :

La propriété désigne l'ensemble des choses sur lesquels une personne dispose de droits exclusifs (propriété individuelle) ou partagés avec d'autres (propriété collective, copropriété).

Le droit de propriété contient trois éléments :

  • fructus : le droit d'en recueillir les fruits,

  • usus : le droit de l'utiliser,

  • abusus : le droit de le détruire en tout ou partie, de le modifier, ou de le céder à un autre.

--

Et j'en viens maintenant à ce débilitant article de Libération qui nous montre une fois de plus le formidable égocentrisme, proche de l'autisme, qui frappe certaines castes amies du régime. Voici l'article entrecoupé de quelques commentaires :

De part et d'autre du portail en fer forgé, deux plaques. Sur la première : « Ici vécut le peintre Eugène Carrière. Dans cet atelier, Verlaine posa pour lui. » Sur l'autre : ici « ont vécu et travaillé les peintres, Paul Cézanne, Paul Signac, Louis Marcoussis ». D'autres peintres de renom, non mentionnés à l'entrée, ont eu leur atelier ici. La liste n'est pas exhaustive : Renoir, Picabia, Dufy, Toulouse-Lautrec et plus récemment Nicolas Schöffer… On est au bas de Montmartre, à la Villa des arts, sorte de village d'artistes constitué d'une soixantaine d'ateliers, ou d'ateliers-logements aux grandes baies vitrées, ordonnés autour d'un jardin carré. À l'arrière, une cascade de verrières épousant la topographie en pente de la parcelle donne au site un aspect remarquable.

Ouh la la, voilà une situation bien idyllique ! Trop idyllique pour être honnête en vérité, et je ne peux m'empêcher de penser aux Dents de la mer ! Trop de bonheur suave, trop de quiétude nunuche : un tableau si paisible annonce immanquablement le Mal. Si l'on tient tant à vous faire aimer la Villa des arts, c'est que l'on veut vous faire détester les requins qui rôdent autour…

Pendant près d'un siècle et demi, cette Villa a été un espace protégé où des peintres et des sculpteurs, pas encore connus, pas encore fortunés, ont pu créer et faire éclore leur talent grâce à des ateliers spacieux, et des loyers pas trop chers.

Qu'est-ce que je disais ? Voilà qu'on apprend que le bonheur appartient en fait au temps passé ! Déjà, les ailerons des squales terribles fendent l'eau ici et là…

Mais puisque tout l'immobilier parisien semble livré au marché, voilà la Villa des arts promise aux affres de la vente à la découpe. En septembre, cette cité des artistes a été vendue à la société Transimmeubles.

Ça y est ! J'ai vu le monstre ! C'est bien un requin ! Pas un requin blanc, ni un requin-tigre, ni un requin-marteau, non ! : la bête immonde est un requin-marché, le pire des méchants requins !

C'est terrible tout de même : à Paris, on laisse les gens bâtir des maisons, les acquérir, les louer, les habiter, les rénover, les vendre ! Mais que fait donc Delanouille ? Que ne contraint-il les Parisiens à habiter de grandes yourtes communautaires aux couleurs de la mairie ? Avec la yourte, finis les affres de la vente à la découpe ! Déjà, pour vendre une yourte, faut se lever tôt ; alors une yourte découpée…

Elle [la villa du bonheur] avait été acquise et rénovée en 1889 et 1890 par un ancêtre d'une famille d'entrepreneurs, les Guéret, avec des matériaux (notamment les poutres de fer) récupérés à l'Exposition universelle de 1889. Elle était restée, pendant trois générations, entre les mains des Guéret.

Comme quoi le marché peut produire deux ou trois trucs sympathiques de temps à autre. Ici, un projet réalisé par des entrepreneurs privés et porté par eux pendant près de 120 ans. Gageons que si on lâchait un peu la bride aux gens, de telles initiatives pourraient fleurir un peu partout dans le pays. Mais ce n'est pas en France qu'on laisserait un François Pinault bâtir un musée d'art moderne…

Depuis, chacun redoutait la transformation de ces ateliers en lofts de luxe, qui pourraient être vendus un par un, « entre 10 000 et 12 000 euros le mètre carré », selon des estimations d'agents immobiliers du quartier. Curieusement, ni la Ville de Paris ni l'État ne se sont mobilisés pour empêcher cette transaction, en utilisant par exemple le droit de préemption. D'autant que la Villa des arts a été inscrite « en totalité » à l'Inventaire supplémentaire des monuments historique par un arrêté du préfet d'Ile-de-France du 2 mai 1994. Une décision motivée par « la rareté et l'homogénéité de cet ensemble ainsi que l'ingéniosité du programme dû à l'architecte Henri Cambon ». Outre les verrières, les bâtiments comportent un grand escalier monumental en fer forgé, un décor choisi par Fellini pour tourner les Clowns ou Téchiné pour son film Escalier C.

La prédation dans toute sa suffisance : des gens ont créé un lieu magnifique et dès lors les étatistes, s'estimant sans doute lésés, commencent par une première prise de contrôle en le classant le lieu "monument historique" et se réservent le droit de le préempter plus tard. Les étatistes sont si intimement persuadés qu'ils possèdent les citoyens et qu'ils pensent mieux qu'eux qu'ils trouvent parfaitement naturel de décider pour eux du devenir de leurs biens. Autrement dit de les déposséder. L'étatiste est un malade mental bouffi d'orgueil.

Alors ici, certes, la préemption n'a encore pas eu lieu. Pas encore…

L'opération immobilière en cours risque inévitablement de détourner le site de sa vocation artistique. « Nous souhaitons que la ville reprenne la Villa des arts pour préserver son identité, sa raison d'être. C'est une évidence que ce lieu doit être préservé pour que l'art continue à vivre dans Paris », affirme le sculpteur d'origine hongroise Stéphane Kilar, qui y possède son atelier. Autre locataire, l'artiste plasticien et architecte Ricardo Suanes se dit « profondément outragé par ce qu'il se passe. On est en train de dilapider un patrimoine extraordinaire. Si rien n'est fait, la Villa des arts va être transformée en logements de luxe atypiques ». Il prédit une triste fin à ce lieu mythique : « Le marchand de biens va vendre l'histoire du lieu en disant que tel atelier était occupé par Cézanne ou tel autre par Renoir. »

Où l'on voit les locataires se prendre pour les bailleurs et réclamer l'intervention de l'État afin que leur bien, qui n'est pas le leur, leur soit rendu… Le tout au nom de Cézanne ou de Renoir : tant qu'à verser dans la mauvaise foi et l'immoralité, autant utiliser les morts pour servir ses propres intérêts. Tout en dénonçant par avance, dans un pur procès d'intention, les salauds qui pourraient utiliser Cézanne ou Renoir pour parvenir à leurs fins ! La muflerie et l'impudence n'ont décidément pas de limites ! Ahurissant !

Et si, au lieu de pleurnicheries surréalistes, nos artistes avaient mis leurs moyens en commun, s'ils s'étaient battus pour obtenir des financements auprès de banquiers et de mécènes, n'auraient-ils pas pu alors réunir suffisamment d'argent pour acheter la Villa ? En 120 ans, il me semble qu'il y avait largement le temps de réfléchir au problème et de s'y préparer, non ? Si nos valeureux artistes sont incapables de se serrer les coudes pour un ambitieux projet commun alors je les trouve bien culottés d'oser faire appel à la "solidarité" des Français. Particulièrement odieuse est en tout cas cette attitude pleine de morgue qui souligne que seuls des artistes sont dignes des lieux. Bonjour l'ouverture d'esprit ! C'est fascinant de suffisance ! Mais pour qui se prennent-ils ?

Classée, la Villa des arts a aussi bénéficié d'aides publiques pour sa réhabilitation. Les anciens propriétaires ont reçu 264 000 euros de subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et 20 500 euros de la Direction régionale des affaires culturelles.

C'est toujours ça que les loyers des locataires n'ont pas eu à payer. Ne nous étonnons pas qu'à force d'être chouchoutés par le régime certains artistes développent une inquiétante asociabilité.

Déjà, quatre locataires sont partis et huit autres ont signé avec la société Transimmeubles un protocole de départ. « Tout est fait sur la base d'accords amiables », affirme Laurent Dumas, le PDG de Transimmeubles. Ce que ne nient pas les occupants. « Mais ils achètent les départs à des artistes pris dans des difficultés financières », fait valoir Brigitte Hautefeuille, membre de l'amicale des locataires, affiliée à la CNL (Confédération nationale du logement). Certains ont reçu 20 000 euros pour déguerpir. D'autres jusqu'à 85 000 euros.

De plus en plus sidérant : de 20 000 à 85 000 euros pour bien vouloir anticiper la fin d'un bail et il se trouve encore des gens pour faire la moue devant d'aussi chaleureuses pratiques. Des gens qui manifestement ne se rendent pas du tout compte de la réalité dans laquelle le Français moyen se débat au quotidien. Au lieu de se réjouir d'avoir pu vivre un temps dans un lieu aussi privilégié que la Villa et de pouvoir disposer aujourd'hui d'un capital enviable, voilà que certains se lamentent. C'est dingue.

Des ateliers déjà vides n'ont pas été reloués. La Villa des arts se vide de ses âmes et de ses artistes. Un adjoint au maire de Paris reconnaît que la Ville a « manqué le coche » sur ce dossier. Actuellement, des discussions sont en cours avec le promoteur pour que la Ville, aidée par des mécènes, rachète le site. Ou comment rattraper un raté.

Joli dénouement, une happy end impeccable : les maffiosi débarquent et raflent la mise.

--

Épilogue : et le droit de propriété dans tout ça ? Un propriétaire interdit de tirer profit de sa propriété, de l'utiliser, de la vendre comme il veut et à qui il veut. Des contribuables spoliés d'une partie de leurs biens pour satisfaire aux caprices de quelques apparatchiks et de leurs protégés. La propriété n'est en France au mieux qu'un sursis.

POSTED BY XXC AT 8:23 AM 13 COMMENTS

DIMANCHE, MARS 26, 2006

Blanc-seing

Dans le journal Le Monde de jeudi 23 mars, ceci :

À l'issue de deux années d'examen tatillon, la Commission européenne a donné son feu vert, mercredi 22 mars, à l'ensemble des mécanismes français de soutien au cinéma et à l'audiovisuel. La Commission a considéré qu'elle "pouvait autoriser" ces mécanismes, "même s'ils impliquent en quasi-totalité des aides d'État", en "considérant que la plupart d'entre eux encouragent le développement culturel sans affecter les échanges entre États membres dans une mesure contraire à l'intérêt commun".

Évidemment, il ne faut pas compter sur la journaliste qui signe l'article pour moquer l'insupportable langue de bois de la Commission : l'aliénation du folliculaire français est sa marque de fabrique, nil novi sub sole. Et puis, dans le cas présent, difficile de dénoncer un clientélisme quand on est soi-même gavé de subventions publiques(1), n'est-ce pas ?

On reprend donc sans sourciller les termes de "soutien" au cinéma et autres "aides", même si ces mots sont ici grossièrement fallacieux. Ils recouvrent en effet une réalité plus prosaïque où le don est absent : certains privilégiés encaissent de l'argent sans l'avoir gagné, et ceux qui ont gagné cet argent se le voient confisqué. Ni soutien ni aide, mais clientélisme et fait du prince.

On n'échappe pas non plus à la ritournelle du "développement culturel", idée floue parce qu'en grande partie subjective, éminemment cocasse en tout cas ici quand on sait les ravages d'une culture étatisée. Pur boniment donc. Enfin, pour faire bonne mesure, une petite louche d'"intérêt commun", la fable sociale-démocrate par excellence. L'intérêt commun (ou général, ou national) c'est lorsque des radins décomplexés ne veulent pas financer eux-mêmes leurs projets et font les poches du vulgum pecus en lui expliquant que tout ça, c'est pour son bien.

Voilà donc le bilan de « deux années d'examen tatillon » financées par le contribuable : langue de bois et contorsions dialectiques pour nous faire comprendre que le clientélisme est une bonne chose. Merci pour la mise en boîte, vive l'Europe.

[…] "Il s'agit d'une décision essentielle pour le cinéma européen, qui ne peut exister sans des cinématographies nationales dynamiques, créatives, ouvertes et encouragées par des politiques nationales de soutien fort et constant", s'est réjoui le ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres.

Deux petites remarques :

Primo, pourquoi subventionner un cinéma dynamique, créatif et ouvert ? Un tel cinéma ne devrait pas avoir besoin d'argent public, il devrait tout naturellement séduire un vaste public et ne pas rencontrer de problèmes de financement. Non ? À la limite, je veux bien comprendre que l'on subventionne —même si je m'y oppose— un cinéma ronronnant, chichiteux et replié sur lui-même : pas facile de gagner de l'argent dans ces conditions. Mais dans le cas présent, pourquoi subventionner un cinéma aussi vivant ?

Deuzio, comment se fait-il que M. le ministre se réjouisse de pouvoir continuer à subventionner ? Ne serait-il pas plus naturel de souhaiter impatiemment ne plus avoir à le faire ? Ne serait-il pas plus naturel d'espérer un cinéma suffisamment fort et prospère pour qu'il ne soit plus nécessaire de spolier les uns et de perfuser les autres ?

Quoique, si l'on y réfléchit bien, à quoi sert un ministère de la Culture s'il n'y a pas de de subventions à octroyer, de prébendes à distribuer ? Un ministre de la Culture à qui l'on retire le pouvoir d'acheter les uns avec l'argent des autres n'est rien, et Renaud Donnedieu de Vabres aimerait-il n'être rien ? Ne se réjouit-il pas de pouvoir exister encore, d'avoir obtenu un blanc-seing pour grenouiller en paix ?

(1) Comme je l'avais déjà écrit dans un ancien billet, le journaliste français est un junkie soumis à ses dealers : réductions tarifaires de la SNCF ; aide à la modernisation des diffuseurs ; aide à l’impression décentralisée des quotidiens ; fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger ; aide au portage de la presse quotidienne d’information politique et générale ; aide aux publications hebdomadaires régionales et locales ; aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale ; fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires ; fonds d’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces ; fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse ; fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale et à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale ; tarifs postaux préférentiels ; taux réduit de TVA ; régime spécial des provisions pour investissements ; exonération de la taxe professionnelle des éditeurs et agences de presse ; régime dérogatoire des taux de cotisations de sécurité sociale des vendeurs-colporteurs et des porteurs de presse ; calcul spécifique des cotisations sociales des journalistes ; statut social des correspondants locaux de presse. Et encore, cette liste n'est peut-être pas exhaustive…

POSTED BY XXC AT 3:33 PM 4 COMMENTS

MARDI, MARS 21, 2006

Alterconsommateurs frénétiques

Voilà presque trois semaines que je n'ai rien écrit ici. Il se trouve que j'ai dû me rendre à Paris pour y rater un concours (ce que j'ai réussi sans mal, c'était net et sans bavures : j'ai échoué). Quoiqu'il en soit, ce séjour dans la capitale m'a permis de retrouver de vieux amis depuis bien longtemps perdus de vue.

Invité à prendre l'apéritif chez eux, je découvre un fort bel appartement, meublé et décoré avec un goût charmant. De beaux meubles en bois tropicaux, des reproductions de masques africains (« ramenées de Tanzanie ! » m'informe la maîtresse de maison), des fontaines glougloutantes, des tentures colorées, des tapis, des plantes vertes, des bibelots de toutes sortes, des lampes, des mobiles en bois ou en laiton. Bref, un petit côté "Nature & Découvertes" mâtiné de "Pier Import". Très joli, chaleureux et sympathique.

Bien sûr, une grande télévision dernier cri, lecteur de DVD, chaîne stéréo, PC, iPod et tout le toutim. Il y a aussi une bibliothèque remplie de livres d'art, de guides touristiques et d'ouvrages sur le développement durable, les méchants capitalistes, les médecines parallèles, le yoga en 10 leçons ou encore sur le monde-il-est-foutu-c'est-sûr.

Mais voilà que l'on passe au coin salon, des amis arrivent, et tout ce beau monde s'installe pour prendre l'apéritif. Votre serviteur étant en provenance du Congo, il est évidemment le centre d'intérêt. On me questionne sur l'Afrique et, sagement, je réponds. Mais ça ne dure guère puisque, ça ne loupe pas, la discussion dérive vers une critique en règle des vilains Blancs qui exploitent les gentils Noirs. Puis c'est le tour du libéralisme d'en prendre pour son grade (le contraire m'aurait étonné et d'ailleurs je me ressers un verre de cet excellent whisky : mieux vaut boire que perdre sa salive à contredire les ignorants qui tiennent à le rester). Enfin, la publicité et la consommation compulsive de masse sont dégommées en règle (et hop ! un troisième whisky ! s'ils continuent comme ça, je vais finir à quatre pattes…).

Eh bien franchement, je préférais les anciens hippies ! Eux au moins, en tout cas ceux que j'ai connus étant enfant, ils faisaient comme ils disaient : ils habitaient une minable grange, se lavaient les fesses à l'eau froide, mangeaient de maigres salades et roulaient avec une vieille 2 CV quand ils se décidaient à mettre les pieds en ville. Comme rare accroc au refus de la société de consommation : un tourne-disque pour passer Echoes des Pink Floyd, indispensable complément d'une herbe mauvaise qu'ils coupaient avec du tabac Caporal pour tenir jusqu'à la prochaine récolte. De braves gens.

Nos hippies d'aujourd'hui me déçoivent, et même m'agacent. Conchier avec rage la société de consommation tout en consommant soi-même frénétiquement des babioles luxueuses, des équipements électroniques dernier cri ou des voyages dévoreurs de kérosène à l'autre bout du monde, voilà qui est fort de café (équitable) !

Au fond, ces gens n'ont jamais voulu arrêter de consommer, ils adorent ça, ils consomment tant et plus. Ce qui les écœure, c'est la consommation de masse, c'est que d'autres qu'eux s'adonnent aux mêmes pratiques que les leurs. C'est contre cela qu'ils s'élèvent : contre la liberté d'autrui à consommer la même chose qu'eux. Tristes hippies qui ne supportent pas de ressembler à leurs voisins. La peur d'être comme les autres, la peur de ne pas se distinguer donc peut-être de ne plus être quelqu'un. Je me demande si certains n'ont pas l'impression d'exister plus fort parce qu'ils boivent du thé bio équitable.

Le plus cocasse c'est que leurs comportements un peu fêlés ont été clairement identifiés par les professionnels du marketing qui ont su pourvoir à leurs besoins d'une consommation aussi alternative que compulsive : commerce équitable, bimbeloterie exotique, psychothérapies douces, aromathérapie qui guérit de la grippe, voyages ethnobranchouilles (surtout ne pas prononcer le mot "tourisme" !), littérature déjantée (Albert Jacquard, tout ça quoi…), etc. De sorte que nos alterconsommateurs, loin de se distinguer, sont intégrés sans soucis à la consommation de masse ; loin d'être en rébellion, ils sont parfaitement mainstream et ne font que conforter le système qu'ils dénoncent.

Bien fait pour eux !

POSTED BY XXC AT 7:18 PM 26 COMMENTS

SAMEDI, MARS 04, 2006

La poésie n'est pas une marchandise !

Lors d'un court entretien sur la chaîne iTélé, un représentant du Printemps des poètes, une succursale d'État officiellement destinée à "promouvoir la poésie sous toutes ses formes", explique aux journalistes qui l'interrogent (je cite de mémoire) :

« Un exemple d'action du Printemps des poètes, c'est la distribution gratuite de 1.700.000 cartes postales sur lesquelles sont imprimés des poèmes. C'est simple et généreux. »

Nos folliculaires, 100% béats, dotés de l'esprit critique d'une moule en fin de vie, définitivement soumis à tout bonimenteur de la culture d'État, s'interdisent bien sûr de relever l'absence totale de générosité d'une telle action.

Le Printemps des poètes est en effet une échoppe sous la tutelle de deux ministères (Culture et Éducation nationale) et du Centre national du livre. Ses autres partenaires sont très majoritairement des officines publiques (Radio France, RATP et tutti quanti) et des journaux (eux-mêmes shootés à la subvention d'État). Bref, les poèmes et autres manifestations du Printemps des poètes sont payés avant tout, directement ou indirectement, par l'argent du contribuable. Généreux avec l'argent des autres, nos jésuitiques poètes !

Rien d'étonnant à cela d'ailleurs, on s'est habitué depuis bien longtemps à ce que nombre de nos artistes se détournent de leurs idéaux affichés pour se consacrer au business bien plus lucratif de la subvention. D'artistes, ils se sont faits prestidigitateurs : ils t'escamotent ton blé, te refilent un joli poème "en échange", t'expliquent que c'est la magie du Service public ™ et de l'Intérêt général™, et concluent par de vibrants appels à lutter contre la "marchandisation" de la Culture. Car les aigrefins du tiroir-caisse étatiquo-culturel ne s'embarrassent jamais de scrupules : pour se donner bonne conscience, ils se parent des droits à ceci et à cela qui les arrangent, et qui font d'eux les créanciers à vie du reste de la population.

À toutes fins utiles, rappelons que lire ou écrire des poèmes est une activité libre et inoffensive, à laquelle rien ni personne ne s'oppose, que l'on peut pratiquer n'importe où. Rappelons qu'il n'y a aucune difficulté à se procurer des centaines ou des milliers de poèmes d'excellente facture et tout à fait gratuits sur le web ou ailleurs. Que des clubs de poésie existent partout en France. Qu'écrire soi-même un poème ne coûte rien qu'une feuille de papier et un crayon. Et donc qu'en fin de compte, il n'y a aucune raison valable pour subventionner les pratiques poétiques : la poésie marche très bien toute seule et sans argent. Les seules vraies et inavouables raisons de la subvention à la poésie, et par là même de sa "marchandisation", sont à chercher du côté de la rapacité et du sans-gêne des tartufes appointés par l'État.

POSTED BY XXC AT 9:24 AM 4 COMMENTS

VENDREDI, MARS 03, 2006

Un fol inventaire

Quand, le 22 février dernier à l'Assemblée nationale, le Premier ministre répond à M. Hollande, on assiste à un ahurissant numéro de surenchère dans le collectivisme débridé. Je suis plus socialiste que toi !, telle semble être l'ultime prescription que s'imposent les politiques français.

Je me suis amusé à mettre bout-à-bout des morceaux de phrases tirés de la réponse de M. de Villepin à M. Hollande. Toutes les citations ci-dessous sont tirées de ce seul discours. Une juxtaposition qui montre, s'il est encore besoin de le faire, la stupéfiante fuite en avant dans le paternalisme, dans le nursing d'État, dans la collectivisation tous azimuts, dans la mystique étatique.

Folie éperdue, orchestre du Titanic, fatrasie d'un bouffon ou soviétisation cynique : quelle impression vous laissera ce fol inventaire ?

je veux construire un nouveau pacte social

si nous voulons sauver le modèle social français

offrir de nouvelles chances et à aider chacun dans ses choix

nous voulons mettre en place un vrai service de l’orientation pour tous

nous voulons donner la possibilité à chaque jeune d’entrer plus vite et plus facilement dans la vie active

DIMANCHE, FÉVRIER 26, 2006

Liberté et productivisme

À se jeter à corps perdu dans l'erreur collectiviste, on en vient à s'inventer de bonnes raisons pour persévérer, quand bien même l'erreur est patente. Comme dit le proverbe : Quand deux esclaves se rencontrent, ils disent du mal de la liberté. On se raconte que la liberté est dangereuse et la servitude enviable, on se raconte des horreurs à propos de la liberté. On se rassure comme on peut. Quand quelque chose ne va pas, quand quelque chose inquiète, c'est à cause de la liberté.


Parmi les légendes attachée à la liberté, des conditions de travail de plus en plus éprouvantes, l'imposition d'un productivisme inhumain, des salariés en permanence soumis à des contraintes et à une pression insupportable.


Ce qui est une légende, ce n'est pas que ces choses n'existent pas, elles existent bel et bien et font souffrir beaucoup de monde, c'est que la liberté n'a rien à voir là dedans. Que l'on considère la France où la liberté de travailler n'existe pas, où l'activité est strictement réglementée par un Code du travail totalitaire, où le temps de travail est imposé, où les contrats sont verrouillés. De la liberté à dose homéopathique, un ogre libéral aussi absent que fantasmé. Résultat : le travailleur français n'est pas du tout épargné par les cadences infernales, il est d'ailleurs un des plus productifs au monde. Il n'est guère soulagé que par les drogues psychotropes que lui fournissent les dealeurs de la Sécurité sociale d'État, drogues grâce auxquelles on peut exiger de lui un peu plus un peu plus longtemps. (S'il craque, il rejoint les voies de garage du matériel déclassé : une petite alloc, un RMI et au lit.)


En réalité, les méthodes de travail productivistes que l'on attache par commodité au libéralisme ne lui sont pas du tout consubstantielles. Par exemple, le fait de rémunérer un employé au mérite est indépendant de l'emploi public ou privé, du socialisme ou du libéralisme : ce n'est qu'une méthode de rémunération. On peut très bien payer un fonctionnaire au mérite et un salarié du privé à l'ancienneté : rien ne s'y oppose en théorie. De même, demander toujours plus d'un employé en lui faisant espérer un poste plus intéressant est une pratique qui n'est pas attachée à un système en particulier. Plus généralement, aucune méthode de travail particulière n'est fondamentalement liée au libéralisme.


Tous ceux que le travail ne passionnent pas, tous ceux qui souffrent d'être excessivement contraints, tous ceux qui aimeraient pouvoir lever le pied parce qu'ils sont à bout, tous ceux pour qui l'argent n'est pas une fin en soi, tous ces gens très respectables et très normaux devraient être partisans de plus de liberté au lieu d'en être souvent les ennemis. Liberté de modifier son contrat de travail pour être plus décontracté, pour travailler selon ses goûts. Les possibilités sont infinies : on pourrait conserver par exemple son salaire en travaillant sur 42 heures au lieu de 35 ou en renonçant à quelques semaines de vacances ; ou bien, en échange d'une baisse de salaire, des cadences atténuées, un bureau plus spacieux et climatisé ; les communistes pourraient se regrouper et contracter ensemble pour obtenir des salaires strictement égaux, modérés et indépendants du mérite et des compétences de chacun ; les gens que l'argent indispose pourraient se faire payer en échange d'un logement, d'eau et de nourriture ; les partisans de la décroissance pourraient obtenir de ne gagner que 250 euros par mois en échange d'une faible productivité ; etc. Toutes ces choses que le collectivisme à la française interdit.


Je ne voudrais pas inventer ici la légende d'un libéralisme idéal. Simplement dire que la liberté n'entraîne pas ipso facto l'emploi de méthodes productivistes : justement parce qu'il y a liberté, on peut espérer voir l'offre des méthodes de travail s'étoffer. Le productivisme n'est en réalité bien souvent qu'une doctrine gouvernementale destinée à obtenir des citoyens le maximum d'eux : parce qu'il faut énormément l'argent pour financer les usines à gaz de la social-démocratie et combler autant que faire se peut les déficits publics. On nous demande de travailler plus et de nous sacrifier pour la croissance, pour le régime des retraites, pour le système de santé, etc.


Ainsi, ce prétendu libéralisme que l'on repousse avec horreur n'est souvent en réalité que du productivisme d'État ! Mais comme on ne saurait admettre qu'on s'est fourvoyé dans l'étatisme sauvage, il est bien commode de se défausser sur un libéralisme qui n'est pas là pour se défendre. Aussi, quand un collectiviste pur jus comme Nicolas Sarkosy assume sans ambages son autoritarisme productiviste, d'aucuns s'empressent de le disqualifier en le disant libéral. Tout subterfuge est bon : Quand deux esclaves se rencontrent, ils disent du mal de la liberté.

POSTED BY XXC AT 4:20 PM 3 COMMENTS

JEUDI, FÉVRIER 23, 2006

Un si bel aveu

C'est notre ministre de la santé Xavier Bertrand qui l'a avoué :


« Il n'y a aucun obstacle financier au plan contre la grippe aviaire. »


Comme j'ai mauvais esprit, je traduis : « Le citoyen est taillable et corvéable à merci. ».


Ou encore, pour ceux qui ont du mal à tout comprendre du premier coup : « Nous n'aurons aucun scrupule à dépouiller les contribuables. La grippe aviaire est une aubaine : il nous arrive de manquer d'imagination pour justifier notre prédation. Nous avons déjà décidé que cette maladie sera une calamité avant même de savoir si elle en sera une. Nos contribuables sont si bien dressés que nous pourrons leur prendre ce que l'on veut sans même leur garantir quoi que soit. Comme ce n'est pas moi qui paye et que mon poste est à irresponsabilité illimitée, c'est en toute décontraction que j'affirme qu'il n'y a aucun obstacle financier au plan contre la grippe aviaire : à défaut de canards, il y aura toujours des gogos à plumer. ».


La calamité de la grippe aviaire est auto-réalisatrice : même si cette maladie ne touche pas le pays, l'ensemble des Français aura perdu des dizaines ou des centaines de millions d'euros (et peut-être même plus) à la combattre. Autant de millions qui ne seront pas perdus pour tout le monde. Et la grippe sera bien, quoiqu'il arrive, une calamité pour nous tous.


(P. S. : j'en profite pour placer un lien vers l'excellent h16, avec qui je partage le même goût pour la liberté et pour la déconnade amène, deux choses qui vont très bien ensemble, comme diraient les quatre autres.)

POSTED BY XXC AT 5:25 PM 12 COMMENTS

MERCREDI, FÉVRIER 22, 2006

Liberté et dignité pour nos pieds

Lu dans le Monde du 20 février 2006 :


Bruxelles veut imposer des droits de douane sur les chaussures chinoises et vietnamiennes


[…]


Pour les services de la Commission [européenne], les producteurs chinois et vietnamiens profitent en particulier d'aides d'Etat qui "faussent la concurrence". […]


Oh les fourbes asiates aux petits yeux cruels ! Oh les saligauds de profiteurs ! Ils osent la subvention déloyale ! Ces gens n'ont décidément aucun savoir-vivre ! C'est pas en Europe qu'on se livrerait à ce genre de tristes grenouillages !


Je ne vois qu'une réponse à l'odieuse félonie de ces faces de citron : un Service public européen de la chaussure. Avec un ministère du pied chaussé ! Liberté et dignité pour nos pieds ! De la godasse équitable, de la grolle durable, du godillot démocratique et gratuit pour tous ! Non aux multinationales de l'escarpin ! Non à l'espadrille à deux vitesses ! Protégeons le secteur stratégique de la charentaise ! Distribution de tennis gratuites les jours de grève des transports en commun ! Pour chaque mois où vous laissez votre voiture au garage, une paire de sabots gratuite ! Offrez une paire de sandales françaises à un petit Vietnamien et déduisez 30% de votre don de votre impôt sur le revenu !


L'Europe avance, l'Europe montre la voie. Le monde entier s'agenouille et se prosterne.


Super tout ça ! Oui mais… à part ça ?


À part ça, c'est quand même bizarre que soit protégée l'industrie de la chaussure européenne. De deux choses l'une : ou bien cette industrie tourne bien et elle n'a pas besoin d'aides, ou bien elle tourne mal et c'est un gaspillage que de miser de l'argent sur un canard boiteux (voire grippé !). En toute logique, cet argent serait bien plus utile ailleurs.


À part ça, si d'ardents défenseurs de la chaussure européenne à papa souhaitent absolument préserver cette industrie, qu'ils le fassent. Mais de grâce, qu'ils ne nous obligent pas à financer leurs projets. Qu'ils comprennent que beaucoup de gens trouvent très bien que Li ou Chang aient conçu leurs chaussures, que ça ne les gêne pas du tout de ne pas consommer de la chaussure d'Europe.


À part ça, pourquoi ce qui a été devrait-il toujours être ? Pourquoi des chaussures devraient-elles être produites en Europe jusqu'à la fin des temps ? Après tout, nous avons abandonné depuis des lustres les lavoirs de nos villages. Aurions-nous dû subventionner les lavandières afin de ne pas livrer nos chemises et nos robes aux ventres froids des lave-linge — des lave-linge souvent conçus à l'étranger qui plus est ?


À part ça, quand le consommateur européen se voit proposé des produits moins chers, quand ces produits sont en outre en partie payés par des gouvernements tiers (Chinois et Vietnamiens subventionnent notre consommation), au nom de quoi, bon Dieu !, devrait-on changer la donne ? C'est génial ! Chinois et Vietnamiens font du social chez nous, sans rien exiger en retour. Pourquoi donc devrait-on leur barrer la route ?


À part ça, pourquoi nos élites font-elles comme si la théorie de l'avantage comparatif de Ricardo n'avait jamais été énoncée ?


À toutes ces réticences et ces questions, il n'y a qu'une réponse officielle : l'emploi. Il faut protéger les travailleurs européens. Montrer qu'on les protège pour leur faire croire qu'ils ont besoin d'être protégés, pour qu'ils croient que le marché est infesté de forces maléfiques, pour qu'ils croient que les étrangers sont les méchants, pour qu'ils croient que la tong à un euro crée du chômage. Pour que surtout le travailleur européen ne voit pas que ce sont les gens de l'État qui l'empêchent, qui le pressurent, qui le privent de travail, qui lui interdisent de vivre mieux en lui refusant l'accès aux produits les moins chers, qui profitent de la tong à un euro pour se goinfrer de taxes sur le dos du consommateur européen.


En résumé, on est prié de comprendre que ce qui libère asservit et que ce qui asservit libère.

POSTED BY XXC AT 9:14 AM 7 COMMENTS

VENDREDI, FÉVRIER 17, 2006

Le fin mot de l'affaire

Le fin mot de l'affaire des caricatures de Muhammad fut prononcé par Brigitte Girardin, ministre déléguée de la francophonie et d'autres trucs encore que j'ai oublié (mais je me souviens que l'intelligence ne faisait pas partie de la liste).


Après madame Brigitte, l'herbe ne repousse pas ; quand madame Brigitte elle cause, un silence religieux se fait :


Le Figaro : « Que vous a inspiré la crise des caricatures ? »


Brigitte Girardin : « Tout est une question d'équilibre. Il faut que la liberté d'expression soit défendue, et en même temps ne pas faire de la provocation. La francophonie est une belle réponse au choc des civilisations. On y trouve toutes les religions, toutes les civilisations. Elle est l'expression même de la diversité culturelle. »


Oui voilà ! Excellente réponse d'une Brigitte furieusement inspirée : « la francophonie est une belle réponse au choc des civilisations » ! En plein dans le mille ! "Oui-Oui fait de la géopolitique à deux balles", collection Bibliothèque rose. J'adore quand les politiques font les singes pour se faire remarquer, quand ils dessinent de grands cercles avec les bras en beuglant : « Coucou ! Je suis un moulin à vent ! ».


Une chose que je ne m'explique pas : comment les contribuables peuvent-ils accepter une farce aussi énorme qu'un ministère de la francophonie ? Comment peuvent-ils financer sans moufeter une escroquerie aussi manifeste ? Enfin comment arrivent-ils à supporter qu'en outre madame le Ministre du ministère susnommé se foute ouvertement de la gueule de tout le monde en dégoisant des vannes débiles ? J'ai vraiment l'impression que plus c'est gros, mieux ça passe.

POSTED BY XXC AT 7:17 AM 14 COMMENTS

MARDI, FÉVRIER 14, 2006

Survie en milieu hostile

Au Congo-Brazza se sont développées de petites sociétés spécialisées dans la survie en milieu hostile. Vous vous dites sans doute : « Ah oui… la jungle, les pythons, la malaria, les fauves, les crocodiles, les guérilleros… tout ça quoi ? ». Eh bien non, pas du tout. Les petites sociétés dont je vous parle proposent au quidam d'effectuer à sa place diverses formalités administratives. Car la jungle administrative congolaise est autrement plus redoutable et fait bien plus de victimes que la jungle végétale.


Obtention de la "taxe de roulage" ? Au moins cinq guichets différents, une matinée perdue en bousculades et cohues. À la fin, on vous dit de repasser dans un mois — « il n'y a plus le carton, chef ! ». Tout ça pour avoir le droit de rouler (ce qui, reconnaissons-le, est un droit bien commode quand on possède une voiture). Mais avant d'imaginer rouler, il faut bien sûr se munir d'une "carte grise". L'obtention de ce document est une épopée aussi folle qu'inutile (le vol de voiture n'existe pas au Congo), passe par la délivrance de certificats ridicules et innombrables, et s'étend fréquemment sur plusieurs mois. C'est bien simple, la police ne demande pas à l'automobiliste les papiers du véhicule, elle demande à voir "le dossier". Ce "dossier" dont personne (y compris au sein de la police et de la gendarmerie) ne sait vraiment ce qu'il doit contenir. Situation qui débouche régulièrement sur divers marchandages peu respectueux de la mondialement célèbre probité du fonctionnaire congolais.


Enfin bref, sur ce terreau fertile en singeries de ronds-de-cuir ont poussé quelques sociétés rompues à l'art du raccourci administratif et de la patte judicieusement graissée. On va les trouver, on les paie, ils vous sauvent de la folie : ils naviguent pour vous de bureaux en guichets, s'acquittent à votre place des diverses taxes et patentes.


Et en France ? De telles sociétés existent-elles ? À ma connaissance, non. Le génie administratif français pousse la perfection jusqu'à tirer parti de sa propre opacité. « Nos services sont si alambiqués et retors que l'on n'y comprend rien ? Qu'à cela ne tienne : nous mettons en place un service pour débrouiller le réseau arachnéen de notre propre folie. ». L'État comme antidote à l'État, le poison comme contrepoison.


Ainsi par exemple l'inextricable écheveau des CAF et autres administrations nationales ou locales d'aide aux familles débouche-t-il sur les PIF, les "Points Info Famille". Plus rien n'a de sens, tentons d'en donner :


La création des “Point Info Famille” a été décidée à la conférence de la famille du 29 avril 2003 afin de favoriser l’accès de toutes les familles à l’information et de simplifier leurs démarches quotidiennes en leur proposant des points d’information accessibles, susceptibles de les orienter rapidement et efficacement vers les structures adéquates.


Faire émerger un peu de sens et de cohérence de la jungle de l'hydre bureaucratique : telle est l'ambition des dealers de l'État, des gens si abscons et inutiles qu'ils sont obligés de mettre en place une administration nouvelle pour faire croire qu'ils servent encore à quelque chose. Depuis des millénaires, pères et mères s'occupaient, sans intervention extérieure, de leurs propres familles ; les voilà aujourd'hui débiles, contraints à s'adresser aux PIF pour comprendre ce que "famille" veut dire.


Les « Point Info Famille » sont conçus comme des lieux :

D’accueil et d’information : ils ont pour mission d’offrir une information complète, actualisée et généraliste sur les services auxquels les familles peuvent avoir accès,

D’orientation des familles vers les dispositifs d’aide aux familles et à la parentalité les plus adaptés à leurs besoins.


La parentalité assistée par fonctionnaire de catégorie B : un fabuleux tremplin pour un peuple d'élite !


234 structures ont été labellisées « Point info Famille » en 2004 et plus de 250 nouvelles structures pourraient voir le jour en 2005.


Vous n'y échapperez pas : les champions de la survie en milieu hostile vont vous faire aimer la jungle étatique.

POSTED BY XXC AT 6:54 AM 14 COMMENTS

MERCREDI, FÉVRIER 08, 2006

Ingénierie sociale

À force de mener des expériences sociétales, de bricoler des concepts, les laborantins socio-démocrates ont perdu de vue que sur leurs paillasses se tenaient des individus. À force d'aider "les jeunes", d'œuvrer pour "la culture", de subventionner "l'agriculture", de favoriser "l'accès au logement", de soutenir "la croissance", etc., les hommes en blouses blanches de l'État ne s'intéressent plus aux hommes : seules comptent les constructions sociales. Et être citoyen signifie abdiquer sa qualité d'homme pour se faire polype au service du corps social.


Illustration avec cet article du Monde au titre incroyable : « La Commission veut aider les États à augmenter le taux de fécondité des femmes ». Eh oui, pour un ingénieur social, une femme, ça peut toujours servir à augmenter un taux de fécondité.


[…] Représentant 460 millions d'habitants, les pays membres se préoccupent des conséquences socio-économiques de leur faible natalité : manque de vitalité des sociétés, déséquilibre intenable entre les cotisants et les bénéficiaires des systèmes sociaux (retraite, santé, emploi), pénurie d'étudiants et de main-d'oeuvre, etc.


Où l'on apprend que les pays sont des entités qui ont des préoccupations (pour les 460 millions d'individus qui vivent là). Lesdits 460 millions d'individus n'ont guère l'air doué pour avoir, chacun, des préoccupations quant à leur descendance. La construction sociale pense, le polype est pensé. Enfin… pas tant que ça. La construction sociale pense surtout à d'autres constructions sociales : elle pense à sauvegarder les usines à gaz de l'État providence, elle pense à la vitalité du corps social. Ma vitalité ou ta vitalité, cher lecteur, la Commission s'en fout. Les individus sont devenus abstraits, les concepts concrets. Relativisme et nihilisme se portent bien en UE.


Selon un rapport de l'ancien premier ministre néerlandais Wim Kok, ce vieillissement pourrait faire passer la croissance potentielle de l'UE de 2 %-2,25 % aujourd'hui à 1,25 % en 2040.


Face à ces menaces, "il faut augmenter le taux de fécondité", estime Vladimir Spidla, le commissaire responsable des affaires sociales.


Vladimir, commissaire aux affaires sociales… Mmmm… J'aime ! Qu'est-ce qu'il va donc nous pondre notre adorable commissaire soviétique ? Un nouveau corps de fonctionnaires pollinisateurs ? « Bonjour citoyenne ! Félicitations : tu as été retenue par la Commission comme pondeuse officielle de l'Union. Je suis tringleur de catégorie A, 7e échelon et je viens procéder à la saillie. Allez hop, à poil ! J'ai pas envie de déborder sur mon après-midi de RTT qui commence dans 3 minutes ! »


[…] Ce n'est pas faute de vouloir des enfants : d'après plusieurs enquêtes d'opinion, les Européens souhaitent en moyenne en avoir 2,3. De nombreux facteurs les en dissuadent : problèmes de logement, chômage, manque de systèmes de gardes d'enfants, etc.


Exactement, 2,3 ! C'est justement ce que ma femme me disait tantôt : 2,3 enfants, ce serait bien. Seulement voilà : logement, emploi, éducation. Trois secteurs dans lesquels les étatistes se sont investis depuis des décennies avec le succès que l'on sait : c'est si calamiteux que l'on en arrive à renoncer à avoir des enfants et à fonder une famille. Autrement dit, dans bien des cas, à donner un sens à sa vie. Ce qui n'empêche pas notre folliculaire du Monde de poursuivre :


Si les gouvernements menaient des politiques familiales efficaces, visant une meilleure conciliation entre vie privée et professionnelle, il serait possible d'y remédier. C'est le souhait de la Commission qui "proposera en mars un programme de travail concret pour faire face aux évolutions démographiques", a annoncé M. Spidla.


Vingt-cinq pays mènent chacun une politique familiale depuis des dizaines d'années et tous échouent. Conclusion : mener une politique familiale est une bonne chose, soyons plus efficaces. Ben voyons. Si dans mille ans encore, deux cents pays continuaient à mener des politiques familiales avec pour résultat une moyenne de 0,01 enfant par femme, il y aurait toujours un journaliste du Monde pour demander un peu plus de politique familiale. C'est comme si un coureur de fond, constatant les difficultés à courir avec 20 kg de plomb sur le dos, suggérait de porter la charge à trente kilogrammes.


Objectif : permettre aux femmes d'avoir le nombre d'enfants souhaité sans pour autant renoncer à leur carrière.


Objectif : décérébration. Je veux un enfant et je veux que ce soit sans conséquence. Un enfant qui ne pèse pas lourd. Un enfant qui ne compte pas. Un futur citoyen.

POSTED BY XXC AT 7:17 AM 9 COMMENTS

JEUDI, FÉVRIER 02, 2006

Prisme fiscal

En matière fiscale, le b. a.-ba d'une spoliation réussie consiste non pas à lever un bel et gras impôt mais à lever une multitude d'impôts. Certains payent tel impôt, d'autres en sont exemptés ; ici on paye une TVA, là une TIPP ; un jour l'impôt va à l'État, un autre jour à la région, à la mairie ou au département.


L'objectif d'une telle complexité est certes de faire passer la pilule en spoliant par petits bouts, mais il s'agit avant tout de faire croire au contribuable qu'il échappe à de nombreuses taxes, que les autres payent pour lui. Des impôts sur le tabac ? Je ne fume pas ! Une taxe sur les 4x4 ? Je roule en Mégane ! L'ISF ? Je ne suis pas concerné ! La magie de l'impôt c'est que les autres payent plus que moi et que, somme toute, je fais plutôt une bonne affaire. Tout le monde réclame plus d'État, donc plus d'impôts, car chacun est persuadé que son voisin paiera à sa place. En réalité bien sûr, tout n'est qu'effet d'optique et poudre de perlimpinpin.


Prenons par exemple la récente proposition de Jacques Chirac de modifier l'assiette des prélèvements sociaux :


« Il faut maintenant aller vers une assiette de cotisations patronales qui ne prennent pas seulement en compte les salaires mais l'ensemble de la valeur ajoutée. »


Passons sur le « il faut » et le « maintenant » (simples effets rhétoriques), et intéressons-nous au "prisme fiscal" en question ici. Les prélèvements sociaux au sein de l'entreprise sont divisés en cotisations salariales (payées par le salarié) et en cotisations patronales (payées, en théorie, par l'entreprise), et ces cotisations patronales devraient s'asseoir maintenant aussi sur la valeur ajoutée et non sur les seuls salaires. Pure esbroufe comptable en vérité : seuls les gens qui travaillent sont taxés (et seront taxés si l'assiette change comme le veut Chirac).


Un petit éclaircissement s'impose peut-être pour ceux qui n'ont jamais réfléchi à la question. Partons de l'entreprise. Qu'est-ce qu'une entreprise ? C'est une organisation, un ensemble de contrats qui lient des gens entre eux. Comment donc des contrats pourraient-il payer des impôts ? C'est impossible. Fondamentalement, un contrat n'a pas d'argent, un contrat ne possède rien, un contrat ne crée pas de valeur. Qui donc crée de la valeur ? Ce sont toujours des hommes et des femmes, ce sont les gens qui travaillent dans l'entreprise. Ces gens travaillent et le fruit de leur travail est un bien ou un service. S'ils trouvent des clients pour ce bien ou ce service, un échange se fait et de la valeur est créée. Ce sont bien ceux qui travaillent dans l'entreprise qui créent de la valeur au sein de l'échange.


Ainsi, (j'en reviens aux prélèvements sociaux), quelle que soit l'assiette considérée, quel que soit l'étage comptable dans lequel l'étatiste commet son forfait, l'impôt est toujours pris à ceux qui ont créé de la valeur : les hommes et les femmes qui travaillent dans l'entreprise. Pour la bonne raison qu'il est impossible de prendre ailleurs. Où qu'elles soient prélevées, les cotisations sociales se traduisent in fine par des salaires diminués (sous la forme de salaires gelés, de primes moindres, etc.). Prenez au "patron", prenez au "capital", prenez à la "valeur ajoutée", ce ne sont que des artifices comptables, car vous ne prendrez jamais qu'aux hommes, à ceux qui font la richesse.


La proposition de Chirac n'est donc qu'un positionnement tactique. Chirac surfe sur la vague antimondialiste : il prétend donc vouloir taxer le capital et non les hommes. J'en ai la larme à l'œil, qu'il est gentil ce Chirac alors ! Et la masse des contribuables, peu au fait des artifices comptables, en redemandera. Demain, la valeur ajoutée rase gratis.


MARDI, JANVIER 31, 2006

Sans répit

Certains l'auront constaté, mon rythme d'écriture a baissé depuis quelques semaines. Je rencontre dans ce hobby qu'est Citoyen durable des moments d'abattement : l'impression qu'ils sont trop forts, trop inépuisables, trop déterminés. Les étatistes me font l'effet d'un implacable nuage de criquets dévoreurs. À quoi bon en écraser mille, les mille cachaient des millions, les millions cachent des milliards…


Les étatistes au pouvoir sont des extrémistes : ils repoussent sans répit les limites de leur empire, ils grignotent chaque jour un peu plus, ils sont insatiables, hyperactifs, considérablement efficaces. Oui, efficaces. Ceux qui tiennent les étatistes pour inefficaces n'ont pas compris leur réel dessein : le servage pour tous. Et là, ils sont redoutables.


Bref, il y a des fois où je ne sais plus de quoi m'offusquer, je ne sais plus de quoi me moquer : la vague collectiviste me submerge. C'est trop, c'est fou, ils sont partout.


Tenez, par exemple, aujourd'hui, je me promène sur internet, furetant ici ou là, avec en tête : de quoi vais-je parler à mes inestimables lecteurs ? Et là, je suis pris dans le flot d'une activité étatique folle et implacable. Me voilà épuisé avant même d'écrire un mot !


Ici ce sont des mesures de contrôle social jusqu'à l'intérieur des couples. Sarkosy s'est rendu compte que l'on se tapait dessus d'abord en famille. Quel génie. Il décide donc de promouvoir la délation auprès du commissariat en cas de baffes échangées au sein du couple. Là, monsieur et madame seront pris en main par trois (!!!) psychologues (dispositif expérimental destiné à être généralisé). La criminalisation des disputes conjugales est en route, d'autant plus que la notion de violence est extensible à toute sorte de vexations. À terme, je ne vois pas quel couple peut tenir avec un tel régime d'immixtion collectiviste appliqué à la lettre. Mais comme c'est le but recherché…


Autre mesure des criquets étatistes : Villepin souhaite renforcer les liens contractuels entre État et associations. Puisque ça ne choque personne, on ne se gêne plus : on déclare officiel le noyautage du milieu associatif. Il y aura les "bonnes" associations labellisées d'État et les associations ennemies du parti et priées de disparaître. Encore plus génial, Villepin envisage de subventionner les bénévoles. Destruction du bénévolat (ben oui, si on paye les bénévoles…). Tous fonctionnaires, tous nourris au lait corrompu de la matrice.


Un petit dernier pour la route : ce sera une usine à gaz, une. Une folie fiscale de plus, une nouvelle dinguerie de tuyaux enchevêtrés, l'avantage fiscal "Borloo" :


Il s'adresse aux investisseurs qui achètent un logement neuf et s'engagent à le louer pendant neuf ans à des locataires dont les ressources sont plafonnées, en pratiquant un loyer fixé par décret, inférieur de 30 % à ceux du marché.


Ces propriétaires pourront alors déduire des loyers soumis à l'impôt une partie du prix d'achat du logement selon l'échéancier suivant, inspiré du Robien, en plus étalé : 6 % par an pendant les sept premières années de location, 4 % les deux années suivantes et 2,5 % les six dernières années, soit 50 % en neuf ans ou 65 % en quinze ans.


Comment voulez-vous que je commente ce truc qui ne veut rien dire ?


Vous comprenez que parfois je fatigue ? Que je ne sache plus par quel bout les railler ? J'ai ici en même temps une immixtion, un noyautage et une usine à gaz. Et encore je n'ai pas relevé que trois mesures prises au hasard. J'aurais pu y ajouter la commémoration de l'esclavage ou la fiscalité des actions ou je ne sais quelle extravagance encore. La sauvagerie collectiviste se répand à marche forcée. Suivre le cours du chaos des non-événements est une tâche impossible et harassante.

POSTED BY XXC AT 7:10 AM 28 COMMENTS

VENDREDI, JANVIER 27, 2006

Le mouvement perpétuel

Le génie des socialistes, c'est de se rendre indispensables. Au pouvoir, ils passent leur temps à créer un désordre qu'ils se proposent aussitôt de résoudre, ils allument un incendie qu'immédiatement ils se proposent d'éteindre. Nos pompiers pyromanes ont mis en pratique le mouvement perpétuel : plus ils agissent, plus ils détruisent ; et plus ils détruisent, plus se fait sentir la nécessité d'agir. Alors qu'une roue abandonnée à sa rotation sur elle-même finit par s'arrêter, la roue socialiste sublime toute dissipation d'énergie : le frein devient le moteur. Le socialisme est un Moloch qui se nourrit des problèmes qu'il génère : il sait se rendre indispensable à lui-même.


Conscient de tenir des propos nébuleux et incertains, je vous soumets à titre d'illustration quelques passages du journal Le Monde du 25 janvier :


Parmi les mesures destinées à "assurer un égal accès aux soins sur tout le territoire", que devait présenter Xavier Bertrand, mercredi 25 janvier, en conseil des ministres, celle consistant à mieux rémunérer les médecins libéraux qui exercent dans les zones sous-médicalisées est sans conteste la plus novatrice.


Alors voilà : les hommes de l'État décident un jour qu'un marché libre de la santé est un truc abominable. (En réalité, les hommes de l'État décident toujours qu'est abominable ce sur quoi ils n'ont pas de prise : ils ont la phobie de la liberté.) La santé est donc mise en coupe réglée. Un monstre administratif est chargé de veiller à ce que patients et médecins n'échangent pas librement. (Au passage, patients et médecins sont chargés de nourrir le monstre qui les prive de liberté.)


Entre autres manifestations de la folie du monstre, le prix d'une consultation chez un médecin est totalement réglementé : ni le patient, ni le médecin n'ont rien à dire. Dans le pays, une grille unique de tarifs. Une conséquence de cette situation est que les médecins préfèrent s'installer dans des régions ensoleillées et où il fait bon vivre : à quoi bon se perdre dans une région peu attrayante si on ne peut pas en tirer une contrepartie financière ?


En interdisant l'échange libre, les gens de l'État ont créé un problème (un parmi des centaines d'autres) : l'émergence de zones sous-médicalisées, c'est-à-dire de régions où les patients ne trouvent pas de médecins. Conclusion évidente : l'étatisation de la santé débouche sur l'inégalité de l'accès aux soins. Oui, mais le génie français se fout des évidences : la conclusion sera que les gens de l'État doivent nous sortir de ce mauvais pas. La force de l'étatiste est de vivre des dégâts qu'il cause.


4422 communes sont concernées par ce plan. Dans ces zones déficitaires en offre de soins, les praticiens "qui travaillent en cabinet de groupe verront leurs actes médicaux rémunérés, au minimum, 20 % de plus d'ici à fin mars", annonce Xavier Bertrand. Chez un généraliste, par exemple, la consultation sera toujours facturée 20 euros au patient, mais l'assurance-maladie la paiera 24 euros au médecin.


Rappelons que l'État a fait main basse sur la santé pour nous protéger des travers du marché. Et voilà que nos étatistes nous bricolent une simili-loi de l'offre et de la demande pour pallier leurs bévues. Gageons que le résultat sera mauvais et que nos étatistes seront ravis de nous présenter un nouveau plan dans quelques années. Il est évident par exemple que la définition des "zones sous-médicalisées" va faire l'objet de tractations occultes et de grenouillages divers. Évident aussi que des médecins vont déplacer leurs cabinets de quelques centaines de mètres pour être dans la commune sous-médicalisée toute proche. Etc.


Quoiqu'il en soit, zone sous-médicalisée ou non, les médecins libéraux vont de toutes façons manquer en France dans un futur proche :


[…] mais les libéraux ne seront, quoi qu'il en soit, pas assez nombreux en France à partir de 2008 […]


La profession étant pilotée par l'assurance-maladie depuis des décennies, on peut avancer sans se mouiller que c'est à cause des gens de l'État que des patients ne trouveront pas de médecins. Bingo :


Depuis 1996, les ordonnances Juppé, via des mesures d'incitation à la retraite anticipée (MICA), ont poussé des milliers de médecins à partir avant 60 ans. "En 1996, les pouvoirs publics pensaient qu'en diminuant le nombre de médecins, on baisserait les dépenses de santé, c'était un raisonnement primaire et une erreur d'analyse"


Erreur d'analyse, c'est le moins qu'on puisse dire : les déficits se sont creusés dramatiquement et l'accès aux soins est maintenant compromis. Des coûts en hausse vertigineuse pour des soins bientôt réservés à des privilégiés : voilà justement ce que les gens de l'État disaient vouloir nous éviter (vous savez : les terribles dérives du marché), et voilà justement ce qu'ils réalisent.


Croyez-vous que des mesures seraient prises pour un désengagement immédiat de l'État du domaine de la santé ? Pas du tout, voyons ! Bien au contraire : nous sommes en plein mouvement perpétuel étatiste, tout va bien ! Les affaires marchent ! D'ailleurs :


Xavier Bertrand s'engage à passer le numerus clausus des études médicales à 7000 places dès cette année (contre 6200 en 2005) et de le laisser "au minimum" à ce niveau jusqu'en 2010. […]


Xavier Bertrand prône "l'anti-MICA". Les libéraux pourront "cumuler un exercice à temps partiel et leur retraite et seront, dès 60 ans, dispensés de garde quel que soit leur lieu de travail", explique le ministre.


Loin de faire le contraire de ces prédécesseurs, notre ministre s'inscrit en fait dans la même logique, celle du dirigisme : il ajoute, retranche, ajuste, compense, tire quelques manettes, pousse quelques leviers. Croyant agir tandis qu'il ne fait rien que d'empêcher d'agir, il se nourrit des âneries de ses prédécesseurs, comme ses successeurs se nourriront des siennes. Le socialisme, c'est le mouvement perpétuel… jusqu'à la banqueroute.

POSTED BY XXC AT 7:14 AM 16 COMMENTS

MARDI, JANVIER 17, 2006

Autisme de masse

Les années passent et Borloo continue de s'abîmer dans une vaine hyperactivité, de dévorer les richesses des Français avec une ravissante innocence. Et voilà qu'aujourd'hui il nous gratifie d'un gadget sympa : un projet de loi sur l'égalité des chances.


C'est assez mystérieux cet engouement pour l'égalité. Car en réalité la plupart des gens recherchent la singularité, aiment à croire qu'ils sont différents et ne souhaitent pas du tout être identiques les uns aux autres. Dès lors, comment l'idée d'égalité peut-elle autant séduire ? De même, concernant plus spécifiquement l'égalité des chances, la très grande majorité des parents ne veulent pas des enfants ordinaires et moyens mais souhaitent au contraire des destins au moins un peu exceptionnels pour leurs rejetons. Tout parent veut bien sûr que son enfant ait le plus d'atouts en main possibles, et sans doute pas qu'il n'ait que des perspectives moyennes. Comment alors se fait-il que l'égalité des chances soit une idée si bien accueillie ?


Il semble à première vue que les adeptes de l'égalité souhaitent d'abord que les autres soient égaux mais espèrent bien dans le même temps échapper à cette triste condition. Il semble aussi que l'égalité soit pour de nombreuses personnes le seul moyen de se "hisser" à la hauteur des gens les plus brillants en les jugulant. Bref, le désir d'égalité et d'égalité des chances procède apparemment de ce vil sentiment qu'est l'envie (mâtinée de cruauté). (Ou sinon, il faut que l'on m'explique comment on peut souhaiter absolument pour les autres ce que l'on ne souhaite surtout pas pour soi.)


Quoiqu'il en soit, l'égalité des chances est l'une des grandes affaires de l'État (dans sa version sociale-démocrate du moins). Et force est de constater qu'il est nul en ce domaine (comme en cent autres d'ailleurs). En matière d'égalité des chances nous avons en France depuis plus d'un siècle une école "gratuite", publique et obligatoire, véritable cheville ouvrière de la Nation, qui aboutit aujourd'hui à une mobilité sociale nette quasiment nulle. L'égalité des chances selon les gens de l'État est donc synonyme dans les faits de reproduction sociale. Autrement dit, grâce à l'État et à son école "gratuite" et publique, les fils de pauvres ont des destins de pauvres et les fils de riches des destins de riches. Je me permets d'insister lourdement : cette situation n'est pas la conséquence d'un marché libre de l'enseignement, d'écoles privées et payantes, elle résulte au contraire de l'action de l'État ; l'État assure l'inégalité des chances.


Voyons maintenant ce que Borloo nous a préparé (je vous préviens, c'est pathétique comme un projet d'établissement de collège de banlieue) :


TITRE IER

MESURES EN FAVEUR DE L’EDUCATION, DE L’EMPLOI ET DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE


Section 1

« Formation d’apprenti junior » et contrat de professionnalisation


[…]


Je vous épargne le texte entier de cette section : il dit que dorénavant on pourra être apprenti dès l'âge de quatorze ans et précise les conditions de cet apprentissage relativement au code du travail et au code des impôts.


En toute honnêteté, je confesse n'avoir aucune idée des répercussions d'une telle loi. Simplement, je constate que les gens de l'État qui un jour ont interdit d'être apprenti à quatorze ans disent aujourd'hui qu'être apprenti à quatorze ans est bon pour l'égalité des chances. Je vous laisse, chers lecteurs, en tirer les conclussions qui s'imposent…


Section 2

Emploi des jeunes


[…]


En bref, toute une panoplie d'aides en faveur de l'emploi des jeunes. À rapprocher des aides destinées à soutenir l'emploi des vieux dont je vous parlais dans mon post précédent. Ne manquent plus que des aides pour soutenir l'emploi des gens qui ne sont ni jeunes ni vieux, des aides pour ceux qui portent les ongles longs, pour les démineurs parkinsoniens et pour les pêcheurs hydrophobes. Plus clientéliste qu'un social-démocrate, tu meurs !


Section 3

Zones franches urbaines


[…]


Un bâfreur d'impôts qui met en place des zones franches, c'est toujours très drôle. Ici en l'occurrence c'est l'aveu que l'impôt tue l'égalité des chances, et venant d'un étatiste c'est assez savoureux.


TITRE II

MESURES RELATIVES À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ET À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS


Section 1

Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances


[…]


Une agence bidon pour filer des ronds aux copains. Un grand classique.


Section 2

Renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité


[…]


Une autre agence bidon. D'autres copains. Qui ont aussi besoin d'argent. On renforce. On en profite pour légitimer le "testing" (dénonciation des individus présumés racistes) parce que la dénonciation des comportements antisociaux, il n'y a rien de tel pour favoriser la cohésion sociale. Le type même de société dans laquelle j'ai une folle envie de vivre. C'est si fraternel qu'on n'en peut plus.


Section 3

Actions en faveur de la cohésion sociale et lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel


[…]


Le domaine audiovisuel est depuis des dizaines d'années sous le contrôle total ou partiel des gens de l'État. À qui la faute si la peau noire a été longtemps tenue à l'écart et l'accent de Toulouse banni ? Doit-on faire confiance à ceux qui ont organisé les discriminations pour les faire disparaître ?


TITRE III

CONTRAT DE RESPONSABILITE PARENTALE


[…] En cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, de trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale, le président du conseil général propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale. Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l’autorité parentale et comporte toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation. […]


Je traduis : des subventions si vous renoncez à vous occuper de vos gosses. La famille est, il est vrai, un vestige du passé à abattre pour qui veut réaliser l'égalité des chances. Plus de famille, plus d'héritage, plus de transmission de valeurs ringardes : les fonctionnaires prennent directement en main les enfants. Mieux que la social-démocratie : la total-démocratie.


TITRE IV

LUTTE CONTRE LES INCIVILITÉS


[…]


Le rapport avec l'égalité des chances ? Je ne vois pas trop. Si un type est impoli il aura du mal à trouver un bon boulot ? Je sèche.


TITRE V

SERVICE CIVIL VOLONTAIRE


[…]


Vous cherchez un job ? L'État vous propose un travail non rémunéré qui vous fera sortir des statistiques du chômage. Cool non ?


Au final, une loi consternante de plus, une strate de bêtise législative supplémentaire. Nous ne produisons plus que de fausses lois qui font mine de répondre à de faux problèmes. Le choix de l'autisme de masse comme planche de salut.

POSTED BY XXC AT 7:15 AM 8 COMMENTS

LUNDI, JANVIER 09, 2006

Ribambelles de fantômes

En préparation chez nos tricoteurs du tissu social : un plan d'action national pour l'emploi des séniors sur la période 2006-2010. Encore un bidule indispensable, un machin qui manquait terriblement, une de ces priorités qu'on ne pouvait plus se permettre de repousser sine die. Et puis quoi ! un petit plan quinquennal, ça ne refuse pas, ça rappelle le bon vieux temps, ne passons pas à côté des choses simples.


Et pour quoi faire ce plan ? Pour lutter contre les discriminations liées à l'âge. Refuser d'employer quelqu'un en raison de son âge, voilà qui n'est pas gentil. À l'avenir, il va falloir éviter, l'âge ne devra plus être un critère de choix pour embaucher. De même qu'il ne faut pas choisir en tenant compte du sexe du candidat. Ni de la couleur de peau du candidat. Ni des consonances particulières de son patronyme. Ni des handicaps dont il souffre éventuellement. Ni des maladies dont il est affligé. Ni de ses origines sociales. Ni de ses croyances religieuses. Ni de ces convictions politiques et philosophiques. Etc. (Quand ils recrutent, les gens de l'État, eux, ne se gênent pas pour discriminer selon les critères les plus contestables, comme la graphologie. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.)


Encore et toujours, beaucoup de confusion dès lors qu'on parle de droit et d'égalité en droit : les faux-droits les plus ridicules sont immanquablement évoqués. Ici en l'occurrence, où l'on parle d'embauche, deux droits véritables devraient s'exercer : le droit de l'employeur qui est d'embaucher telle ou telle personne choisie selon les critères qui lui font plaisir ; et le droit de l'employé qui est de de travailler pour qui il veut selon, là aussi, les critères qui lui plaisent. Si l'employeur ne veut pas d'employés qui soient japonais et gras, eh bien on peut penser ce que l'on veut de ce drôle de zigue, mais c'est bien là son droit : le droit de contracter avec qui il veut. De même qu'un demandeur d'emploi qui refuse de travailler pour le compte d'un Libanais homosexuel et chauve est autant une sombre andouille qu'une personne parfaitement dans son droit.


Ou sinon que l'on impose aux jolies jeunes femmes, surtout celles qui se disent éprises de "beauté intérieure", de contracter mariage avec des hommes pauvres et laids. Pourquoi en effet les hommes pauvres et laids devraient-ils toujours se retrouver avec des boudins ? C'est dégueulasse à la fin ! Que l'on impose aussi à tout le monde de manger des choux de Bruxelles, des salsifis et des épinards. Car comment peut-on repousser dédaigneusement le fruit du travail d'honnêtes techniciens de surfaces agricoles ? Tout cela parce que « j'aime pas ça ! » ? Quel étroitesse d'esprit ! Quel arbitraire ! Quel égocentrisme !


Bref, trêve de plaisanteries, c'est une évidence : interdire de discriminer, c'est-à-dire de choisir selon ses goûts, aussi contestables soient-ils, est un esclavage déguisé. En voulant supprimer ce que l'on ressent parfois comme une injustice (mais qui, strictement, n'en est pas une), on ne fait qu'en créer de nouvelles (mais de véritables injustices cette fois). En vérité, en refusant de contracter avec Pierre, je n'empêche pas le droit de Pierre : celui-ci n'a pas le droit de me contraindre à contracter (ou sinon le mot "contrat" perd tout son sens). En outre, dans la situation présente, alors que l'on croit peut-être aider les chômeurs âgés à trouver un emploi, on décourage les employeurs de créer des emplois (puisqu'ils perdent la possibilité de choisir leurs employés).


Au fond, je crois que le gouvernement n'engage pas une lutte pour aider des gens mais bien une lutte pour plus d'égalité et d'uniformisation. Toujours en matière d'embauche, je ne serais pas étonné d'ailleurs que soient un jour interdites les discriminations liées à l'intelligence et aux compétences. Pourquoi en effet les abrutis et les incapables sont-ils si souvent écartés des postes prestigieux et des emplois de premier ordre ? Pourquoi les cons n'auraient-ils pas accès à l'agrégation d'histoire ? à la présidence de l'Assemblée nationale ? au conseil d'administration d'EDF ?


D'ici quelques années, nous aurons peut-être des quotas d'emplois de cadres supérieurs pour les débiles légers. Je délire ? C'est absolument inconcevable ? Sans doute pas ! Il y a au moins un précédent de taille à l'échelle du pays : l'interdiction de discriminer pour cause de nullité est déjà au cœur de cette niveleuse géante qu'est l'Éducation nationale. De très nombreux bacheliers littéraires ne lisent pas et ne connaissent rien de l'orthographe et de la grammaire. De même, il n'est pas rare qu'un bachelier scientifique ne sache pas distinguer un vecteur d'un segment ou une implication d'une équivalence. Tout cela ne pose bien sûr aucun problème, bien au contraire, puisque justement l'Éducation nationale a pour objectif l'absence de discrimination et prône le relativisme et la confusion.


On peut s'attendre dans les années à venir à une extension de l'interdiction de faire des distinctions et des choix concernants les personnes. L'absence totale de discriminations est le grand rêve des collectivistes : elle signe la fin des individus et l'avènement des ribambelles de fantômes de papier.


SAMEDI, DÉCEMBRE 31, 2005

Le ministre des courants d'air

Franchement, si je devais être ministre — à Dieu ne plaise !, j'éviterais ministre des sports. Ministre de l'Éducation nationale, de la santé, de la guerre ou de l'économie : là oui, ça fait sérieux, on peut faire croire au citoyen qu'il s'agit d'un vrai travail, d'une tâche de la plus haute importance, on n'est pas obligé de raser les murs en craignant qu'un pékin ne vous lance : « Eh dis donc toi là-bas ! Tu pourrais nous dire à quoi bon on te paye ? ».


Ministre des sports ! Ah ! Les étatistes sont impayables : dès qu'il y a matière à s'immiscer, ils sont dans la place. Les Français font du sport ? Allez hop ! un ministre des sports ! L'art de la poterie serait-il plus répandu, il y aurait un ministre de la terre cuite ! Les Français se passionneraient-il pour les girouettes, il y aurait un ministre des courants d'air !


Pourquoi donc doit-on payer un ministre pour pouvoir jouer au tennis, au foot ou partir en randonnée ? Sont-ce là des activités qui nécessitent l'intervention des pouvoirs publics ? Est-il donc impossible à l'amateur de rugby de louer un pré pour jouer avec ses amis ? Aux nageurs de se payer une piscine ? Aux gymnastes de s'offrir une salle ?


Non bien sûr ! Un ministère des sports n'est qu'une façon supplémentaire de réglementer, d'enrégimenter, de parasiter, de créer de nouveaux privilèges, de taxer tout le monde et de redistribuer aux copains. Les copains ont droit à un somptueux Stade de France sans bourse délier pour jouer au ballon, et le contribuable n'a même pas droit à une paire de baskets pour son jogging. C'est le Service public : celui qui n'a pas la chance de pratiquer les "bons" loisirs doit consacrer l'argent qu'il destinait à ses propres loisirs aux loisirs d'autrui. Au nom de la Justice sociale™.


Ministère inutile et vénal donc. Et cela, de manière assez visible : pas besoin d'être très perspicace pour se rendre compte de l'immoralité fondamentale d'un ministère des sports. D'où la nécessité d'une intense propagande (un ministère du sport est avant tout un ministère de la propagande) : faire croire que le ministre est à vos côtés dans vos pratiques sportives, faire croire que le sport c'est la santé, parer le sport de vertus merveilleuses.


Le ministre à vos côtés ? Y compris sur les pistes de ski ! Une superbe campagne publicitaire aux messages transcendants : « Maîtrisez votre vitesse. » et « Faites attention aux skieurs en aval. ». C'est à vomir de paternalisme gnangnan et d'indigence. En fait, l'objectif réel n'est pas la sécurité des skieurs mais bien la promotion du ministère. Le ministère ne fait que nous dire : « Coucou ! on est là ! ». Car en réalité, plus de 99 % des skieurs rentrent de vacances parfaitement entiers sans le moindre bobo, 95 % des accidents sont dus à des gens qui tombent tous seuls et les décès sont rarissimes (données du ministère lui-même). Le ministre veut seulement nous faire croire qu'il veille sur nous, qu'il est indispensable. Ce sont donc 664 panneaux et 20000 affichettes qui iront marteler les consternants messages ministériels. Le tout agrémenté de campagnes menées localement par des associations qui semblent se disputer la palme de l'infantilisation nunuche : de « Glisse pas perso ! » (euh… je fais comment alors ?) à « Sans casque… t'assures pas ! ». Le nursing sportif n'attire pas que les ministres, il y aurait de la bonne subvention à grailler que ça m'étonnerait pas.


Le sport c'est la santé ? Les grands sportifs passent beaucoup de temps chez le médecin, sont régulièrement absents des compétitions pour pépins de santé. Même les sportifs occasionnels et modérés sont abonnés aux claquages, aux chevilles tordues, aux genoux fichus aux clavicules cassées. Mises bout-à-bout, les périodes d'immobilité forcée pour blessures diverses se comptent parfois en années. Parmi mes proches, deux personnes sont gravement handicapées à vie à cause du sport. En outre, les prises de drogues dangereuses pour améliorer les performances sont courantes dès lors qu'il y a compétition, y compris chez les amateurs. Donc non, le sport en soi n'est pas bon pour la santé ; il peut l'être certes, mais peut être aussi tout le contraire.


Mais le sport c'est bien plus que le sport, non ? Oui, le sport c'est plein de vertus citoyennement vitaminées ! Du moins, c'est ce qu'on veut nous faire croire. Car, comme le dit lui-même Jean-François Lamour, notre ministre des sports, lors du colloque "Sport et intégration" (je n'invente rien) du 15 décembre :


cette idée que le sport peut jouer un rôle pour un fonctionnement plus harmonieux de notre société ne s’impose pas spontanément.


Tu l'as dit, bouffi ! D'abord parce que "fonctionnement harmonieux de la société" est un concept collectiviste improbable (la société et moi, on n'a pas été présentés). Ensuite parce que le sport n'apporte a priori ni plus ni moins d'harmonie que la musique, le travail, la philatélie ou la lecture. (Vu "l'animation colorée" qui règne souvent dans les stades, derrière les téléviseurs et dans les bistrots dès qu'il s'agit de sport, le terme d'harmonie n'est peut-être pas des plus idoines.)


Mais Jean-François s'en fout, si l'harmonie ne s'impose pas spontanément, on se passera de la spontanéité :


Il [le sport] peut jouer un rôle en particulier en agissant sur ce qui fait le lien entre les individus et le ciment de notre Nation. Mais il ne peut le faire qu’à certaines conditions bien particulières qui nécessitent une action volontariste, fondée sur l’inlassable réaffirmation des valeurs, sur des projets éducatifs explicités et la mobilisation de moyens.


Propagande et impôts : nous avons les moyens de vous cimenter par le sport. C'est délicieusement guilleret tout ça. Ben oui mais on n'a pas le choix nous dit Jean-François :


Le sport ne peut, en effet, jouer sa véritable fonction d’intégration que si une même passion réunit des pratiquants qui, de toutes origines et de systèmes de valeurs, acceptent des règles communes.


Voilà. Si on n'est pas tous pareils, on n'est pas intégrés ; et si on n'est pas intégrés, c'est pas bien. Donc il faut du sport. Sinon les jeunes-issus-de-l'immigration ils pourraient tout casser. Et c'est pas en France que ça risque de nous arriver !


L’organisation de la pratique sportive doit s’appuyer sur les valeurs qui fondent notre pacte social républicain. Ainsi elle assure la diffusion de ces valeurs en les illustrant concrètement et elle contribue donc à leur renforcement dans l’esprit de nos concitoyens.


On le voit, le sport lui-même n'a plus aucune importance. Rappelons que le principe du rugby est d'écraser un ballon dans l'en-but, que le principe du 100 mètres est de courir vite, que le principe du lancer de poids est de lancer loin, etc. Voilà des choses simples à appréhender, sans mystère ni finesse particulière. Ces différentes activités n'ont directement rien à voir avec les principes et vertus que le ministère veut inculquer. Le sport est ici utilisé comme un vecteur de conscientisation politique, de manipulation sociale, d'usinage cérébral et de domestication.


Et je laisse Jean-François conclure :


C’est la conception que j’ai du sport. C’est celle que je traduis dans la politique sportive que je défends pour notre pays.


Absolument savoureux et dénué de scrupules. J'adore.


La preuve que le sport c'est mal : Lamour a commencé sportif, il a fini ministre.

POSTED BY XXC AT 3:02 PM 17 COMMENTS

MARDI, DÉCEMBRE 27, 2005

Liturgies

Je suis avec un certain intérêt l'affaire du fameux article de loi sur le rôle positif de la France outre-mer.


Le moins grave et le moins intéressant avec ce texte, c'est sans doute ce qu'il dit et préconise. Le fond du propos est en effet si manifestement grotesque qu'il est du coup peu dangereux ; la bombe est si visible qu'on la désamorce du regard.


Car, bien sûr que la traite transatlantique et l'esclavage aux Amériques n'ont pas été positifs. Quand aux colonies, moins directement repoussantes sans doute, j'aimerais bien savoir ce qu'il y a de positif, d'un point de vue moral, à assujettir.


En puis, même d'un point de vue utilitariste, les colonies n'ont profité qu'à quelques personnes. Les Français, eux, ont été contraints à acheter pendant des décennies des matières premières bien au-dessus des cours mondiaux. Contraints aussi à financer des projets coûteux, disproportionnés ou carrément inutiles, tout cela au beau milieu de la brousse africaine. Un bilan négatif et non positif : les Français se sont fait voler par un cartel d'entrepreneurs et d'hommes politiques, autant d'argent qui aurait pu être consacré au développement de la France elle-même.


En ce qui concerne les colonisés, là aussi, si quelques-uns ont pu tirer des dividendes de la colonisation, l'immense majorité n'a pas vu grand chose (et encore je ne parle pas de ceux qui sont morts aux travaux forcés, un esclavage qui ne disait pas son nom). Si la France a eu un rôle positif, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne saute pas aux yeux par ses conséquences aujourd'hui (je pense à l'Afrique noire notamment) !


Bref, un texte de loi idiot. Idiot parce qu'il promeut des opinions insoutenables. Idiot aussi parce que sans effets : jamais les professeurs d'histoire n'enseigneront pareilles billevesées (ils en enseigneront d'autres, certes, mais celles-là, non). Idiot enfin parce que le peu d'éléments positifs pouvant éventuellement être mis au crédit du colonisateur auraient pu être obtenus grâce à des relations pacifiques, basées sur l'échange libre.


Mais surtout, le vrai scandale est ailleurs. Non dans le propos lui-même de la loi mais dans l'objectif visé : celui de l'écriture d'une Vérité officielle. De Villepin et ses amis peuvent bien s'en défendre, il ne fait aucun doute que c'est bien là ce que vise la loi : nier les faits, imposer des œillères républicaines, induire des comportements pavloviens de bons citoyens, bref, faire de chacun un atome docile du corps social. Car à quoi sert cette loi ?


À perpétuer une mémoire collective ? Oui, justement, c'est l'argument officiel, l'argument tabou (il ne fait étrangement éclater de rire personne). Et pourtant, qu'est-ce que "mémoire collective" veut bien dire ? S'agit-il de penser que, le 14 Juillet par exemple, haut moment de mémoire collective nationale, tous les cerveaux de tous les Français sont tendus vers le seul souvenir de la prise de la Bastille ? Non bien sûr ! Y compris dans la tribune présidentielle d'ailleurs : tel général pense à la jeune femme avec qui il a passé la nuit, tel ministre pense à son mal de dos qui le fait souffrir tandis que le Président se demande s'il n'a pas les traits trop tirés pour passer à la télé. Il n'y a pas de mémoire collective, chacun a ses souvenirs qui refont surface tout à trac, aux moments les plus inattendus. La mémoire collective est une image, un symbole au sens mythologique du terme : sa valeur est magique et mystique. Autrement dit, certains "choisissent" d'y croire mais la mémoire collective n'existe pas en dehors de cette croyance : c'est un faux concept.


La mémoire collective est une divinité sociale-démocrate, comme le sont l'intérêt général, la solidarité, la sécurité sociale ou l'égalité. Nos démocraties modernes s'inventent des panthéons pour se convaincre de leurs bien-fondés, lèvent l'impôt comme on offre des victimes en holocauste (l'impôt comme sacrifice).


Et, à la mémoire collective, c'est la liberté de penser et de s'exprimer qui est sacrifiée. Loi Gayssot, loi Taubira, loi sur le génocide arménien, loi sur la France outre-mer : rien, sinon le sacrifice à caractère religieux, ne justifie de telles lois.


Les arguments à l'allure faussement rationnelle qui sont avancés sont de deux types :


1. des personnes se sentiraient insultées par certaines idées ;

2. en interdisant, on évite la propagation d'idées répugnantes et dangereuses.


Argument 1. De deux choses l'une : ou bien on est réellement insulté, c'est-à-dire directement invectivé, injurié, pris à partie, et on peut y voir alors une agression, et donc la possibilité de poursuites judiciaires. Ou bien on se sent insulté par les informations, vraies ou fausses, que Pierre donne à lire à Paul et, dès lors, il faut se ranger à l'idée qu'aussi désagréables soient les informations en question, Paul a le droit de lire ce qu'écrit Pierre. Cet argument de l'insulte ressentie n'est pas ridicule, c'est-à-dire que je comprends que, par exemple, un Martiniquais descendant d'esclaves ne trouve pas drôle du tout que l'on nie la traite transatlantique. Certes. Mais primo, gare à la transposition : ne confondons pas les vrais bourreaux et les vraies victimes avec des gens qui ne sont ni les bourreaux ni les victimes. Deuzio, si l'on interdit tout propos et toute idée susceptibles de vexer cruellement quelqu'un alors autant instaurer le permis d'écrire à points et le port du bâillon obligatoire.


Argument 2. Contrairement au premier argument, celui-ci n'est pas faible, il est complètement nul. D'abord, il est bien peu respectueux du vulgum pecus : celui-ci serait trop bête pour penser, on doit le faire à sa place ; le "on" désignant les soi-disant élites du pays qui sont plus intelligentes que n'importe qui (et qui ont la carte du Parti). Ensuite, l'argument s'appuie sur la connaissance parfaite des faits historiques et sur leur parfaite interprétation. Or si les faits sont ce qu'ils sont, ne sont pas relatifs, la connaissance et l'interprétation des faits sont, elles, bien souvent relatives. Il s'ensuit que décréter par la loi ce qui s'est passé et ce qu'il faut penser repose pour partie au moins sur l'arbitraire. Vérité arbitraire, vérité officielle, le nihilisme et le relativisme ne sont pas loin. Autant dire que l'on répand ce que l'on prétend combattre. Avec enfin les conséquences contre-productives auxquelles on peut s'attendre : puisque je n'ai pas le droit de lire les arguments des négateurs des chambres à gaz nazies, puisqu'il m'est interdit d'exercer mon esprit critique, alors il m'est impossible de condamner de telles thèses. Eh oui. Paranoïa aidant, je peux tout aussi bien penser que si certains écrits me sont cachés c'est qu'ils contiennent des vérités dérangeantes… En résumé, croire s'opposer à l'erreur en la censurant est idiot et contre-productif ; c'est le contraire qu'il faut faire bien sûr : laisser la bêtise s'exprimer pour mieux la pourfendre.


Bref, des arguments bien peu convaincants. Et j'en reviens à ce que j'avançais plus haut : n'excluons pas l'idée que ces lois qui décrètent l'histoire relèvent foncièrement d'une littérature liturgique d'État. Des textes sacrés destinés à asseoir une mystique, un panthéon, à souder les fidèles dans une communion républicaine.

POSTED BY XXC AT 2:25 PM 4 COMMENTS

VENDREDI, DÉCEMBRE 23, 2005

Joyeux Noël

Joyeux Noël et bonnes fêtes à tous ! Je vous souhaite plein d'électricité, plein d'eau et plein de gasoil !

POSTED BY XXC AT 4:43 PM 7 COMMENTS

Amphigouri ministériel

Tous les deux mois, les ministres du gouvernement français se réunissent lors d'un "séminaire gouvernemental". Après quoi, ils racontent à tout le monde ce qu'ils ont envie de raconter sur ce qui s'est dit durant ledit séminaire. L'opération a pour but de faire croire qu'ils ont bossé durant les deux derniers mois et qu'ils vont bosser durant les deux prochains mois. Simple exercice de brassage d'air publicitaire comme le montre Dominique de Villepin ci-après : formules creuses, propos incohérents, baragouin inintelligible.


Allons-y, je reprends intégralement, en en conservant les fautes d'orthographe et de français, le texte de l'intervention du Premier ministre disponible sur "son" site web :


Nous venons de tenir le troisième séminaire gouvernemental. Cela a été l’occasion de faire un rapide bilan des six derniers mois et de fixer quelques perspectives pour l’année 2006. En ce qui concerne le bilan, on a pu constater quelques premiers résultats dans le domaine de l’emploi, sur le fond de la croissance, sur le fond industriel aussi avec des succès pour nos entreprises à l’étranger, des grands contrats — 150 Airbus vendus à la Chine — et des succès aussi en ce qui concerne des implantations en France — je pense à Iter à Cadarache où encore Galiléo à Toulouse.


Étrange bilan : outre le flou artistique, on ne voit pas trop bien en quoi les éléments cités par de Villepin relèvent de l'action gouvernementale. Parce qu'ils se mêlent de tout et de n'importe quoi, les ministres aiment laisser entendre que c'est grâce à eux que ceci ou cela fonctionne. En réalité bien sûr, c'est malgré eux que ceci ou cela fonctionne. Prenons par exemple le cas de l'emploi. Qu'est-ce que l'emploi ? C'est Pierre qui veut travailler et c'est Paul qui a besoin justement d'employer Pierre. Des Pierre et des Paul, il y en a des tant et plus en France. Le problème, c'est qu'entre Pierre et Paul il y a Dominique qui fait casse les pieds avec ses lois débiles qui empêche la liberté de travailler. Alors si finalement la rencontre de Pierre et de Paul débouche sur un emploi, c'est bien malgré Dominique et non grâce à Dominique.


Nous avons rencontré également des difficultés au cours des derniers mois : la journée du 4 octobre, un certain nombre de grèves dans le secteur public, des plans de restructuration dans notre pays. A chaque étape, nous avons essayé d’apporter des réponses, tout comme face à la crise des banlieues qui a été une épreuve pour l’ensemble de notre pays.


N'importe quoi ! Aucune des difficultés mentionnées n'ont été rencontrées : ce sont des "difficultés" qui découlent directement de l'action de l'État. Elles ont été créées. En fait de difficultés rencontrées, l'État a été contraint par la réalité à faire face à sa propre déliquescence, à plonger le nez dans sa propre merde. Eh oui ! il arrive que le monde réel se manifeste sans le moindre égard pour la vérité officielle…


Nous avons conscience aussi qu’il y a encore beaucoup à faire. Beaucoup à faire face à des grands défis comme le chômage des jeunes, le pouvoir d’achat. Beaucoup à faire aussi dans des domaines où une action importante a été engagée ; je pense à la sécurité, je pense à l’éducation, je pense à la recherche.


Oh mon Dieu ! c'est à désespérer… Non, non et non, vous n'avez pas beaucoup à faire ! Bien au contraire, il est urgent que vous arrêtiez de faire. Plus vous faites, plus nous souffrons. Alors de grâce, arrêtez de faire ! Rendez-vous compte du pacte génial que je vous propose : on continue à vous payer vos salaires, à financer vos trains de vie princiers, à entretenir vos pied-à-terre d'aristocrates, à vous appeler "ministre" ou "excellence", etc., et en échange vous acceptez de ne plus rien faire, rien du tout. Ça vous dit ? Nous, on en rêve !


Il faudra donc confirmer les efforts engagés pendant l’année 2006, continuer aussi à nous battre pour la place de la France à travers le monde.


Mais qu'est-ce que ça veut dire, bon sang !? C'est quoi, une vie consacrée à la place de la France dans le monde ? Et pourquoi devrait-on se battre ? Moi, je n'ai pas envie de me battre, je ne rêve que d'une vie paisible et harmonieuse. Peace and love. La France ? Je m'en fous ! Et d'ailleurs, je ne sais pas ce que c'est.


Fidèles au cap qu’a fixé le président de la République, fidèles à la priorité de l’emploi, fidèles à notre exigence d’une croissance sociale, nous voulons avancer dans trois grandes directions prioritaires au cours de cette année 2006. L’emploi bien sûr, cela reste la priorité de l’action gouvernementale. Et si nous voulons gagner cette bataille pour l’emploi, il nous faut avancer dans deux directions : d’abord créer davantage d’emplois dans notre pays et c’est tout le sens de la deuxième étape du plan que nous présenterons au début de l’année prochaine. Il faut également avancer dans la voie d’un accompagnement personnalisé de chacun. Nos compatriotes font face à des difficultés différentes, il faut prendre en compte chacune de ces difficultés, apporter des réponses.


Ah. Le Service public, c'est d'apporter des réponses à tous les problèmes de tous les Français ? Quelle est donc cette folie ? Des fonctionnaires pour résoudre nos problèmes ? Alors que justement nos problèmes sont souvent les fonctionnaires eux-mêmes ! Où va-t-on ?


J’ai présenté lundi dernier un certain nombre de pistes et de propositions. Je pense à l’orientation, une meilleure orientation, un service public de l’orientation ; je pense à la formation, un droit universel à la formation d’un an ; je pense dans le domaine des stages à une charte des stages ; sur tous ces sujets, il faut donc continuer d’avancer.


Un service public de l'orientation ?! C'est proprement incroyable et abyssal. Je n'en reviens pas. En France, des fonctionnaires vont être payés à nous expliquer comment il faut vivre.


(Pause.)


(Lotus.)


(Articulations qui craquent.)


(Inspiration profonde.)


(Expiration.)


(Méditation.)


(…)


(Aaaaaaaaaaaaaaaaaah !!!!!!!)


Et merde.


Deuxième priorité, c’est la modernisation de l’Etat. Si nous voulons pouvoir trouver de nouvelles marges de manœuvre, il faut engager ce grand chantier de la modernisation de l’Etat avec deux défis.


En langage ministériel, une marge de manœuvre est une opportunité pour piquer de l'argent au citoyen et le claquer n'importe comment. "Moderniser l'État" signifie "voler plus pour faire encore plus de conneries".


Le premier défi, c’est l’endettement. Prenant en compte les résultats de la mission de M. Pébereau, nous devons réduire nos déficits, réduire notre endettement. Et nous avons deux grands rendez-vous : le premier au début de l’année avec la Conférence nationale des finances publiques qui réunira l’ensemble de ceux qui ont une responsabilité dans le domaine de la dépense — l’Etat, les Collectivités territoriales, la Sécurité sociale avec les partenaires sociaux —, et puis au mois de juin, lors du débat d’orientation budgétaire, nous prendrons un engagement chiffré devant le Parlement pour l’année 2007. Première étape donc de ces cinq années qui devront nous conduire au retour à l’équilibre. Donc premier élément de cette mobilisation : le désendettement de la France.


On ne peut pas dire à la fois : "je cherche des marges de manœuvre" et "je veux réduire la dette", c'est antithétique. Quand à prétendre retourner à l'équilibre en cinq ans, on voit bien que de Villepin n'en a rien à faire de la dette : annoncer n'importe quoi ne le dérange absolument pas. Car la dette, dont il n'annonce bien sûr pas le montant, (politique de négation du réel oblige), est égale à 2000 milliards d'euros, plus ou mois 1000 milliards. L'État français est à ce point déliquescent qu'il est impossible de savoir à quel point il est déliquescent. Un comble.


Il faut aussi avancer dans la réforme des structures et des missions de l’Etat et nous serons amenés à continuer les audits qui ont été engagés par J.-F. Copé à la fin de cette année ; ils se poursuivront jusqu’au mois de juin. Il faudra en tirer toutes les conclusions et je souhaite le faire dans un esprit de transparence et faire en sorte que ces missions, ces structures, soient adaptées aux exigences et aux attentes de nos compatriotes ; c’est là aussi un rendez-vous important.


Vacuité intégrale du discours. Vacuité intégrale de celui qui s'audite lui-même.


Troisième priorité, c’est bien sûr l’exigence républicaine. Cette exigence républicaine, elle nous conduira à continuer notre action dans le domaine de la sécurité ; nous avons obtenu beaucoup de résultats au cours des dernières années. Il faut aller plus loin et c’est tout le sens du plan de prévention de la délinquance, de lutte contre la délinquance, qui sera présenté d’ici quelques semaines. N. Sarkozy a proposé les bases d’un plan. Nous allons maintenant rentrer avec l’ensemble des ministres concernés dans les arbitrages ministériels et très rapidement, nous proposerons donc ce plan.


L'exigence républicaine est une priorité. Ça ne veut rien dire ? Oui, c'est vrai. Ça ne veut rien dire.


De la même façon, l’égalité des chances, c’est aussi un rendez-vous important puisque l’égalité des chances, ce sera la grande cause nationale pour l’année 2006 et nos compatriotes, partout dans le pays, chacun prend conscience de l’importance de cette notion d’égalité et la crise des banlieues n’a fait que renforcer la conscience de l’importance de ce sujet.


À lire et à relire. À l'infini. En boucle.


Une loi sur l’égalité des chances sera présentée en janvier et nous ferons en sorte dans tous les domaines que cette égalité des chances puisse faire vivre nos grands principes républicains.


J'attends cette loi avec impatience ! Un bon post en perspective !


Et puis, l’immigration. Nous continuerons le renforcement dans le domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière mais nous souhaitons aussi des règles fermes, vous le savez, dans tout ce qui concerne l’immigration régulière, regroupement familial, accueil des étudiants étrangers mais aussi mariages mixtes à l’étranger. Nous avons pris un certain nombre de mesures ; elles seront adoptées sur le plan législatif dans le courant de cette année 2006.


Ben, je sors juste du Consulat et, en effet, la France est bien décidée à nous faire pourrir la vie, ma compagne africaine, mon enfant et moi. Il vient de m'être expliqué qu'il n'est pas du tout acquis que nous ayons le droit de vivre tous les trois ensemble : nous sommes a priori suspects. Merci la patrie des droits de l'Homme ! Je suis super-content d'avoir payé mes impôts durant tant d'années et d'avoir donné deux ans de ma vie au Service national !


Donc vous le voyez, une année 2006 qui sera une année d’action, une année utile pour l’ensemble des Françaises et des Français et le Gouvernement l’appuiera avec toute sa mobilisation et toute son énergie.


Consternant. Ça ne veut encore rien dire. C'est quoi, une année utile ? Chacun vivra sa vie en 2006, malgré de Villepin. Mais pour qui se prend-il ?


Deux mots sur les rendez-vous internationaux des derniers jours. D’abord sur le Conseil européen où vous le savez, l’Europe a maintenant un budget ; c’est une véritable relance pour l’Europe qui peut regarder vers l’avant et ouvrir de nouvelles perspectives. Le président de la République sera amené à faire dans ce domaine, le domaine institutionnel, vous le savez, des propositions.


Un budget = du fric = des dépenses superfétatoires en perspective ! Comme il est content le Dominique.


Et le rendez-vous de l’OMC également qui est un rendez-vous d’étape, un compromis a été trouvé qui préserve nos intérêts dans le domaine agricole. Nous avons pu aussi réaliser quelques avancées encore trop insuffisantes en direction des pays les moins avancés ; nous aurions souhaité aller plus loin dans le domaine du développement, l’accès au médicaments, le coton, tout ce qui concerne aussi le principe "Tout sauf les armes", principe européen que nous souhaitons voir étendre partout. Dans ces domaines, il y a encore beaucoup de progrès à faire, en particulier sur les autres volets de la négociation ; je pense à tout ce qui touche aux services et à l’industrie. Donc des négociations qui sont des étapes vers la relance de l’Europe d’un côté et vers de nouveaux progrès, nous le souhaitons rapidement, à Genève.


Donc à la fois on maintient le protectionnisme agricole et on prétend vouloir aider les pays pauvres ? Tartuferies !


Défendre officiellement le principe "Tous sauf les armes" tandis que les ventes d'armes de la France ont augmenté de 60 % l'an dernier ? Tartuferies encore !


Voilà brièvement ce que nous souhaitions vous dire et peut-être répondre à quelques unes de vos questions si vous en avez. Alors j’en profite aussi pour bien sûr souhaiter à chacune et chacun, avec l’ensemble du Gouvernement, tous nos vœux pour ces fêtes de Noël et l’ensemble des efforts du Gouvernement dans ce domaine.


Dis, Dominique, ça t'arrive de les relire tes discours ?

POSTED BY XXC AT 4:39 PM 8 COMMENTS

JEUDI, DÉCEMBRE 15, 2005

L'aversion pour la liberté

L'autre jour, comme je parcourais le site web de RSF (Reporters sans frontières), je pensais à tous ces journalistes à qui l'on offre sur un plateau la liberté de la presse et qui, curieusement, s'en détournent et préfèrent, de leur plein gré, servir la soupe aux puissants (de quoi rendre dingues ceux qui militent à RSF). L'inféodation contrainte, je comprends ; l'inféodation volontaire, surtout quand on a choisi la voix du journalisme, je ne saisis pas.


Si je lis par exemple l'éditorial de Gérard Dupuy paru le 7 décembre dans Libération à propos de la nouvelle taxe sur les billets d'avion, je crois y voir tant de demi-vérités, de contre-vérités et de vérités non-dites que je m'interroge sur les motivations du bonhomme : pourquoi tant de servilité ?


J'exagère ? Qu'on en juge :


C'est un scandale qui dure depuis si longtemps et qui fait si peu de bruit qu'on devrait plutôt parler d'une vieille habitude. Depuis toujours, le carburant des aéroplanes est détaxé — en France et ailleurs. Dans un monde où une forme ou une autre de fiscalité trouve le moyen de s'accrocher à quoi que ce soit qui existe, l'exception faite en faveur du kérosène est troublante : comment expliquer aux petits enfants qu'il est normal que les avions soient tax free mais pas les bonbons au chocolat ?


L'étatiste de base, tout entier acquis aux joies de la confiscation et au bonheur de priver autrui des richesses qu'il a produites, est presque au bord des larmes dès que la prédation fiscale lâche un tout petit peu de mou. Scandale : des interstices de liberté subsisteraient dans l'espace taxes et impôts français ! La question n'est pas de savoir si une absence de taxe est bonne ou mauvaise, la taxe est devenue une fin en soi, il faut taxer pour taxer et il faut dénoncer celui qui n'est pas taxé. Dans cette noble tâche, le journaliste tient le rôle du propagandiste et du rabatteur.


Rabatteur qui n'oubliera pas de passer sous silence les fort nombreuses taxes et redevances aéronautiques dont le voyageur s'acquitte bon gré mal gré à chaque vol, taxes et redevances dont le montant a presque doublé en dix ans d'ailleurs. Des taxes qui attestent en outre que les avions ne sont pas tax free comme cela est fallacieusement prétendu plus haut.


Et puis surtout, le rabatteur agréé d'État ne fera pas perdre son temps aux gentils petits z'enfants aux bonbons chocolatés : inutile de les ennuyer en leur touchant deux mots de la quasi-dispense de TVA dont jouit la presse écrite, en les informant des généreux abattements d'impôts consentis aux journalistes, en leur énumérant les "quelques" aides de l'État à la presse écrite (réductions tarifaires de la SNCF ; aide à la modernisation des diffuseurs ; aide à l’impression décentralisée des quotidiens ; fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger ; aide au portage de la presse quotidienne d’information politique et générale ; aide aux publications hebdomadaires régionales et locales ; aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale ; fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires ; fonds d’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces ; fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse ; fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale et à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale ; tarifs postaux préférentiels ; taux réduit de TVA ; régime spécial des provisions pour investissements ; exonération de la taxe professionnelle des éditeurs et agences de presse ; régime dérogatoire des taux de cotisations de sécurité sociale des vendeurs-colporteurs et des porteurs de presse ; calcul spécifique des cotisations sociales des journalistes ; statut social des correspondants locaux de presse.). Comprenez bien que des gosses qui apprendraient tout cela pourraient s'imaginer de fantasmatiques et scandaleuses collusions. Ne les effrayons pas.


Mais reprenons l'éditorial de M. Dupuy :


Or cette détaxe est doublement immorale. D'une part, elle favorise ceux qui utilisent le plus l'avion, c'est-à-dire les riches, et même les citoyens les plus riches des pays les plus riches.


Réécrivons le monde réel sans se soucier du monde réel puisque c'est pour la bonne cause de notre président bien-aîmé : tout est permis !


Car en réalité, cela fait un bon bout de temps que les pauvres prennent l'avion, y compris dans les pays pauvres. Et cette horrible gangrène se répand en même temps que diminue l'intervention des États dans le transport aérien (comme par hasard !). Augmentons les taxes et les pauvres seront les premiers à trinquer : ils seront de fait interdits d'avion ! Les riches, eux, seront seulement agacés. Agacer les riches et interdire aux pauvres de voyager : voilà ce que certains appellent une attitude morale.


D'autre part, elle encourage l'utilisation d'une ressource limitée, les hydrocarbures, tout en assurant à cette consommation la gratuité pour les dégâts infligés à l'environnement. Si une usine recrachait autant de CO2 qu'un Airbus ou un Boeing, on n'hésiterait pas à la mettre à l'amende. Mais l'usine, en s'envolant, passe à l'as.


Nous voilà en pleine pétition de principe, des "vérités" assénées sans le moindre début de commencement de preuve, au culot. On veut nous faire croire que grâce aux taxes des États, il y aura une meilleure gestion des réserves en hydrocarbures : rien ne tend pourtant à le montrer. Rien du tout. N'oublions pas que les États engloutissent de considérables quantités d'énergies fossiles, souvent sans aucun souci d'économie ni d'efficacité. Des anecdotes relatives aux gaspis étatiques en la matière, j'en ai à la pelle, et vous aussi d'ailleurs. On veut aussi nous faire croire que les États protègent l'environnement alors que les pires catastrophes écologiques sont d'origine étatique (barrage des Trois-Gorges, mer d'Aral, Tchernobyl, etc.).


Bref, des "arguments" sans aucune valeur. C'est du pipeau, de la pure propagande.


La proposition de taxer le kérosène traîne sans émouvoir grand monde dans tous les programmes vaguement alternatifs qui ont pu être écrits depuis trente ans — ça fait beaucoup. L'idée d'en faire un ersatz de taxe Tobin non plus n'est pas neuve (à la différence de l'autre, cette taxe serait techniquement facile à percevoir à un niveau international). Nul doute que Chirac songe à rehausser sa fin de quinquennat en la reprenant à son compte.


Quelle confusion ! La taxe du Président Chirac porte sur les billets d'avions et non sur le kérosène. La désinformation continue…


Malheureusement, ce beau geste reste un peu court : il aurait gagné tout son sens à avoir une portée internationale. Même en avion, l'autorité et le prestige de Chirac s'arrêtent aux frontières du pays.


Quel beau geste ? Un beau geste parce que cette fameuse taxe Chirac de solidarité a pour objectif officiel d'aider les malades des pays pauvres ? Pas la moindre générosité pourtant, pas la moindre solidarité, c'est faux ! D'abord parce que la solidarité est un sentiment et non une taxe (il faut être étatiste jusqu'à l'os pour confondre argent et sentiment). Ensuite parce qu'un beau geste ne s'effectue qu'avec son propre argent et non avec celui des autres. Et puis surtout, les médicaments ne seront pas gratuits pour les malades, ils seront vendus dans les hôpitaux au profit des directeurs d''hôpitaux et de leurs complices ! Combien de fois faudra-t-il l'écrire, bon sang ! L'argent de la taxe ne fera que conforter les crapules déjà en place. D'ailleurs, avant même d'arriver dans les hôpitaux, les médicaments vont commencer à engraisser les douaniers (eh oui, pauvres gourdes de donateurs, l'aide humanitaire est sérieusement taxée, et si les taxes ne sont pas acquittées, l'aide est confisquée par la douane et revendue à plein tarif). La taxe Chirac va subventionner de fait la racaille locale aux dépens des malades. La taxe Chirac se sont des 4x4, du champagne et des villas. Et il n'y aura, je le répète, pas de médicaments gratuits. Cette taxe n'est ni généreuse, ni solidaire, ni gentille, ni bienveillante : c'est archi-faux. Alors où est-il, le beau geste ?


Bref. J'en reviens enfin à ces journalistes qui ne semblent plus guère intéressés par la liberté d'expression. Qu'ils ne s'étonnent pas si ce désamour pour la liberté se traduit en chute des ventes et en fuite de lecteurs. Si vous ne donnez rien à voir à vos lecteurs, si vous ne leur donnez rien à lire que la vérité officielle, comment voulez-vous qu'ils vous suivent ? Continuez donc à servir la soupe aux politiques et à tendre la main pour obtenir quelques subventions, et un jour vous n'existerez plus. Et d'ailleurs, êtes-vous bien certains d'exister encore aujourd'hui ?

POSTED BY XXC AT 7:03 AM 13 COMMENTS

VENDREDI, DÉCEMBRE 09, 2005

Derrière le mur

« On court à la catastrophe ! ». « On va droit dans le mur ! ». Mille fois entendues, de telles sentences se sont émoussées d'avoir trop servi. Placidement, on n'y prête plus guère qu'une nonchalante attention : les prophéties du malheur imminent sont ramenées au rang de la spéculation abusive et de l'agitation paranoïde. Souvent à juste titre : sempiternellement, à toutes les sauces, on nous annonce que l'on va droit dans le mur, et pourtant le mur est toujours devant nous. N'est-ce pas là la preuve de l'inanité de la prophétie ?


À moins peut-être que le mur n'ait été déjà enfoncé, et que nous ne nous en soyons pas rendu compte. À moins que, donc, nous ne soyons déjà derrière le mur. Un mur qu'un jour nous avons mollement franchi, sans se rappeler du jour où nous l'avons franchi ni d'ailleurs que nous l'avons franchi(1). La frontière entre l'avant et l'après était si floue que nos sens n'ont pas su nous alerter. Et nous serions aujourd'hui derrière le mur, dans ce territoire qui n'a ni de nom ni de sens. Et pour cause : nous n'avons pas même conscience de sa réalité, nous croyons être en dehors.


C'est ce que dit l'écrivain Philippe Muray : nous ne courons pas à la catastrophe, la catastrophe est déjà arrivée.


Un indice ? Le référendum sur le traité constitutionnel européen de mai 2005. Voici ce qu'en disait récemment Philippe Muray dans le Point (n° 1732) :


[…] tout cela aura été absolument sans conséquence. Les partisans du oui se sont considérablement énervés avant le référendum et un peu après, ils ont vitupéré, menti, calomnié, camouflé, hurlé, menacé, sommé, injurié ; puis ils ont décidé tout simplement d'ignorer ce qui venait de se passer. Cette fois, il n'ont même pas envisagé de faire revoter un peuple dont ils ont préféré considérer qu'il n'était même plus représentatif de lui-même et qu'il suffisait donc d'ignorer sa volonté, ce qui est plus simple que de le dissoudre. Ainsi se trouve également renversé (et résolu !) le problème politique de la représentation, qui descend des élus aux électeurs, et dont la faillite incombe désormais à ces derniers : à la lettre, le peuple ne représente plus rien.


Un autre indice terrible ? La loi du 23 février 2005 qui stipule que soit enseigné dans les écoles le rôle positif de la colonisation française. Autrement dit, non content d'usiner les existences au présent, l'État entend formater les faits du passé, nier ce qui a eu lieu pour écrire l'Histoire officielle. Pourquoi pas après tout ? Puisque la réalité est vaine et que seules comptent les constructions sociales, puisque nous sommes derrière le mur. Rien n'a plus d'importance que la fausse vérité construite par les gens de l'État. Que l'on pense par exemple à ces lois qui, interdisant le racisme, la xénophobie, le sexisme et l'homophobie, condamnent des "crimes" sans consistance, inexistants puisque sans victimes. De fausses lois pour de faux crimes dans un faux monde ; des lois auxquelles les citoyens se soumettent finalement sans faire d'histoires (ils sont contents !), preuve s'il en est que le mur est bel et bien franchi.


Un dernier indice, l'un des plus énormes sans doute : notre attachement viscéral au Modèle social français™. Un modèle social pourtant en flagrante décomposition, qui pue le cadavre à plein nez, qui nous pourrit la vie, qui promet de pourrir les vies de nos enfants et que, incroyablement, l'on veut faire perdurer coûte que coûte. Les Français semblent s'être décidés à faire de leur pays le parc d'attraction des rêves morts. Pays artificiel du troupeau aveugle et de la défonce à l'étaïne pure.


Nous voilà donc désolés dans le no man's land, errants dans le terrain vague derrière le mur. Pas de miradors ni de chiens : les zombies n'ont même pas l'idée de s'évader. Terrible clayère où les huîtres junkies s'imaginent encore vivre de vraies vies.


(1) Tout ce qu'il faut savoir sur la cuisson du crabe est ici : L'État pervasif

POSTED BY XXC AT 7:07 AM 13 COMMENTS

MARDI, DÉCEMBRE 06, 2005

L'arnaque

Décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile.


Après une enquête et une instruction qui ont été effectuées à la suite d’une autosaisine du Conseil et d’une saisine d’UFC-Que Choisir, le Conseil de la concurrence a sanctionné les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom pour


− d’une part, avoir régulièrement, de 1997 à 2003, échangé des informations confidentielles relatives au marché de la téléphonie mobile sur lequel elles opèrent, de nature à réduire l’autonomie commerciale de chacun des trois opérateurs et donc à altérer la concurrence sur ce marché oligopolistique,


− d’autre part, s’être entendues, pendant les années 2000 à 2002, pour stabiliser leurs parts de marché respectives autour d’objectifs définis en commun.


Ces comportements sont prohibés par l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 81 du traité instituant la Communauté européenne.


Le Conseil de la concurrence a relevé, en ce qui concerne notamment l’entente sur les parts de marché, la particulière gravité des faits et le dommage important causé à l’économie, au détriment des consommateurs.


À ce titre, des sanctions pécuniaires ont été infligées aux trois sociétés, à hauteur de

− 256 millions d’euros pour Orange France,

− 220 millions d’euros pour SFR,

− 58 millions d’euros pour Bouygues Télécom.


Le texte intégral de la décision est accessible sur le site www.conseil-concurrence.fr


Et je parie qu'en prenant connaissance de cette nouvelle, ce sont des dizaines de millions d'esclaves heureux qui vont se féliciter d'avoir un si bon maître : l'État justicier nous a encore protégés des méchants ! Gloire et longue vie à nos dirigeants bien-aimés qui nous chérissent et nous secourent !


Sauf que…


Sauf que Orange, SFR et Bouygues tiennent leurs mandats de l'État lui-même. C'est bien l'État qui permet à ces trois sociétés et seulement à ces trois sociétés d'opérer sur le "marché" de la téléphonie mobile. C'est donc l'État qui bride ce "marché", y interdit la liberté d'entreprendre et, finalement, y favorise de fait les ententes. Sous prétexte, j'imagine, de réglementer le marché pour en éviter les (terribles, odieuses et inavouables) dérives.


Sauf que, comme par hasard, les trois seuls opérateurs qui ont obtenu de l'État le sésame pour opérer dans la téléphonie mobile, œuvrent depuis des lustres en symbiose avec l'État et ses séïdes. Pour Orange, c'est-à-dire France Telecom, la filiation est en ligne directe, inutile d'épiloguer. Concernant SFR, cette société est issue, sauf erreur, de la Compagnie Générale des Eaux, dont on connaît les liens longuement entretenus avec les collectivités publiques et les pratiques à peine occultes (pourquoi se gêner ?) de partage concerté du marché de l'eau. Enfin, la société Bouygues s'est d'abord développée dans le bâtiment grâce aux commandes de l'État et des collectivités publiques. Je ne traite pas tous ces gens de gangsters, je rappelle simplement que le cordon ombilical les reliant à l'État est bien connu. Et qu'il n'est guère étonnant qu'eux aient été désignés pour se partager le marché du téléphone portable. Entre amis, vous comprenez, on se rend service…


Sauf que l'État encaisse les sanctions (534 millions d'euros) et se les garde pour lui ! Cet argent n'est pas du tout destiné à être reversé aux personnes lésées ! Pas folle, la guêpe ! Ni vu ni connu ! Circulez, y a rien à voir ! Mieux : d'après le Nouvel Observateur, le préjudice total subi par les consommateurs s'élève à 1,2 milliards d'euros. On n'est donc pas loin du fifty-fifty : moitié pour l'État, moitié pour les trois copains.


Oh bien sûr, les consommateurs sont libres de porter plainte contre Orange, SFR ou Bouygues, et d'obtenir, s'ils gagnent, remboursement et dédommagement. Le feront-t-ils ? Les plus gros consommateurs, ceux qui peuvent se permettre d'aller en justice, feront peut-être la démarche. Les autres, c'est peu probable.


En réalité, si l'on résume l'opération du point de vue du consommateur lambda, tout se passe comme si : l'État verrouille un marché, y place ses amis, les laisse s'entendre (n'oublions que, via France Telecom, l'État est partie prenante dans l'entente), joue au héros justicier, rafle la moitié de l'arnaque et laisse l'autre moitié aux trois compères. Objectivement, voilà ce qui se passe : comme client, je me fais voler, ce qu'on m'a volé transite par Orange, SFR ou Bouygues et finit pour moitié dans les caisses de l'État. Mais il me reste mes yeux pour pleurer.


Les autruches préféreront croire qu'elles n'ont pas été dépouillées par le cartel des quatre spoliateurs, préféreront croire que l'État va utiliser l'argent des sanctions dans l'intérêt général (si, si, il y en a encore qui y croient à l'intérêt général).


Ce qui est marrant avec les esclaves, c'est qu'ils trouvent toujours de bonnes raisons pour se laisser plumer. Et pour être contents de se laisser plumer. Et pour défendre le droit à se laisser plumer.

POSTED BY XXC AT 7:15 AM 17 COMMENTS

LUNDI, DÉCEMBRE 05, 2005

Les illusions dangereuses

Excellent post de Constantin, à lire sans attendre.

POSTED BY XXC AT 7:58 AM 7 COMMENTS

SAMEDI, DÉCEMBRE 03, 2005

Destructions comparées

Je lis dans le Monde que :


La Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) estime que le coût global [des récentes émeutes en France] devrait représenter 200 millions d'euros, […]


Soit 200 millions d'euros foutus en l'air en trois semaines.


Consternant. Du moins il me semble, parce qu'à vrai dire, des euros, je ne vois pas immédiatement ce que ça représente (je compte en francs CFA), et des centaines de millions d'euros, encore moins.


Mais en parcourant toujours le Monde, un autre article me permet de faire une comparaison :


Louis Gallois [président de la SNCF] s'est engagé sur le doublement de la "gratification d'exploitation exceptionnelle" au titre de l'exercice 2005 pour la porter à 120 euros par cheminot, soit une dépense totale de 28 millions d'euros qui viendra s'ajouter au coût d'une journée de grève de 20 millions d'euros.


Un jour de grève à la SNCF : 48 millions d'euros.


4 fois 48 font environ 200. En quatre jours, des cheminots se tournant les pouces coûtent aussi cher aux Français que des centaines d'émeutiers particulièrement violents en trois semaines. Ou, si l'on préfère, une journée de grève à la SNCF détruit autant de richesses que cinq jours d'émeutes.


La comparaison a-t-elle vraiment un sens ? Pas sûr. Les mots sont-ils outrés ? Peut-être. Mais ça donne à réfléchir.


Je décide alors de comparer la facture laissée par les émeutiers à celle laissée suite au scandale du Crédit lyonnais. L'affaire est embrouillée mais les différentes sources consultées tablent autour d'une ardoise globale proche de 100 milliards de francs, soit 15 milliards d'euros. Petite règle de trois : nos émeutiers ont eu besoin de trois semaines pour brûler 200 millions d'euros et, à ce rythme-là, quatre années d'émeutes ininterrompues n'auraient pas suffi à égaler les destructions de richesses des banquiers de l'État.


Et loin de moi l'idée de minimiser la gravité du vandalisme commis récemment dans de nombreuses banlieues françaises.


MARDI, NOVEMBRE 29, 2005

Le sucre

Dans le Monde du 25 novembre :


Divisés sur l'avenir de la politique agricole commune, les ministres de l'agriculture des Vingt-Cinq ont adopté jeudi 24 novembre à Bruxelles une refonte en profondeur du régime sucrier européen, qui va faire disparaitre l'industrie du sucre dans plusieurs pays de l'Union et suscite des craintes dans les pays associés de la zone Afrique Caraïbes Pacifique (ACP). Considéré comme très protecteur pour les Etats membres, et leurs fournisseurs privilégiés des régions ACP, ce régime n'avait jamais été modifié en près de quarante ans d'existence.


L'Union avait fait l'objet l'an dernier d'une condamnation partielle de la part de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui lui reproche d'exporter son sucre à des tarifs de dumping. Saisie par le Brésil, la Thaïlande et l'Australie, l'OMC avait donné jusqu'à mai 2006 aux Vingt-cinq pour remettre à plat son dispositif de soutien.


À 632 euros la tonne, les prix garantis au sein de l'Union sont actuellement trois fois et demi supérieurs aux cours mondiaux — de l'ordre de 212 euros la tonne. Protégés de la concurrence extérieure par des droits de douane dissuasifs, les producteurs européens profitent de ces subventions pour écouler leurs excédents avec de confortables marges.


Je me rappelle un jour, je devais avoir dans les dix ans, mon grand-père avait tenté de m'expliquer ce qu'était l'État et à quoi ça servait. Un topo bien peu convaincant ponctué d'incantations criaillées : « Mais l'État, c'est nous ! ».


Nous ? Toi, moi et eux ? C'est ça l'État ? Bref, je n'avais rien compris. Faut dire que mon grand-père aurait pu s'y prendre autrement, et m'expliquer que :


L'État est un petit groupe de personnes qui font payer le sucre trois fois le vrai prix, appauvrissant ainsi les citoyens qu'ils sont censés protéger, interdisant aux paysans étrangers d'accéder à une vie meilleure, et tout ça pour qu'une coterie amie dudit État s'en mette plein les fouilles.


Ah ! Voilà qui est clair et bien dit ! Tout enfant de dix ans qui fréquente une cour de récréation est apte à comprendre : l'État, c'est les grands qui tapent les petits. La loi du plus fort. C'est si simple et si fidèle à la réalité qu'on se demande pourquoi les parents ne montrent pas cette évidence à leurs enfants dès leur plus jeune âge. Vérité, simplicité et bon sens, voilà pourtant d'excellentes bases pour une éducation saine et réussie.


Mais revenons-en au sucre :


La réforme va réduire de 36% sur quatre ans le prix de la tonne de sucre, qui sera ramené à 400 euros. Valable jusqu'en 2013, le nouveau dispositif vise à réduire la production de 5 millions de tonnes, afin d'assécher les exportations européennes.


Donc, on se fera moins voler qu'aujourd'hui. Je me refuse à appeler ça une bonne nouvelle, la bonne nouvelle ce sera pour le jour où l'on ne se fera plus voler. Ce jour-là, nous aurons droit, comme citoyens d'un pays libre, d'acheter notre sucre à qui nous avons envie. Depuis quarante ans, c'est interdit. Et jusqu'en 2013 au moins, ce sera encore interdit. Et tant que nous serons contraint à subir les fourches caudines des luxueux kolkhozes sucriers, toute baisse du tribut restera une escroquerie.


Et d'ailleurs :


Les betteraviers bénéficieront de compensations à hauteur de 64,2% de leurs pertes de revenu. Les industriels devront abonder un fonds de restructuration de 5,7 milliards par une cotisation sur leurs ventes pour soutenir les sucreries qui devront arrêter progressivement leur production.


Sans compter que :


Paris a obtenu l'autorisation d'aider les départements d'outre-mer concernés, comme la Martinique et la Guadeloupe, à hauteur de 90 millions d'euros par an, en supplément des aides communautaires.


Bref, les grands naïfs qui ont cru un moment qu'ils allaient payer leur sucre un peu moins cher peuvent se pincer : effectivement, ils rêvaient. Il faut bien comprendre que, dès lors que l'on jouit d'un statut qui vous permet de vivre aisément et en toute légalité aux crochets du vulgum pecus, et que ce parasitisme institutionnel dure depuis quarante ans, eh bien on ne lâche pas le morceau si facilement. On le voit :


La Confédération internationale des betteraviers européens (CIBE), hostile au projet, a regretté jeudi, à Paris, la prochaine disparition de "120 000 planteurs de betteraves et de 80 sucreries" dans les pays les plus exposés, comme l'Italie, l'Espagne, et l'Irlande.


Du blabla dans le plus pur style pidgin du Medef : « moi très malheureux, le sucre y en a être service public, secteur stratégique national, sauver l'emploi, cohésion sociale : moi veut la subvention ».


Et la subvention, ils l'obtiennent. Et toi, mon cher lecteur, tu payes. Toi compris ?

POSTED BY XXC AT 7:00 AM 9 COMMENTS

VENDREDI, NOVEMBRE 25, 2005

L'infinie cupidité de la racaille

Le problème avec la racaille, c'est qu'elle est insatiable : il lui en faut toujours plus, elle n'a pas de limites. Quand M. et Mme Petit se sont acquittés de tous les rackets, qu'ils ont payé l'impôt sur le revenu, la TVA, la TIPP, la taxe sur le tabac, la taxe sur l'alcool, la taxe d'habitation, la taxe sur les ordures ménagères, la taxe sur les vidéos porno, la taxe sur les CD, la CSG, la taxe sur la qualité de l'eau, la cotisation maladie, la cotisation retraite, la cotisation chômage, etc., quand M. et Mme Petit se sont pliés aux réglementations les plus farfelues, allant jusqu'à placer un système d'alarme au fond de la piscine, bref, après avoir tout supporté, après avoir été traînés bien malgré eux jusqu'au bout de la veulerie, de la servitude et de l'usure, après avoir baissé les yeux et courbé l'échine cinquante semaines l'an face aux prédateurs, eh bien que font-ils, M. et Mme Petit ?


Ils se disent qu'il est vraiment temps de souffler ! Vraiment temps de changer d'air, de prendre des vacances, vraiment temps de partir loin, loin, loin pour échapper, un tout petit peu, pour quelques jours, aux griffes de la racaille. Que vraiment, après tout ce qu'ils ont subi, ils le méritent, ils y ont droit, ils ont droit de profiter en paix, comme ils l'entendent, du peu que la racaille a daigné leur laisser. Ce peu-là, au moins c'est à eux !


Mais qu'ils sont nouilles alors, M. et Mme Petit ! Car comme on le lit dans le Figaro du 24 novembre :


Le projet de contribution de solidarité prélevée sur les billets d'avion a été adopté hier en Conseil des ministres. Cette nouvelle taxe doit désormais être approuvée par les parlementaires français. À compter du 1er juillet, les billets d'avion pour des vols au départ de la France coûteront entre 1 et 40 euros de plus aux passagers.


Ah ! ah ! ah ! La tête qu'ils font chez les Petit ! Oh la la, ce qu'ils sont drôles d'être si désappointés ! Ah ! ah ! ah ! Deux allers-et-retours, 160 euros ! Bingo ! Le jackpot ! Quine ! Carton plein ! La racaille les attendait à l'aéroport ! Une embuscade ! La racaille ne lâche jamais sa proie ! La racaille suce jusqu'à la moelle !


Et tout ça pour faire quoi ?


Ce nouvel impôt devrait rapporter environ 200 millions d'euros par an qui financeront la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose dans les pays pauvres.


Et voilà ! On refile l'oseille à d'autres racailles ! Ces mêmes autres racailles qui n'en ont strictement rien à cirer de la santé de leurs compatriotes, qui détournent et taxent à outrance toute aide humanitaire et qui sont déjà en train de préparer la lettre au Père Noël à la vue de cette nouvelle manne qui leur tombe du ciel.


Voyons voir… Quelques dizaines de 4x4 Porsche, des bijoux Cartier qu'on achète à la pesée, du champagne à l'hectolitre, des poules de luxe et des villas où le marbre le dispute à l'or. Ne pas oublier surtout de truquer les chiffres du sida et de la tuberculose pour encaisser un maximum de fric. Remercier le ciel d'avoir eu l'excellente idée de ne s'être jamais occupé sérieusement des problèmes de santé dans le pays. Et puis aussi : penser à envoyer une gentille carte de vœux aux époux Petit. (Non, c'était juste pour plaisanter, qu'ils aillent se faire voir, les Petit.)


Le cartel international de la prédation est décidément bien huilé, c'est une affaire qui tourne. Y a juste que ça me file une sale envie de gerber !

POSTED BY XXC AT 6:59 AM 14 COMMENTS

MERCREDI, NOVEMBRE 23, 2005

104 (suite)

Les directeurs du 104, que j'avais traité sans ménagement il y a peu, dans "Vol 104, destination utopie", ont répondu à mon post. Je n'ai pas encore eu le temps de les lire attentivement. Ils me remettent en place assez aimablement me semble-t-il. Il serait juste qu'après vous être marré à me lire, vous les lisiez quand ils défendent leur point de vue.


C'est ici.

POSTED BY XXC AT 7:08 AM 1 COMMENTS

SAMEDI, NOVEMBRE 19, 2005

L'asile d'aliénés

Étymologiquement, l'aliéné (alienus) est celui qui appartient à un autre. La société d'aliénés intégrale, c'est ce vers quoi tend l'idéal socialiste : tout le monde appartient à tout le monde, et personne ne s'appartient.


Le paysan appartient à l'artiste puisque ce dernier a des droits sur le fruit du travail du paysan : lorsqu'il ne travaille pas, l'artiste vit du travail du paysan (du travail confisqué par l'impôt et arbitrairement reversé sous forme d'allocations pour intermittent du spectacle). Mais dans le même temps, le paysan possède le médecin (consultations médicales accaparées par l'impôt, impôt qui subventionnera l'agriculture). Et le médecin possède à son tour le coiffeur : le médecin vit de l'Assurance-maladie à laquelle est contraint de cotiser le coiffeur. Et le coiffeur possède ceux qui ont payé pour la rénovation du quartier où se trouve son salon (M. le coiffeur a des relations au Conseil municipal). Et cætera.


La complexité et le nombre des interactions aliénantes imposées par la violence de l'impôt sont tels qu'il est en pratique impossible au quidam de savoir par qui il est possédé, dans quelle mesure il est possédé, qui il possède et dans quelle mesure il possède. Car l'aliénation étatique a pour véhicule l'argent, que l'argent est indiscernable de l'argent, qu'il est impossible de savoir à quoi ont servi exactement les impôts de Pierre, comme il est impossible de savoir quelle est la personne qui a payé l'allocation-logement de Paul. L'aliénation est à ce point noyée dans les entrelacs de l'argent de tous arbitrairement confisqué à tous que personne ne peut rien en démêler. Et c'est bien pour ça que ça marche : on peut toujours s'imaginer qu'à ce petit jeu-là, on est gagnant au change ; et oublier que ceux qui gagnent à tous les coups sont les mafiosi de l'État.


Tout porte en effet à croire n'importe quoi quand plus personne ne vient dire ce qui a de la valeur. Revenons à notre ami l'artiste : quelle idée peut-il avoir de sa valeur auprès des hommes alors qu'il est payé la moitié de l'année par des gens qui ne vont pas le voir, l'autre moitié de l'année payé à ne rien faire ? Sa valeur première, distraire et enchanter les gens, est depuis longtemps oubliée, seule subsiste une valeur monétaire artificielle qu'a fixée un jour un décret ministériel.


Et un professeur ? Que peut-il savoir de sa valeur auprès des autres quand l'exercice de son métier a été confisqué par une Éducation nationale, quand le contenu de ses leçons a été établi par une commission qui lui est étrangère, quand il est obligatoire d'assister à ses cours, quand son talent à instruire est le cadet des soucis d'à peu près tout le monde ? Il ne sait rien d'autre que ce qu'il peut lire dans la grille salariale des professeurs de son grade, de son échelon, de son ancienneté. Sa valeur professionnelle, l'estime qu'on lui porte pour son travail se réduit à un indice artificiel imposé par décret.


Tout est argent, indice, taux, chiffre, coefficient. C'est le monde froid des monstres froids qui dirigent l'asile d'aliénés national. C'est le labyrinthe des corridors glacés de l'hôpital psychiatrique républicain où les hommes abandonnent ce qui leur reste d'humanité.


Le socialisme est la société d'aliénés intégrale. L'homme y est un loup pour l'homme, c'est à celui qui tirera les plus beaux dividendes de l'oppression fiscale. L'argent est le maître du jeu, la valeur ultime : il se substitue aux liens naturels entre les hommes. Le socialisme n'apporte pas plus d'humanité, il en enlève. Il n'ajoute pas du spirituel au matériel, il transforme le spirituel en matériel. De sentiment, la solidarité devient argent ; de sentiment, la compassion devient argent. On me vole mon argent (puisque je subis l'impôt), donc on me vole mon travail et mon temps (ce temps et ce travail consacrés à gagner l'argent qu'on me vole). On vole aussi mes projets, mes aspirations, mon existence, les existences de ma femme et de mon enfant. La transmutation de ma vie, dans ce qu'elle a de plus essentiel et de plus spirituel, en billets de banque. Pire : en billets de banques dont je ne jouirais pas moi-même, et qui seront sans doute utilisés à me confisquer plus de vie encore par le biais d'une nouvelle et infernale machination d'État broyeuse de liberté.


Je veux quitter l'asile d'aliénés, je veux quitter l'affreuse procession des lemmings qui bascule dans l'abîme, je veux qu'on m'ôte enfin cette saleté de camisole !

POSTED BY XXC AT 8:31 AM 17 COMMENTS

LUNDI, NOVEMBRE 14, 2005

Les illusions vénéneuses

Dans un billet d'excellente facture, à lire absolument, Taranne nous montre le ressort des émeutes en France. Se concentrant sur l'essentiel, mettant de côté les circonstances, les causes secondaires, il nous dit que ce sont les cœurs et les esprits qui sont malades d'illusions, que l'individu est mort.


Conséquence prévisible des croyances et des actions vénéneuses des socialistes de tous poils. D'une part, la collection des faux-droits (au travail, au logement, etc.) croît sans cesse, et toujours au détriment des droits et principes les plus élémentaires (liberté, propriété, responsabilité). D'autre part, l'étrange idée que l'argent est l'alpha et l'oméga de la résolution de tout problème social semble unanimement partagée.


Les faits semblent n'avoir aucune importance, seules les chimères collectivistes en ont. Des faits ? L'aide de l'État aux "quartiers difficiles" n'a jamais diminué ni le nombre de ces quartiers ni l'intensité des problèmes rencontrés. Des faits ? Les innombrables associations qui se pressent autour du magot des subventions ne répondent aucunement à la préoccupation première des habitants (qui est de bosser), mais concourent plutôt à instiller dans les têtes une réalité biaisée. Des faits ? La richesse se crée, elle n'est créée par un homme que dans la mesure où il peut en jouir, et le transfert autoritaire de richesse est une double ânerie. D'abord parce qu'elle lèse le "donateur", est injuste et tend à atrophier la création de richesses (autant de richesses qui seront perdues pour l'activité en général). Ensuite, parce qu'elle ne résout rien durablement pour celui qui reçoit, lui fait croire à de faux-droits, à une réalité fausse et l'enferme enfin dans une sous-humanité. Car les aides et les faux-droits disent : « je sais mieux que toi ce dont tu as besoin », « tiens voilà un chèque et des droits bidons qui t'interdisent de t'en sortir par toi-même, soumets-toi à présent ».


Note : Si Taranne m'a inspiré ces quelques lignes, je ne reproduis pas forcément ici avec justesse le fond de sa pensée. Pour en juger, reportez-vous à son post.

POSTED BY XXC AT 12:43 PM 4 COMMENTS

MARDI, NOVEMBRE 08, 2005

Charlataneries

Quand je marche dans la rue africaine, il y a toujours un petit être furtif qui me tire par la manche, me glisse un regard complice, m'appelle "mon frère" et me propose d'acquérir deux pépites d'or, trois Rolex, un carton de chemisettes Lacoste, un jerrican de n°5 de Chanel, une brassée de stylos Mont-Blanc et quelques antiques masques de cérémonie de la tribu des N'tralala. Authenticité garantie et prix d'ami-parce-que-c'est-toi bien évidemment.


C'est un peu le même bonimenteur que je vois sur les marchés en France l'été : celui qui a un stand autour duquel on se presse, qui porte un chapeau haut-de-forme, qui éructe dans un micro ficelé autour du cou avec du fil de cuivre et qui vous vend pour 20 euros le robot ménager de la NASA, celui-là même avec lequel Armstrong râpait ses carottes et préparait des milk-shakes à la fraise pour ses copains.


Et je rencontre des charlatans jusque dans les supermarchés où l'on m'interdit de prendre les seuls 25% du shampoing qui sont offerts et de laisser sur l'étal les 75% qui sont payants. C'est pourtant bien "25% gratuit" qui est écrit très lisiblement sur l'étiquette…


Mais de tous ces camelots baratineurs, de tous ces adeptes de la publicité mensongère, les plus beaux spécimens de tartufes sont bien les étatistes.


Quand ils disent "solidarité", cela veut dire "donne ton argent". Quand ils disent "dignité", cela veut dire "donne ton argent". Quand ils disent "partage", cela veut dire "donne ton argent". Quand ils disent "justice sociale", cela veut dire "donne ton argent". Quand ils disent "culture", cela veut dire "donne ton argent". Tout est prétexte à prendre.


Ces types qui prétendent abhorrer l'argent ne pensent qu'à l'argent, et à l'argent d'autrui en particulier : comment le lui prendre ? Ces types qui dénoncent l'avidité amorale du marchand sont les plus implacables rapaces.


Le plus incroyable de leurs mensonges s'appelle "gratuité". Avec eux, tout est gratuit : l’enseignement est gratuit, les routes sont gratuites, la santé est gratuite, la police est gratuite, telle formalité à la mairie est gratuite, etc. C'est à croire que les fonctionnaires vivent d'amour et d'eau fraîche. C’est à se demander pourquoi on paye encore des impôts : à quoi peuvent-ils bien servir puisque tout est gratuit ?


Et le mensonge de gratuité est d'autant plus énorme que, outre que les pseudo-cadeaux sont toujours payants, on est contraint à payer même si l'on n'en jouit pas ! Parce que les 25% de shampoing gratuits de chez tonton Leclerc, bien sûr qu'ils ne sont pas gratuits, mais je ne suis pas obligé de les acheter. Et puis si je le fais, au moins j'ai du shampoing en échange de mes euros. Tandis que le terrain de foot "gratuit" de la commune, non seulement il m'est complètement inutile (comme il est inutile à la quasi-totalité des administrés, d'ailleurs le terrain est désert les neuf dixièmes du temps) mais en plus je n'ai pas le droit de ne pas l'acheter.


Boniment et extorsion, telles sont les manières de la mafia étatiste.

POSTED BY XXC AT 8:37 AM 8 COMMENTS

JEUDI, NOVEMBRE 03, 2005

Les ravages de la superstition

Osez donc amener dans la discussion que vous êtes pour la disparition de l'Assurance maladie de la Sécu et, ça ne manquera pas, outre l'ahurissement et peut-être la colère, vous obtiendrez de votre interlocuteur ceci : « Ben tiens ! Et comme ça les riches seront bien portants et les pauvres seront malades ! Dis, la justice sociale, tu connais ?! ».


Votre interlocuteur commet, de toute bonne foi peut-être, une pétition de principe (faux raisonnement qui consiste à tenir a priori pour vrai ce que justement on se propose de démontrer). Il présuppose que la seule manière pour que tout le monde, riche ou pauvre, soit bien portant est qu'il existe un système de santé étatisé ; il en déduit alors que s'il n'y avait pas de système de santé étatisé alors les pauvres ne seraient pas bien portants. Et finalement, il boucle la boucle : donc un système de santé étatisé est le seul moyen pour que tout le monde, riche ou pauvre, soit bien portant.


Votre interlocuteur croit raisonner tandis que, endoctriné, il débite son catéchisme. Il le débite si bien qu'il ne se rend même pas compte qu'en croyant décrire la monstruosité d'une France sans Sécu, il décrit en fait la France actuelle avec Sécu. C'est-à-dire un pays où les pauvres sont moins bien portants que les riches.


À ce sujet, voici un extrait d'un article du Figaro du 2 novembre :


Une enquête effectuée par les centres de santé de l'assurance-maladie publiée cette semaine dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire s'est lancée dans la comparaison de 704 128 personnes en situation de précarité à 516 607 autres sans difficulté socio-économique notable. Les résultats sont assez impressionnants, puisqu'ils dévoilent que tous les indicateurs sanitaires sont au rouge pour les populations les plus démunies : hypertension, tabac, obésité…


Les centres de santé de l'assurance-maladie qui proposent des bilans complets gratuits à intervalles réguliers représentent des pôles d'observation incomparables de l'état de la population française. D'où l'idée d'y mener une étude exhaustive sur les moins de 60 ans vivant dans un état de précarité, ayant bénéficié d'un bilan entre 1995 et 2002, et de les comparer à des non-précaires de même âge.


Pour les hommes, le pourcentage de fumeurs est de 36% chez les non-précaires, de 52% pour les chômeurs, 58% pour les RMistes, 60% pour les CES (titulaires d'un contrat emploi-solidarité) et 69% pour les SDF. Le pourcentage de ceux souffrant d'une hypertension est de 23% pour les non-précaires, 25% pour les chômeurs, 26% pour les RMistes, 28% CES. De plus, l'obésité est plus fréquente pour les chômeurs et les RMistes tout comme la maigreur qui frappe deux fois plus les SDF, les RMistes et les CES.


Pour les femmes également, les indicateurs sanitaires sont préoccupants pour celles en situation précaire, avec, là encore, un tabagisme bien plus marqué que pour celles en situation « normale » ; une obésité deux fois plus fréquente ; une tension artérielle bien moins contrôlée ; un non- recours aux soins bien plus important et enfin deux fois moins de femmes bénéficiant d'un suivi gynécologique régulier.


« Ces résultats pourraient contribuer à la réflexion sur les politiques de santé publique spécifiques dirigées vers ces populations », soulignent les auteurs de l'enquête. Ces premières données françaises sur les comportements sanitaires des populations précaires vont dans le même sens que celles accumulées ces dernières années sur l'inégalité sociale face à la maladie. Ainsi, un travail scientifique de l'Inserm publié en 2000 a montré que l'espérance de vie en France augmentait de manière linéaire en suivant la hiérarchie des catégories professionnelles, ouvriers, employés, commerçants, cadres… Ce travail a souligné que si ces inégalités sont notables dans d'autres pays européens, elles sont plus marquées en France.


Clairement donc, et ces enquêtes ont été réalisées par des organismes publics (Sécu et Inserm), rien ne prouve que l'Assurance maladie ne soit d'une quelconque utilité en matière de "justice sociale" (concept hyper-captieux soit dit en passant). Et il est donc naturel de penser que tout irait au moins aussi bien sans Sécu. Mais il n'est pas interdit de penser que tout irait beaucoup mieux aussi : assurances privées en concurrence, responsabilisation des assurés, etc.


Bref, j'en reviens à mon interlocuteur du début : absolument rien ne prouve qu'il ait raison, et tout semble d'ailleurs montrer le contraire.


Mais comment se fait-il alors qu'ils soient si nombreux à défendre la Sécu ? Que les gens de la Sécu eux-mêmes révèlent ainsi l'inanité de leur action ?


Justement parce que l'inefficacité et la malignité de la Sécu renforcent leur superstition. Dès lors que vous êtes superstitieux et que cette superstition a pris une grande importance dans votre vie, tout ce qui pourrait affaiblir votre croyance la renforce en pratique : pour sauver votre superstition, le seul remède est de croire plus aveuglément encore. Continuer de croire est la seule manière de ne pas souffrir ; mettre ses superstitions en question c'est aussi se mettre en question, c'est vertigineux et angoissant.


Ainsi, l'effet de l'enquête mentionnée dans cet article sera de renforcer l'action de la Sécu pour la rendre "plus efficace". De même qu'en essayant de convaincre votre voisin de la nocivité de la Sécu, vous risquez fort de ne faire que renforcer sa dévotion à la bête. Vous connaissez l'histoire de celui qui retourne son jardin croyant y trouver de l'or et qui, n'en trouvant pas, se décide à creuser plus profond encore ?

POSTED BY XXC AT 10:55 AM 5 COMMENTS

MERCREDI, NOVEMBRE 02, 2005

L'invention du crime

Puisque la mode semble être aux audits dans la fonction publique (Villepin veut moderniser l'État), il serait intéressant de connaître le nombre de crimes et délits dont les gens de l'État sont les inventeurs directs ; je veux dire par là le nombre de crimes et délits qui n'existeraient pas s'il n'y avait pas d'État. Ensuite, on pourrait s'intéresser au coût financier et social de ses crimes et délits d'initiative étatique.


Voilà le type d'audit qui n'aura jamais lieu. On voit mal les gens de l'État se tirer une balle dans le pied (les audits de Villepin seront des audits de complaisance : ils n'iront jamais jusqu'à mettre fondamentalement l'action de État en question).


Prenons par exemple le vol. Un voleur est une personne qui utilise l'argent d'autrui à des fins qu'il juge, selon ses propres critères, bonnes. Doit-on placer les hommes politiques dans la catégorie des voleurs ? Si oui, et on ne voit pas trop comment on pourrait répondre autre chose que oui, la disparition de l'État s'accompagnerait de la disparition des plus grands de tous les voleurs : ils consomment d'incroyables quantités de richesses qu'ils n'ont pas créées, richesses qu'ils prennent à tous, y compris à ceux qui ne sont pas encore nés. Imaginons un instant l'immensité des richesses sauvées si les nuisibles disparaissaient… Ça donne le vertige, hein ?


Mais sans aller jusqu'à des exemples aussi polémiques, considérons de très ordinaires crimes que les gens de l'État inventent de toutes pièces et qui sans eux n'existeraient pas. Prenons un crime tout nouveau, à peine sorti de l'emballage : il est dorénavant interdit pour un particulier de transporter plus de dix paquets de cigarettes. Et il est aussi interdit de stocker chez soi plus de cent paquets(1). Crimes extravagants, n'est-ce pas ? Voilà qui relève clairement des crimes fantasmatiques d'État, des crimes artificiels sans victime aucune.


En fait, avec onze paquets sur vous, vous êtes présumé coupable de trafic de cigarettes. Vous êtes coupable d'être potentiellement coupable de trafic, même s'il est avéré par ailleurs que vous n'êtes pas du tout coupable de trafic. La philosophie de l'étatiste est ici : « même si tu n'es pas coupable, tu pourrais l'être, et ça, ça nous suffit ». Le cynisme n'a pas de limite dès lors qu'il s'agit de contraindre pour le bonheur de contraindre.


Culpabilité avec absence de culpabilité donc. Mieux encore : relativement à un crime irréel. Car dès lors qu'il est autorisé de vendre, d'acheter et de consommer du tabac, il n'y a a priori aucune raison pour qu'une contrebande se développe. Parle-t-on par exemple de trafic de pots de confitures ? Non, parce que le marché de la confiture est encore libre (il ne le sera plus le jour où la lutte contre l'obésité sera déclarée grande cause nationale). S'il y a une contrebande de tabac, c'est parce les gens de l'État, et eux seuls, l'ont créée. Le commerce du tabac est un faux crime : que des gens vendent et achètent du tabac n'entrave le droit de personne. (La seule entrave au droit est justement relative aux taxes époustouflantes prélevées sur le commerce officiel…)


Avec pour alibi les meilleures intentions du monde, avec à la clé la promesse d'un avenir meilleur, l'État étend toujours plus loin sa définition du crime, jusqu'à y inclure les comportements les plus inoffensifs. Le champ des agissements autorisés est de plus en plus restreint. Un jour viendra où il sera plus simple de demander, non pas « qu'est-ce qui est interdit ? », mais « qu'est-ce qui est permis ? «. Et un autre jour viendra où il n'y aura aucune question à poser.


(1) Ça signifie que si vous souhaitez acheter cent paquets de clopes, vous devez faire dix allers et retours chez le buraliste, perdre une demi-journée et 15 euros d'essence. C'est le prix à payer pour être un bon citoyen.


VENDREDI, OCTOBRE 28, 2005

Les découpés

Dès lors que l'irresponsabilité est poussée suffisamment loin, toute contrariété est vécue comme une injustice. « Mais comment peut-on se permettre de porter atteinte à mon droit au bonheur ? » se demande ingénument l'irresponsable (oui, les irresponsables ont tendance à s'inventer les droits les plus surprenants).


Illustration avec l'article « Vente à la découpe : les locataires sous pression » paru dans Libération du 14 octobre.


Matin pourri. Le 27 septembre, cinq familles du 14, rue Froissart, à Paris IIIe, ont découvert dans leur boîte aux lettres un avis de passage d'huissier les informant qu'il avait déposé à leur intention un acte à la mairie de leur domicile. « On a pu le récupérer le lendemain, c'était une assignation devant le tribunal d'instance en vue de notre expulsion », raconte Didier Lesimple, locataire depuis trois ans dans cet immeuble tombé entre les mains d'un marchand de biens et vendu à la découpe, appartement par appartement. « Dans l'assignation, on vous écrit que vous n'avez aucun titre, aucun droit à rester dans votre logement. Même si vous êtes décidé à faire valoir vos droits, ça provoque une certaine angoisse. Parce qu'on vous traîne devant un tribunal avec l'idée de vous faire déguerpir », poursuit Didier Lesimple.


Le dépit de M. Lesimple, je le comprends très bien : ce n'est pas drôle de devoir quitter le logement dans lequel on se sentait bien. Ce que je comprends moins bien par contre, ce sont les mots qui veulent faire de notre locataire une victime. Déjà, "vente à la découpe", ça fait un peu boucherie, je trouve ; "vente au détail" me semblerait plus neutre. Et puis, "tombé entre les mains" n'est pas mal non plus, comme si le marchand avait acquis l'immeuble à la dérobée et n'était vraiment pas un type recommandable.


Mais surtout, sur le fond, il n'y a pas de victime dès lors que le droit est respecté. Or, à partir du moment où un contrat de bail se termine, le locataire n'a plus aucun droit sur le logement qu'il occupait. Qu'il l'ait occupé durant trois ans ou vingt ans ne change rien à l'affaire. Le logement appartient à son propriétaire et le locataire en fin de bail n'est pas une victime. Pas plus qu'un propriétaire ne serait victime d'un locataire qui ne souhaiterait pas renouveler son bail.


D'ailleurs, on lit plus loin :


Des sociétés d'assurances ou foncières se défont de leurs immeubles locatifs. Ils sont rachetés par des fonds d'investissement ou des marchands de biens qui les revendent, les locataires étant priés d'acheter ou de quitter leur appartement à la fin de leur bail.


Aucune filouterie ni injustice donc. Si un locataire s'invente sa petite réalité et en arrive à se croire plus ou moins propriétaire parce qu'il habite son logement depuis longtemps et a déjà versé beaucoup d'argent pour cela, alors, s'il est victime, ce n'est que de lui-même.


Mais la tentation de l'irresponsabilité est trop forte, certains veulent se croire propriétaires de ce qui appartient aux autres :


Un "collectif des locataires découpés" s'est constitué dans la capitale et réunit une cinquantaine d'immeubles ou groupes d'immeubles. « Nous n'avons pas affaire à des bailleurs mais à des spéculateurs qui achètent en bloc et revendent par appartement. Ils nous disent "déguerpissez pour qu'on fasse du profit". Ils ne créent rien. Mais vident les quartiers et font disparaître le parc locatif », affirme Marc-Antoine Lorne, porte-parole du collectif.


Voilà que le propriétaire réel devrait se défaire de tout ce qui fait de lui un propriétaire : il ne devrait pas vendre son bien, il ne devrait pas le transformer, il ne devrait pas en tirer profit et enfin ne devrait pas l'utiliser non plus. De fait, les droits du propriétaire devraient être confisqués au profit de tiers. Ceux-là même qui contestent le droit de propriété souhaiteraient se l'arroger à titre exclusif ! Et se faire passer pour des victimes en plus ! Et à charge du propriétaire officiel, j'imagine, d'assumer ses obligations de propriétaires (impôts, travaux, etc.) !


Ben voyons ! Pas étonnant que le parc locatif se casse la figure avec des locataires aussi déconcertants ! Pas étonnant que les loyers soient aussi élevés ! Pas étonnant que les propriétaires en aient ras-le-bol de louer et préfèrent placer leur argent ailleurs.

POSTED BY XXC AT 7:05 PM 7 COMMENTS

MARDI, OCTOBRE 25, 2005

La fourmi pour idéal

La conférence de la famille 2004 avait été un superbe inventaire marxo-pétainiste. J'en rappelle les plus excellentes mesures :

  • le "passeport de l'engagement" : un document officiel dans lequel l'enfant, dès la sixième, est encouragé à raconter son comportement citoyen,

  • l'incitation faite auprès des parents de placer leurs enfants dans des associations,

  • la création de maisons des adolescents,

  • la multiplication des numéros verts pour que les adolescents puissent confier leurs existences à des fonctionnaires,

  • une plus grande prise en charge par l'État des loisirs des adolescents,

  • la promotion du sport en famille lors d'une fête nationale : le "week-end du sport en famille",

  • la mise en place d'un réseau de JMI (jeunes médiateurs internet) pour encadrer l'usage d'internet,

  • l'encouragement à placer temporairement ses enfants au sein d'une famille d'accueil agréée.


Très beau texte donc en 2004, du totalitarisme bienveillant comme on l'adore par chez nous. Petite déception par contre en 2005 avec une conférence de la famille bien moins inventive (c'est fou ce que Raffarin nous manque).


Seulement deux objectifs étaient visés :


— renforcer l’originalité du modèle français : le libre choix des familles ;

— accompagner les familles dans leur usage des nouvelles technologies


Étonnant objectif que ce fameux "libre choix". On peut se demander en quoi il s'agit d'un modèle français, en quoi c'est original. Serait-ce que partout ailleurs, à l'étranger, les familles vivent en esclavage ?


En fait non. "Libre choix" signifie ici irresponsabilité. C'est très tendance d'ailleurs de choisir de vivre en tout égocentrisme. C'est mon choix, na ! Je vis ma vie, zut ! Je suis fidèle à moi-même, flûte ! Je fais ce que je veux, ce sont les autres qui trinquent. Voilà l'objectif de Villepin : les gens de l'État seront à vos côtés chaque fois que vous serez inconséquent dans votre vie familiale. Ceux qui paieront ? Ceux qui sont conséquents dans leurs vies familiales, bien sûr !


C'est tout bénéf pour les gens de l'État : tout ce qui peut renforcer le contrôle de la fourmilière est bon à prendre. Double contrôle : contrôle des uns en leur prenant leur argent (c'est-à-dire en les asservissant), contrôle des autres en les plaçant sous tutelle. Miam miam.


Concrètement, ça donne quoi ?


À côté du congé parental de trois ans, qui continuera à exister, les femmes pourront désormais bénéficier, à partir de leur troisième enfant, "d’un congé parental plus court, d’une durée d’un an. Ce congé sera mieux rémunéré, à hauteur de 750 euros par mois, soit près de 50% de plus que le congé parental actuel d’une durée de trois ans".

"C’est un effort considérable", a souligné Dominique de Villepin, "je suis convaincu que ce congé répondra aux attentes de nombreux parents et qu’il nous fera avancer sur la voie d’une meilleure conciliation des rythmes familiaux et professionnels".

Le coût de cette mesure, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2006, est de 140 millions d’euros en année pleine.


Finalement, je suis d'accord avec de Villepin : d'aucuns considéreront conforme à leurs attentes l'effort considérable et non librement consenti qu'autrui fera pour eux. Ça n'a rien d'étonnant. On peut se demander par contre si tout cela est bien moral. D'autant que de nos jours, avoir un enfant est un choix. Pourquoi un couple responsable qui s'en tient à deux enfants devrait-il payer pour un autre couple qui fait plus d'enfants qu'il n'est capable d'en élever ? Et pourquoi financer ceux qui peuvent se financer tous seuls ? Et pourquoi des gens qui ne peuvent pas avoir d'enfants, des couples stériles ou homosexuels, devraient-ils payer alors qu'ils souffrent justement de ne pas être parents ?


On me rétorquera qu'il faut être généreux, comme si le fait de rechigner à se faire voler relevait d'un manque de générosité à l'égard du voleur. On me rétorquera aussi que le taux de natalité de la France doit être fort. Oui mais moi justement je me fiche du taux de natalité de la France, comme je me contrefiche de son taux de croissance du PIB ou de son solde commercial. S'il est des gens qui souhaitent vivre pour des taux, c'est leur problème, qu'ils aient la gentillesse de ne pas mettre à contribution les gens sains d'esprit. Au passage, même si ce n'est pas le sujet, on peut s'étonner de devoir tout à la fois payer pour les avortements et payer pour les naissances —à moins que, comme je le subodore, l'objectif réel ne soit promouvoir l'irresponsabilité, avec pour corollaire la mise sous tutelle de tous par tous.


Dominique de Villepin a rappelé que la "garde d’enfants constituait aujourd’hui le principal problème auquel se heurtent les parents".

Il a annoncé qu’il avait décidé "de doubler le crédit d’impôt pour les frais de garde des enfants de moins de six ans hors du domicile familial". Cette mesure concerne les enfants de moins de six ans gardés hors du domicile familial. Elle figurera dans le projet de loi de finances pour 2006.

Au-delà de cette mesure, le Premier ministre souhaite "poursuivre les réflexions pour accroître l’offre de garde, qu’il s’agisse des crèches en entreprise ou des assistantes maternelles".


En résumé : si tu peux pas te payer une nounou, on va racketter tes voisins pour toi au nom de la Cohésion sociale. En échange de notre aide, ton enfant sera retiré du domicile familial et placé entre les mains de personnes agréées. Mais tu peux garder ton âme.


Le chef du Gouvernement a annoncé la création d’une "carte famille nombreuse à vocation généraliste" qui "devra permettre aux familles nombreuses d’avoir des biens et des services à tarifs réduits".


Moi j'irai plus loin, il est nul ce Villepin. On supprime l'argent et on distribue des tickets de rationnement à tout le monde pour être sûr qu'aucun ne consomme plus que l'autre. Tickets nourriture, tickets culture, tickets voyage, tickets vêtement, tickets rollers, tickets logement, etc. Chacun a tout ce qu'il lui faut et pas plus que ce qu'il lui faut. Point barre.


Les parents d’un enfant malade, accidenté ou handicapé doivent pouvoir interrompre temporairement leur travail dans de bonnes conditions. Ils disposeront désormais d’un crédit de 300 jours sur une période de trois ans pour être près de leur enfant.


Et si, idée saugrenue, on laissait les gens libres de s'assurer ou non contre les aléas de l'existence, plutôt que de les contraindre à s'assurer selon des termes qu'ils ne peuvent discuter ?


Enfin bref, passons au deuxième volet de cette conférence de la famille : le contrôle d'internet. Internet est insupportable aux gens de l'État, il leur échappe, il permet de s'informer librement, sans passer par les média officiels, tellement serviles qu'il est inutile de les museler.


Le Premier ministre a rappelé qu’une part importante des contenus de l’Internet n’était pas adaptée aux enfants. Il souhaite que les logiciels de filtrage et de contrôle parental d’accès à Internet "soient disponibles automatiquement et pour tous" afin d’éviter aux enfants "de tomber sur des contenus choquants".


Voilà l'argument : les enfants pourraient tomber sur des contenus choquants. D'abord on ne tombe pas par hasard sur un site porno, ou alors très exceptionnellement (ça ne m'est jamais arrivé en près de 10 ans d'internet). Ensuite, de la pornographie, on peut en trouver, sans en chercher, dans la rue, à la télé, dans les magazines, etc. Autrement dit, cet argument est bidon. L'État français, et il n'est pas le seul, veut contrôler internet, voilà tout. Philippe Gouillou en parlait récemment ici, ici et .


Les contenus présents sur Internet sont proposés et disponibles indistinctement pour tous les internautes, quel que soit leur âge.

Pour remédier à cette situation, un label « Famille » va être mis en place. Il s’agira d’un signe distinctif clair.


Pathétique. Bien évidemment, ce label va se révéler inutile et grotesque. Et on aura beau jeu de nous annoncer lors de la Conférence de la famille 2006 que l'État se doit de contrôler l'accès des Français à internet puisque le label ès franchouillerie n'y suffit pas.


À propos justement de la Conférence de la famille 2006 :


Dominique de Villepin a retenu comme thème de travail de la prochaine conférence de la famille "Famille et solidarité entre les générations".


Vivement l'an prochain : si l'État met de la solidarité dans les familles, avec la définition bien particulière que l'État a de la solidarité, je vous garantie que ça va swinguer dans les chaumières ! Papa contraint à verser une taxe à sa fille, cette dernière assujettie à subventionner les loufoqueries de son petit frère, tandis que mémé réclame une juste compensation relativement à ses confitures dont tout le monde profite, et qu'enfin pépé porte plainte pour la nourriture trop grasse que lui fait avaler sa belle-fille. On va se marrer en 2006 !

POSTED BY XXC AT 4:07 PM 6 COMMENTS

MERCREDI, OCTOBRE 12, 2005

Vol 104, destination utopie

Journal le Monde, samedi 8 octobre, des propos recueillis par Nathaniel Herzberg et Brigitte Salino :


Les metteurs en scène Robert Cantarella, 48 ans, directeur du Centre dramatique national de Dijon, et Frédéric Fisbach, 39 ans, directeur du Studio-Théâtre de Vitry, assureront, à partir du 1er janvier 2006, la direction du "104, rue d'Aubervilliers" (Paris-19e). Situé dans les anciens locaux des Pompes funèbres générales, ce centre de création, qui doit ouvrir en 2008, constitue le projet artistique phare de la Mairie de Paris. Première rencontre avec les codirecteurs, nommés le 13 septembre.


Ah bon, ce sont les mairies qui ont des projets artistiques aujourd'hui ? Mais que font les artistes ? Ils remplissent des registres d'état civil sans doute ! Et je dis cela le plus sérieusement du monde d'ailleurs. En tous cas, on est ravi d'apprendre que les deux directeurs (deux sinon rien !) ont été nommés et non élus ; au moins, à la mairie de Paris, on ne s'embarrasse pas de pseudo-commissions fantoches : le fait du prince s'y exerce avec décontraction.


Pourquoi avez-vous posé votre candidature ?


R. C. : Nous travaillons depuis quatre ans à une autre façon de faire dialoguer les arts. Mais il n'y a pas d'endroits pour cela. Nous passons aussi beaucoup de temps à l'étranger. Nous y avons découvert des expériences que nous souhaitions mettre en pratique ici.


Ah. Qu'est-ce que signifie faire dialoguer les arts ? Les artistes je comprends, ça ne pose pas de difficulté particulière et il n'est nul besoin d'un lieu spécifique pour se rencontrer, comme est inutile tout intermédiaire entre les artistes. Les artistes peuvent discuter où ils le veulent, quand ils le veulent, personne ne va les en empêcher. Mais les arts ? Mystère…


Vous passez beaucoup de temps à l'étranger ? Gros discours de gagneur, ça ! Quelque chose me dit que l'entretien d'embauche a dû être assez relax… Et puis au fait Dijon, où vous dirigez le Centre dramatique, est bien en France, non ? Donc, si je vous ai bien suivi, vous ne passez pas beaucoup de temps au boulot…


Bref, ma question serait, non pas « pourquoi avez-vous posé votre candidature ? », mais « pourquoi donc votre candidature a-t-elle été retenue ? » Parce qu'entre nous, vouloir mettre en pratique des expériences avec l'argent du contribuable, ce n'est pas d'une franche originalité dans l'espace culture et détente français.


Le cahier des charges vous le permettait-il ?


F. F. : Il n'y avait pas de cahier des charges, mais un dossier de 5 kg constitué de réflexions et du projet architectural. La Mairie demandait de définir les missions du lieu, son fonctionnement, son organigramme, son budget.


R. C. : Il était question d'art et de territoire. C'était assez vague pour inventer un lieu, une utopie.


Plaît-il ? On parle ici d'un soi-disant projet phare de la mairie de Paris et on apprend qu'il s'agit en fait d'un chèque en blanc pour inventer une utopie. Mais depuis quand, bon sang, l'invention d'utopie est-elle devenue une mission de Service public ? Y en a marre à la fin, on ne me dit jamais rien !


Lesquels ?


R. C. : Un lieu d'art et de vie. Où l'on puisse commercer, dans tous les sens du terme, comme à New York, au PS1, ou à Berlin, Anvers, Los Angeles. Où l'on puisse aller à des heures inhabituelles. Où toute personne puisse avoir accès aux artistes. Et où l'on puisse poser la question du populaire aujourd'hui.


F. F. : On est partis de cette petite phrase de Paul Klee : "L'oeuvre c'est le chemin." Et on a imaginé un projet qui éclaire ce chemin. Le dialogue avec le monde n'a pas lieu seulement pendant la représentation. Mais on essaie de nous faire croire que tout ce qui a été fait avant appartient au génie, que l'artiste serait inspiré, que ça lui tomberait dessus. C'est pour aller contre ces idées reçues que nous avons imaginé ce projet.


Que de nombreux artistes ne soient pas des plus inspirés, ça, je ne vais pas vous contredire. Dès lors, ce que je ne comprends pas très bien, c'est justement que l'on me demande de financer des artistes sans génie ni inspiration.


Quoiqu'il en soit, je meurs d'envie de vous poser la question du populaire aujourd'hui. C'est un truc qui m'a toujours passionné et je suis ravi que des fonctionnaires se soient saisi de ce problème à bras-le-corps (pour une fois qu'on est sûr que des fonctionnaires vont servir à quelque chose, on ne va pas bouder son plaisir !). Je passerai vous voir un jour à l'improviste sur le coup des quatre heures du matin (j'espère que l'heure est suffisamment inhabituelle pour vous) pour discuter de tout ça avec les artistes mis à ma disposition.


Qui sera là ? Des cinéastes, des plasticiens, des danseurs, des hommes de théâtre ?


F. F. : Et des écrivains, des créateurs de mode, des designers, des artistes de cirque... Trente-cinq équipes chaque année.


R. C. : Ils seront en résidence pendant deux à douze mois. Avec une commande précise, et des contraintes, liées au quartier. Ça sera très concret. Un cinéaste assistera à la projection de ses rushes avec le public. Un plasticien accompagnera son travail de stages... Cette contrainte devra chaque fois s'inventer et éclairer le processus de création.


Si je comprends bien, il s'agit de déclasser le travail de l'artiste de façon à ce que, de créateur d'art, il devienne animateur de foyer socio-éducatif. Voilà qui rejoint l'idée exprimée plus haut d'artiste sans génie ni inspiration. En quelque sorte, il s'agit de montrer que l'artiste n'est qu'un vecteur de l'art, qu'un passeur entre la collectivité et l'art : le génie, le vrai, c'est la collectivité elle-même, le populaire, la conscience commune de l'art ensemble. J'ai bon ? ou bien n'ai-je rien compris ? Mon petit doigt me dit que je suis au moins un petit peu sur la voie…


Les artistes sont-ils prêts à jouer le jeu ?


F. F. : Certains nous disent que non. Moi je vois surtout beaucoup d'artistes se plaindre de leur sentiment d'éloignement avec le public.


Moi, je connais plein de types qui bossent au guichet d'une banque et qui se plaignent du contact pas toujours sympa avec les clients ; moi, je connais plein de profs qui bossent dans le 93 qui se plaignent des rapports quelque peu tendus avec les élèves ; moi, je connais plein de shampouineuses qui ont ras-le-bol des rombières qui ne leur laissent même pas un euro de pourliche… En fait, je connais plein de gens qui ont des problèmes avec d'autres gens. Et alors ?


De quels équipements disposerez-vous ?


F. F. : De neuf plateaux très équipés et de huit qui le sont moins. Deux d'entre eux seront affectés à des compagnies parisiennes, notamment amateurs. Une salle sera réservée à la transmission, au travail avec les conservatoires municipaux ou avec les écoles d'art.


R. C. : Les deux halles pourront servir pour des concerts, des défilés et des spectacles, en particulier des spectacles de rue, puisque le lieu est traversé par une rue imaginée par le cabinet d'architecture Novembre.


Vous savez ce que fait un fonctionnaire qui n'a pas de rue pour faire des spectacles de rue ? Il prend du fric dans la poche du contribuable pour créer une fausse rue ! Après les fausses plages, les faux jeux olympiques, voilà les fausses rues. Hallucinant.


Vous ouvrez deux salles de diffusion. En quoi diffèrent-elles des nombreux lieux existants ?


R. C. : Ces deux salles de 200 et 400 places sont polyvalentes, ce qui manque à Paris. Par ailleurs, elles ouvriront quatre fois l'an, pendant dix jours, pour des représentations, des festivals. Les artistes arrivants présenteront un ancien travail, ceux qui ont achevé leur résidence en montreront le résultat, et ils auront carte blanche pour inviter d'autres artistes.

Entre-temps, tout sera ouvert, douze mois sur douze et toute la journée, pour ceux qui voudront circuler. Quant aux spectacles créés ici, ils devront continuer leur vie ailleurs.


Chouette, deux salles qui vont fonctionner 40 jours par an. Le reste du temps, 325 jours, ce sera un lieu de circulation ! Pourra-t-on y garer sa voiture ?


De quel budget disposerez-vous ?


F. F. : Nous avons prévu un budget annuel de 10 millions d'euros. Nous misons sur 30% de recettes propres, tirés de la billetterie, du sponsoring et du mécénat, et surtout de la location des lieux pour des salons ou des événements.


Avec quelle équipe allez-vous travailler ?


R. C. : Une cinquantaine de personnes, ce n'est pas beaucoup ; il y a 110 permanents au Théâtre national de la Colline, et 130 à Chaillot. La masse salariale représentera 40% du budget, alors qu'elle atteint 70% dans certains centres dramatiques nationaux.


QUOI !? 40% de 10 millions d'euros pour cinquante personnes, ça fait en moyenne 80.000 euros par tête de pipe par an. Soit 6.666 euros (44.000 FF) par gonze et par mois ! Même avec les charges, ça nous fait de bien coquets salaires, d'autant qu'il s'agit là d'une moyenne. Je comprends maintenant pourquoi les "artistes" sont si nombreux à se vautrer aux pieds de leurs maîtres : pas folle la guêpe ! Le gros nul par contre, il porte toujours le même nom : contribuable.


Vous parlez beaucoup de pluridisciplinarité, mais vous êtes deux metteurs en scène de théâtre. Ce n'est pas contradictoire ?


F. F. : Non, parce que nous avons chacun notre histoire. Robert vient des Beaux-Arts, j'ai beaucoup travaillé avec des musiciens et chorégraphes. Et puis, plutôt que de pluridisciplinarité, je préfère parler d'un lieu généraliste, où des artistes dialoguent entre eux. C'est l'esprit dans lequel nous voudrions que le "104" fonctionne. Avouons-le : nous voudrions être à l'initiative d'un mouvement artistique.


R. C. : On ne peut plus réfléchir comme l'ont fait les Mnouchkine et Planchon au théâtre, ni les Support/Surface dans les arts plastiques, ni la Nouvelle Vague au cinéma. Il faut trouver une autre façon d'être face à l'art. Nous avons la prétention de poser la question, pas forcément d'y répondre.


Bien sûr que Robert et toi n'avez pas la même histoire ! Et alors ? Ça n'empêche en rien que vous êtes tous les deux metteurs en scène de théâtre et qu'on ne peut pas parler de pluridisciplinarité. Mais c'est pas grave, d'ailleurs je m'en fiche.


Ce dont je ne me fiche pas par contre, c'est qu'un "lieu généraliste où les artistes dialoguent entre eux" coûte 10 millions d'euros par an à des gens qui n'y mettront jamais les pieds et qui sont contraint à payer. Ça ne vous gêne pas de discuter à ce coût humain-là ? Ça ne vous paraît pas bizarre que des millions de gens se rencontrent en France chez eux, au café ou ailleurs sans imaginer un seul instant oser demander un kopeck de subvention à quiconque pour pouvoir discuter, tandis que votre petite coterie n'hésite pas à user de la force publique du fisc pour se faire payer à dialoguer ? (À propos de dialogue justement, êtes-vous si antisociaux pour n'être pas capables de discuter à plus de deux ?)


Vous ne serez jamais à l'initiative d'un mouvement artistique, pauvres cloches, puisque justement votre démarche n'a rien d'artistique : elle est administrative. Ne vous croyez pas pionniers, vous êtes ronds-de-cuir.

POSTED BY XXC AT 8:09 AM 11 COMMENTS

MARDI, OCTOBRE 11, 2005

L'Art triste d'État

Quelques commentaires sur le discours en faveur du théâtre, hallucinant de collectivisme, de Renaud Donnedieu de Vabres prononcé le 5 octobre dernier. (L'intégralité du discours se trouve ici ; et un dossier de presse .)


[…] J’ai présenté ici mon budget, il y a exactement une semaine. Un budget qui est l’instrument et l’expression d’une politique. Et cette politique est d’abord fondée sur une vision du rôle de l’art dans la cité, qui se décline en actions, que je vais maintenant vous présenter.


D'emblée, dès l'introduction, on est rassuré : le shaman-ministre a des visions, et de ces visions découleront les productions artistiques à venir. Ainsi soit-il. Ça veut dire que si tu crées une œuvre conforme à la vision du ministre alors tu reçois de l'argent ; sinon, va voir ailleurs si Donnedieu y est.


Mais au fait, comment fait-il pour avoir des visions notre ministre ? Mais non, il ne prend pas du peyotl, voyons ! Voilà son secret :


[…] vos questions, vos doutes, vos espoirs, comme les rapports des experts indépendants et les propositions de mon administration nourrissent ma réflexion et l’action que je veux mener au service du théâtre, car l’État est là, avec tous ses partenaires, pour servir l’art, et non pour s’en servir.


Cette très belle maxime est un peu sibylline, aussi je traduis : les gens de l'État se servent dans ton portefeuille de citoyen pour refiler l'argent volé à leurs copains théâtreux incapables de remplir le dixième d'une salle. Ou, plus simplement, quand on s'adresse au jobard : « l'État sert l'Art ». (Les jobards gobent vraiment n'importe quoi, donc faut pas hésiter.)


[…] je me suis fixé pour premier objectif de renouer les fils du dialogue entre les artistes, les responsables de lieux de création ou de programmation, et les publics.


Technique audacieuse pour renouer le dialogue entre le public et les artistes : piquer dans la poche du public pour mettre dans la poche des artistes. Fallait y penser.


[…] le théâtre, dans notre pays, est en pleine effervescence. Sa capacité à tendre un miroir à la collectivité et à nous interroger, avec une extraordinaire acuité, sur notre lien aux autres comme sur la complexité du monde, le rend incomparable, irréductible et précieux.


Soviétiquement lyrique, n'est-il pas ? L'Art au service de la conscientisation du corps social et de la lucidité des masses. Tout un (gerbant) programme.


Notre théâtre fait preuve d’un incroyable dynamisme qui se mesure à la force du désir de la scène chez les jeunes, au foisonnement de ses équipes artistiques, à la diversité des techniques et des arts qu’il met en scène, à la variété de ses lieux de représentation, de la salle à l’espace public ou privé, à sa présence sur l’ensemble du territoire et à sa notoriété internationale, permettant un accès de plus en plus large au spectacle.


Voilà d'excellentes nouvelles ! En toute logique, on devrait nous annoncer maintenant la fin des subventions aux gens du théâtre, non ? Pourquoi continuer à aider des personnes aussi brillantes tandis que nous, simples citoyens, sommes si ternes ? Je suggère d'ailleurs, au nom de la solidarité, que nos artistes si dynamiques et si renommés dans le monde entier, nous subventionnent aujourd'hui comme nous les avons subventionnés hier. Vive le partage ! À bas le chacun-pour-soi ! Donne-moi l'argent, petit artiste, comme hier tu t'es gavé du mien !


L’organisation du théâtre en France est unique. Elle est au cœur de « l’exception » française dans le domaine de la culture, qui fait école en Europe et dans le monde et que je préfère appeler diversité culturelle. C’est un mot, un concept, une ambition politique, qui se traduisent en actes et en actions et qui font, à une voix près, l’unanimité des pays du monde, comme j’ai pu le constater hier après-midi en plaidant à la tribune de la conférence générale de l’Unesco […]


Ce théâtre que le monde entier nous envie ! Mais oui ! Les étrangers ne parlent que de ça, ils sont littéralement dingues de notre théâtre. Pourquoi croyez-vous que tant d'Africains se pressent à nos frontières ? Ils veulent aller au théâtre, pardi !


[…] Pourtant, encore récemment, à l’occasion d’une rencontre organisée rue de Valois avec les acteurs du Jeune Théâtre National, j’ai pu prendre la mesure des difficultés des artistes sortis des écoles qui peinent à voir leur travail appuyé par des lieux ou épaulé par leurs pairs.


Ah mince. La fin des subventions aux théâtreux, c'est finalement peut-être pas pour demain… C'est quand même effrayant ce qui arrive aux petits jeunots à peine sortis des écoles : papa et maman leur ont pourtant payé des études d'artistes, comment se fait-il qu'ils rencontrent des difficultés ? Mais c'est trop inzuste ça ! Maman, ze veux être une star !


Lors de nombreux rendez-vous, j’ai pris également conscience qu’il n’est pas toujours facile d’être jeune créateur, auteur dramatique ou compagnie indépendante.


Ah oui alors ! C'est pas comme infirmière aux urgences, caissière à Carrefour, flic à un carrefour ou manœuvre dans le bâtiment : eux ont la vie facile, c'est bien connu.


Et je sais qu’il est souvent douloureux, pour un directeur de théâtre, de devoir sans cesse arbitrer entre des propositions artistiques toujours plus nombreuses et riches, comme il est parfois complexe pour le public de s’ouvrir à la nouveauté et de trouver ses repères dans le foisonnement des spectacles à l’affiche.


La douleur du directeur de théâtre qui doit faire des choix : c'est affreux ! Et l'angoisse du citoyen qui n'arrive pas à se décider pour son samedi soir : insoutenable ! (Franchement, peut-on sérieusement considérer comme relevant du Service public, même en étant hyper-consensuel, le fait d'aider le commun des mortels à occuper ses samedi soir ? Est-il normal et sain que vos soirées soient programmées depuis le bureau du ministre ?)


J’ai donc décidé de multiplier les occasions de rencontres et d’échanges entre artistes, institutions et publics.


On se demande ce que viennent faire les institutions entre le public et les artistes. Soit ces gens ont envie de se rencontrer et personne ne les en empêche, soit ils n'en ont pas envie et on ne va pas les forcer à le faire. Non ? (Ben si en fait, nous l'allons voir tout à l'heure : il faut mettre du théâtre partout !)


Je voudrais d’abord rappeler trois vérités simples qui me semblent parfois oubliées :

- Tout artiste de théâtre qui demande à être aidé ponctuellement ou régulièrement par l’État, souhaite, du même coup, nouer avec la population une relation particulière. Il signifie que, par son travail sur la langue ou les langages scéniques, il veut développer les sensibilités, éveiller les consciences et contribuer à une meilleure connaissance de soi, donc de l’autre.

- Tout lieu de théâtre qui bénéficie du soutien de l’Etat pour sa construction ou son activité reçoit, dans le même temps, une responsabilité nationale : celle d’accueillir dès leurs premiers pas, et tout au long de leur vie, des artistes soutenus par la collectivité. Il s’engage aussi à créer les conditions d’une riche rencontre entre ces artistes et la population de son territoire.


Bravo, pourrait-on dire de prime abord : tu acceptes des subventions, donc tu dois rendre un service en échange, tu as un cahier des charges à remplir. Pas d'accord pourtant : on reste dans un système de subventions, c'est-à-dire d'argent volé aux uns pour le donner à quelques happy few, on s'inscrit dans l'infâme cadre idéologique d'un art d'État. Bref, on joue le registre de l'efficacité étatique, celui de toujours plus de taxes, toujours plus de servitude et de toujours moins de liberté.


- Enfin, toute personne qui décide d’aller à la rencontre d’artistes de théâtre, dans un lieu de représentation théâtrale, choisit de rompre avec le repli sur soi et l’individualisme. En même temps qu’elle devient membre d’un public, elle s’affirme aussi comme pleinement citoyenne, c’est à dire partie prenante d’une communauté qui réfléchit à son destin. À ce titre, elle a aussi pour responsabilité de convaincre et de séduire ceux qui n’ont pas encore trouvé le chemin des salles de spectacles.


Mon Dieu mais quelle horreur… Les bras m'en tombent… Sans exagération aucune, ce texte est proprement nazi. (Si.)


Ça me débecte tellement que je vais accélérer le ramonage de cet immonde discours de dérangé. Bref, vous êtes prévenus : je bâcle !


[…] je veux redire solennellement devant vous que la création, en 2006, d’un diplôme national de comédien ne s’apparentera en aucune façon à la mise en place d’une quelconque carte professionnelle. […]


Un diplôme national de comédien ! Non mais franchement… Il s'agit donc bien de le tuer ce théâtre !


[…] C’est pour mieux préparer au long parcours du métier d’acteur que les dispositifs d’insertion continuent d’être soutenus et analysés par le ministère de la culture et de la communication.


En gros, formation continue dispensée par des fonctionnaires assermentés pour tenir la bride haute aux comédiens certifiés conformes. Vive la créativité ! Beurk !


[…] Je veux maintenant évoquer la deuxième partie de mon programme d’ouverture : mieux accompagner les compagnies indépendantes.


Tu m'étonnes ! Indépendants ! Il faut que ça cesse ! Accompagnons-les et bientôt ils seront parfaitement dépendants et bien comme il faut.


[…] rappelons-le, les compagnies indépendantes sont le levain du théâtre français.


Well, supprimons l'État culturel alors…


[…] L’État doit accompagner avec une attention redoublée ces aventures fragiles et essentielles, car c’est souvent à leur début que les fulgurances artistiques sont les plus fortes et les écueils les plus grands.


Ce que l'on voit bien ici, c'est que l'État ne vient pas en aide aux gens du théâtre. Au contraire, les gens de l'État vampirisent l'énergie spontanée des créateurs d'Art. Tandis que certains créent, les fonctionnaires sont à l'affût.


(suit tout un tas de descriptions d'aides innombrables et diverses destinées à promouvoir les copains et à anesthésier les déviants.)


Rayonner, c’est faire qu’il y ait du théâtre partout et pour tous.


Bon ce post va se terminer incessamment parce que c'est insupportable de totalitarisme et de collectivisme bienveillant. Allez hop ! c'est fini pour aujourd'hui !


Désolé pour ce manque de professionnalisme, ça vous apprendra à lire des blogs plutôt que de vrais articles écrits par de vrais éditorialistes dans de vrais journaux (j'imagine que de nos jours il faut un diplôme pour être éditorialiste…). Bises à tous, j'ai envie de boire un coup et je m'en vais déboucher sur le champ quelque dive bouteille du Bordelais, histoire de me souvenir qu'il est encore en France d'honnêtes gens qui font le Bien à côté de ceux qui enrégimentent, stérilisent, atrophient, dépècent et parasitent ! À la bonne vôtre ! Et au théâtre libre !

POSTED BY XXC AT 8:01 AM 5 COMMENTS

JEUDI, OCTOBRE 06, 2005

Les grèves étranges

Si des grévistes me lisent, de ces grévistes du public qui s'adonnent à des arrêts de travail de vingt-quatre heures avec une liste de revendications longue comme le bras, eh bien j'aimerais leur demander ceci : mais pour qui et contre qui faites-vous grève ?


Car en cessant le travail, vous n'embêtez pas votre patron le ministre : celui-ci n'utilise pas les transports en commun et n'a pas à s'occuper de ses gosses si les écoles sont fermées. En outre, il est un patron bien particulier : ses revenus ne sont pas fonction de votre travail et il n'a pas de clients à satisfaire de manière pressante. Bref, que vous ne bossiez pas, ça va le contrarier seulement un peu, il risque de devoir décommander une bonne table pour rester un peu plus longtemps au bureau. Donc, somme toute, pas de gêne véritable et sérieuse. La seule chose qui pourrait l'inquiéter serait que vos grèves durent vraiment longtemps : il risquerait alors d'être poussé à la démission. Oui mais justement, vos grèves sont trop courtes pour l'effrayer.


Et comme votre ministre s'en fout plus ou moins de votre grève, il va se contenter de vous donner une enveloppe de quelques centaines de millions d'euros pour faire croire qu'il vous a entendu, ces quelques centaines de millions d'euros qu'il a justement économisé en ne vous payant pas votre journée de grève. Peut-être donnera-t-il plus, mais, comme il n'a en réalité rien à donner, vous ne ferez que creusez les dettes de vos enfants.


Vous n'aurez donc finalement rien gagné, vous aurez seulement maintenu la force de nuisance de nos syndicalistes du paléolithique, ces mêmes syndicalistes qui, en bons parasites, cogèrent le pays avec les mêmes ministres qu'ils pourfendent officiellement. Ces syndicalistes qui n'organisent des rentrées sociales "chaudes" que dans le seul but de rassembler les troupes et de faire rentrer les cotisations dans les caisses.


Finalement, naïfs grévistes, vous ne rendez guère service à vous-même, ne contraignez pas ceux que vous souhaiteriez contraindre mais vous nuisez par contre tout particulièrement à vos voisins et amis qui ne sont pas responsables de vos déboires mais sont au contraire ceux qui financent vos emplois.


Que vous vous fassiez du mal, passe encore, c'est votre droit le plus strict, mais qu'en plus vous entraîniez des millions d'innocents dans votre descente aux enfers, là c'est trop ! Si votre travail vous ennuie, changez-en, changez de pays, refaites votre vie, osez, bougez ! Mais de grâce, laissez vivre les autres.

POSTED BY XXC AT 7:57 AM 2 COMMENTS

MARDI, OCTOBRE 04, 2005

Y a bon les colonies, bwana !

Un peu fatigué du clavier ces derniers temps. Même pas revigoré par quelques si délicieusement orwelliennes Nuits blanches©. Même pas remis en selle par l'épopée SNCM-esque. Petit passage à vide, torpeur et fainéantise.


Un remède de cheval s'imposait. Allez hop ! direction l'Express et son chroniqueur Jacques Attali : si avec ça je ne me réveille pas, alors c'est qu'il n'y a rien à faire, que je ne vaux plus un clou.


Eh bien, le moins qu'on puisse dire, c'est que je n'ai pas été déçu ! Alors là, pour réveiller, ça réveille !


[…] Au moment où l'Occident voit son modèle se généraliser sur la planète, il revient à la France de savoir que penser de la façon dont elle a contribué à l'imposer, par les armes.


Euh… Parce que lorsqu'on contraint autrui par les armes, un autrui qui vit dans son coin, ne menace ni ne dérange, il serait envisageable de considérer ces manières autrement qu'odieuses ? On pourrait donc se permettre de trouver ça finalement pas si mal, acceptable par certains côtés, et, pourquoi pas, globalement positif ? Rassure-moi, bwana Jacques, je t'ai mal compris ?


Son action coloniale, comme celle des autres Européens, fut épouvantable, dans bien des dimensions.


Ah ! Ouf ! J'aime mieux ça, bwana. J'ai cru un moment que tu ne savais pas trop quoi penser de la colonisation. Mais je t'en prie, continue…


Mais elle apporta aussi des technologies, de l'éducation, de l'hygiène et de l'administration à des pays qui n'avaient (c'était en particulier le cas de l'Algérie) aucune structure étatique propre et où régnaient parfois d'abominables tyrans.


Eh bien somme toute, j'avais bien compris, hélas. Or donc, imposer le bonheur par les armes peut avoir du bon ? On trace une colonne "positif", on trace une colonne "négatif", on prend sa calculette et on inscrit le résultat dans la case "bilan". Voilà, on fait comme ça chez les étatistes. C'est bien comme ça, hein bwana ? Moi y en a compris bien bien, hein ? Et si, au terme des calculs, on aboutit à un bilan positif, alors la colonne débit est rebaptisée colonne "on ne fait pas d'omelettes sans casser d'œufs". En tout cas, ça justifie qu'on ait eu raison d'imposer le bonheur par les armes. Parce que finalement, malgré tout, c'était pas si mal. Hein ? Eh alors, c'est vrai aussi ça, hein bwana…


Et puis si le bilan n'est pas vraiment positif, qu'est-ce qu'on fait ? Eh bien on le rend positif en racontant n'importe quoi, toute honte bue :


Cette colonisation a également fait naître des élites, qui ont parfois su se débarrasser d'une partie du pire de l'Occident pour en garder une partie du meilleur.


Mais oui… Bien sûr… Mais vraiment parfois alors ! Voire même pas très souvent sinon jamais. Tu sais, bwana, que je commence à avoir le cœur au bord des lèvres…


Il serait fascinant de chercher à comprendre ce que serait aujourd'hui le monde si l'Europe s'était contentée de commercer avec les autres peuples sans les envahir militairement. En Amérique, des ethnies totalement éteintes existeraient encore. En Asie et en Afrique, beaucoup de nations seraient dans une situation pire que celle qu'elles connaissent aujourd'hui.


Ça, ce sont des paroles en l'air avec zéro argument derrière. Pour connaître un peu l'Afrique et y vivre, j'aimerais bien avoir la liste de ces fameuses "beaucoup de nations". Parce que comme ça, au débotté, ces propos me paraissent absolument répugnants.


S'il faut condamner le régime nazi dans son essence, il faut condamner la colonisation dans ses excès et la décolonisation dans ses ratés. Ce n'est pas du tout la même chose.


Primo, tout à fait d'accord pour vomir le nazisme mais pourquoi ne pas avoir cité le plus long et meurtrier des totalitarismes, à savoir le socialisme ? Deusio, la défense qui s'appuie sur "c'est vrai qu'on a merdé en pratique mais au fond on était sur la bonne voie", on la connaît, c'est la même que pour le communisme et ça ne vaut pas un pet de lapin. Qui se ressemble s'assemble. Tertio, le progressisme d'un libéral(1) se distingue du progressisme d'un étatiste par son humanisme : non, contraindre par les armes au bonheur, ce n'est pas bien. Que ça marche ou ne marche pas n'est pas la question (de toutes façons, ça ne marche pas), c'est une question de sens moral et de respect d'autrui. Il n'y a pas de bilan possible, il n'y a pas de colonnes débit et crédit, rien ne peut être considéré comme plus ou moins positif dès lors que cela passe par la mort d'innocents, par l'oppression et la domination contrainte. Rien. Le bonheur imposé par la menace, les bienfaits sous la menace des armes, voilà les plus odieux et faux alibis des salopards aux mains pleines de sang et aux poches pleines d'oseille, voilà à qui tu sers la soupe, bwana Jacques. Car on ne fait pas le bonheur d'autrui en piétinant sa liberté et celle des autres. Le bonheur de Paul ne se fabrique pas en oppressant Paul ou en déshabillant Pierre, ou sinon c'est un bonheur faux ; tout juste peut-on contribuer au bonheur d'autrui en échangeant avec lui, en donnant de l'amour et de l'argent (je rappelle au passage que, de même qu'il est impossible de donner l'amour d'un autre, on ne peut donner que son argent).


(1) : Progressisme libéral ? Ouais, c'est vrai, c'est un peu osé. Mais quand on y réfléchit bien, l'idée de progrès social n'a-t-elle pas été victime d'un grossier détournement par ses plus grands fossoyeurs ?


MARDI, SEPTEMBRE 27, 2005

Esclaves ensemble

Par quel curieux méandre la raison se faufile-t-elle pour supporter de gens inconnus ce qu'elle ne supporterait pas de gens proches et aimés ?


Mon voisin me vole et fait de l'argent volé un dépliant sur papier glacé me vantant les mérites de la consommation d'au moins cinq légumes par jour. Je l'imagine, radieux et débonnaire, se présentant à moi : « Voisin, je vous ai volé avec la meilleure intention du monde ! Le dépliant que je vous offre, je l'ai fait faire pour vous. En suivant les indications qui y sont consignées, vous vivrez plus vieux. J'envisage d'ailleurs de vous voler quelques euros de plus pour chacun de vos achats de viandes rouges et grasses : ainsi je vous mettrai aimablement sur la voie du bonheur pérenne. » Eh bien rien que pour cela, trois fois rien en vérité, il est fort possible que mon voisin essuie injures et rosseries d'importance. Mais que les gens de l'État agissent comme mon voisin et alors, miracle !, ça passe comme une lettre à la poste. Tout au plus (peut-être) un petit haussement d'épaules et un grognement : « Qu'est-ce qu'ils ne vont pas inventer… ».


Ou bien, mon beau-frère m'extorque, menaces à l'appui, cent euros pour les donner à un mendiant. « Il en a plus besoin que toi, ne fais pas ton égoïste ! ». Et puis le lendemain, rebelote, mais avec un délestage de soixante-dix euros seulement cette fois-ci, accompagné des propos suivants : « Aujourd'hui, je te fais cadeau de trente euros, c'est pour favoriser la croissance. ». Alors là, voyez-vous, je vais commencer à me crisper, et mon beau-frère risque fort de me voir sous mon jour le plus mauvais, oh mon Dieu comme il va regretter de m'avoir contraint ! Mais alors pourquoi, quand les gens de l'État agissent de la sorte, je suis comme obligé de penser que, c'est vrai, il y a des gens qui ont un besoin impérieux d'argent tandis que je n'arrive pas à dépenser ce que je gagne.


Bref, comment se fait-il que les gens de l'État, tout odieux qu'ils sont, sont somme toute si supportables, bien plus supportables en vérité que le plus aimable des voisins ou des beaux-frères qui agirait comme ils le font ?


N'est-ce pas la satisfaction de voir autrui contraint aux mêmes souffrances que l'on subit, voire si possible contraint à des souffrances un peu plus cruelles encore, n'est-ce pas cela qui rend si supportable l'horreur étatique ? N'est-ce pas sur l'envie, l'envie de voir son semblable aussi mal loti que soi (ou mieux : un peu plus mal loti que soi) que repose l'acceptation de l'intolérable ? L'État ubiquitaire n'existe-t-il pas en flattant le plus mesquin des sentiments ?

POSTED BY XXC AT 8:15 AM 6 COMMENTS

MERCREDI, SEPTEMBRE 21, 2005

La course froide du juggernaut

Le monstre antisocial poursuit sa course inéluctable, dévorant les énergies, broyant les solidarités naturelles : rien ne l'émeut. Tout enfant naît avec le péché originel d'une dette publique abyssale : rien ne l'émeut. L'hydre de la Sécurité sociale est chaque jour plus avide d'engloutir les richesses des hommes et chaque jour plus réticente à leur retourner le moindre service : rien ne l'émeut. Les vampires syndicaux et associatifs transmutent le progrès social, la solidarité, la charité et la culture en tiroirs-caisses géants : rien ne l'émeut. Tel un juggernaut, le monstre collectiviste avance et se répand irrésistiblement.


Métastase anecdotique parmi les métastases de la bête : la relance du Conseil national de lutte contre l'exclusion —exclusion dont les premiers responsables sont les gens de l'État, leurs lois, leurs règlements, leurs spoliations et leurs rackets.


Le CNLE ? Voilà ce qu'en dit le site web du Premier ministre :


Créé en 1988 dans le cadre de la loi relative au revenu minimum d’insertion, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) est un lieu d’échange et de dialogue entre les pouvoirs publics et les acteurs engagés dans la lutte contre les exclusions.


Placé auprès du Premier ministre, il a pour mission de :

— conseiller le Gouvernement pour toutes les questions de portée générale qui concernent la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

— assurer une concertation entre les pouvoirs publics et les associations, organisations et personnalités qualifiées qui agissent dans le domaine de la pauvreté et de l’exclusion sociale ;

— donner un avis, à la demande du Premier ministre ou à celle des membres du Gouvernement dans les domaines qui relèvent de leur compétence, sur les textes de loi ou de règlement relatifs à la lutte contre les exclusions ;

— faire, de sa propre initiative, des propositions sur les problèmes posés par la pauvreté et l’exclusion.


Les partenaires sociaux participent désormais au CNLE, en plus des membres qui y siègeaient auparavant :

— les ministres les plus directement concernés par ces questions ;

— des élus ;

— des représentants des associations et organismes qui interviennent dans la lutte contre les exclusions ;

— des personnalités qualifiées ;

— des représentants des autres conseils et comités concernés par ces questions.


Je résume pour ceux qui ne comprennent rien : le CNLE est une officine destinée à justifier les jetons de présence qu'on distribue aux copains, à effectuer des renvois d'ascenseur, à flatter ceux que l'on veut mettre dans sa poche, à faire vivre quelques sociologues amis du parti qui n'auraient sinon aucun débouché pour leurs écrits. Ne perdez pas votre temps à chercher un exclu au sein du CNLE : ce n'est pas un endroit fait pour eux. Bref, ce n'est que la vitrine présentable d'un racket anodin du contribuable comme il y en a tant d'autres, pas de quoi se formaliser.


En cette période de rentrée, un petit ravalement de façade a été organisé par de Villepin, Borloo (ministre de l'Arrosage social intensif) et Catherine Vautrin (ministre de l'Androgynie). Petits fours et discours :


« L’État sera à vos côtés pour vous permettre de mener à bien votre mission » a déclaré le Premier ministre qui a salué l’engagement du CNLE, essentiel « à la cohésion de notre nation ».


Ah ! Essentiel ! C'est justement le mot que je cherchais ! Spontanément, je suis sûr que tous les clochards de France ont ce mot à l'esprit, "essentiel", lorsqu'ils causent entre eux du CNLE.


« C’est un Conseil national de lutte contre l’exclusion renforcé qui se réunit » a-t-il souligné, « puisqu’il est désormais ouvert au Conseil Economique et Social, aux partenaires sociaux, aux caisses de sécurité sociale et aux organismes HLM ».


Bougrement vitaminé comme renforcement ! L'élite du parasitisme à la française ! Et toujours pas un exclu, bien sûr.


Le Premier ministre a annoncé les mesures qu’il souhaitait mettre en place pour soutenir l’action du CNLE :

— le renforcement des « moyens humains et matériels » du CNLE ;


Traduction : plus de thunes pour plus de potes.

— la création d’une maison de la Cohésion sociale regroupant le CNLE, le Conseil National pour l’insertion par l’activité économique et le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées ;


Traduction : une petite couche d'État supplémentaire, c'est toujours ça que les citoyens n'auront pas !

— la remise par le CNLE, dès l’année prochaine, d’un rapport annuel au Gouvernement sur « le thème qu’il aura choisi » ;


Traduction : on n'attend de vous rien de particulier, faites ce que vous voulez.

— l’organisation à partir de janvier 2006 d’une série de rencontres inter-régionales « afin que tous les acteurs locaux et les publics en difficulté puissent s’exprimer de manière simple et libre » ;


Traduction : vous aurez du fric pour vous balader en province et pour y rencontrer tous ceux qui, comme vous, n'ont rien d'autre à foutre de la journée.

— l’engagement à « préserver les crédits de la lutte contre l’exclusion de toute régulation budgétaire ».


Traduction : ne vous inquiétez pas du monde réel, ne vous sentez pas tenu de fournir des résultats, votre rente est de toutes façons garantie.


Avec tout ça, on sent que la lutte contre l'exclusion va être féroce…


Dominique de Villepin souhaite engager deux réflexions majeures :

— sur des objectifs chiffrés en matière de réduction de la pauvreté « par exemple la réduction de 25% de la pauvreté monétaire d’ici fin 2007 » ;

— sur la définition « [du] travail et [de] l’activité pour les plus démunis ».


Attention : réflexions majeures ! Comment tripoter les chiffres et les définitions pour réduire l'exclusion officielle ? (Je sens que de Villepin a lu l'Express.)


Dominique de Villepin a réaffirmé sa volonté de « valoriser la reprise d’une activité » avec, notamment la prime pour l’emploi, devenue un « véritable complément de rémunération », et de faire le choix « de la responsabilité » avec un renforcement du contrôle des fraudes et des abus.


Comprenez-le, quand de Villepin exhorte à la responsabilité et fait planer la menace de contrôles, il ne s'adresse pas aux gens du CNLE, bien sûr. Non, une telle morgue paternaliste, c'est pour les exclus qui auraient dans l'idée de s'en sortir. Qu'ils soient prévenus : ils sont suspects.


« Deux reformes essentielles » doivent permettre de « consolider l’avenir de notre système de solidarité » a indiqué le Premier Ministre :

— la réforme des droits connexes, avec la prise en charge des prestations qui relèvent de l’État « en fonction du niveau de revenu et non en fonction du statut » ;

« une discussion avec les présidents de Conseils Généraux sur la pertinence d’un rapprochement du RMI, de l’allocation de solidarité spécifique et de l’allocation parent isolé ».


On y est : l'important est de sauvegarder notre système de solidarité. Tout est là. Sauver les systèmes, les administrations, les collectivités. D'individus il n'est pas question.


En ce qui concerne le logement, Dominique de Villepin a annoncé « une série de mesures qui permettront d’améliorer la situation dans les deux ans à venir » :

— utilisation de « bâtiments collectifs inutilisés afin de les transformer en résidences hôtelières » ;


L'État marchand de sommeil donc. Soit, à terme, un gouffre financier pour des matelas qui puent l'urine. Une interrogation : qu'entend exactement de Villepin par "utilisation de bâtiments collectifs" ? Cela signifie t-il éventuellement "réquisition de bâtiments privés à usage collectif" ?

— aides à la « remise aux normes de sécurité » des structures d’hébergement collectif ;


Donc plus d'impôts et des loyers plus élevés. Et finalement plus d'exclus : bingo, l'avenir du CNLE est assuré.

— mise en oeuvre d’un « pacte national » permettant d’assurer que les engagements du plan de cohésion social seront tenus.


Un pacte national, génial ! Je suggère la création d'un Haut conseil au Pacte national, qui rédigera la Charte nationale du Pacte national, qui proclamera la journée nationale du Pacte national, qui s'efforcera d'étendre le Pacte national au niveau mondial. Le Pacte mondial de cohésion sociale ! Après la fête de la musique et Paris-plage, le génie français continue d'inspirer le Monde !



Et pendant ce temps-là, le juggernaut avance. Il broie, déchiquette, écrase. Inexorablement.

POSTED BY XXC AT 8:10 AM 9 COMMENTS

JEUDI, SEPTEMBRE 15, 2005

Quick et Flupke

Interrogés dans Le Figaro à propos du nouvel impôt sur le revenu, le superbe Thierry Breton et le vibrionnant Jean-François Copé, mes deux ministres préférés. Extraits :


Le Figaro : — Quelle est la philosophie générale de la réforme ?

Breton et Copé : — […] Il [notre système fiscal] ne récompense pas assez le travail, notamment des plus modestes et des classes moyennes […]


Stupéfiant ! notre système fiscal récompense le travail (mais pas assez). C'est bien la première fois que j'entends un truc pareil : des impôts qui sont une récompense pour avoir bossé ! Ils ont perdu le sens commun, nos deux compères. Quand à évoquer les plus modestes, c'est peu convaincant : ceux-là ne sont en rien concernés par l'impôt sur le revenu puisqu'ils en sont exemptés.


Breton et Copé : — […] il n'y aura aucun perdant et les principaux bénéficiaires sont les salariés des classes moyennes […]


Payer l'impôt récompenserait le travail, on l'a vu ; on apprend maintenant que cela ne fait pas perdre d'argent et qu'il y aurait même des bénéfices à se faire taxer. Ben voyons… Et ne me dites pas que je joue sur les mots : ce sont nos ministres qui jouent sur les mots, et ils savent très bien ce qu'ils font quand ils usent ainsi de boniments de forains. Depuis quand se faire spolier moins que l'année précédente constituerait-il un bénéfice ? En quoi ne serait-on plus perdant ? Il faut une bonne dose de cynisme pour le laisser entendre.


Le Figaro : — La France va donc fixer un niveau d'impôt maximal qui ne pourra jamais être dépassé ?


Breton et Copé : — […] C'est ce que nous avons appelé le « bouclier fiscal ». Nous sommes le seul pays au monde où l'on pouvait payer parfois beaucoup plus d'impôt que l'on a de revenus. […] L'article 1er du Code général des impôts, c'est un symbole, disposera désormais que nul contribuable français ne pourra payer des impôts directs totalisant plus de 60% de ses revenus. […]


Il est affligeant de voir que prendre 60% des revenus d'un individu soit considéré acceptable par des gens que certains qualifient de libéraux. D'autant plus que les 60% en question ne concernent que les impôts directs et n'englobent pas la TVA, la Sécu, etc. Si bien qu'il n'y a pas de « bouclier fiscal », c'est un mensonge : car ce qui ne sera pas pris en impôts directs pourra très bien être confisqué sous forme de taxes, de réglementations ou de prélèvements divers.


Le Figaro : — Le plafonnement de l'impôt sur tous les revenus à 60% est-il une manière de réformer l'impôt sur la fortune sans le dire ?


Tintin et Milou : — Ce n'est pas son objet prioritaire. Mais, sans remettre en cause en quoi que ce soit l'ISF, la réforme corrige mécaniquement ses principaux effets pervers […]


L'ISF entraîne donc toujours des effets pervers, quoiqu'en moins grand nombre. Et l'on ne remet pas en cause en quoi que ce soit l'ISF. Dois-je comprendre que nos ministres souhaitent conserver ces effets pervers ?


Le Figaro : — Comment fonctionnera le nouvel impôt sur le revenu ?


Quick et Flupke : — Nous faisons une opération « vérité des prix » en supprimant l'abattement de 20% et en abaissant dans le même temps le barème : le taux affiché est désormais le bon. Le nouveau barème sera : 5,5% pour le taux le plus bas, 14% et 30% pour les tranches intermédiaires et 40% pour la tranche la plus élevée.

Mettre notre taux marginal à 40%, c'est rendre notre taux d'impôt sur le revenu conforme à la moyenne européenne. C'est le même niveau, notamment, que le Royaume-Uni. Pourquoi 40% ? Parce que, si nous avions fait la translation directe, nous serions passés de 48% à 38%. Mais cela n'aurait pas pris en compte la part des contribuables au-delà de 117900 euros qui sont déplafonnés et ne bénéficient plus de l'abattement de 20%. Si nous avions ramené le taux marginal à 38%, ces contribuables-là auraient été plus que gagnants ! La démarche n'aurait plus été conforme à l'esprit de progressivité. On a donc fixé le taux marginal à 40%, ce qui constitue un point d'équilibre.

Ce qu'il faut bien retenir, c'est que tout le monde sera gagnant à cette réforme ! […] Plus de 70% des 3,5 milliards d'euros qui seront restitués aux Français iront aux foyers dont le revenu annuel est compris entre 10 000 et 40 000 euros. […]


Pas très claire cette histoire de 40% et de 38% et il semble bien que le taux marginal de la tranche la plus haute ait augmenté. En tout cas, il n'est absolument pas justifié que 40% soit plus conforme que 38% à l'esprit de progressivité (esprit, es-tu là ?), ni qu'un point d'équilibre (de quoi ?) soit atteint : pur verbiage. Passons à la suite. On voit que décidément, ils y tiennent : on sera gagnant lorsqu'on enverra notre chèque aux impôts. Drôle de manière de gagner sa vie que de se séparer de son argent… Enfin, on relèvera l'utilisation du verbe "restituer" dans la dernière phrase : comme on ne restitue que ce qui a été volé ou pris par erreur, on peut se dire que l'impôt est un vol ou une erreur. Joli lapsus de nos ministres.


Le Figaro : — La réduction du nombre de tranches ne réduit-elle pas la progressivité de l'impôt sur le revenu ?


Jo et Zette (Jocko n'est pas venu, il a mal à la tête) : — En aucun cas. La progressivité de l'impôt est préservée et les classes moyennes verront leur charge fortement allégée.


Moins il y a de tranches, moins la progressivité est "lissée". On ne voit pas en tout cas clairement l'intérêt qu'il y avait à diminuer le nombre de tranches : soit on choisit un impôt proportionnel et le taux est unique, soit on choisit un impôt progressif et la progressivité sera d'autant plus régulière qu'il y a de tranches. Diminuer le nombre de tranches ne simplifie pas le calcul, ça le rend moins long à effectuer. Ce qui n'est pas si avantageux dès lors que ce calcul n'est effectué qu'une fois l'an et que l'on dispose d'ordinateurs pour le faire. La réduction du nombre de tranches est avant tout un argument marketing : on suggère ainsi qu'on a simplifié les calculs, ce qui est faux.


Le Figaro : — Pourquoi ne pas faire cette réforme dès 2006 ?


Spirou et Fantasio : — Comme l'a indiqué le premier ministre, toutes nos marges de manœuvre, soit les 4,5 milliards dont on dispose, sont consacrées à l'emploi. […]


Ah tiens, avec une dette publique de 1000 milliards d'euros, ils arrivent à s'inventer des marges de manœuvre… Impayables. Ce qu'ils appellent marges de manœuvre ce sont les dettes qu'ils créent, à charge pour nos enfants et nos petits-enfants de les rembourser un jour. Après moi le déluge, ça résume bien ce que d'aucuns appellent la vision à long terme des politiques.


À la lecture de cette interview, je crois que ce qui m'agace le plus, ce ne sont pas nos deux ministres (j'ai l'habitude), mais les trois journalistes qui les ont interrogés. Aucun esprit de contradiction, complaisance, complicité, jamais ne sont relevés les explications fumeuses et les arguments boiteux, on sert la soupe, on va jusqu'à reprendre sans sourciller l'appellation de "réforme" pour ce qui n'est manifestement qu'un ensemble d'ajustements et non un changement en profondeur de la fiscalité directe. Et puis surtout, on "oublie" la question la plus importante à poser, cette question pourtant essentielle : si l'impôt sur le revenu diminue alors où est la baisse des dépenses correspondante ? Une baisse des dépenses sans laquelle toute baisse d'impôt est soit une imposture, soit une politique de relance (c'est-à-dire encore une imposture).

POSTED BY XXC AT 11:53 AM 6 COMMENTS

MARDI, SEPTEMBRE 13, 2005

L'État quantique

Je me souviens assez vaguement de mes cours de physique quantique mais il me semble que, grosso modo (Alpheccar me corrigera), une particule peut être ici ou là, voire ici et là en même temps, quoique…, enfin on est sûr de rien, ça dépend si on met le nez dans la boîte du chat de Schrödinger ou pas (ma côte auprès d'Alpheccar vient de s'effondrer…). Eh bien l'État est quantique : on n'y comprend rien non plus.


Après avoir encouragé l'accession à la propriété des citoyens par le biais de déductions fiscales, de prêts à taux réduits et de bricolages législatifs merveilleux, tout cela des années durant, voilà que l'État nous encourage à être mobile. C'est Breton (je l'aime chaque jour un peu plus) qui vient d'annoncer cela : 1500 euros, sous certaines conditions, pour aller bosser à 150 km de chez soi. Et bien sûr, on conserve toutes les aides pour accéder à la propriété.


Autrement dit, dans ce pays d'élite qu'est la France, un même type peut recevoir simultanément de l'État une prime de sédentarité et une prime de nomadisme.


C'est quantique. L'État est quantique. CQFD.

POSTED BY XXC AT 8:02 AM 5 COMMENTS

LUNDI, SEPTEMBRE 12, 2005

Attali se surpasse

Quand je lis les papiers de Jacques Attali, je pense souvent à ces éditorialistes qui suent sang et eau pour écrire des billets qu'ils espèrent amusants et décalés, tandis qu'Attali, sans se forcer, génie tranquille, foudroie n'importe qui sur ce terrain : il pulvérise toujours les limites du burlesque sans le faire exprès. Sa dernière chronique dans l'Express en est une excellente illustration.


En voici un extrait :


Il faut, en fait, changer complètement de paradigme et étendre le champ du travail pour que des gens qui ne travaillent pas, au sens classique du mot, ne soient plus considérés comme des chômeurs et soient rémunérés en tant que travailleurs.


Vous avez bien lu : pour en finir avec le chômage (le titre de l'article), il faut arrêter de dire que ceux qui ne travaillent pas ne travaillent pas. Et le meilleur moyen de parvenir à se convaincre d'une telle absurdité, c'est de rémunérer ces gens. Du coup, s'ils sont rémunérés, c'est qu'ils travaillent.


Si de Villepin lit l'Express, on est sauvé.

POSTED BY XXC AT 5:05 PM 3 COMMENTS

SAMEDI, SEPTEMBRE 10, 2005

Demain les Soviets ?

Il m'a quand même l'air sacrément imprégné de culture socialiste, l'ami Breton. Faut dire qu'il travaillait dans le big business avant de rejoindre Bercy, et que les subventions de l'État, cet argent qu'on nous arrache au nom de la solidarité, il connaît bien. Donc forcément, tout ça, quand on est tombé dans la marmite à subventions étant petit, ça crée des habitudes de travail.


L'individu m'avait déjà semblé quelque peu louche, et je crois hélas que mes craintes se confirment, voici d'ailleurs ce qu'il déclarait il y a trois jours :


ce qui est le plus important, c'est que nous puissions utiliser ces vingt mois pour expliquer aux Français les idées fausses qu'il faut changer dans le subconscient de nos compatriotes


Ouch ! Va falloir que je me fiche dare-dare les bonnes idées dans le subconscient, parce que ça m'étonnerait pas que je sois un peu carencé du côté des bonnes idées qu'il faut avoir. Mieux vaut prendre les devants avant que mon pote Thierry s'occupe de mon cas parce que les manières de chef de gang, il les a vite apprises.


Faut voir comment il sait se faire respecter par les entreprises du secteur pétrolier qui ne remplissent pas les objectifs établis par les commissaires du peuple :


« Bon allez les gars, vous allez me baisser les prix de l'essence à la pompe, et que ça saute !

— Mais m'sieur le minis', je croyais que… euh… le contrôle des prix…

— Oh là, minute ! Monsieur se goinfre sur le dos des travailleurs et monsieur veut faire le mariole ?

— Euh… il me semble que, sans vous offenser, m'sieur le minis', eh bien celui qui se goinfre le plus sur le litre d'essence, on peut dire, d'une certaine manière, que c'est un peu vous, non ? Enfin, je veux dire, les taxes…

— Oh mais c'est quoi ce social-traître qui veut tout garder pour lui et laisser les citoyens dans la misère ?

— Ben c'est eux qui les payent les taxes quand même…

— Ta, ta, ta, c'est de la propagande de dissident, ça. Ça te plaît pas les taxes ? Ben tu baisses tes prix ou je t'en colle une charretée aux fesses. Non mais ! Si on les laisse faire, ces patrons, bientôt y en a qui seront fiers de faire du profit… J'suis ministre de l'économie quand même, alors faut pas me la faire…


Voilà ce qu'il a dit hier aux dirigeants des grands groupes pétroliers, M. Breton. (J'ai un peu romancé mais grosso modo ça s'est passé comme ça.)


Et j'en arrive au titre de mon post : alors Thierry, demain les Soviets ?

POSTED BY XXC AT 11:50 AM 3 COMMENTS

MARDI, SEPTEMBRE 06, 2005

Prospection fiscale

« Nous avons la solution, cherchons le problème », telle pourrait être la devise des étatistes. Car la solution ils l'ont toujours, elle se nomme taxe ou réglementation. Reste alors à dénicher un problème à résoudre, un gisement fiscal non exploité. Tâche ingrate que celle du prospecteur fiscal en ces temps d'ubiquité étatique : les filons ne courent pas les rues et la moindre veine est déjà en coupe réglée.


Il importe donc tout particulièrement de dégoter des victimes relativement aisées et peu nombreuses, de ce genre même de personnes qui agace. En conséquence de quoi, elles seront aisément exploitables : elles auront bien du mal à se faire entendre si elles osent chercher à se défendre.


Une fois les victimes trouvées, il faut inventer de bonnes raisons de les punir. De bonnes raisons, ça ne signifie pas que les raisons doivent être vraiment bonnes, je veux dire par là justes, utiles, nécessaires, etc. Non, ça veut seulement dire qu'il suffit que ça ait l'air, en premier examen, de tenir à peu près la route. (On gardera bien sûr à l'esprit que la vraie seule et bonne raison, c'est, pour les gens de l'État, de taxer les citoyens un peu plus, de les asservir un peu plus ; les petits courts d'eaux font les grands totalitarismes.)


À titre d'exemple, intéressons-nous à l'intention de Dominique de Villepin de taxer les véhicules polluants, soit en pratique ceux d'entre eux qui rejettent plus de 200 g de CO2 au kilomètre(1) (la plupart des 4x4, quelques grosses berlines et monospaces).


Le choix des victimes n'est pas innocent : les possesseurs de 4x4 sont minoritaires, sont plutôt aisés et énervent tout le monde (tous ceux qui n'ont pas de 4x4)(2). Que du bon.


Ensuite, il suffit de les accuser de n'importe quoi.


D'abord de polluer plus que les autres. Bien sûr, c'est faux : on rejette du CO2 en consommant du carburant et non simplement en possédant une auto. Par exemple, un possesseur de 4x4 qui roule peu consommera moins de pétrole que le propriétaire d'une voiture banale qui parcourt beaucoup plus de kilomètres(3). À quoi s'ajoute le style de conduite (sportive ou non), les routes que l'on emprunte (en ville, à la campagne, en montagne…), etc. Et puis encore, on a le nombre de passagers dans le véhicule qui divise la consommation par tête. Bref, le type de véhicule ne dit absolument pas à lui seul la quantité de carburant consommée par une personne en une année (soit le degré d'ignominie, n'est-ce pas ?). Et puis, si l'on devait taxer les gens qui polluent le plus par rejet de CO2, il faudrait tenir compte de toutes les pollutions par rejet de CO2 : par exemple, celui qui roule en 4x4 peut très bien n'utiliser que trois fois moins de gasoil pour se chauffer l'hiver que n'en utilise un propriétaire de Clio… On voit très clairement ici que la justification liée à une pollution excessive ne tient absolument pas. La seule manière "juste" de taxer la pollution au CO2 est de taxer le carburant lui-même. Manque de bol, c'est déjà fait, à outrance même (au pif, je dirai 400 %), donc on cherche d'autres gogos à plumer, quitte à les accuser de la rage. Car c'est là le nerf de la guerre étatique : piquer du fric et non résoudre je ne sais quel problème de biosphère trop chaude dont la plupart des hommes politiques se foutent éperdument. D'ailleurs si le seuil de 200 g de CO2 au kilomètre avait un quelconque fondement scientifique alors dans quelques années, évolution technologique aidant, plus aucun véhicule ne sera taxé (tous seront passé sous le seuil). Mais je prends les paris : le seuil baissera d'années en années afin que suffisamment d'automobilistes passent à la caisse et que le produit de la taxe reste bien juteux. Et d'ailleurs, la biosphère viendrait-elle à refroidir que notre taxe anti-réchauffement ne disparaîtrait sans doute pas pour autant. Well, tout ça c'est du pipeau pour justifier une rapine de plus.


Mais passons au deuxième tort causé par nos propriétaires de 4x4, il est exquis : ils alourdiraient la facture énergétique. Voilà le type même d'argument qui fait se boyauter un libéral. La facture énergétique de qui ? Tout consommateur d'essence s'adresse à un vendeur d'essence et ne consomme que ce qu'il a choisi de consommer, point. Faire la somme de toutes les dépenses de tous les consommateurs ne donne qu'une valeur statistique, sans intérêt particulier pour chacun des consommateurs. Qu'est-ce qu'un non-consommateur d'essence en a à cirer que ses voisins bouffent chacun 10 litres d'essence par jour ? Ce sont eux qui payent et pas lui, il est peinard. En fait de facture énergétique, la mesure du Premier ministre ne va rien changer pour la plupart des gens, mais va accroître les budgets de transport des propriétaires de grosses voitures. Où est la baisse ? Globalement, la mesure pourrait inciter à une moindre consommation de pétrole ? Oui ! Et donc faire baisser la facture énergétique ? Non ! Parce qu'il n'y a pas de facture énergétique ! C'est du n'importe quoi ! Il n'y a pas de "collectivité" qui règle une facture énergétique ! Rien de tout cela. Il n'y a que des factures énergétiques ! Et chaque facture n'est que la somme d'argent qu'un individu a décidé de consacrer, librement, à ses déplacements. Tout le reste n'est que sabir et religion collectivistes : ça n'a aucun sens ! Ou sinon que l'on me présente la facture adressée à Mme Collectivité française™ pour sa consommation en carburant. Cette facture n'existe pas ? Donc : patati et patata et blablabla et blablobli.


Et enfin je conclue avec ceci : le patriotisme économique (ce qu'il faut pas entendre comme connerie…) à la de Villepin est sauf. Les entreprises nationales ne produisent pas de 4x4 et la mesure anti-pollution revêt donc les habits décatis du protectionnisme à la papa. Consternant. Des fois je me dis que j'ai presque de la chance de vivre au Congo…


(1) : ça me paraît énorme comme quantité, mais bon, j'ai lu ça dans Libé (je ne lis que les meilleurs quotidiens !) et je ne suis pas un spécialiste…


(2) : quand je rencontre quelqu'un que les 4x4 énervent, et j'en rencontre assez souvent, je l'asticote toujours un peu pour savoir ce qui le dérange vraiment. Et je peux dire qu'à 100% ce n'est pas du tout la jalousie qui motive l'irritation vis-à-vis des possesseurs de 4x4 : aucun, sans exception, n'est jaloux, alors là pas du tout du tout du tout. Je le sais : ils me l'ont dit, et ils ont bien insisté sur ce point.


(3) : avec une logique à la Vile pine (désolé, j'ai pas pu m'empêcher, je recommencerai plus, juré, ce post est rédigé sous influence éthylique, faut pas m'en vouloir), les Africains devraient être les plus taxés au monde pour la pollution vu qu'ils roulent dans d'immondes épaves hyper-polluantes et puantes. Seulement voilà, les Africains roulent très peu et polluent donc très peu, donc on va les laisser tranquilles. D'autant qu'ils sont inspoliables donc inintéressants.

POSTED BY XXC AT 8:14 AM 25 COMMENTS

VENDREDI, SEPTEMBRE 02, 2005

Les requins de la finance publique

Les requins de la finance publique ne travaillent pas. Plus exactement ils se placent, ils évoluent. Entre portefeuilles ministériels, palais régionaux, fauteuils de députés, bonnes tables et voitures de maître. Ils frayent avec ceux du big business, avec ceux de leur race qu'ils détestent, avec les artistes, avec les journalistes : tout est bon pour rester dans la course au parasitisme.


Et le parasitisme ça marche, comme le confirme la dernière enquête de l'INC (Institut national de la consommation) sur le pouvoir d'achat des Français. On y apprend que de juin 2001 à juin 2005, les revalorisations salariales ont été en grande partie absorbées par des hausses de prix. Et que les trois postes de dépense les plus destructeurs en termes de pouvoir d'achat ont été : le tabac, les loyers et les carburants.


Relativement au tabac et aux carburants, inutile de disserter bien longtemps, la cause est entendue : les prix de ces produits sont aux trois-quarts au moins des taxes, et les hausses de prix sont donc essentiellement des hausses de taxes. En ce qui concerne les loyers, les hausses sont sans doute plus complexes à analyser mais, comme l'explique très bien Vincent Bénard ici, nos squales politiciens ont une belle part de responsabilité.


Bref, les hausses de salaires n'ont pas été captées par de méchants patrons, par de sournois commerçants ou par de vils financiers. Non, les premiers responsables sont les gens de l'État, ces mêmes aimables pourvoyeurs de pauvreté qui prétendent lutter pour notre bonheur.


LUNDI, AOÛT 29, 2005

La mafia du rail

Je ne sais plus trop où en est l'affaire des lignes de trains Corail que la SNCF souhaiterait fermer en raison de leur situation déficitaire. Charmante décontraction du Service public à la française™ en tout cas que cette aisance à couper en toute innocence les branches fragiles dès lors qu'elles ne sont pas juteuses, ce genre même de comportement qui provoque psychodrames nationaux, haut-le-cœur et cris d'orfraie dès lors que l'entreprise élagueuse est privée.


Tout cela est d'autant plus piquant bien sûr que la raison d'être d'un service public monopolistique repose justement sur une péréquation nationale destinée à fournir à tous des services similaires. En ce qui concerne le rail, les lignes les plus rentables permettent de maintenir ou d'ouvrir des lignes déficitaires. Voilà succinctement exposé le principe officiel du service public appliqué au transport ferroviaire.


Et dès lors que la SNCF ne veut plus faire le job pour lequel elle a été créée, c'est-à-dire souhaite abandonner ce qui ne rapporte pas pour ne conserver que ce qui rapporte, eh bien son statut perd tout son sens et il semble légitime de libéraliser le rail en France. Après tout le développement du chemin de fer ne relève pas historiquement de l'État mais de nombreuses compagnies privées. Ces compagnies ont quadrillé le pays de dizaines de milliers de kilomètres de lignes. Les gens de l'État se sont tout simplement emparés de ce que d'autres ont mis sur pied (globalement, depuis sa création en 1938, la SNCF n'a pas étendu le réseau ferroviaire mais n'a fait que le réduire petit-à-petit).


Il n'y a donc pas de raison d'avoir peur d'une libéralisation, au contraire. Pas de raison non plus de continuer d'une part à interdire à de braves gens de faire rouler des trains (ou des bus qui concurrencent le train), et d'autre part à engraisser des rentiers de situation arc-boutés sur leurs avantages très privés et opposés à toute adaptation pour un meilleur service public. Parce qu'évidemment, les gens de la SNCF n'ont pas la réelle volonté de fermer de nouvelles lignes, ils pratiquent tout simplement un racket : donnez-nous encore plus ou sinon on bloque les trains.

POSTED BY XXC AT 6:05 PM 1 COMMENTS

JEUDI, AOÛT 25, 2005

Ratios raciaux (2)

La réponse au petit problème d'hier est que l'on manque d'éléments pour conclure. En agrégeant les individus blancs ensemble et les individus noirs ensemble, on détruit de l'information. Et le fait que 62 % est supérieur à 54 % peut très bien masquer une discrimination systématique en faveur des Noirs !


Par exemple, supposons que deux types de contrats de travail aient été proposés aux candidats : contrat A (peu de travail, maigre salaire) et contrat B (beaucoup de travail, gros salaire).


250 Blancs postulent pour A et 200 sont embauchés, soit un taux d'embauche de 80 % ; dans le même temps, 50 Noirs postulent pour A et 45 sont pris, soit un taux d'embauche égal à 90 %. Finalement, avec 90 % contre 80 %, les Noirs ont été favorisés pour le contrat A.


Puis, pour le contrat B, 250 Blancs qui postulent et 110 qui sont pris (taux de 44 %) tandis que postulent 450 Noirs dont 225 sont embauchés (taux de 50 %). Là aussi, les Noirs ont été favorisés.


Bref, les Noirs ont été privilégiés pour chacun des deux contrats proposés : au niveau individuel, toutes choses égales par ailleurs, il valait mieux être noir que blanc pour voir son vœu d'être embauché exhaussé. Et pourtant, globalement, on a bien seulement 270 Noirs sur 500 embauchés (54 %) contre 310 Blancs sur 500 (62 %).


La morale de cette histoire : l'interprétation de résultats statistiques est un exercice à haut risque. Ici, on a tout simplement nié dès l'énoncé que les individus puissent avoir des envies de travailler différentes ; grosso modo, on les a pris pour des pions interchangeables au service du patron ou de la société. Les plus sagaces auront d'ailleurs compris que la démonstration ci-dessus n'est pas forcément terminée et pourrait se poursuivre pour aboutir à une conclusion éventuellement différente en découpant le contrat A en contrats A1 et A2, le contrat B en contrats B1 et B2. Et ainsi de suite. Jusqu'à finalement n'arriver à considérer que les individus et les contrats un par un… et n'avoir somme toute plus de statistiques à se mettre sous la dent !

POSTED BY XXC AT 10:21 AM 4 COMMENTS

MERCREDI, AOÛT 24, 2005

Ratios raciaux (1)

Petit problème pour réviser les pourcentages alors que la rentrée des classes approche :


1000 personnes sont candidates aux postes offerts par la nouvelle entreprise qui s'est installée en ville. Parmi ces 1000 postulants, 500 sont des Blancs et 500 sont des Noirs. Globalement, aucun de ces deux groupes n'est plus brillant, expérimenté ou qualifié que l'autre : blancs ou noirs, tous se valent.


On constate que 54 % des candidats noirs sont embauchés et que 62 % des candidats blancs sont embauchés. Peut-on dire que l'entreprise a favorisé l'embauche de Blancs ?


La réponse demain…

POSTED BY XXC AT 7:56 PM 0 COMMENTS

DIMANCHE, AOÛT 07, 2005

Galimatias estival

L'été est souvent l'occasion pour les hommes politiques de se livrer à quelques galipettes simiesques, histoire de maintenir sous perfusion l'idée qu'ils servent et dirigent le pays (alors qu'ils le parasitent en vérité). Ainsi par exemple, le ministre de la santé, désespéré de ne voir poindre aucune canicule à l'horizon, s'est résolu à inventer un effrayant événement : il y aurait des morts dans les chambres mortuaires des hôpitaux. Fichtre, ça vous glace le sang de telles révélations. Sur le front économique, le gouvernement a agité les drapeaux tricolores destinés à chasser les mauvais esprits de la non-OPA de Pepsi sur Danone. Mince, ça dépote dans les ministères.


M. Copé, lui, ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'État, s'est fendu d'un plan pour la réforme de l'État. Il n'y a en réalité aucun plan de réforme bien sûr, simplement des mesures visant à rendre l'État plus efficace, ce qui revient à dire plus étendu, plus intrusif, plus inquiétant. Mais laissons s'exprimer M. Copé :


La réforme de l'État, tout le monde en parle. Un gros travail a déjà été fait, mais jusqu'à présent personne ne sait ce que c'est.


C'est difficile de brocarder quelqu'un qui se vanne tout seul comme un grand. Ça me désempare un tantinet cette honnêteté qui consiste à avouer en toute simplicité que le travail de réforme de l'État revient à brasser de l'air.


Avec Thierry Breton, nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure, de passer du prototype ponctuel à la production en série. Comme l'a dit le Premier ministre, nous sommes à l'an I de la réforme de l'État.


Si je comprends bien : sous Raffarin, un gros travail de brassage d'air a été mené et maintenant on passe à la vitesse supérieure. Voilà qui est ambitieux.


Bercy devra jouer le jeu de la performance, du meilleur service public au moindre prix. Et je vais rendre l'organisation plus efficace : trois délégations s'occupaient de la réforme de l'Etat ; j'ai décidé de les regrouper dans une seule administration, baptisée « Direction générale de la modernisation de l'État ».


Le meilleur service public, au moindre prix ? Il y aurait donc plusieurs services publics et on ne nous aurait rien dit ? À moins que M. Copé ne cherche à se faire croire qu'il est un chef d'entreprise en butte avec de redoutables concurrents ? À s'inventer des moulins à vents à abattre ? Quoiqu'il en soit, ce qu'il dit n'a aucun sens. De même que l'on peut s'interroger sur le sens qu'il y a à créer une nouvelle administration qui en chapeaute trois autres quand justement il s'agirait plutôt d'élaguer.


[…] l'usager doit être systématiquement au centre de l'administration. Le citoyen qui paie ses impôts, pour moi, est un client, et le client est roi.


Au centre de l'administration, l'usager y est déjà : il est cerné de toutes parts depuis des lustres. Quant à l'histoire du citoyen-client, c'est du pur boniment ou de la sottise. En effet, le premier droit d'un client est de refuser l'échange, de ne pas être contraint à payer s'il ne consomme pas. Le citoyen sera client le jour où il aura le droit de ne pas payer d'impôts et de mener sa vie en toute indépendance et responsabilité.


[…] je vais proposer au Premier ministre un audit portant chaque année sur 20% des missions de l'Etat, pour diagnostiquer comment il les remplit et faire des gains de performance.


Donc, pas de réforme ! En effet, le corpus des missions est intangible, c'est ce qu'il est clairement sous entendu. En fait de réforme, nous aurons des ajustements.


[…] je vais présenter un projet de loi « anti-lois » pour supprimer au moins 130 lois obsolètes ou inutiles. Deux exemples : l'ordonnance de 1723 sur les ouvrages royaux dans les rivières ; la loi de 1960 sur le service militaire des mineurs de fond.


Brillant. On va donc supprimer des lois que l'on pourrait tout aussi bien garder puisqu'elles sont sans objet et ne dérangent personne. De l'art d'enfiler des perles.


L'immobilier de l'Etat, pour moi, est le test de crédibilité de la modernisation de l'État. Le rapport du député Georges Tron a révélé trois faiblesses : il n'y a pas de pilote dans l'avion ; l'Etat n'a pas de bras armé pour gérer son patrimoine immobilier ; il n'y a pas de règle claire pour une bonne gestion, car chaque ministère agit en propriétaire des immeubles qu'il occupe.


J'aime bien ce que Copé appelle "faiblesses". Pas de pilote dans l'avion serait ainsi une faiblesse ! C'est incroyable cette décontraction et cette candeur avec lesquelles des hommes politiques peuvent vous expliquer que depuis des lustres ils faisaient absolument n'importe quoi avec notre fric. Y a vraiment rien qui les gênent.


Rien qu'à Bercy, nous ferons 100 millions d'euros d'économies en 2006 en centralisant nos achats.


Donc avant, ils gaspillaient 100 millions d'euros chaque année, nos 100 millions d'euros à nous ! Et « rien qu'à Bercy » précise-t-il fier de lui !


Je veux mettre Internet à tous les étages. C'est un outil extraordinaire pour moderniser la relation entre les Français et leur administration.


Ah. J'avais cru comprendre que des audits seraient menés avant de "réformer". En fait, il semble que les décisions soient déjà prises et que les audits viendront après. Euh… ils servent à quoi alors les audits ?


LUNDI, JUILLET 25, 2005

Une chimère sous perfusion

« On rigole plus ! », « La fin de la récré a sonné ! », « On va reprendre les choses en main ! », « Le laxisme, ça suffit ! ». Ils sont trop choux nos élus quand ils se la jouent pères Fouettard. Quand ils nous font croire (et se font croire) qu'ils vont redresser la barre et que ça va filer doux.


Toujours la même histoire : l'État a mis en place un merveilleux bidule pour aider, soutenir, compenser, réguler, protéger, etc. Dans les faits, le merveilleux bidule se révèle être finalement une usine à gaz coûteuse, non seulement inefficace mais perverse (faisant plus de mal que le mal qu'elle est censée résoudre). Suite à quoi, au lieu de jeter le bébé avec l'eau du bain, on garde le bébé mort, l'eau souillée et la baignoire percée. Puis on réformette, on cataplasme, on adjuve, on ravaude, on maquille, on perfuse et, bien sûr, on taxe. Et tous les cinq ans, on remet une couche de fond de teint sur les pommettes du cadavre en clamant que le cadavre vit encore, qu'il est un fabuleux acquis social, que ça vaut le coup de se serrer la ceinture pour un si pétulant bébé et que le monde entier est béat d'admiration.


Le cadavre en état de réanimation permanente dont on causait ces derniers jours, c'est celui de l'assurance chômage. Il y aurait semble-t-il des abus et nos ministres nous font le coup du froncement de sourcils. Car des petits malins se débrouilleraient pour percevoir indûment des allocations chômage. Évidemment, ces abus (réels) que ministres et médias serviles dénoncent sont d'une grande utilité : ils servent à détourner l'attention d'abus autrement plus choquants. Comme celui d'interdire à tout assuré de quitter un système qui abuse de lui (autrement dit contraindre l'assuré à se faire dépouiller), comme celui encore de subir des quatre volontés d'une coterie syndicale qui dirige l'assurance chômage mais ne représente guère plus personne sinon elle-même. Surtout, il s'agit de stigmatiser trois aigrefins et deux resquilleurs pour passer rapidement sur le principal : à savoir que l'assurance chômage est en grande partie plombée par le chômage de masse. Un chômage de masse qui est la conséquence directe de l'intervention des hommes de l'État dans les affaires des honnêtes gens et de l'indigence de la pensée et de l'action syndicales en France.


Aux abus on prétend répondre par des sanctions accrues, par l'obligation faite aux allocataires d'accepter tout poste qu'on leur propose. De plus en plus éloignée de ses principes fondateurs, notre assurance chômage ! Voilà que l'on passe de l'aide financière (simple contrepartie des cotisations, rappelons-le au passage) au travail forcé ; au lieu de libérer, l'assurance chômage asservit. Les abus, on le voit, ne sont pas directement combattus ; au lieu de s'en prendre à ceux qui volent, on inflige à tous, y compris aux gens honnêtes, des sanctions. Tous coupables !


Remarquons que l'on se dirige à grands pas vers un système qui impose à tout salarié du privé de cotiser tout au long de sa vie active et de ne jamais rien recevoir en échange. En effet, il est proposé au chômeur :

  • de retrouver un emploi qui correspond à ses attentes et donc de ne pas percevoir d'allocations,

  • ou bien, de se résigner à l'emploi non désiré qu'on lui impose et donc de ne toujours pas percevoir d'allocations,

  • ou enfin, de refuser les "propositions" qui lui sont faites mais alors de ne toucher que des allocations diminuées de sanctions, voire pas d'allocation du tout.

On en vient à se demander sous quelles conditions il sera demain encore possible de toucher des allocations pleines et entières.


L'assurance chômage, comme l'assurance maladie, comme la retraite par répartition, est devenue une simple pompe à fric. D'une part, il faut cotiser toujours davantage et ce n'est jamais négociable : « tu payes plus qu'hier et moins que demain, et tu te tais ». D'autre part, le versement des allocations est soumis à toujours plus de conditions, d'exceptions et de minorations : dès lors qu'il s'agit de payer les assurés en retour, tout devient négociable (unilatéralement bien sûr).


Une fois encore, l'objectif premier a été perdu de vue : il s'agit moins de répondre efficacement aux difficultés financières des chômeurs que de maintenir en vie, coûte que coûte, une chimère sociale.

POSTED BY XXC AT 4:47 PM 3 COMMENTS

JEUDI, JUILLET 21, 2005

L'apôtre et le sauvage

Quelques peuplades du désert culturel français font preuve d'une indécrottable et désolante imperméabilité à l'Éducation sociale. Certes, l'arriération recule peu à peu, comme à Paris où la plage s'enrichit cette année d'une forêt, d'une savane et d'un désert. (L'ancien Paris a été transféré à Bassas da India, Rocamadour est à Brest, la Terre Adélie à Orléans, Tahiti à Fontainebleau et Fontainebleau à Tahiti.) On peut d'ailleurs espérer que la France ne ressemble à plus rien de connu d'ici une vingtaine d'années, que les Français auront été libérés de toutes ces références spatiotemporelles à l'ordre ringard de jadis.


Seulement voilà, ça traîne plutôt des pieds dans les marches les plus reculées de l'espace détente et culture français. Prenons le cas de l'Ain où, comme nous le rapporte Le Monde, l'évangélisation des barbares se heurte aux mœurs stériles et aux atavismes débilitants :


Alliée passionnée de l'utopie faite musique, Françoise Cartade dirige, depuis 1996, Les Temps chauds, manifestation musicale itinérante semant les musiques du monde à travers les communes de l'Ain, un festival fragile.


Une prose lyrique et rampante pour comprendre que Françoise, qui se décrit comme "fabricante de curiosités" sur le site web des Temps Chauds, n'organise pas bêtement de petits concerts. Rien à voir. Et prière de se prosterner face à Françoise, de se pâmer. D'autant plus que Françoise est utopiste, c'est-à-dire qu'elle s'est faite une idée bien à elle de la manière la plus excellente de vivre, et souhaite charitablement imposer cette excellente manière de vivre aux gens de l'Ain. C'est à ça que l'on reconnaît la générosité.


Amener les musiques du monde dans les villages de l'Ain, est-ce un acte militant ?

C'est d'abord un acte de foi, un travail de pionnier. Il faut défricher, parcourir des zones peu fréquentées. C'est aussi un acte militant, car on se heurte à des obstacles, des incompréhensions. Cette année, nous nous retrouvons dans un contexte particulièrement difficile. Les négociations avec nos partenaires issus des collectivités territoriales sont compliquées.


L'Ain, c'est l'Aventure avec un grand A. Des journées de marche dans la jungle hostile, des tribus de sauvages qui ne comprennent pas que Françoise leur amène les bienfaits de la modernité (mais qu'ils sont bêtes alors dans l'Ain !), des tractations difficiles avec les chefs de village. Stanley et Livingstone, c'était de la gnognote à côté. Sacrée baroudeuse de Françoise quand même ! Quelle civilisatrice ! Il y a cent ans, elle aurait fait une carrière fabuleuse en Afrique !


La convention signée avec la Région et les structures intercommunales qui nous finançaient via une mutualisation des moyens est arrivée à son terme le 31 décembre 2004. Nous nous trouvons dans une phase transitoire avant l'avènement, nous l'espérons, d'une nouvelle convention à l'horizon 2006.

Pour l'instant, nous sommes loin de pouvoir boucler notre budget. Depuis de longs mois nous tentons de recouvrer des financements à la hauteur de ce qu'ils étaient les années précédentes. Mais nos partenaires se renvoient le problème comme une patate chaude. Notre situation est donc extrêmement périlleuse sur le plan économique. Pourtant, au-delà du festival, nous menons un travail de fond tout au long de l'année, notamment avec le projet "Au fil de l'air", créations et chansons du monde à l'école — une sensibilisation aux musiques du monde menée en milieu scolaire, puis enregistrement d'albums par les enfants, avec des artistes programmés lors des éditions précédentes du festival.


C'est incompréhensible ! Françoise offre le bonheur sur un plateau et les indigènes rechignent à payer ! Des cons ou des salauds ? Mais pourquoi donc refuser le Bien, pourquoi donc se crisper avec mesquinerie sur ses misérables économies ? Mais que pourraient-ils donc se payer de mieux que les "Temps chauds" ? Des financements avaient été obtenus par le passé et voilà qu'on tergiverse à présent. Mais pourquoi lui font-ils ça, à Françoise ? Pourquoi donc les budgets ne sont-ils pas reconduits tacitement ad vitam aeternam ? C'est injuste !


Comment expliquez-vous la frilosité de vos partenaires ?

Le secteur musical sur lequel nous travaillons est un sujet à polémique. Les musiques du monde, l'irrigation d'un territoire avec elles, l'accueil d'artistes étrangers ne font pas l'objet d'un consensus ici. Cette année, certains élus de Bourg-en-Bresse ont tenté d'interrompre les ateliers "Au fil de l'air" et les rencontres avec les artistes dans les écoles. Ils ont voulu empêcher le concert final — le 24 juin. Il est déplacé de faire chanter les enfants en langue étrangère, il faut chanter français : cela nous a été clairement dit. Ces positions sont minoritaires (peu d'élus sont dans ce schéma-là) mais elles s'affirment désormais sans honte.


Je n'ai pas la délicatesse de Françoise et je le dis sans détour : quelqu'un qui n'aime pas les musiques du monde, qui ne veut pas se laisser irriguer par elles, qui souhaite que ses enfants apprennent à chanter dans une langue qu'ils comprennent, eh bien c'est un raciste éhonté. Celui qui n'apprécie pas le travail de Françoise n'est rien moins que fasciste. Et il ne faut pas hésiter à dénoncer comme antisociaux ceux qui ne sont pas comme vous. Si on ne veut pas que le corps social se dégrade, on est bien obligé de se montrer ferme avec ceux qui se permettent d'avoir des opinions et de vivre comme bon leur semble.


Les Temps chauds sont-ils en concurrence avec d'autres manifestations ?

Il y a une multiplicité de fêtes locales, repliées sur elles-mêmes, qui revendiquent elles aussi l'appellation de "festivals". Cette confusion n'est pas pour nous aider. Car nous nous retrouvons en concurrence avec elles, face aux élus, pour négocier des subventions. Et Les "Temps chauds" sont alors perçus comme une manifestation trop onéreuse.


Ah pitié ! Non contents d'être racistes, les gens de l'Ain ont des prétentions culturelles ! Mais ils se prennent pour qui, ces bouseux méprisables ? De quel droit se permettent-ils de faire de l'ombre à Françoise et aux artistes du monde ?


Ces attitudes préfigurent-elles la mort des Temps chauds ?

Les témoignages positifs recueillis à l'extérieur du département nous rassurent. Certains politiques ne comprennent pas qu'ils ont à leur disposition un superbe outil, le festival, et surtout le prolongement de notre activité estivale tout au long de l'année.

En revanche, nous avons constaté un phénomène intéressant, notamment dans les écoles avec lesquelles nous travaillons. Face aux blocages que nous subissons, une belle résistance s'organise, à travers des enseignants et des musiciens intervenants qui montent au créneau.


Ah ! Des témoignages positifs tout de même ! Le fait qu'ils viennent de gens extérieurs au département et qui n'ont rien à débourser pour les "Temps chauds" est rassurant, comme le dit Françoise. D'abord ce sont des gens qui n'ont pas la comprenette grevée par les tares génétiques locales, ensuite ce sont des gens à l'esprit libéré de contingences financières, donc plus à même de juger sereinement.


Rassurant aussi, les musiciens étrangers qui obtiennent visas et argent des "Temps chauds" sont pour les "Temps chauds". Intéressant comme phénomène, non ?

POSTED BY XXC AT 9:00 AM 6 COMMENTS

DIMANCHE, JUILLET 17, 2005

Autour du vide

On s'organise de mieux en mieux en France autour du vide. Ça bouge, on s'agite autour du rien. On consacre des sommes énormes à fêter "Paris 2012" au pied de l'Arc de Triomphe quand on est en juin 2005, que le "Paris 2012" est si incertain qu'il n'aura d'ailleurs jamais lieu. Fête du néant, fête de la réalité fantasmatique décrétée par le parti. Une immense envie de rien, de négation de ce qui est. Une si grande appétence pour le néant que Delanoë promet d'effectuer les travaux prévus pour "Paris 2012" quand bien même "Paris 2012" est une chimère avérée. Contre les faits, serrons-nous les coudes.


Les faits sont méchants et dérangeants, ils partent dans tous les sens, ils n'ont aucun respect pour le corps social. Aussi, le corps social doit construire sa propre vérité, une vérité collective, il doit construire ses désirs et ses peurs. Par exemple, nous devons tous avoir peur du soleil l'été. Ensemble. C'est notre nouvelle communion estivale autour du rien, notre nouvelle danse de la pluie, le soleil est une question sociale. C'est ridicule, c'est loufoque ? Seulement pour quelques déviants ; ils devraient d'ailleurs se détendre un peu et se laisser porter par le courant. Ils verraient que ce n'est pas si difficile de danser et de chanter tous ensemble autour du rien.


Danser et chanter justement. Avec Léon Bertrand, notre ministre du tourisme (un joli ministère du vide soit dit en passant). Avec Léon, chante comme un con ; avec Bertrand, danse le néant. Car les gens de l'État font aussi dans la chansonnette maintenant, la fuite éperdue vers le grand nulle part n'a pas de limites. Et voilà donc le tube de l'été, du latino-rap d'Utilité publique patronné par le gouvernement et concocté par l'association "Sécurité solaire", une de ces innombrables légions de l'enfer d'État :


Oh la hombre reste à l'ombre et…

Mets ton sombrero quand le soleil est haut oh oh

Oh la hombre viens à l'ombre et…

Protège-toi du soleil c'est un bon conseil


Quand les touristes arrivent ils sont blancs comme des endives

Ils se mettent en plein soleil et deviennent rouges comme des groseilles

Reste à l'ombre amigo c'est la chanson de l'été

Et mets de la crème solaire, ça c'est le tube de l'été

Quand tu vas à la plage, ne fais pas le mariol

Et choisis bien tes amis parmi les parasols

Prends ta crème, ta casquette, ton t-shirt et tes lunettes

Pour éviter la cuisson, c'est la seule bonne recette


Oh la hombre reste à l'ombre et…

Mets ton sombrero quand le soleil est haut oh oh

Oh la hombre viens à l'ombre et…

Protège-toi du soleil c'est un bon conseil


Le soleil c'est la galère… quand on s'expose de trop

C'est très mauvais pour tes yeux et encore pire pour ta peau

Sans lunettes t'y verras pas net, et fais gaffe à tes rétines

Sans chapeau t'auras mal à la tête. Dis-le aussi à ta copine

C'est à la mi-journée, quand ton ombre est la plus courte

Qu'il ne faut pas se retrouver en plein soleil sur la route

Protège-toi le matin et aussi l'après-midi

Sans oublier qu'à midi, le soleil c'est interdit


Oh la hombre reste à l'ombre et…

Mets ton sombrero quand le soleil est haut oh oh

Oh la hombre viens à l'ombre et…

Protège-toi du soleil c'est un bon conseil


Sous l'soleil exactement, à condition d'mettre un chapeau

Avec le soleil pour témoin, il faut protéger ta peau

Pour passer de bonnes vacances sans soucis ni pépins

Entre avec nous dans la danse et chante ce refrain


Oh la hombre reste à l'ombre et…

Mets ton sombrero quand le soleil est haut oh oh

Oh la hombre viens à l'ombre et…

Protège-toi du soleil c'est un bon conseil


Oh la hombre reste à l'ombre et…

Avec ta peau de gringo tu vas avoir chaud oh oh

Oh la hombre reste à l'ombre et…

Sors de ta valise tes lunettes et ta chemise oh oh

POSTED BY XXC AT 10:41 AM 5 COMMENTS

LUNDI, JUILLET 04, 2005

La loi de la jungle

Loin de nous protéger de la loi du plus fort, la gent maffieuse d'État se range le plus souvent du côté du fort pour opprimer le faible. Comme gestionnaires des intérêts particuliers, les hommes de l'État favorisent ses meilleurs clients, ceux qui passeront au JT, y seront flattés, ceux qui sont suffisamment nombreux et puissants pour imposer leur loi.


Par exemple, nous avons des gens qui souhaitent se livrer à un délire tapageur nocturne ("Tecknival 2005") à condition que ce ne soit pas chez eux. Ça évite d'avoir à payer pour un terrain, d'être assujettis aux impôts locaux. Et puis c'est quand même bien plus agréable de faire du boucan chez les autres plutôt que chez soi, de saloper la propriété d'autrui et de garder la sienne calme et proprette. Les délires c'est surtout cool ailleurs, quand ils n'interdisent pas de renoncer à son confort petit bourgeois. « Une rave à la maison ? Vous n'y pensez pas ! Ce n'est pas possible, mon jardin est en fleurs et les peintures sont neuves ! Et puis je tiens à garder de bonnes relations avec mes voisins. »


Qu'à cela ne tienne, il suffit de s'adresser à l'État. Le rôle de l'État n'est-il pas de mettre à disposition des plus forts sa force de coercition ? D'un côté, des dizaines de milliers de "raveurs" épaulés par les caméras de la télé et les rubriques "culture" de Libération et du Monde ; de l'autre côté, une poignée de paysans. Le choix est vite fait : la raison du plus fort est toujours la meilleure.


Les paysans sont temporairement expropriés, sont contraints à nettoyer le terrain (60 ha) de ses cultures et à abandonner lesdites cultures sur place. Les bulldozers de l'État (le même État qui nous vante son soucis de préserver l'environnement) saccagent le terrain à coup de tranchées et rasent les talus.


Tandis que s'amusent aux frais de la princesse les "raveurs" sur leurs terrains (accessoirement une jeune fille est assassinée), les paysans ont tout loisir de préparer des commandes de fourrage pour l'hiver (les champs fourragers servant de parking et de piste de danse). Tout loisir aussi de monter des dossiers administratifs pour espérer obtenir quelque dédommagement de la Préfecture (évidemment, comme toute expropriation, le montant de l'indemnité ressort du bon vouloir de l'expropriateur). Tout loisir enfin de gamberger sur le rôle des impôts qu'ils payent. Des impôts pour payer des centaines de gendarmes, ces gendarmes dont la tâche officielle est de défendre la propriété des citoyens et qui étaient ici au service des "raveurs". Des impôts pour payer des bulldozers, ces bulldozers qui ont défoncé leurs terrains. Bref, des expropriateurs (un euphémisme pour "voleurs" ?) payés par les expropriés pour se faire exproprier.


Imaginons un monde civilisé où ceux qui veulent disposer d'un terrain le louent tout simplement à son propriétaire, où ceux qui veulent faire du bruit s'arrangent à l'amiable avec le voisinage, où ceux qui ont besoin d'un service d'ordre se payent un service d'ordre. Trente mille participants qui paieraient chacun 30 euros pour ces frais, cela nous donnerait 900000 euros, de quoi satisfaire tout le monde il me semble. Avec de telles sommes, il est même possible que les gens rivaliseraient de gentillesse pour accueillir le Tecknival.


À croire que nous ne sommes pas dans un monde civilisé, que la force brute est un bon moyen pour se faire payer ses week-ends par autrui. Et l'État est le garant de cette loi de la jungle.


P.-S. : d'après un article du Paysan breton, via le forum des PF.


JEUDI, JUIN 30, 2005

La geste du mépris souverain

« Le feu ça brûle et l’eau ça mouille… » écrivait il y a quelques jours l'ami Harald.


« La pouponnière est-elle l’avenir de l’homme ? Serons-nous tous demain des polissons choyés et couvés ? Est-il si loin ce moment terrible où nous serons tous en voyage organisé chez nous ? L’immixtion bienveillante et protectrice de l’État dans les replis les plus intimes de nos vies a déjà perdu son caractère inquisiteur et agressif : nos compatriotes trouvent cela normal. Ils trouvent cela même bien et en redemandent. C’est en vivant hors de France et en n’y retournant que rarement pour des vacances que l’on se rend compte avec une acuité effrayée de l’étendue des dégâts. » écrivais-je il y a un an dans Congoneries (ne cherchez pas, ce blog n'existe plus).


La litanie des recommandations nunuches et des prescriptions infantilisantes ne tarit pas. L'État, les collectivités publiques et les télés se vautrent dans une surenchère humiliante de paternalisme gentil : lavez-vous les mains, buvez quand il fait chaud, nettoyez votre frigo, etc.


À croire que la social-démocratie aboutie, c'est la profonde débilité des individus. Cette disposition à tenir pour inférieur l'homme de la rue, ce mépris spontané du vulgum pecus sont d'ailleurs des traits communs à tous les étatistes : le populo est un con, il est incapable de se débrouiller tout seul, il faut l'aider, le guider, l'accompagner, l'éduquer, le materner. Et plus il est pauvre, plus il est con. Ce non-dit est un des fondements de la pensée étatiste : les gens éclairés de l'État se doivent de suppléer le cerveau déficient du beauf de Cabu, de lessiver ce cerveau minable et d'y graver le logiciel alter-comprenant du bon citoyen.


Bien placé dans cette tentaculaire opération de crétinisation condescendante et de dénigrement nauséabond : Gaz de France. En plus de 150 tableaux, cette entreprise brosse quotidiennement la geste avilissante du citoyen lambda : "Gestes d'intérieurs". Plus de 150 spots de propagande télévisuelle dans lesquels la famille française ordinaire est ridiculisée à outrance pour sa bêtise crasse. Le tout réalisé avec de l'argent public par une succursale d'État dont la raison d'être est de nous fournir du gaz.


Récupérée sur le site web de "Gestes d'intérieur", la pathétique liste des niaiseries abrutissantes :


  1. A quoi servent les grilles d'aération ?

  2. Aérer en fonction de la saison

  3. Apprendre à l'enfant à descendre un escalier

  4. Attention à l'eau chaude

  5. Attention à la piscine pour les tout petits

  6. Attention aux pesticides

  7. Attention aux sacs plastiques

  8. Bien dépoussiérer

  9. Bien faire son lit

  10. Bien laver le sol

  11. Bien nettoyer le plan de travail de la cuisine

  12. Bien ranger le réfrigérateur

  13. Bien se laver les mains

  14. Bien utiliser l'eau de javel

  15. Bien utiliser l'ordinateur

  16. Bien utiliser la poubelle

  17. Billes et cacahuètes : danger pour les bébés

  18. Bricolage : Quelques précautions

  19. Chaîne du froid, chaîne fragile

  20. Changer une ampoule

  21. Chauffer au micro-ondes

  22. Chlore et amoniaque : un mélange à éviter

  23. Choisir son matelas

  24. Cinq fruits ou légumes par jour

  25. Comment bien placer son lit

  26. Comment bien soulever des poids ?

  27. Comment circule l'air ?

  28. Comment conserver les fleurs ?

  29. Connaître sa ventilation

  30. Couette ou couverture ?

  31. De l'importance d'aérer

  32. Des ampoules économiques

  33. Des baguettes pour accrocher les tableaux

  34. Des économies d'électricité

  35. Des masques et de l'eau

  36. Des sièges de hauteur différentes

  37. Des souris et des hommes

  38. Détartrer les joints

  39. Du bon usage de la carafe d'eau

  40. Economies d'énergie

  41. Economiser l'eau : l'affaire de tous !

  42. En cas d'orage : sécurité en camping

  43. En cas de départ de feu

  44. Exploiter toutes les possibilités de la machine à laver

  45. Faire entretenir les appareils de chauffage

  46. Faire son compost

  47. Garage : attention danger !

  48. Gare aux coups de soleil !

  49. Heure d'été : heures dangereuses

  50. Heure d'été et sommeil des enfants

  51. Hiver comme été, pensez à l'hydratation !

  52. Hygiène : douche ou bain ?

  53. Jardinage : attention au tétanos !

  54. L’apprentissage de la petite cuillère

  55. L'armoire à pharmacie

  56. L'autonomie du bébé

  57. L'eau minérale à la maison

  58. L'entretien de la voiture

  59. L'entretien des brûleurs de la cuisinière

  60. L’entretien du matelas

  61. La chaise haute du bébé

  62. La composition de la poussière

  63. La conduite écolo

  64. La contamination des bébés par la petite cuillère

  65. La gastro-entérite : une contamination évitable

  66. La gestion du papier

  67. La hotte de cuisine

  68. La préparation à la randonnée pédestre

  69. La production d'humidité

  70. La rampe d'escalier

  71. La surcharge des prises électriques

  72. La télévision, un instrument fragile

  73. La température idéale du bain de bébé

  74. La vaisselle, c'est bon pour le cœur

  75. La véranda

  76. Lave-linge et environnement

  77. Lave-vaisselle

  78. Laver le réfrigérateur

  79. Le bon usage de l'escabeau

  80. Le bon usage des serviettes de toilette

  81. Le bouchon de champagne

  82. Le cartable écolo

  83. Le chat : facteur d'allergies

  84. Le co-voiturage

  85. Le compagnonnage des plantes

  86. Le danger de certaines plantes

  87. Le doudou du bébé

  88. Le feu de cheminée : pas n'importe quand !

  89. Le lit de bébé

  90. Le placard idéal

  91. Le soleil et la lune, grands décapeurs

  92. Le tartre

  93. Le temps de réflexe des bébés

  94. Le tri des déchets

  95. Le tuyau de raccordement de la cuisinière

  96. Les 3 R : Réduire, Réutiliser, Recycler

  97. Les aliments n'ont pas tous le même goût

  98. Les chaussures de randonnée

  99. Les comportements aggravants

  100. Les conditions pour bien dormir

  101. Les couleurs comptent dans la maison

  102. Les enfants et la randonnée

  103. Les moisissures

  104. Les pesticides naturels

  105. Les pieds surélevés

  106. Les piles

  107. Les plantes d'intérieur

  108. Les produits ménagers écolos

  109. Les réflexes avec la table à langer

  110. Les réflexes en cas d'incendie

  111. Les tâches

  112. Lutter contre les bruits

  113. Ne pas laisser tourner le moteur à l'arrêt

  114. Ne pas parler bébé

  115. Nettoyage de printemps

  116. Nettoyer les chaussures

  117. Où placer le four à micro-ondes

  118. Où ranger les produits d'entretien ?

  119. Parfums d'ambiance

  120. Pas d'huile dans la nature

  121. Pas de plantes vertes dans la chambre

  122. Pas trop chauds, le lait et les petits pots de bébé !

  123. Penser à l'aération

  124. Petits trucs pour lutter contre les poux

  125. Peut-il y avoir du plomb chez moi ?

  126. Pieds nus dans la maison

  127. Potages et café chauds bouillants !

  128. Pour éviter les piqûres d'insectes

  129. Pour les pompiers : le 112

  130. Pour supporter la promiscuité

  131. Pour un degré de plus

  132. Pour une bonne organisation scolaire !

  133. Pourquoi les ados ont besoin de leurs amis ?

  134. Précautions avec les insecticides

  135. Précautions avec les vide-ordures

  136. Précautions contre la légionellose

  137. Précautions pour le bain du bébé

  138. Précautions pour les personnes âgées

  139. Premiers gestes en cas de brûlure

  140. Préparer la chambre du nouveau-né

  141. Préserver la nature

  142. Prudence avec le barbecue

  143. Que faire en cas d'orage ?

  144. Que faire face à un feu d'huile ?

  145. Quelques idées pour un bon repas

  146. Quelques réflexes avec les plantes sur le balcon

  147. S'entretenir en marchant

  148. Savon : solide ou liquide ?

  149. Se déchausser avant d'entrer

  150. Sécher ou laisser sécher la vaisselle ?

  151. Sécurité : comment parler aux bébés

  152. Serrures et salles de bain

  153. Soignez votre panier de linge sale

  154. Souffler les bougies du gâteau d'anniversaire

  155. Trois torchons dans la cuisine

  156. Trop d'emballages

  157. Un bureau bien éclairé

  158. Un peu de relaxation

  159. Une sieste en 10 minutes

  160. Vive l'ennui des enfants !

  161. Vive les transports en commun

  162. Y a-t-il un ordre pour faire les courses ?

POSTED BY XXC AT 6:09 PM 6 COMMENTS

LUNDI, JUIN 27, 2005

La conscience du corail

J'aime bien nager très loin dans l'océan, jusqu'à cette limite où, tournant la tête vers le rivage, je me dis : « Oh là là ! C'est pas gagné pour rentrer à bon port ! ». J'en étais là l'autre jour, m'apprêtant à faire demi-tour vers la plage, quand une belle vague se mit à déferler dans ma direction. « Merde, merde, merde ! Une déferlante si loin du rivage, c'est que je suis sur un récif de coraux. Je vais être déchiré ! ». Vite, je cherche les coraux des pieds, les trouve, les piétine (aïe !), me redresse (oh que c'est douloureux !), et je suis debout (affreux !), l'eau aux mollets, j'ai l'impression de marcher sur un Atlantique écorcheur. Et je la vois lentement me tomber dessus, la vague me fauche, me prend, et j'essaie de surfer dessus, et je n'y arrive pas, et ça bouillonne tant et plus, glou glou, ouf ouf, et mon corps entre en contact avec les coraux. Ça racle bien comme il faut tout du long, et je me rappelle que j'ai d'abord peur pour mon sexe et que je n'ai pas mal. C'est après que j'ai mal, sur le chemin du retour. (Mon sexe a été épargné.) J'ai encore plus mal une fois parvenu sur le sable, quand les gamins du village me montrent du doigt en se moquant (« les Blancs, ils sont fous, les Blancs ! ») et que de fins filets de sang mêlés d'eau salée me font une élégante peinture corporelle.


Plus tard, devant un verre de vin réparateur, je pense aux coraux et je demande qu'est-ce que la vie d'un corail dès lors qu'il fait autre chose que d'amocher de pacifiques baigneurs. Quand je dis un corail, je pense à un animal du récif en particulier. Est-ce qu'un corail se croit unique, est-ce qu'il se pense hors de ses congénères, est-ce qu'il croit être quelqu'un ?


Et moi. Est-ce que je ne suis qu'un corail de la société-gorgone des hommes ? Quand je crois être moi, est-ce que je ne suis en réalité qu'un élément superflu du récif ?


J'aime croire que non. Mouais. C'est fou ce qu'une vague à la con peut me faire douter.

POSTED BY XXC AT 12:50 PM 7 COMMENTS

VENDREDI, JUIN 24, 2005

Le paramètre humain

L'humanisme semble avoir définitivement déserté les cervelles de nos élites. L'être humain n'existe plus guère qu'à l'état de paramètre. Et encore, on peut en douter. Par exemple, quand Mme Aubry a décidé que nous devions travailler 35 heures par semaine, elle a tout simplement ignoré les choix de vie de chacun. S'est-elle un seul instant demandé si Sophie voulait travailler 50 heures ou si Patrick penchait plutôt pour 30 heures ? Sans doute pas. Ou bien elle a décidé que ce n'était pas si important, que l'important c'est la société et non les hommes.


Aujourd'hui, c'est M. Breton, celui qui a le même coiffeur que Borloo, qui nous refait le coup du paramètre humain négligeable. Nouvelle religion : il faut travailler plus. On sent bien que Thierry Breton s'est penché sur des tableaux de chiffres, a passé en revue tous les agrégats et tous les indices et (mince !) a oublié les hommes.


Déjà, si mon père et ma mère me disaient « tu dois travailler plus », je les enverrais respectueusement balader. Alors, un ministre, imaginez. D'une manière générale, pour quoi, pour qui faudrait-il travailler plus ou travailler moins ? Chacun travaille pour lui me semble-t-il, en fonction de ses envies, de ses choix et des possibilités qui s'offrent à lui.


Eh bien non ! Selon M. Breton, il faut travailler plus pour augmenter la croissance ! Incroyable délire technocratique d'un gourou qui préconise à ses ouailles de travailler pour un taux. Je ne sais pas qui il compte recruter comme timbrés avec un tel programme, à croire qu'il s'adresse aux pensionnaires d'un asile d'aliénés. Imaginez un instant que votre voisin vienne frapper à votre porte pour vous expliquer que vous devriez travailler plus pour augmenter la croissance nationale. Vous en penseriez quoi de votre voisin ? Un peu givré hein ? Ben, Breton il fait pareil, sans compter qu'il frappe à des millions de portes et qu'il a les moyens d'imposer ses lubies.


Mais ce n'est pas tout, M. Breton a en bandoulière toute une ribambelle de projets indifférents aux hommes auxquels ils s'adressent :


— l'immigration choisie. C'est-à-dire que le mage Breton a lu dans le marc de café qu'il nous fallait tant d'ingénieurs et tant de médecins pour les trente prochaines années et qu'il planifie les entrées d'étrangers, chaque catégorie professionnelle devant être correctement approvisionnée en travailleurs (il remplit des pots de confiture ou quoi ?). Au passage, les entrants viendront sans doute d'Afrique (vous imaginez un ingénieur sud-coréen ou américain venir s'enterrer en France… déjà que nos ingénieurs à nous se tirent à l'étranger) et l'Africain lambda sera super content : la France lui enlève les meilleurs de ses compatriotes tandis qu'elle efface les dettes des pires d'entre eux. Sympa. Le message a l'avantage d'être clair : vous n'existez pas.


— l'amélioration du taux d'activité des femmes et des seniors. Décidément, un maniaque des taux. Et les femmes elles-mêmes ? Et les vieux eux-mêmes ? Individuellement, qu'est-ce qu'ils en pensent ? Bof, ce sont les taux qui comptent, non ?


— garantir la sécurité du consommateur. Mouais. Un jour, le consommateur français sera si bien défendu que plus personne ne sera disposé à lui vendre quoi que ce soit. Trop risqué. Ou bien la protection sera si onéreuse que le kilogramme de patates sera inaccessible. (À propos, lire l'excellent post de Vincent où il nous entretient notamment des locataires si bien protégés qu'ils n'ont plus les moyens de louer un appartement.)


— les PME. Breton veut aider les PME. Un peu abstrait pour moi : aider des gens, je comprends ; aider des entreprises, c'est-à-dire des contrats, c'est moins limpide. Mais bref, je n'ai pas la prétention d'être savant dans ce domaine. Par contre, ce que je crois savoir, c'est ceux qui bossent dans les entreprises ont besoin de liberté et d'un avenir à peu près lisible. Breton n'en a cure, il pose de nouveaux gadgets sur une table déjà passablement encombrée de réglementations étouffantes et de dispositifs complexes. De nouvelles aides sous condition ou circonvolutions fiscales qui encourageront les entrepreneurs à compulser de nouveaux textes abscons, à monter des dossiers administratifs et à soigner leurs relations, tout cela au lieu de bosser, tout cela pour que dans deux ou trois ans de nouveaux bidules ministériels remplacent les anciens. Au chef d'entreprise qui attend qu'on lui dise « on vous laisse bosser, on vous fiche la paix, on ne vous donnera rien et on ne vous piquera (presque) rien », Breton reste sourd, il pousse fébrilement les leviers du meccano national, il joue au train électrique et manie les aiguillages avec maestria, sans se douter qu'il y a peut-être quelqu'un dans les wagons.

POSTED BY XXC AT 11:36 AM 3 COMMENTS

VENDREDI, JUIN 17, 2005

Comment exploiter les pauvres ?

Exploiter les pauvres, c'est excellent. Ils sont si nombreux que ça en vaut réellement la peine : ne dit-on pas que les petits cours d'eau font les grandes rivières ? Et puis le gros avantage qu'il y a à exploiter les pauvres c'est qu'ils sont beaucoup moins retors que les riches (les riches ont des relations haut placées, ils sont chafouins comme pas deux et vous voient venir de loin). Non vraiment, vivre aux crochets des pauvres, c'est l'idéal.


Hélas, le servage, c'est passé de mode, ça garde un petit côté ringard et infamant. Il faut trouver des méthodes plus subtiles, au merchandising plus avenant. Quelques pistes pour parvenir à ses fins :


Une retraite par répartition. Excellent alibi : nous sommes tous solidaires les uns des autres face aux vieux jours, et patati, et patata. L'astuce n°1 : l'ingénieur commence à cotiser à 25 ans et l'ouvrier à 18 ans. L'ingénieur partira-t-il en retraite sept ans après l'ouvrier ? Non bien sûr. L'astuce n°2 : l'ingénieur a une espérance de vie bien supérieure à celle de l'ouvrier (grosso modo cinq ans). En résumé, outre qu'il a l'avantage de vivre plus vieux, l'ingénieur cotise moins longtemps et ramasse le plus gros de la mise. Et tout ça au nom de la solidarité nationale. C'est du pain bénit, ce serait trop bête de s'en priver.


Une assurance maladie obligatoire. Alibi en béton : nous sommes tous égaux devant la maladie, y a pas de riche ou de pauvre qui tienne, la santé c'est sacré, blablabla et blablabla. L'astuce : l'assurance maladie ne prend en charge que partiellement les frais de santé si bien que les pauvres ne disposant pas d'une mutuelle complémentaire hésitent avant de frapper à la porte d'un médecin. Les riches, eux, n'y vont pas par quatre chemins : un petit rhume et on met la solidarité nationale à contribution. Au final, les pauvres cotisent proportionnellement autant que les riches et prennent la sympathique habitude de soigner leurs angines avec une décoction maison. Ils préfèrent une bouche pleine de chicots à n'importe quel bridge : pas les moyens de régler le supplément que l'assurance maladie ne paye pas. Très bien, c'est toujours ça de pris.


Une éducation nationale. Un alibi melliflu à souhait, dégoulinant de guimauve : tout enfant, quel que soit son milieu social, a droit à la même éducation que n'importe quel autre enfant, l'égalité des chances et tout et tout. Tout le monde paye pour une école gratuite (oui bon, je sais, ça fait un peu drôle de payer pour un truc gratuit, mais plus c'est gros, mieux ça passe). L'astuce : une école qui reproduit impeccablement les classes sociales, où les gamins de pauvres sortent avec un BEP de charcutier-zingueur et les gamins de riches avec un BAC+5. Double avantage : vous vous faites payer une partie de l'instruction de vos mômes par les pauvres et vous vous assurez une descendance de premier choix. Cool, non ?


Bon, il y a sans doute des tas d'autres bonnes arnaques pour rouler les gueux dans la farine et les tondre copieusement. Le problème, c'est de mettre tout ça en pratique : d'un point de vue moral, c'est tout de même un peu dérangeant, je ne vois pas qui pourrait oser.

POSTED BY XXC AT 9:42 AM 15 COMMENTS

MERCREDI, JUIN 15, 2005

Les rassasiés de l'art contemporain

Des faits :

  • Biennale de Venise : sur quatre-vingt-onze artistes, un seul est français.

  • MoMA (New York) : un seul artiste français vivant exposé.

  • Tate Modern (Londres) : un seul artiste français à l'exposition sur l'art conceptuel.


Des réflexions :

  • « En France, je n'ai pas trouvé d'artistes qui m'ont intéressée », explique Marie de Corral, commissaire de la Biennale de Venise.

  • « Nous n'avons pas trouvé de Français intéressants ces dernières années », déclare le galeriste Marc Payot (Hauser & Wirth, Zurich).

  • « Il y a une tendance, en France, à se refermer sur soi », dit Eleonora Holthoff (de la galerie Arndt & Partner, Berlin).

  • « En France, tout le monde est assisté. Les artistes n'ont pas besoin d'aller ou de vendre à l'étranger. » dit le galeriste et collectionneur Pierre Huber (Art & Public, Genève).

  • Ruggiero Penone, conservateur adjoint au Castello di Rivoli, musée d'art contemporain de Turin, explique qu'en France certaines œuvres passent de l'atelier au musée sans être confrontées au marché. « Ce système n'est pas bien perçu à l'étranger. Surtout aux Etats-Unis, où rien de tel n'existe et où l'on a pu considérer les Français comme des artistes d'État. »

  • Klaus Biesenbach, conservateur au MoMA et au centre d'art contemporain PS1, jugent les artistes français trop peu créatifs, estime que Paris a perdu sa place sur le plan de l'innovation.


Des solutions bien de chez nous :

  • L'AFAA (Association française d'action artistique) vient de créer un comité export pour les arts visuels afin d' « analyser la présence des artistes français à l'étranger ».

  • Le ministre de la culture et de la communication réaffirme la volonté de l'État « d'épauler encore plus les artistes français et le rayonnement de leur talent ».



Autisme et protectionnisme sont décidément les mamelles de la France. Le constat est pourtant évident : les artistes français n'ont pas faim, ils vivent de commandes et d'achats publics. Pour manger, ils s'adressent à des administrations, ils doivent plaire à des fonctionnaires, à des adjoints au maire, à des directeurs de DRAC, à des secrétaires d'État, bref à un monde fondamentalement étranger à la création artistique. Ils sont enfermés dans un marché d'État où la qualité et l'originalité de l'œuvre sont secondaires, où l'entregent et les petits arrangements entre amis font la pluie et le beau temps.


Loin d'échapper à un système où l'argent est la règle (car, dans la culture subventionnée, l'argent est l'unique étalon), le système français s'appuie sur une rapine éhontée et cynique.


Je me souviens d'ailleurs très bien des mots que Daniel Buren m'adressa lors d'un repas : « Mais le public, le contribuable, je l'emmerde ! S'il n'aime pas mon travail, je m'en fous complètement, ce n'est pas mon problème. ». Constatant que ma mâchoire inférieure avait soudainement chu sur la table et que l'ahurissement m'avait ôté toute capacité à émettre le moindre son, notre star nationale ès rayures avait enfoncé le clou : « J'en ai rien à cirer ! ».


Il faut le dire mille fois : l'argent public est un poison pour la création artistique, la préférence nationale (ou exception culturelle si vous préférez) est mortifère, il n'en sort trop souvent qu'un art administratif, un art d'État, soit tout ce que l'Art n'est pas.


Post scriptum : pour la bonne bouche, relativement à cette soirée avec l'ami Buren (repas en petit comité dans la brousse guyanaise), le brave homme s'est évertué, d'un ton furibard, à nier les crimes du communisme et à m'expliquer que, comme libéral, j'avais autrement plus de sang sur les mains que n'importe quel communiste. J'ai, bien sûr, laissé pisser le mérinos ; à quoi bon essayer de l'en empêcher ?


Le reste de la soirée, Buren parla de ministres, de conservateurs de musée, de toutes sortes de personnels administratifs et politiques. Jamais il ne fut question d'art proprement dit. Rien à foutre peut-être ?

POSTED BY XXC AT 4:57 PM 12 COMMENTS

SAMEDI, JUIN 11, 2005

Même / Livres

1) Combien de livres achetés ?

Plus de 500. 700 peut-être. Beaucoup de SF et de fantasy durant mon adolescence, pas mal de romans policiers ensuite. Depuis 10 ans, beaucoup moins d'achats et de lectures (pas de librairie près de chez moi).


2) Et le dernier acheté ?

Disparu à jamais, Harlan Coben


3) Le dernier livre lu ?

Escales dans les étoiles, Jack Vance


4) 5 livres qui comptent pour moi ?

  • La ligne d'ombre, Joseph Conrad

  • Le dahlia noir, James Ellroy

  • Lyonesse, Jack Vance

  • Dune, Frank Herbert

  • Lord Jim, Joseph Conrad


5) 5 personnes à qui jeter ce même pour qu’ils y répondent à leur tour ?

Evoweb, Objectif Liberté, Copeau, Eti-N et Taranne.



Via Harald.

POSTED BY XXC AT 11:08 AM 6 COMMENTS

Jean ne comprend jamais rien

Pierre et Jean sont de vieux copains. Ils ont le même âge, ils ont fait leurs études ensemble, ils ont exercé le même métier pendant vingt ans et ont chacun gagné autant que l'autre.


Pierre n'a pas un kopeck, il a toujours vécu au jour le jour, il a profité de chaque instant de la vie, comme il aime à le dire. Aujourd'hui une officine d'État l'aide à sortir du surendettement. Jean, lui, n'a aucune difficulté financière. Du genre conséquent, il s'est constitué une jolie petite cagnotte de 300.000 euros. Chaque année, l'État lui confisque une partie des intérêts de son épargne. Et Jean ne comprend pas très bien pourquoi il ne perçoit pas une gratification pour son absence d'endettement, pourquoi il paie plus d'impôts que son copain Pierre alors qu'il n'a jamais gagné plus que lui ; « pourquoi dois-je payer pour jouir de mon argent tandis que Pierre n'a jamais payé de telles taxes pour jouir à sa manière de l'argent qu'il a gagné ? ».


À force de retards, d'absences et de légèreté, Pierre vient de perdre son emploi et reçoit de l'argent pour ne pas travailler. Jean ne comprend pas très bien pourquoi il ne perçoit pas, en plus de son salaire, une somme égale à celle que touche Pierre ; « si on lui donne pour ne rien faire après qu'il a été je-m'en-foutiste dans son travail pendant des années, alors pourquoi ne me donne-t-on rien quand je travaille et satisfais mon patron ? ».


Pierre a été excessif, aujourd'hui il souffre d'obésité et son foie est malade. La Sécurité sociale dépense des sommes considérables pour le tirer d'affaire. Et Jean ne comprend pas très bien pourquoi la Sécurité sociale ne lui verse pas, à lui, des sommes équivalentes pour avoir pris soin de sa santé durant toutes ces années.


Pierre et sa femme se sont séparés. L'un et l'autre souhaitaient se réaliser autrement, découvrir de nouveaux horizons. La femme de Pierre a la garde des enfants et reçoit de nombreuses allocations, monoparentalité oblige. Jean et sa femme ne comprennent pas très bien pourquoi ils ne perçoivent pas des sommes équivalentes. Eux aussi ont eu l'idée de se réaliser autrement, de "vivre leurs vies", surtout lorsque ça n'allait plus très fort entre eux. Ils se souviennent de cette discussion où ils avaient décidé de rester unis et de serrer les dents pour les enfants, « les enfants ne sont pas responsables de nos faiblesses et nous sommes responsables de leurs existences ».


Quand il sera vieux, Pierre ne touchera sans doute pas une grosse retraite à cause de nombreuses années sans travailler. Il percevra une allocation sur mesure pour les vieillards nécessiteux. Au même moment, Jean ne recevra rien de particulier, il paiera peut-être même l'ISF. Et Jean ne comprends pas très bien ces différences de traitement.


L'autre jour, Pierre et Jean ont bu un coup ensemble et Jean a raconté à son copain toutes ces choses qu'il trouve étranges. Pierre lui a répondu en souriant : « Mais tu es plein de fric, tu as un boulot, tu as ta femme et tes gosses. De quoi tu te plains ? Et puis, 100 euros c'est rien pour toi, tandis que pour moi c'est beaucoup. Il faut être solidaires ! » Jean a plutôt l'impression qu'il a toujours attaché plus d'importance à 100 euros que ne l'a jamais fait son ami, et question solidarité il se souvient surtout qu'il a régulièrement donné à RSF, à la Croix rouge et à Pierre lui-même, et que Pierre n'a jamais rien donné à quiconque. « Décidément, mon pauvre Jean, tu ne comprends jamais rien ! » a conclu Pierre en le gratifiant d'une claque amicale sur l'épaule.

POSTED BY XXC AT 11:05 AM 4 COMMENTS

LUNDI, JUIN 06, 2005

Entrefilets

Le Monde, jeudi 17 février 2033 :


Hier, à Montauban, le groupe de militants "Planète consciente", agréé d'Utilité publique, a procédé au démontage d'une librairie de l'avenue Julius Nyéréré. Des rumeurs insistantes faisaient état depuis plusieurs mois de la présence d'ouvrages au contenu nauséabond et antisocial sur les étagères de cette librairie. Des écrits de Pascal Salin et de Ludwig von Mises ont d'ailleurs été découverts lors de ce démontage à caractère prophylactique. Les livres saisis ont été brûlés sur l'avenue par les cracheurs de feu des services culturels de la mairie, prélude à une fête citoyenne et spontanée qui s'est poursuivie tard dans la nuit.



Libération, mardi 1er mars 2033 :


La BNPJI (brigade nationale de protection des jeunes internautes) a démantelé dimanche un réseau de vente par internet de caramels et de cigarettes en chocolat. « Nous allons maintenant essayer de retrouver chacune des jeunes victimes de cet odieux trafic » a déclaré, le visage sombre, le ministre de l'Alimentation. « Elles seront entièrement prises en charge par l'État afin de les aider à retrouver, autant que possible, une alimentation normale. »



Citoyen durable, samedi 26 mars 2033 :


Arrestation à Asunción, après des années de traque, du relaps Zek1917. L'homme, aujourd'hui âgé et à demi fou, avait, on s'en souvient, tenu sur internet des chroniques d'une impitoyable sauvagerie dans les années 2000. Contraint par la justice à suivre un stage de conscientisation en 2013, le citoyen Zek s'était amendé un temps en organisant des spectacles de jonglerie dans des maisons de repos pour homosexuels divorcés. Las, l'indécrottable réactionnaire finit par reprendre sa plume abjecte et, déclaré ennemi public n°1, prit la fuite en Amérique du Sud en 2019. C'est au Paraguay, où il vivait terré dans une banlieue bourgeoise d'Asunción, que le traître Zek a été appréhendé hier. Son extradition vers la France pour y être jugé est une question de jours.



Le Rebelle institutionnel , samedi 2 avril 2033 :


Découverte stupéfiante à Paris il y a deux jours par un inspecteur en citoyenneté lors d'un contrôle de routine chez un particulier : l'unité d'habitation abritait pas moins de six scooters et, tenez-vous bien, une voiture Peugeot en parfait état de fonctionnement ! L'individu manifestement dérangé a été pris en charge par les services de sociabilisation de la ville. Ses engins de mort seront compressés et exposés au Champ-de-Vénus au pied de la tour Delanoë à la mémoire des victimes de la pollution et des accidents de la route.



Le Monde, lundi 18 avril 2033 :


Arrestation hier dimanche dans la région de Toulouse d'un technicien du paysage — l'individu se décrit comme "paysan" (sic) — soupçonné de cultiver des haricots blancs. Rappelons que la culture du haricot blanc est interdite depuis 2020. C'est en effet à cette date que fut établie la corrélation positive entre consommation de haricots blancs et augmentation des gaz à effet de serre… Le technicien de surface arable a été mis en examen pour dégradation de la biosphère.



L'Intermittent, vendredi 15 juillet 2033 :


Un groupuscule de jeunes délinquants mis hors d'état de nuire hier, lors des Fêtes plurielles du 14 Juillet. Les jeunes gens, sans doute manipulés, s'étaient faits remarquer par leur absence au Défilé des tonitruances électroniques républicaines. Réfugiés dans une villa de la banlieue nantaise, les déviants avaient désactivé le système de surveillance "Vigilance citoyenne" et s'adonnaient à l'écoute, en cercle privé !, de Miles Davis et de Dhafer Youssef. En outre, des bouteilles de vin et des paquets de cigarettes ont été saisis.



Libération, dimanche 7 août 2033 :


Hier soir, vers 18 heures, à Mende, alors que battait son plein la journée nationale du Che, un excentrique a été appréhendé sur le boulevard Besancenot. L'homme paradait avec un t-shirt Nike du plus mauvais goût, sans complexe aucun. L'individu a immédiatement été pris en charge par le Samu solidaire. Son état de santé mentale est jugé critique : « une confusion des valeurs et une incapacité à discerner le bien du mal atterrantes » nous a confié un infirmier.



Libération, mardi 9 août 2033 :


Retour à Paris des touristes de Guyane française. Rappelons les faits : des Amérindiens pourtant agréés d'État du lieu-dit Yalimapo (Guyane française) ont usé de subterfuges pour faire manger à une dizaine d'éco-touristes parisiens de la chair de tortue marine. Traumatisés, les touristes ont été rapatriés immédiatement vers la capitale. Une cellule de soutien psychologique a été mise en place.



Citoyen durable, mardi 4 octobre 2033 :


Suite à la récente noyade en piscine d'un jeune citoyen de trois ans qui a ému le pays entier, le ministère de la Vie sereine a décidé de ramener la profondeur maximale des piscines de 50 cm à 30 cm. En outre, la présence d'un maître nageur assermenté lors des baignades, jusqu'à présent seulement fortement conseillée chez les particuliers, devient obligatoire.



Le Monde, mercredi 19 octobre 2033 :


Saisie record hier par les douanes du Havre. Quatre containers de pyjamas ont été découverts, des pyjamas ayant la particularité de n'être pas ignifugés comme l'exige la loi de 2015. « On ne badine pas avec la sécurité des citoyens » a déclaré le ministre du Risque zéro. À signaler qu'un numéro vert "SOS pyjama" a été mis en place par le ministère pour rassurer les citoyens possesseurs de pyjamas douteux.



Le Monde, vendredi 21 octobre 2033 :


Communiqué du Ministère de la santé : la nouvelle CSG va voir son taux passer de 35,3% à 39%. « Notre sécurité sociale, que le monde entier envie, doit être consolidée » a expliqué le ministre. Parallèlement, 213 médicaments ne seront plus remboursés qu'à 2% au lieu des généreux 10% attribués auparavent. « Il n'y a pas de raison que les multinationales de la pharmacie se sucrent sur le dos de la Sécurité sociale » a déclaré l'inflexible ministre.



Le Rebelle institutionnel, vendredi 30 décembre 2033 :


Drame familial à Poitiers : un père de famille aurait offert le jour de Noël une poupée à sa fille et une panoplie de cow-boy à son fils. Le désaxé a été tenu immédiatement éloigné de ses enfants et placé en unité de soins psychiatriques intensifs.

POSTED BY XXC AT 12:23 PM 7 COMMENTS

VENDREDI, JUIN 03, 2005

Libéral et raciste ?

(Post initialement publié sur un fil du forum liberaux.org. Je le reproduis ici tel quel ; je pense qu'il reste à peu près compréhensible même si on n'a pas suivi le fil de la discussion.)


« Ta peau est grise, donc tu es un Gris, les Gris sont des fanfarons, donc tu es un fanfaron. Autrement dit, je ne te regarde pas d'abord comme un individu, mais comme un membre de la collectivité des Gris. »


Le racisme classe l'individu, sans égard pour l'individu lui-même. Que ce classement débouche ou non sur une ségrégation (exercée à titre privé ou inscrite dans un texte de loi), c'est déjà le regard qui classe définitivement qui n'est pas libéral : il met au second plan (ou nie carrément) l'individu qui est en face de lui. Franchement, si on ne tourne pas là le dos à la philosophie libérale…


Il ne s'agit pas de délivrer ou de refuser des brevets de libéralisme, simplement de dire que, pour le moins, un libéral met son libéralisme entre parenthèses quand il est raciste. C'est un fait : il y a contradiction à dire je refuse le "collectif" d'une part, et je juge un individu gris sur sa seule appartenance à la race/collectivité des Gris. Un libéral raciste n'est pas très cohérent, c'est le moins qu'on puisse dire.


Ronnie et ses partisans(1) ne cherchent pas à instruire des procès, où à écrire le catéchisme du parfait petit libéral. Non. Simplement ils rappellent que les mots ont un sens, et qu'aussi floues soient les limites de ce sens il y a bien tout de même des idées qui s'inscrivent, sans équivoque, en contradiction avec le libéralisme. Ou sinon, "libéral" ne veut plus rien dire.


Ou sinon je dis que je suis libéral et qu'au fond de mon cœur je suis aussi communiste. Et qu'il n'y a aucune contradiction, que personne ne peut nier mon libéralisme à partir du moment où je n'oblige personne à être communiste, où je ne contrains personne et où je respecte dans les faits le Droit naturel. Je suis libéral-communiste(2), rien ne veut rien dire, tout veut tout dire, et vive le nihilisme.


Notes :


(1) : des intervenants du forum qui rappelaient l'universalisme du libéralisme.


(2) : l'idée que l'on puisse être libéral et communiste a été défendue par la suite par quelques intervenants… Si l'idée fait son chemin, j'espère que personne n'oubliera que je suis le génial inspirateur du libéral-communisme™©®.

POSTED BY XXC AT 11:08 AM 13 COMMENTS

JEUDI, JUIN 02, 2005

Laogai et chemisettes

Quand les Chinois produisent du laogai au kilomètre, tout le monde s'en fout. Qu'ils se mettent à produire des chemisettes, et c'est l'horreur.


MARDI, MAI 31, 2005

Au-dessus de la mêlée

À propos du "non", l'ineffable Serge July :


À l'arrivée, un désastre général et une épidémie de populisme qui emportent tout sur leur passage, la construction européenne, l'élargissement, les élites, la régulation du libéralisme, le réformisme, l'internationalisme, même la générosité.


Et peut-être aussi les médias à la botte du Parti, non ?

POSTED BY XXC AT 10:03 AM 0 COMMENTS

L'insolent Copeau

Une phrase extraite de Ce qu'est l'État sur copeau.org :


L'État fournit un canal légal, ordonné et systématique, pour la prédation de la propriété privée ; il rend certain, sécurisé et relativement « paisible » la vie de la caste parasitaire de la société.

POSTED BY XXC AT 9:59 AM 7 COMMENTS

Les cocasseries du non

Ce sont d'abord le Jacquot et Raffy Duck qui ont tenté de surfer sur la vague alter-coco pendant trois ans et qui se retrouvent la tête dans le sable, roulés par la vague.


Ce sont aussi les alter-écolo-coco, tout fiers de leur intransigeance victorieuse, qui viennent de pilonner le texte le plus incroyablement favorable à leurs thèses, un texte comme ils n'en retrouveront peut-être jamais un. C'était inespéré pour eux.


J'ai observé cette drôle de guerre avec stupéfaction : des partisans du oui qui s'époumonent à convaincre que le traité est bien un texte à la "big brother", qu'il n'a rien de libéral (« mais si, je vous assure, c'est du 1984 cousu main, n'ayez pas d'inquiétude ! ») ; des partisans du non qui fustigent le manque de totalitarisme du texte, qui soulignent le risque que survive à cette constitution quelque parcelle de liberté. Sidérant duel d'aliénés volontaires !


Le libéral sort de ce tourbillon tout abasourdi. Ça semblait pourtant couru d'avance : il était fichu. Et contre toute attente, il est toujours debout, encore en sursis : la super social-démocratie bureaucratique, inscrite dans le marbre pour mille ans, est repoussée aux calendes grecques.


Et quoi que l'on pense de la qualité de ce non, du foutoir qu'il promet, c'est tout de même une énorme victoire des individus contre le phénoménal matraquage publicitaire de l'ordre établi. Rien que pour cela : champagne !


À lire, le pessimiste (?) Philippe.

POSTED BY XXC AT 9:54 AM 1 COMMENTS

VENDREDI, MAI 27, 2005

À la française (suite)

Petit complément à mon post précédent, et dans la série « je suis excédé de n'avoir pas reçu ma part du gâteau étatique donc ma sauvagerie est sanctifiée », je lis dans Libération :


Le directeur du centre de tri de Bègles, dans la banlieue de Bordeaux, et quatre de ses adjoints sont retenus depuis mercredi après-midi par des postiers en grève contre un plan de suppression d'emplois, a-t-on appris auprès du syndicat Sud-PTT.


Le personnel gréviste refuse le plan de réorganisation de la distribution du courrier à La Poste, qui prévoit la création de plate-formes d'intérêt national (PFIN) dans une vingtaine de grandes villes.

[…]

« Nous ne céderons pas. Pour l'instant, la direction refuse de négocier. Nous avons multiplié les arrêts de travail ces dernières semaines mais rien n'y fait », a dit le délégué syndical.


Encore mieux, toujours dans Libé, les "manifestations" et les "revendications" (comprendre : violence terroriste assortie d'une demande de rançon) de vignerons de la région de Nîmes :


[…] la SNCF, dans l'attente d'une enquête de police, n'a pas voulu mettre en cause les manifestants, elle a détaillé les incidents qui ont visé ses installations : voies en gare de Nîmes occupées dans la soirée de mercredi, jets de pierres sur un train transportant des automobiles dans la gare de triage (où un wagon de bois a été incendié), une armoire d'alimentation électrique d'un passage à niveau brûlée à Lunel, deux postes de commande des installations détruits au Castellas (sur la commune de Marseillan, entre Sète et Agde) et à Agde, des départs de feu le long des voies entre Narbonne et Lézignan.


Ces dérapages ont suivi des incidents provoqués par plusieurs dizaines de vignerons, après une manifestation à laquelle ils avaient participé à Nîmes. […]


Près de Pézenas (Hérault), une centaine de vignerons se sont opposés aux forces de police qui tentaient d'empêcher des actions de destruction. Les vignerons se sont alors dispersés avant de se regrouper à la périphérie de cette ville pour commettre des dégradations sur trois magasins hard discount, puis de crever deux cuves à vins de 10.000 hectolitres, dont le contenu a été déversé sur la chaussée près de Montferrier (Hérault).


Tout cela est bénin : des dérapages suivis d'incidents, n'est-ce pas ? Tout rapprochement avec un climat de guerre civile relèverait d'un délire d'interprétation. D'ailleurs, la SNCF ne met pas en cause les "manifestants" (il est vrai peut-être aussi que la "culture d'entreprise" de la SNCF ne pousse pas à s'émouvoir pour si peu). Et puis surtout, il faut les comprendre, les vignerons :


[…] « des incidents de ce type étaient prévisibles », a déclaré jeudi matin Philippe Vergnes, président du syndicat des vignerons de l'Aude. « Le ras-le-bol est général dans la profession. Et ce désarroi s'est transformé en violences. »


Ben oui forcément, c'est la faute à la métamorphose du désarroi. Et puis c'était prévisible donc légitime, c'est bien ce que tu veux dire au fond, hein mon chéri ? Et puis aussi, j'ose imaginer que ça a peut-être un tout petit rapport avec ceci :


Les responsables syndicaux ont rencontré mercredi le préfet et lui ont remis une motion réclamant un allègement des charges sociales, une exonération des impôts fonciers, une reprise des vins invendus à 3,80 euros le litre pour la distillation, et demandant que les 3.000 euros d'aide promis aux jeunes agriculteurs par le gouvernement soient versés à tous.


Moins d'impôts et plus de subventions ou, dit plus simplement, vive la prédation joyeuse et décontractée ! La solidarité, c'est quand toi tu payes et quand moi j'encaisse : nous aimons tous la solidarité, y a pas de doute.


D'autant qu'en manifestant ainsi sa cupidité, on est sûr de trouver une épaule compatissante :


Le ministre de l'Agriculture, Dominique Bussereau, a annoncé mercredi qu'il organiserait début juillet une réunion pour "dresser un point d'étape" dans l'application des mesures décidées par les instances professionnelles de la viticulture en juillet 2004.



Si je résume les revendications violentes de ces derniers jours : les ostréiculteurs veulent le fric des postiers et des vignerons (entre autres), les postiers veulent le fric des ostréiculteurs et des vignerons, les vignerons veulent le fric des ostréiculteurs et des postiers. Tous ces gens usent indirectement de violence les uns contre les autres : la cohésion sociale à la française.

POSTED BY XXC AT 11:14 AM 2 COMMENTS

MERCREDI, MAI 25, 2005

À la française

Quand on parle de terrorisme en France, l'on imagine spontanément quelques barbus azimutés en train de bricoler une bombe dans l'arrière-salle d'une mosquée sordide. En tous cas, ce n'est pas l'image d'un éleveur d'huîtres qui s'impose avec évidence. Et pourtant…


Et pourtant, des ostréiculteurs qui éperonnent à plusieurs reprises une vedette de la gendarmerie, qui allument des incendies, qui endommagent ou détruisent à dessein des pontons, des maisons ou des baraques de bateliers à l'aide de fusées, ça existe, ça se passe à Arcachon et, sans exagération, ça s'apparente à du terrorisme.


Nos ostréiculteurs ont un problème : les huîtres du bassin sont intoxiquées et interdites à la vente. Ce qu'ils ne contestent pas. Ils contestent le fait de ne pas être payés à ne rien vendre, ils exigent une subvention. Parce qu'en France, dès qu'on a un problème, on réclame son dû en trépignant à sa maman l'État : « Ouin, ouin, c'est trop inzuste, je veux la tétée, je veux l'argent ! ». On a là une superbe race de producteurs : des gens qui ne perçoivent pas la relation de cause à effet qui lie le fait de vendre au fait de recevoir de l'argent en échange. Et qui se découvrent soudainement férus de solidarité étatique (les mêmes qui, j'en mettrais ma main au feu, pestaient naguère contre les taxes, charges et impôts qu'impose l'État).


Il y a quelques semaines, je parlais de ces salariés qui ne comprennent pas qu'ils n'ont aucun droit sur les bénéfices des entreprises qui les emploient (cf. "Qu'est-ce qu'un salaire ?") ; eh bien nous avons maintenant les indépendants qui ne comprennent pas pourquoi ils ne touchent pas un salaire. Au secours, on marche sur la tête !


Que fait un indépendant conséquent ? Il fait des provisions durant les périodes de vaches grasses pour palier les fins de mois difficiles en périodes de vaches maigres. Voilà un truc sur lequel nos éleveurs d'huîtres pourraient gamberger. Relire aussi La cigale et la fourmi, en peu de mots tout est dit et de fort belle manière. Ou encore, puisqu'ils se sentent tout à coup épris de solidarité, nos ostréiculteurs pourraient très bien mettre leurs généreux idéaux en pratique : qu'ils s'associent librement en une coopérative qui leur versera un salaire et constituera un "fonds solidarité" pour couvrir les douloureux aléas du métier.


Mais en réalité, la mouche qui a piqué nos éleveurs d'huîtres n'est pas la mouche de la solidarité, c'est celle de la prédation et de l'asociabilité. La même mouche qui pique un jour des agriculteurs, un autre jour des routiers ou des professeurs. Qui distille son venin de fausse solidarité (cf. "Corruption de la langue"), cette fausse solidarité qui n'est que le masque honorable de la lutte de tous contre tous, de la rapine en bande organisée, du chantage terroriste et de l'irresponsabilité violente.


Un mode de vie décomplexé et égocentrique en passe de devenir the french way of life : adepte du système D, chacun s'imagine qu'il sera le plus finaud dans la course à la subvention, le plus habile à se glisser en pole position de la liste des bénéficiaires de l'entube, et qu'il y aura toujours quelque pauvre gonze à tondre à son profit.


Quand on demande plus de solidarité, ce que nos élites s'empressent de nous donner et de nous promettre, on ne demande rien de plus que de nouvelles armes pour se livrer au pillage d'autrui, avec la sotte croyance qu'autrui c'est toujours l'autre et jamais soi : la solidarité à la française. Immorale et délétère.


Post scriptum (le 26.05.05). Je tiens à corriger une inexactitude : si les ostréiculteurs ne contestent pas la toxicité des huîtres, certains estiment que cette toxicité est bénigne et que les huîtres peuvent être consommées avec un risque faible pour la santé. Il n'en reste pas moins que les excités ont cessé leurs violences dès que le principe d'une aide des pouvoirs publics a été obtenu. Il semble donc bien que les "manifestants" ne "protestaient" pas spécialement contre un principe de précaution abusif, mais souhaitaient avant tout être subventionnés.


Accessoirement, lu dans la Libé : « les ostréiculteurs dénoncent les mauvaises manières qui leur sont faites ». Ça vaut son pesant de cacahouètes.

POSTED BY XXC AT 1:44 PM 7 COMMENTS

VENDREDI, MAI 20, 2005

Les gesticulations récréatives

Dans son lent mais implacable travail de noyautage des existences, de collectivisation du pays, dans cette tâche misérable et peu glamour qu'il mène, le gouvernement s'oblige à quelques gesticulations : un peu d'épate pour donner le change.


Ça vire parfois à la loufoquerie la plus impayable, à la farce bouffonne. Si bien que je me demande comment un présentateur de journal télé peut présenter certaines actions gouvernementales tout en retenant un énorme rire de baleine qui ne demande qu'à jaillir.


Ainsi l'on a M. de Villepin qui n'hésite pas (c'était mercredi lors du Conseil des ministres) à dissoudre le groupuscule raciste "Elsass Korps". « Une honte, une menace et un danger », dixit Villepin, que ce groupuscule de pacotille fort de trois pelés et un tondu et dont l'activité principale consiste à se réunir pour une bonne bouffe et à refaire le monde, en l'occurrence un monde qui s'est éteint dans un bunker berlinois en 1945. Un groupuscule qui surtout, et c'est là qu'on se demande si les R. G. n'ont pas décidé de faire une bonne blague à leur ministre, n'existe pas ! Comme le dit un membre du "Elsass Korps" : « Je ne vois pas ce qu'il y a à dissoudre puisque nous ne sommes pas constitués en association, nous n'avons ni président, ni secrétaire général, ni trésorier. ». Je pouffe, je me marre, je me gondole.


Une autre qui est à se tenir les côtes, c'est la loi d'orientation agricole du ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité. Au programme : la création d'un "fonds agricole", la mise en place d'un "crédit-transmission", une amélioration de la protection sociale des paysans, des congés payés, un renforcement de la sécurité sanitaire, etc. Et le ministre de l'Agriculture, des Arbres, des Prés fleuris et des Potirons de nous expliquer pourquoi il a voulu cette loi : il s'agit de « désadministrer l'agriculture ». « Pour ne pas décourager les jeunes, il faut leur épargner le sentiment d'entrer dans une économie administrée », précise-t-il. J'en fais pipi à la culotte.


À propos d'économie administrée, il y a cette politique des pôles de compétitivité présentée par le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie et par le ministre de l’Equipement, des Transports, de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer (et c'est tout). À l'aide du CIADT, de l'OSEO, de l'ANVAR, de l'Agence nationale de la recherche, de trente personnalités qualifiées, des collectivités locales et de 750 millions d'euros piqués aux entreprises, nos deux compères vont accroître la compétitivité des… entreprises. Je me désopile, j'en ai la rate toute éclatée.

POSTED BY XXC AT 8:14 AM 14 COMMENTS

SAMEDI, MAI 07, 2005

La structuration des zombis

Lu dans Libération du mercredi 4 mai :


Ennemis des basses, à partir de ce soir, évitez soigneusement Lyon. Jusqu'à dimanche, les Nuits sonores s'emparent de la ville, pour la troisième édition de ce festival «urbain et déambulatoire». Le programme, touffu (concerts, expositions, performances, projections...), se disperse dans toute la cité, qu'il permet de (re)découvrir en investissant des lieux détournés ou méconnus. «Pendant le week-end de l'Ascension, raconte Vincent Carry, coordinateur du festival, Lyon se transformait en zone morte. Tout le monde partait en week-end. On en a profité pour livrer les rues aux aficionados de musiques électroniques.»


Présenté comme ça, ça m'a tout l'air d'être très sympa, ce festival. D'un côté, on a les ennemis (qui sont priés de foutre le camp) et les lâches (qui abandonnent Lyon le week-end) ; de l'autre, de gentils petits êtres, brimés 360 jours sur 365, qui ont enfin le droit de déambuler dans la ville entière, d'en investir les rues, d'en découvrir les quartiers qui leur sont interdits le reste de l'année. On comprend qu'ils aient un ardent besoin de se défouler après un an de claustration. Moi ça m'émeut. C'est tout de même un peu dégueulasse ce qui se passe à Lyon, cet apartheid social qui ne dit pas son nom.


Dès la première édition, en 2003, les Nuits sonores ont accueilli 15 000 visiteurs. Puis le double l'année suivante. Succès surprenant dans une ville où les grands festivals n'ont jamais réussi à s'imposer. A quoi tient l'embrasement des Nuits sonores ? Au terreau favorable : une ville à la culture electro méconnue, réprimée pendant plus de dix ans. A l'étroit maillage de la scène locale : des artistes, labels, clubs, boutiques, bars, qui permettent de multiplier les associations pertinentes. A l'investissement, enfin, de la municipalité, qui a permis d'attirer d'emblée des pointures. Principal financeur (37 % des 720000 euros de budget), elle est à l'initiative du festival, conçu au départ pour répondre à la contestation qui montait en 2002.


15000 ou 30000 visiteurs en cinq jours dans une ville de plus d'un million d'habitants, gros succès c'est sûr, ça fait dans les 2 % de la population, à supposer que personne n'ait été compté plus d'une fois. Certes, c'est une proportion bien inférieure à celle constatée dans n'importe quelle fête de village avec son bal musette et sa bataille de confettis. Mais c'est sans compter tous les contribuables qui ne sont pas venus mais ont quand même participé eux aussi. Financièrement, ça fait du monde. Et après des années de répression, c'est légitime. D'autant qu'il y a des pointures au festival, et que les pointures, en France, ça fonctionne à l'argent public. Comment voulez-vous attirer des pointures sans faire miroiter les sesterces du contribuable ? Vous n'imaginez quand même pas que les pointures se déplacent pour l'amour de l'art ou du public.


Lyon sort d'un mandat de Raymond Barre, peu favorable aux musiques actuelles. La gauche en campagne a promis de libérer les énergies. Très attendue, elle déçoit. Quinze mois après l'élection, une impression d'immobilisme domine. Dans le secteur culturel, tout le monde attend des aides à la création qui ne viennent pas. Face à la fronde, structurée en un Collectif des musiques actuelles lyonnaises (Cmal), le maire, Gérard Collomb (PS), décide de réagir.


C'est bien connu, sans argent public, les citoyens errent, tels des larves, dans le marasme et l'atonie. La ville est grise et s'englue. Le catalyseur des énergies éparpillées, c'est l'impôt. L'impôt rend libre, il met des couleurs dans la vie.


Une nuit, pour comprendre, il s'est offert une ballade dans les clubs de la ville, en compagnie de Vincent Carry, jeune homme au parcours atypique. Carry a travaillé dans le milieu des musiques électroniques avant de devenir journaliste culturel et politique, dans un hebdomadaire local, dont il a brutalement démissionné, le 21 avril 2002, lorsque Le Pen s'est retrouvé au second tour de la présidentielle. Il ne voulait plus assumer de «devoir de réserve», ni d'emballements sécuritaires. Disponible, avec la confiance de Collomb, il monte les Nuits sonores à la demande de celui-ci.

La mairie tente d'associer d'emblée la scène électronique locale. Mais la plupart des structures refusent. Elles veulent des moyens pour la création, pas pour de l'événementiel (le festival est financé sur le budget «fêtes et animations»). La municipalité mise alors sur une petite association, Arty Farty, animée par trois filles qui viennent d'organiser une soirée sans moyens mais remarquée dans d'anciens entrepôts du port de Lyon. «Elles avaient la qualité, le contenu, les réseaux», résume Patrice Beghain, adjoint (PS) à la culture.


Comprenez bien : les artistes eux-mêmes, on s'en fout un peu. Pas un nom de musicien n'est cité dans l'article. D'ailleurs on ne parle même pas d'artistes ici mais de structures. Ce qui est important dans un festival, les héros du jour, ce sont les gens de la mairie et leurs amis. Ce qui importe, c'est le parcours de ces gens. De jeunes débrouillards atypiques qui bricolent leurs rêves avec l'argent du contribuable, qui façonnent les structures. Voilà qui mérite l'adoubement.


Les Nuits sonores démarrent en 2003 avec de très gros moyens financiers, plus l'autorisation de faire du bruit partout. Dans le milieu electro, confronté à la chasse aux nuisances, l'effet est «tectonique», selon Vincent Carry. «Le budget était difficile à accepter pour des gens qui font vivre cette scène depuis des années, en peinant chaque mois pour payer leurs salariés.» Violaine Didier (29 ans), créatrice d'Arty Farty et militante de programmations défricheuses, a vécu douloureusement la préparation du premier festival. «On se faisait insulter pendant des mois. Les gens nous accusaient de pomper les budgets, de faire de l'événementiel, du commercial. Je suppose qu'il fallait en passer par là avant de prouver que ces moyens profiteraient à tout le monde.»


Avant, Lyon était en friche, Lyon était peuplé de gens qui trouvaient normal de ne pas mettre la stéréo à fond en pleine nuit. Heureusement, les créateurs militants défricheurs ont ouvert la ville à la lumière. Avec l'argent du contribuable et grâce aux passe-droits de la mairie. Ce qu'ils ont du souffrir. Mais c'était pour la bonne cause : tout le monde en a profité, même le contribuable qui déteste le bruit, même celui qui voudrait dormir, même celui qui ne peut pas s'écouter une petite sonate de Mozart chez lui parce que c'est dance-floor sous ses fenêtres depuis cinq jours, même le pisse-froid qui aimerait bien partir en week-end mais qui ne le peut pas depuis que les impôts locaux l'ont rappelé à la réalité.


Le succès rallie d'abord les pragmatiques. Puis les organisateurs montrent aux autres qu'ils cherchent à partager l'aventure. Les artistes de la région assurent plus de la moitié de la programmation. Les «apéros sonores» (jeudi, vendredi et samedi) envahissent une trentaine de lieux qui font vivre toute l'année les musiques électroniques. Leurs terrasses débordent, transformant certaines rues en dance-floor.


Être pragmatique signifie ici que tu dois t'écraser parce que t'es rien, que puisque dormir n'est pas possible t'as rien de mieux à faire que d'en être, et enfin que tu ferais bien de participer si tu veux que ton assoce empoche sa part du gâteau.


Selon Vincent Carry, «le festival doit aider à structurer le milieu, à ouvrir la ville à l'international, tout en faisant travailler tout le monde». Patrice Beghain, l'adjoint à la culture, estime ces objectifs atteints. «Ce festival, poursuit-il, agit comme un révélateur, en externe comme en interne. Il a révélé à la ville une partie de son identité.»


Le premier crétin venu pourrait s'imaginer qu'un festival de musique a pour but d'écouter ou de jouer de la musique. Oh la la… mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu ! Mais n'importe quoi ! Un festival ça sert à structurer les citadins, à révéler leurs identités. Cinq nuits de stimuli rythmiques et stroboscopiques à fond les manettes, c'est le meilleur moyen de se structurer et de s'épanouir. Comprenez bien que, livrés à eux-mêmes, ces pathétiques citadins sont complètement déstructurés, en pleine crise d'identité, l'œil vide, la mine hébétée, la lèvre inférieure mollement affaissée, sans passé, sans avenir. Des zombis.

POSTED BY XXC AT 2:50 PM 12 COMMENTS

LUNDI, MAI 02, 2005

C'est lui qui le dit

Lu sur le site du gouvernement, puis annoté par mes soins, ceci :


Economie : faire face à la compétition internationale


Vendredi 29 avril, le Premier ministre a reçu les Chambres de commerce et d’industrie lors d’une réception à Matignon. Ce fut l’occasion pour Jean-Pierre Raffarin de faire le point sur la compétition économique internationale et sur l’emploi.


La compétition internationale : un frein à l’économie


"Nous avons une compétition internationale aujourd’hui qui retarde les résultats que nous attendons de notre économie", a déploré le Premier ministre.


Il y a"une forte pression internationale avec l’émergence de grandes puissances", telles que "la Chine et le textile", a constaté Jean-Pierre Raffarin.


Le Premier ministre s’est déclaré "préoccupé" par la montée en puissance de certaines économies. "Un nouveau modèle de développement est en train de se développer : c’est l’ultra-développement à côté de l’hyper-misère", a-t-il avancé. Ainsi, des pays comme la Chine "ont d’extrêmes difficultés, mais à côté de ça ont d’extrêmes puissances à l’intérieur d’un même pays".


L’Europe : une solution à l’équilibre des échanges


Selon le Premier ministre, "la compétition ne viendra pas seulement sur les productions à bas coût de salaire. Elle viendra aussi, surtout, des innovations".


"Nous ne pouvons pas livrer la guerre des emplois ; nous devons rechercher l’équilibre des échanges", a déclaré Jean-Pierre Raffarin. Ainsi, "pour obtenir cet équilibre des échanges, nous avons besoin de l’espace européen".


"Nous avons besoin aujourd’hui de cette force européenne pour équilibrer le monde. Si l’Europe exprime à un moment ou à un autre sa propre faiblesse, elle ne sera pas autour de la table, capable d’assumer son rapport de force".


La décélération de l’augmentation du chômage


"Je vois par ailleurs des offres d’emploi qui augmentent : 273.000 offres d’emplois non satisfaites : +6%", a ajouté Jean-Pierre Raffarin, estimant que cette inadéquation entre offre et demande est "un problème majeur" en France.


"Au début de cette année, nous avons une décélération de l’augmentation du chômage, puisque nous étions à peu près à 30.000 chômeurs de plus en janvier, à peu près à 12.000 en février, et 6.000 en mars", a souligné le Premier ministre.


"Quand je vois cette décélération avec un taux qui se divise par deux tous les mois, je dis que nous pouvons être sur la bonne voie".


Quelques annotations laconiques (ça ne mérite vraiment pas plus) :


— Notre premier ministre s'occupe d'économie. En quoi est-ce son job ?


— La compétition internationale est un frein à l'économie. Ah ? Je ne sais pas ce qu'est un frein à l'économie ; je crois seulement savoir qu'il y a d'une part des gens qui souhaitent échanger librement (économie libre) et d'autre part des gens qui ne veulent pas que d'autres gens échangent librement (économie administrée). Manifestement, Raffarin est partisan du protectionnisme, du mercantilisme, d'une économie administrée qui échappe à la concurrence. À la cubaine ou à la birmane sans doute. Ça nous promet des lendemains qui chantent.


— La compétition retarde les résultats que nous attendons de notre économie. J'ai déjà entendu ça quelque part… Voyons, voyons… Peut-être ce barbu en chemise kaki qui vitupère pendant des heures ?


— Les Chinois nous les brisent avec leurs chemisettes. Well, interdisons aux étrangers pauvres (fourbes asiates !) de travailler (on interdit bien à nos pauvres de travailler, pourquoi se gênerait-on avec les pauvres des autres ?), interdisons à nos consommateurs des produits bon marché (leur pouvoir d'achat risquerait de croître, ça pourrait les inciter à embaucher quelqu'un ou à monter une entreprise, où va-t-on ?).


— Montée en puissance de certaines économies. Affligeants ces pauvres : ne pourraient-ils pas avoir le bon goût de rester pauvres ? Ce qui transparaît clairement à travers ce que dit Raffarin : il y a un gâteau des richesses mondiales, et puis il y a un partage du gâteau, et si les Chinois prennent une plus grosse part (qu'ils bouffent du riz, ces goinfres !), notre part sera moindre (forcément). Dis, Jean-Pierre, attention quand même à ne pas abuser de la lecture du Monde diplomatique, il leur arrive à l'occasion d'être un tout petit peu à côté de la plaque.


— Hyper-ceci, extrême cela. Des peuples pauvres se mettent, tant bien que mal, sur la voie de la prospérité : des extrémistes.


— L'innovation selon Raffarin : équilibrer les échanges. Ça fait un peu penser à échange inégal, à dégradation des termes de l'échange, tout ce fatras tiers-mondiste que brassaient les hippies de mon enfance. La France aurait-elle officiellement rejoint les rangs du Tiers-Monde par la voix de son Premier ministre ? Chouette, on devrait bénéficier de mesures d'annulation de la dette ! Et on vendra bientôt à Pékin des produits français sous le label "commerce équitable" : en achetant un t-shirt français plus cher, vous aidez une famille du Tiers-Monde ! Avec un euro par jour, parrainez un Français !


— Décélaration de l'augmentation du chômage. Ou si l'on préfère, le chômage continue de croître alors qu'une baisse de 10% avait été annoncée pour 2005. Enfin, Raffarin suggère que l'augmentation du chômage est une suite géométrique de raison 0,5 ; autrement dit que le chômage ne baissera pas mais va continuer d'augmenter jusqu'à la fin des temps. À partir de cette date, le nombre de chômeurs restera constant. C'est ce que Jean-Pierre appelle être sur la bonne voie (mais il n'en est pas tout à fait sûr).

POSTED BY XXC AT 7:31 PM 4 COMMENTS

Immixtion par sollicitude

Le problème avec les gens de l'État, c'est qu'ils ne sont pas tous d'égocentriques salauds. Certains d'entre eux sont en effet de braves gens, de cette sorte de braves gens qui veulent sincèrement votre bonheur. Et qui s'imaginent en outre qu'ils ont la faculté et le devoir de vous imposer ce bonheur.


Alors que nous détestons les gens trop bien intentionnés qui s'immiscent dans nos affaires pour notre bien, étrangement, dès qu'ils sont estampillés "État", nous les aimons. Par exemple, si j'explique à mon voisin qu'il devrait user d'un vocabulaire moins grossier quand il parle à sa femme, je vais me faire vertement rabrouer (« de quoi tu te mêles, connard ? »). Mais si c'est un politicien qui pond une loi contre les phallocrates, là oui, c'est bien, oh que c'est bien. Ou bien encore, si je dis gentiment à mon voisin qu'il devrait arrêter le tabac, rapport à la camarde en embuscade, sûr, je vais avoir droit à un « et mon poing dans la gueule, tu veux voir si ça te dégages les bronches ? ». Oui, mais si le ministre de la santé fait comme moi, de manière autrement plus intense, avec des campagnes de sensibilisation nationales, en multipliant le prix du paquet de blondes par cinq ou six, et alors là mon voisin dit « ouais, c'est vrai, faudrait que j'arrête ». Il n'est pas fâché, en tous cas beaucoup moins fâché que si je lui prenais de force (mais pour son bien) quatre euros pour chaque paquet qu'il achète. Il est comme ça, mon voisin.


C'est d'autant plus bizarre que la guerre étatique contre le tabac, guerre qui succède à des décennies de promotion du tabac, est un modèle de nocivité. Le plus souvent, l'immixtion dans la vie des gens multiplie les difficultés au lieu de les résoudre. C'est une fois de plus le cas.


Avant, le fumeur était un honnête homme. Il dépensait des sommes raisonnables auprès d'un honnête buraliste pour assouvir son faible. Son problème : il mettait en danger son existence.


Aujourd'hui, le fumeur est un délinquant. Pour se fournir à des prix un peu moins excessifs que les prix officiels, il s'adresse à des dealers de tabac. Il est contraint à engraisser une maffia, il est contraint à financer douaniers, policiers et juges qui luttent contre cette maffia, il est contraint à être solidaire des buralistes en difficulté. Il fume des cigarettes piratées manufacturées dans quelque douteuse officine chinoise ou nigériane, des cigarettes souvent frelatées, autrement plus nocives et dégoûtantes que du bon vieux virginie. À son problème initial nullement résolu (sa santé menacée) viennent maintenant s'ajouter l'accointance d'une faune interlope, un appauvrissement et des risques de maladie accrus.


C'est bien plus qu'il n'en faudrait à tout individu conscient pour décider de faire machine arrière. Ben oui, mais quand l'individu en question est un bienfaiteur de l'humanité, il ne peut pas en être ainsi : il va tout faire pour résoudre les problèmes qu'il a créés et en créer ainsi de nouveaux, pire que les anciens. Il est si persuadé d'être sur le chemin du Bien (puisqu'il impose le Bien) qu'il s'est construit des œillères : il ne voit pas qu'il crée de toutes pièces du désordre.


Ainsi, je lis dans Le Monde que Jean-François Copé, le ministre du budget, a successivement qualifié de "considérable" , d'"exceptionnelle" et d'"historique" cette saisie de plus d'1,8 million de paquets de cigarettes. "Ces 37 tonnes de cigarettes, c'est plus que tout ce que nous avons saisi au cours du premier trimestre 2005. C'est l'équivalent d'environ 9 millions d'euros à la revente", s'est-il félicité.


Bref, le brave homme est si emporté par sa propre sollicitude (« Que je suis bon ! Que je m'aime d'être aussi bon ! ») qu'il ne voit pas que ce sont lui et ses pairs qui ont créé cette contrebande ex nihilo. Il ne voit pas non plus que 1,8 million de paquets ne représentent pas du tout 9 millions d'euros (soit 5 euros le paquet), qu'un paquet de cigarettes ne coûte guère qu'un euro hors taxes et hors contrebande. Surtout il ne voit pas qu'il s'enfonce dans la même bêtise que la lutte contre la drogue ou la prohibition des alcools aux États-Unis : des combats qui n'ont pour efficacité que de faire monter les prix de la contrebande (donc d'encourager les contrebandiers à persévérer, à être plus radicaux, plus dangereux, plus efficaces), des combats qui pourrissent la santé des consommateurs et les appauvrissent.


À ce brave homme, vous pouvez bien lui exposer tous les arguments du monde, je parie qu'il répondra par un « oui mais… » et intensifiera son action, incapable de ne pas s'occuper des autres.


MARDI, AVRIL 26, 2005

Qu'est-ce qu'un salaire ?

De la mauvaise foi ou de l'ignorance crasse, il n'est pas toujours évident de décider de quoi retournent les réclamations dans l'affaire du partage des profits des entreprises avec les salariés.


Qu'est-ce qu'un salaire ? C'est une rémunération en échange d'un travail. Autrement dit, le salarié reçoit une somme d'argent en échange d'un travail effectué, que ce travail ait engendré un profit ou non. C'est considérer, pour des raisons pratiques, que tout travail mérite d'être rémunéré. C'est une sécurité pour l'employé : il sait que s'il travaille, il sera payé, quelles que soient les conséquences de ce travail.


Une autre manière de gagner sa vie en travaillant est d'être à son compte : on n'est pas payé pour son travail mais sur la richesse engendrée par ce travail. Il s'ensuit que si les affaires tournent rondement, l'argent est en abondance ; tandis que l'argent vient à manquer lorsque ce travail n'a pas porté ses fruits. Et même, lorsque les circonstances sont très défavorables, plus d'argent est consommé pour travailler qu'il n'en est perçu en retour : c'est une perte, une rémunération négative.


Un salarié qui demande une part des profits de l'entreprise est dans un raisonnement biaisé : être associé aux profits ne peut se concevoir légitimement que si l'on renonce à son salaire et que l'on décide d'une rémunération indexée sur les résultats de l'entreprise, autrement dit sur les profits comme sur les pertes. Concrètement, cela signifie des mois bien payés, des mois mal payés, des mois nuls, des mois négatifs.


Il y a une énorme hypocrisie à vouloir être associé aux résultats de l'entreprise quand tout va bien et à ne pas réclamer une baisse de la rémunération quand tout va mal. C'est grâce aux travailleurs que l'entreprise réalise de juteux profits, mais ce n'est pas à cause d'eux qu'elle est dans le rouge. Trop facile, tellement irresponsable et capricieux.


Les profits appartiennent à ceux qui ont acceptés d'être solidaires de tous les résultats de l'entreprise, excellents comme exécrables. Que je sache, ces gens ne réclament pas de partager l'argent gagné par les salariés lorsqu'ils essuient des pertes.


Il est en tout cas affligeant de constater que politiques et folliculaires ne s'empressent guère à dénoncer ces gamineries, à expliquer ce qu'est être salarié et être à son compte. Bien au contraire, les enfantillages sont encouragés avec démagogie. Avec pour conséquence cette impression désagréable que la France s'enfonce dans les jérémiades autistes et capricieuses.


P.-S. : un lecteur saurait-il me dire si le droit du travail autorise en France d'être employé non salarié, autrement dit d'être employé et rémunéré sur la base d'un pourcentage des résultats de l'entreprise (avec des mois positifs, des mois nuls, des mois négatifs) ?

POSTED BY XXC AT 12:22 PM 18 COMMENTS

LUNDI, AVRIL 25, 2005

Objectif zéro

À l'occasion de la remise du rapport de la commission « familles, vulnérabilité, pauvreté » par Martin Hirsch (président d’Emmaüs France) au ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, il nous est rappelé qu'un million des moins de 18 ans vivent sous le seuil de pauvreté en France.


Loin de moi l'envie de montrer que ces jeunes gens ne sont pas si mal lotis que cela, de minimiser les problèmes auxquels ils font face pour les nier. Non, mais au moins rappeler que le seuil de pauvreté est un indicateur arbitraire (une formule mathématique), que la pauvreté est relative (dites à un riche Congolais qu'avec ses 400 euros par mois il est pauvre et il vous rira au nez ou vous rossera pour l'offense). Bref, du fait des définitions mêmes du seuil de pauvreté (la moitié du revenu médian national ou autre), tout pays a ses "pauvres". Les Français seraient majoritairement milliardaires en euros, les millionnaires, mille fois moins bien dotés, vivraient bien au-dessous du seuil de pauvreté.


Ainsi, il y a en France environ 15 millions de personnes de moins de 18 ans. Qu'un quinzième d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté n'est pas choquant : il n'est guère possible que personne ne vive sous ce seuil. Donnerait-on à chacun de ces pauvres 3000 euros tous les mois pour qu'ils ne soient plus pauvres que ces dons tireraient ipso facto le seuil de pauvreté vers le haut. Si bien que d'anciens non-pauvres, s'étant fait dépassés par le seuil de pauvreté, se trouveraient du jour au lendemain promus au rang de pauvres. Il est même possible — il faudrait étudier la structure de la "répartition des revenus" et la définition officielle du seuil de pauvreté pour en être certain — que l'on constaterait une soudaine explosion de la pauvreté en France ! (Non compris l'appauvrissement comme conséquence du pillage des uns au profit des autres.)


À la vérité, cet indicateur (le seuil de pauvreté) n'est pas inintéressant pour effectuer des comparaisons de pays à pays. Mais il est surtout très prisé par les professionnels de la redistribution : parce qu'il désigne immanquablement, de part sa définition, des millions de personnes comme étant pauvres, il est une source intarissable de justification de la redistribution (et du big business dont elle est consubstantielle). En outre, il a l'inestimable vertu d'agglomérer les gens en classes et de nier les choix et les parcours individuels : c'est tout bénef pour le constructiviste.


À y réfléchir, le seul moyen de n'avoir à coup sûr personne au-dessous du seuil de pauvreté est de décréter et de faire respecter par une coercition sans failles une grille nationale des revenus et des patrimoines, telle que minimum et maximum donnent un seuil de pauvreté inférieur au minimum. Et encore, dès qu'il y a différences de revenus, même limitées, il y a toujours la possibilité de créer quantités de pauvres en adoptant une définition idoine du seuil de pauvreté. L'idéal serait que soit réalisée la parfaite égalité des revenus entre les citoyens : tout le monde vit exactement sur le seuil de pauvreté (égal au revenu unique) et personne n'est situé au-dessous.


Ainsi, avec pour objectif, je cite, « zéro enfants pauvres en 2020 », c'est une promesse de dirigisme absolu que nous fait le gouvernement ultra-collectiviste de J.-P. "relax" Raffarin.

POSTED BY XXC AT 12:48 PM 4 COMMENTS

JEUDI, AVRIL 14, 2005

La face cachée du recueillement

Les "journées de" (de la femme, de l'enfance maltraitée, etc.) se succèdent selon un rythme si soutenu que l'on se demande comment les 365 jours d'une année peuvent encore y suffire. Avec pour résultat un effet "j'y pense puis j'oublie".


Oublier, c'est en l'occurrence une chose heureuse : assurément, en démocratie, l'État n'a pas pour vocation de conscientiser les citoyens, de les inciter à penser tous ensemble aujourd'hui à ceci, demain à cela. Ces pratiques relèvent de régimes totalitaires, où les bonnes intentions sont détournées à des fins d'asservissement mental.


Outre les besoins de propagande étatique, ces "journées de" ont pour immense travers (ou avantage, c'est selon) de nourrir copains et parasites, de servir de tremplin médiatique à ces associations amies qui sauront, le temps voulu, renvoyer l'ascenseur. Bref, dans les coulisses des "journées de" se pratique bien souvent un bizness interlope : la course à la subvention.


C'est un domaine dans lequel j'ai d'ailleurs quelque expérience. Notamment, en 1998, j'étais le trésorier d'une toute petite association vouée à la promotion des arts des Noirs marrons de Guyane et du Surinam. Cette même année, le 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, commémoration officielle, me permit d'engranger la somme de cent mille euros pour le compte de l'association. Une bonne grosse commémoration officielle et le cash afflue. Ce fut l'occasion pour moi de plonger dans l'immense marigot qui s'étend au confluent du monde associatif, des grands journaux (Le Monde et Libé étaient les plus souvent cités) et des administrations publiques ; l'occasion surtout de constater les effarantes pratiques de copinage, de flagornerie, de petits arrangements entre amis et de valses de chèques avec plein de zéros dessus qui s'y nouent. Dans cette affaire, le 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage était avant tout utile. Autant vous dire que, comme spectateur de ce frénétique grenouillage, un ancien esclave en aurait vomi d'indignation… dans l'indifférence générale d'ailleurs !


Cette expérience répugnante à laquelle j'ai participé activement (ce que j'ai pu être con !) a eu pour heureuse conséquence de m'ouvrir les yeux. Aussi, quand je lis aujourd'hui qu'un certain "Comité pour la mémoire de l'esclavage" vient de remettre un rapport au premier ministre — rapport où il est préconisé entre autres choses de décider d'une journée de commémoration de la traite transatlantique — j'ai le cœur au bord des lèvres.


D'abord, j'apprends que le comité susdit est financé par le contribuable, que ses membres sont nommés par le premier ministre, que son objet est de proposer des actions de sensibilisations du public (plus de précision ici). Autrement dit d'injecter un peu plus de fric dans le marigot puant dont je parlais plus haut.


Ensuite, je lis dans Le Figaro : « Hier, lors d'une conférence de presse, les membres du Comité pour la mémoire de l'esclavage ont évoqué la "forte attente, au-delà de tous les clivages, pour un acte symbolique fort et pour des actions concrètes de la part des plus hautes autorités de la République française". Selon ces chercheurs, pour la plupart nés outre-mer, "cette attente s'explique par le fait que la très grande majorité de nos concitoyens du monde issu de l'esclavage sont convaincus que l'histoire de la traite négrière continue d'être largement ignorée (...). Ces concitoyens perçoivent cet état de fait comme un déni de leur propre existence et de leur intégration dans la République". ».


Voilà qu'encore on s'éloigne des victimes pour le souvenir desquelles on est censé œuvrer : les commémorations deviennent des commémorations pour les descendants d'esclaves, pour qu'ils se sentent à l'aise. Flûte enfin ! Les descendants d'esclaves ne sont pas des esclaves, leurs parents n'étaient pas esclaves, leurs grands-parents non plus. S'ils éprouvent un certain malaise, que vient faire ce malaise au regard des esclaves qui ont souffert autre chose que des désagréments psychologiques ? J'ai tout de même la désagréable impression que le souvenir des esclaves est utilisé à des fins revendicatives, et franchement ça ne m'étonne pas vraiment. Tout cela me dégoûte.


--


J'habite au Congo, face à l'océan, en ce royaume de Loango d'où furent déportés des centaines de milliers d'esclaves vers les Amériques. Comme je le fais souvent, et je le fais en ce moment même tout en écrivant, je tourne la tête vers le rivage situé à moins d'une encablure et je laisse mon regard se perdre au-delà des plateformes de forage. J'imagine les bateaux négriers s'en aller, sous un soleil brûlant, les cales pleines, vers les Antilles ou le Brésil. Je pense à ceux qui sont dans ces cales, et à eux seuls. Je ne ressens même pas de haine pour les vendeurs, pour les acheteurs, pour les gardes-chiourme. À quoi bon ? Je me laisse seulement engourdir par la folie de ce crime, en plongeant mon regard dans les regards des victimes.


Ça fait du bien de penser comme ça, tout seul, loin, très loin des opportunistes du malheur d'autrui, des professionnels de l'entregent et de ceux qui rêvent de revanches inopportunes.

POSTED BY XXC AT 9:16 AM 0 COMMENTS

MARDI, AVRIL 12, 2005

L'efficacité étatique

(Post en partie inspiré par ce post de Zek.)


Quand on reproche à un étatiste l'improductivité et l'inefficacité de l'État, celui-ci comprend faussement : il pense que l'on reproche aux gens de l'État de mal faire leur travail, qu'il faut ardemment améliorer la qualité et l'efficacité de ce travail, qu'il est essentiel d'évaluer les actions et les résultats pour faire mieux. Généralement d'ailleurs, l'étatiste n'ergote pas, il abonde même dans ce sens : oui il y a des disfonctionnements, oui il y a des abus, oui il y a des choses à améliorer. Et il a des tonnes de projets dans sa besace (avec l'argent des autres, pardi, c'est pas sorcier d'en avoir treize à la douzaine !). Ce qu'il ne comprend pas : c'est que l'on reproche en réalité aux gens de l'État de déposséder les citoyens de leurs actes, d'agir à leur place et de leur interdire d'agir eux-mêmes.


L'étatiste n'est pas coupable de mal comprendre, c'est plutôt son interlocuteur qui est coupable d'être ambigu. Il ne faudrait pas dire « l'État n'est pas efficace » mais « je veux agir ».


Ne pas dire « l'Éducation nationale produit une quantité phénoménale d'incultes et d'illettrés », mais « l'éducation de mes enfants est du ressort de ma femme et de moi, et de personne d'autre ». Ou sinon, l'étatiste va penser qu'on lui demande un nouveau projet pour l'école publique qui pallie les déficiences de l'ancien.


Ne pas dire « le gouvernement est incapable de faire baisser le nombre de chômeurs », mais « comme travailleur, je réclame le droit de travailler avec qui je veux, dans les conditions que je veux ». Ou sinon l'étatiste croit qu'on lui demande un nième "mobilisation contre le chômage". (Ainsi vient d'être créé un "Conseil d'orientation pour l'emploi" par Jean-Pierre "the yes needs the no" Raffarin, conseil dont l'objectif est d'améliorer les pratiques du gouvernement en matière d'emploi.)


Ne pas dire « la Sécurité sociale coûte de plus en plus cher et rembourse de moins en moins », mais « ma santé ne vous regarde pas, je veux régler moi-même mes dépenses de santé ».


Ne pas dire « on s'ennuie le dimanche dans vos villes où la réglementation bloque toute initiative », mais « je veux pouvoir monter librement un stand de restauration sur le pouce dans la rue ainsi qu'un stand de marionnettes pour les enfants ». Ou sinon, l'étatiste va vous organiser une fête citoyenne tonitruante et obligatoire.


Ne pas dire « y en marre de financer des spectacles réalisés par des tocards subventionnés », mais « je souhaite payer pleinement ma place au théâtre et refuse de payer les spectacles auquel je n'assiste pas ». Ou sinon l'étatiste va élaborer une charte de l'artiste d'État idéal.


Bref, il faut comprendre que, chaque fois que vous reprochez à l'étatiste son inefficacité, il comprend spontanément que vous lui en demandez plus (alors que vous lui en demandez moins). Et pour cause : c'est son bizness de comprendre ainsi. Être efficace signifie pour lui être partout, jardiner le tissu social avec harmonie. Il faudrait pourtant qu'un jour il comprenne que le tissu social, il lui dit m… !

POSTED BY XXC AT 9:56 AM 1 COMMENTS

JEUDI, AVRIL 07, 2005

La prédation décomplexée

Il est des prédateurs presque émouvants, de ces prédateurs qui sont si intimement persuadés d'être des gentils qu'on hésiterait à les traiter de prédateurs. Ainsi, de nombreuses gens du Service public™ sont si persuadés d'appartenir à une caste supérieure, d'avoir naturellement plus de droits que d'autres, qu'on les tiendrait presque pour de braves gens.


Ainsi, nous avons les journalistes de France 2 Paul Nahon et Bernard Benyamin qui expriment leur dégoût dans le journal le Monde de voir les gens de TF1 disposés à recevoir de l'argent public pour participer à la fondation de CII, la future chaîne d'informations internationales en français.


Dans le même temps, Paul Nahon et Bernard Benyamin souhaiteraient que de l'argent public soit versé à France-Télévisions pour fonder CII. Autrement dit, les gens qui travaillent à TF1 sont, relativement à ceux qui travaillent à France-Télévisions, des êtres inférieurs.


Pourtant, dans un cas comme dans l'autre, nous avons des individus qui ne sont pas des hors-la-loi, qui font de la télévision, qui gagnent leur vie en faisant de la télévision et qui feraient autre chose dans la vie si on ne les payait pas pour le faire. Dans les deux cas, nous avons des gens qui supportent moralement de recevoir de l'argent des publicitaires, de programmer les émissions culturelles à des heures où les gens sont au lit, de diffuser des séries indigentes ou des journaux télévisés passés à la moulinette bien-pensante, etc. Bref, à regarder TF1 et France 2, ce qui est patent, c'est que ces chaînes se ressemblent bien plus qu'elles ne diffèrent l'une de l'autre.


Paul Nahon et Bernard Benyamin ne s'offusquent pas de vivre de l'argent du contribuable. Pas un moment, ils ne semblent s'imaginer que ça n'est pas tout à fait normal qu'on spolie des gens pour qu'eux puissent réaliser les émissions qui leur plaisent et pour avoir des comptes en banque régulièrement (et confortablement sans doute) approvisionnés. Par leur seule appartenance au Service public™, ils sont sanctifiés, ils échappent aux bassesses humaines. Ce qu'ils trouvent dégoûtant, c'est que d'autres puissent faire comme eux, qu'il faille partager l'argent du butin.


Et quand les deux compères, prédateurs décomplexés, s'effarent de constater que le contribuable va financer la chaîne CII sans pouvoir la voir (elle sera diffusée à l'étranger uniquement), on a envie de leur hurler dans les esgourdes : « Et toi mon papa, quand on transfère par la force ma thune de mon portefeuille au tien alors que je n'ai pas envie de te voir, ça ne t'indignes pas une seconde ? Quand on me fait les poches pour que des gonzes pleins aux as puissent aller à l'opéra Bastille où je ne mettrai jamais les pieds, quand on prend l'argent que j'aurais volontiers destiné à l'éducation de mes gosses pour des TGB, des pyramides du Louvre, des aéroports qui s'écroulent à peine construits ou des colonnes de Buren déjà déglinguées, pour tous ces trucs que je ne vois pas et n'ai pas envie de voir, ça ne t'émeut pas un chouïa ? Et si un mécréant te traitait de putain de prédateur égocentrique des citoyens, qui s'invente une noblesse pour justifier de sa prédation et se libérer à bon compte de la culpabilité, tu y verrais quoi, toi qui veut voir, une insulte ou un constat ? ».

POSTED BY XXC AT 9:04 AM 7 COMMENTS

Des verges pour se faire battre

« Il y a une majorité nationale qui veut baisser les impôts et une majorité dans les régions qui veut les augmenter. À gauche, l'impôt a du goût, l'impôt a de la saveur, l'impôt sert à financer la démagogie. » a déclaré Jean-Pierrre "positive attitude" Raffarin à l'Assemblée nationale le 30 mars dernier.


Plus le temps passe, plus je m'interroge. Raffarin est-il seulement bête ? Ou bien son apparente bêtise ne dissimulerait-elle pas une obscure propension à s'humilier, quelle chose qui aurait trait à une sorte de mortification ou à un désir de paraître le benêt du village ? Parce que donner des verges pour se faire battre, c'est devenu une spécialité du matois de Matignon.


Par exemple, dénoncer la démagogie d'autrui, c'est bien joli ; mais venant d'un champion du clientélisme tous azimuts, c'est de la provocation. Franchement, il le fait exprès.


Quant à parler de désir de baisser les impôts, c'est tellement gros qu'on peut là aussi se demander s'il ne cherche pas à se faire passer pour plus bête qu'il n'est. Baisser les impôts, toutes choses égales par ailleurs, est inepte. Comment sinon payer les dépenses et rembourser les dettes ? Ce sont les dépenses qu'il faut diminuer. Ou sinon, baisser les impôts revient à financer les dépenses par de nouvelles dettes, c'est-à-dire par de l'impôt à payer plus tard, intérêt et principal. Quand on prétend vouloir faire par ailleurs du développement durable, il est tout de même cocasse de financer conjointement un train de vie excessif sur le dos des générations futures.

POSTED BY XXC AT 8:59 AM 1 COMMENTS

VENDREDI, AVRIL 01, 2005

À la tête du client

Écrire des lois pour qu'elles s'appliquent différemment selon qu'on est Paul ou qu'on est Pierre est une pantomime hypocrite : autant déclarer d'emblée qu'untel est coupable d'être celui qu'il est, qu'il appartient à l'une des castes honnies du Parti.


Ainsi quand le ministre de la Parité soutient une proposition de loi contre les violences conjugales (faites aux femmes plus particulièrement, c'est ça la parité), il distingue les gens qui ont plus le droit de cogner de ceux qui ont moins le droit de cogner. En effet, la proposition de loi dit en substance que « la qualité de conjoint ou de concubin de la victime constitue une circonstance aggravante en cas de violence sur une personne ». Autrement dit, si mon voisin frappe ma concubine, c'est moins grave que si je la frappe moi-même1. Et si Jean tabasse une copine occasionnelle, c'est moins grave que si Pierre tabasse sa femme légitime. Autant dire que, du seul fait d'être officiellement lié à la victime, on diminue en considération face à la loi. Au mépris du bon sens d'ailleurs : quitte à verser dans le relativisme (ce à quoi je ne consens pas), il me semble que la complexité et la difficulté naturellement liées aux relations amoureuses longues devraient plutôt faire pencher la balance du côté de la modération. La paranoïa aidant, c'est à se demander si les gens de l'État ne cherchent pas à criminaliser certaines situations familiales : « Ah tiens, tu t'es marié… On t'attend au tournant ! ». D'autant que par "violence" la loi entend aussi violence psychologique : un bric-à-brac extensible à l'envie, propre à rendre délictueux les problèmes de couples les plus divers et les plus banals. Mais bref, j'en reviens à mes moutons : ce qui, à force de relativisme, peut advenir, c'est que l'on tienne l'essentiel pour accessoire, à savoir que l'individu X a frappé l'individu Y. Et qu'en soit ceci est déjà pleinement condamnable, qui que soit X, qui que soit Y. Quand la loi s'écarte des faits reprochés pour considérer les situations familiales des gens impliqués dans un conflit, la loi s'éloigne de ce qu'elle devrait être et revêt les habits d'une politique étatique de ségrégation sociale. C'est la porte ouverte à l'arbitraire et au n'importe quoi, aux détriments des individus.


Situation un peu analogue (quoiqu'un texte de loi ne soit pas en cause ici) avec le récent appel contre le racisme anti-blancs : les signataires de l'appel mettent en avant le fait que les auteurs des violences contre les lycéens ont des idées racistes. Ce faisant, ils tombent dans le même travers que les anti-racistes officiels, celui de criminaliser les opinions2. Frapper quelqu'un avec pour motivation le racisme, ou bien le frapper pour se maintenir en forme, ou encore le frapper par fantaisie : dans tous les cas, c'est frapper qui est légalement condamnable. Et non de ne pas aimer les Blancs. Un Noir qui n'aime pas les Blancs mais se garde de traduire son aversion en actes et en insultes, on peut le tenir pour moralement méprisable si l'on veut, mais il n'y a pas lieu de le considérer comme un délinquant. Et si d'aventure il se met à taper un Blanc, il n'y a pas lieu non plus de considérer sa détestation des Blancs comme un élément à charge : non seulement il a pu taper ce Blanc-là pour une autre raison que le racisme (il y a des tas de bonnes raisons de frapper les gens, n'est-ce pas ?), mais on en viendrait à considérer les faits moins gravement s'il avait eu la bienséance de frapper un Noir à la place du Blanc.


Dans ces deux exemples, on voit qu'une agression contre un individu n'est pas considérée en elle-même comme pleinement condamnable : elle ne devient pleinement condamnable que si s'y superpose une opinion, une situation familiale ou la construction sociale adéquate certifiée dÉtat. Cela revient, ni plus ni moins, à déposséder l'individu d'une part de lui-même, à le priver d'un regard impartial sur ses actes, à le considérer comme un élément d'un sous-ensemble du corps social et à le traiter comme tel.


1. Un petit truc pour les hommes qui aiment bien taper leurs femmes : échangez vos épouses au moment de frapper, puis reprenez chacun votre bien-aimée après la séance de tabassage. Ainsi, en cas de plaintes, vous risquez moins : personne n'a frappé sa propre femme. Un autre petit truc : changez vos habitudes, c'est minable.


2. Je ne veux pas être injuste :

- Stricto sensu, à les lire, les signataires ne criminalisent pas les opinions. Toutefois, ils ne dénoncent pas la violence en tant que telle mais la dénoncent comme violence liée au racisme : « Des lycéens, souvent seuls, sont jetés au sol, battus, volés et leurs agresseurs affirment, le sourire aux lèvres, "parce qu'ils sont français". Ceci est un nouvel appel parce que nous ne voulons pas l'accepter et parce que, pour nous, David, Kader et Sébastien ont le même droit à la dignité. ». On peut donc penser que si des Blancs avaient frappé des Blancs, il n'y aurait pas eu d'appel, que l'indignation aurait été moins grande. (Désolé pour le procès d'intention.)

- Cet appel reste peut-être avant tout un appel contre les malversations des anti-racistes officiels qui dénoncent ce qu'ils ont envie de dénoncer, et détournent le regard quand ça ne leur convient pas. En ce sens, c'est une mise au point légitime, et même, courageuse.


VENDREDI, MARS 25, 2005

Les derniers koulaks

Quand s'est affirmée mon idée de faire des études longues, j'étais collégien ou lycéen à l'époque, j'ai éprouvé une certaine gêne : celle de ne pas reprendre la ferme familiale et, par voie de conséquence, de la condamner à mort. J'avais quelque peu tâté le terrain auprès de mon père, espérant obtenir de lui un blanc-seing. Non seulement mon père n'avait pas essayé de me retenir aux champs mais il m'avait exhorté à surtout ne pas m'engager dans cette voie.


Étonné, je l'avais questionné :

« Pourtant tu gagnes bien ta vie ?

— Oui.

— Tu n'as pas de patron qui te casse les pieds ?

— C'est vrai.

— Tu as somme toute de longues vacances, durant l'hiver ?

— Oui.

— Tu aimes cultiver, tu aimes vendre ?

— Oui.

— Tu n'es pas assailli par la paperasse ?

— Un peu, pas trop. Ça va.

— Tu n'aimerais pas travailler avec moi alors ?

— Si, au contraire.

— Ben alors, quoi ?

— Les temps ont changé. Paysan, c'est fini maintenant. C'est bientôt terminé pour nous, ils nous aurons tous d'ici 10 ou 20 ans. Fait autre chose, paysan c'est fini. »


Mon père n'avait pas su m'expliquer en quoi « paysan, c'est fini ». C'en était resté là.


Ce que percevait confusément (mais justement) mon père, c'est qu'effectivement, "ils" voulaient leur faire la peau aux paysans.


Tout a été fait pour détruire le sens de cette profession : interdiction de traire ses vaches (quotas laitiers), prime à l'arrachage des vignes, interdiction de cultiver ses terres (jachère), prime à l'hectare (que cet hectare produise ou non), etc. En gros, « nous allons te payer à saccager ta ferme, à faire tout le contraire de ce qu'ont fait tes ancêtres pendant des générations dans cette même ferme ». Comment peut-on résister à une telle entreprise de destruction mentale ? Un paysan payé à arracher sa vigne ou à ne pas traire ses vaches, qu'est-ce que ça peut bien signifier ? Lui (le paysan) comprend qu'il est un bouffon, les autres comprennent qu'il est un fonctionnaire. Passer de la fierté paysanne au douteux statut de fonctionnaire bouffon, c'est un changement du tout au tout des plus "dépossédants".


Les plus cyniques s'adaptent (par exemple, ils défrichent au bulldozer d'immenses terrains impropres aux cultures, achetés pour une bouchée de pain, pour toucher la prime à l'hectare), les autres se morfondent, se vont sauter le caisson ou se perdent dans un syndicalisme fait de chantages, d'actes barbares et de happenings navrants.


L'entreprise de liquidation des âmes paysannes n'est manifestement pas achevée puisque Raffy Duck, qui s'ingénie à prendre les Guignols à contre-pied en gardant toujours une longueur d'avance dans la pitrerie, a déclaré hier que l'État va financer des congés payés pour les agriculteurs.


Bref, on n'attend plus que la titularisation et la rémunération à l'ancienneté pour les paysans avant de pouvoir les déclarer pleinement fonctionnaires. Une autre chose qui ne devrait pas se faire attendre bien longtemps : c'est qu'artisans et commerçants demandent à bénéficier eux aussi des congés payés au motif que « y a pas de raisons que les uns les aient et les autres pas ».

POSTED BY XXC AT 4:12 PM 4 COMMENTS

MARDI, MARS 22, 2005

L'arme absolue

Les bonnes intentions ont toujours été l'arme absolue des socialistes1. Rien ne saurait être légitimement reproché aux socialistes puisqu'ils ont de bonnes intentions. Ils sont pour que les pauvres ne soient plus pauvres, pour que les malheureux ne soient plus malheureux, pour que les déshérités ne soient plus des déshérités ; en un mot, ils sont gentils. Mieux : quiconque ose contester le socialisme se trouve être ipso facto désigné comme ayant de mauvaises intentions, comme étant cupide, égoïste, insensible, méchant, etc. Quiconque s'essaie, dans une discussion ou dans un écrit, à affirmer ses bonnes intentions tout en récusant le socialisme, se déconsidère aux yeux du plus grand nombre. Comme se déconsidérerait, à juste titre cette fois-ci, un homme professant son végétarisme tout en savourant un tournedos Rossini.


Des réalisations socialistes, celle-ci est incontestablement la plus réussie : celle d'avoir si bien amalgamé gentillesse et socialisme qu'on ne peut dissocier l'un de l'autre. Des tombereaux de mauvaise foi et de propagande furent nécessaires — et sont encore nécessaires — pour imposer cette énorme et étourdissante escroquerie.


Outre le génial coup de bluff et l'intense prosélytisme, l'heureuse fortune de l'équivalence « gentil <=> socialiste » s'appuie sur l'intimidation : dans la mesure où le plus grand nombre adhère au paradigme, l'incrédule pusillanime, craignant à juste titre stigmatisation et quarantaine, ne tarde pas à plier sa raison à la raison du plus fort, à se persuader du bien-fondé du dogme officiel et à le faire sien. C'est la seule manière qu'il a d'exister parmi les autres : forcer l'adéquation de ses idées à son désir d'être un gentil parmi les gentils et contre les méchants. Les horreurs sinistres du communisme et les banqueroutes éloquentes de la social-démocratie n'auront dès lors plus de sens, elles seront au contraire autant de raisons pour pousser la logique du socialisme plus loin encore2.


1. Par "socialistes", j'entends ici tous les socialistes, qu'ils soient de droite ou de gauche, y compris le navrant Raffy Duck qui ne se propose pas moins que d'administrer l'économie : « Quand la croissance est plus forte que prévu et qu'un certain nombre de gens demandent un partage, j'entends le message. ». Et de jeter l'opprobre sur les chefs d'entreprise pour détourner les regards de la nocivité de sa propre action.


2. Les socialistes expliquent toujours leurs échecs par une insuffisance de vrai socialisme — les termes "vrai socialisme" désignant, selon l'obédience, le communisme, le socialisme-à-visage-humain, la social-démocratie, le capitalisme d'État, une introuvable troisième voie, le national-socialisme, etc. Jamais le caractère fondamentalement délétère de la doctrine n'est évoqué, ne serait-ce que du bout des lèvres. Jamais : trop traumatisant, trop vertigineux.

POSTED BY XXC AT 12:33 PM 0 COMMENTS

JEUDI, MARS 17, 2005

Extension de la servitude

Philippe Douste-Blazy a affirmé hier que la journée de solidarité (le lundi de Pentecôte) ne suffira pas à assurer les ambitions affichées (aide aux vieillards si j'ai bonne mémoire).


Eh bien franchement, sans forfanterie, je le savais depuis longtemps, que la journée de solidarité deviendrait les journées de solidarité. Ça fait un bail que j'ai compris que l'objectif des étatistes est moins d'aider les uns que d'asservir les autres. Quand un étatiste a trouvé un moyen d'asservir, on peut être à peu près certain qu'il va tirer sur la corde autant qu'il le peut.


Les vieillards désemparés, si on ne leur avait pas posé des chausse-trapes tout au long de leurs vies, si on ne les avait pas ponctionnés tant et plus à tout bout de champ pour mener des politiques sociales ambitieuses, pour les envoyer défendre la Patrie menacée en Indochine ou en Algérie, pour équiper les écoles d'indispensables TO7 et MO5(1), bref, si on les avait laissés travailler et prospérer, eh bien je parie que lesdits vieillards auraient aujourd'hui de quoi se chauffer l'hiver et se rafraîchir l'été. (À moins bien sûr qu'on ne prenne nos vieillards pour des cons, ce qui ne m'étonnerait qu'à moitié venant d'étatistes.)


Quoiqu'il en soit, on le voit une fois de plus, la servitude est à la social-démocratie de que l'univers est la cosmologie : elle n'est pas infinie mais n'en finit pas de s'étendre. (L'analogie est un peu nulle mais ça sonne bien.)


(1) TO7 et MO5, ces purs produits de la technologie informatique du terroir français, contemporains des ordinateurs à interface graphique d'Apple.

POSTED BY XXC AT 7:12 PM 2 COMMENTS

Carrément !

Lu dans Libération : Bernard Kouchner revient d'une tournée dans quatre pays africains : « Il faut une assurance maladie mondiale ».


Si l'idée se concrétise, j'en connais une qui n'a pas fini de bloguer.

POSTED BY XXC AT 7:11 PM 2 COMMENTS

Un train de retard

Les laudateurs de l'État opposent souvent vision à long terme de l'État et vision à court terme du marché, montrant ainsi la supériorité de l'un sur l'autre.


Tout d'abord, pour le plaisir de pinailler mais aussi pour mettre les points sur les i : ni l'État ni le marché ne voient, seuls les individus voient. Distinguo qui a son importance : l'anthropomorphisme appliqué à de tels "concepts" n'est en rien éclairant, il conditionne au contraire le jugement, rendant l'État et le marché sympathiques ou antipathiques comme le seraient des personnes, ce qui n'a pas de sens.


Sur le fond maintenant, cette idée que les gens de l'État voient plus loin que les acteurs du marché est fumeuse. Il apparaît au contraire que, en démocratie du moins, les politiciens ont l'œil rivé sur les prochaines élections tandis qu'un entrepreneur, par exemple, a souvent pour préoccupation de sauvegarder son entreprise le plus longtemps possible, et parfois même de la léguer à ses enfants.


Certes, on trouvera des contre-exemples nombreux qui montrent l'imperfection du marché(1) à cet égard. Il n'empêche que c'est bien au sein du marché que les visions à long terme peuvent exister. Dans un cadre étatique, c'est un jour la gauche, le lendemain la droite : c'est l'art de défaire ce que l'autre a fait et/ou d'ajouter sa petite couche d'arbitraire sur les strates d'arbitraire accumulées par ses prédécesseurs. Avec pour résultat confusion et inconstance : pour la vision à long terme, vous repasserez.


Illustrations des brillantes visions des politiques, M. Chirac court après le marché en singeant Google et CNN. Lu dans le Monde : Le président de la République a demandé à Renaud Donnedieu de Vabres et à Jean-Noël Jeanneney "d'analyser les conditions dans lesquelles les fonds des grandes biblothèques en France et en Europe pourraient être rendus plus largement et plus rapidement accessibles sur Internet". Encore dans Le Monde : L'Elysée s'impatiente à propos de la chaîne info internationale […] cette "CNN à la française" souhaitée en janvier 2004 par le président de la République.


(1) L'idée de perfection du marché n'est pas une idée libérale, mais une idée socialiste. Ce sont les socialistes qui, faisant un parallèle avec leur idée de la perfection de l'État, se sont persuadés que les libéraux tenaient le marché pour parfait. Le dogmatisme atrophie la pensée au point de croire que tout adversaire est votre exact négatif. En l'occurence, les libéraux ne considèrent pas le marché comme intrinsèquement bon ou mauvais (ce qui n'aurait aucun sens). Mieux, de nombreux libéraux ne s'intéressent guère au marché. Non, ce qui stimule la pensée libérale, c'est avant tout l'individu et sa liberté.

POSTED BY XXC AT 7:10 PM 1 COMMENTS

MERCREDI, MARS 16, 2005

Le clope au Jean-Paul

Je vous entretenais naguère de la BNF et de son président. Celui-ci disait se soucier de présenter les œuvres d'autrui avec un certain point de vue, une certaine sensibilité.


Naïvement, j'avais cru comprendre qu'il ne s'agissait que de hiérarchiser l'accès aux œuvres : les œuvres des gentils mises en avant, les œuvres des méchants reléguées dans un coin poussiéreux. De ce genre de manipulations si courantes qu'on ne s'en émeut plus depuis des lustres. Du menu fretin, pas de quoi fouetter un chat.


Eh bien je me trompais. L'ambition est un peu plus scandaleuse : il s'agit de modifier si besoin est les œuvres pour qu'elles soient conformes aux dogmes du parti.


Ainsi, le parti a dit : « pas de tabac ! ». Et la BNF de s'exécuter : envolée la cigarette dans les doigts de Sartre ! (Une photographie de l'écrivain, utilisée comme affiche pour promouvoir une exposition, a été truquée à cet effet.)


Les gens de la BNF parlent d'une erreur, ce qui n'arrange pas leurs affaires. Le mot "erreur" renvoie à une altération accidentelle de la photographie, ce qui semble exclu ici. La falsification est manifestement volontaire : c'est donc une faute. (Que l'on ne m'accuse pas d'ergoter : "erreur" et "faute", ce n'est pas du tout la même chose.)


Et l'on peut se demander à juste titre si les gens de la BNF auraient des scrupules à expurger ou à modifier des textes d'auteurs mis en ligne pour qu'ils soient présentables. Puisqu'ils ne se gênent pas pour bricoler la réalité d'une (?) photographie, pourquoi prendre des pincettes avec du texte ? Qui peut affirmer que, dans les milliers d'ouvrages mis en ligne sur Gallica (le site web de la BNF), cela n'ait jamais été fait ? On peut légitimement se poser la question.


On constate en tout cas que ceux qui sont payés pour être les gardiens de l'intégrité des œuvres peuvent à l'occasion s'ingénier à en être les fossoyeurs. (Avec notre argent, est-il mesquin de le rappeler au passage ?)


Enfin, il est plaisant de constater que ce qui effraie les gens de la BNF chez Sartre, ce n'est pas son engagement moral aux côtés de Staline, puis de Mao, puis de Pol Pot. Non. C'est son clope.

POSTED BY XXC AT 7:18 AM 1 COMMENTS

Semaine de la presse

16e édition de la Semaine de la presse et des médias dans les écoles (du 14 au 19 mars). Les travaux pédagogiques s'articuleront autour des thèmes « la diversité des médias » et « le pluralisme des opinions ».


Des profs pour causer pluralisme des opinions, c'est assez gratiné je trouve. Des lieux de travail où les opinions sont plus bridées, fossilisées, doctrinaires et intolérantes que dans une salle des profs, ça n'est pas fréquent.


Gratiné aussi de discourir de pluralisme des opinions dans les médias français tant il est patent qu'ils se ressemblent plus les uns les autres qu'ils ne se distinguent les uns des autres. Le plus souvent, consensus sur le principal, divergences décoratives.


Bref, cette Semaine de la presse et des médias est une semaine de propagande qui devrait voir les abonnements au Monde diplomatique augmenter.

POSTED BY XXC AT 7:16 AM 0 COMMENTS

LUNDI, MARS 14, 2005

Lafronde…

… a changé d'url. C'est maintenant ici :

http://www.peres-fondateurs.com/lafronde/.

POSTED BY XXC AT 10:54 AM 0 COMMENTS

Encliquetages

Le dessein nihiliste d'éradication de l'individu, de l'humanité, est une tâche exaltante. Les candidats à l'abandon de soi, les jouisseurs de l'asservissement des volontés individuelles au corps social sont légion. Les programmes totalitaires mis en œuvre au XXe siècle ont échoué mais les amoureux de la morbidité sont toujours là. Des expériences passées, ils ont retenu ce qu'il ne fallait pas faire, ils ont appris qu'il fallait procéder autrement.


Annihiler l'individu par la manière forte n'a pas fonctionné, les nouvelles stratégies se fondent sur la corruption graduelle des esprits : petit à petit, insidieusement, les travaux de sape grignotent les individus selon une succession d'étapes minuscules, chacune trop peu révoltante pour entraîner un sursaut, mais toutes globalement redoutables par l'effet de cliquet qu'elles constituent. Ainsi, les insignifiants abandons de soi succèdent aux insignifiants abandons de soi, laissant les individus dans un mal-être confus, guère à même de percevoir les agressions subies. (On pourra lire ce post de Zek sur ce même sujet.)


Anecdotique étape du monstrueux processus, le plan de la DRIRE (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement d'Île-de-France) d'interdiction des deux-roues à moteur deux-temps soumis le 8 mars 2005 à l'ensemble des collectivités de la région Île-de-France (cf. cet article de Moto-net).


Le souhait de réduire la pollution de l'air, louable en soi, auquel personne ne peut raisonnablement s'opposer, devient le droit de limiter la pollution de l'air à n'importe quel prix, indépendamment de toute autre considération ; c'est un permis d'omnipotence et de tyrannie. De même que le désir de voir la pauvreté diminuer est l'intouchable sauf-conduit de toute politique sociale. Auréolé de tels jokers, on peut stigmatiser tout individu rétif et le broyer en toute impunité, au nom de la solidarité ou de l'environnement. J'ose avancer qu'en l'occurrence la lutte contre la pollution est moins un objectif qu'un moyen, que le réel objectif est d'agréger les Parisiens en usagers des transports en commun.


D'abord commença la guerre contre les voitures, avant tout une guerre contre les automobilistes. L'automobiliste est trop confortablement chez lui dans son auto, trop coupé du groupe, il est trop un individu. On lui a interdit de fait d'utiliser sa voiture. Les plus rebelles ont acheté un scooter, ils n'ont pas voulu s'agglomérer aux masses indifférenciées des transports en commun. Rébellions pathétiques et vaines : ils sont déjà cernés. Il est maintenant temps de rejoindre les wagons du corps social.

POSTED BY XXC AT 10:08 AM 3 COMMENTS

MERCREDI, MARS 09, 2005

Copywriter

Quand j'étais enfant, je voulais être marin au long cours, ou peut-être berger, ou sinon libraire, ou encore je ne sais plus. Souvent les garçons veulent être pompiers, policiers ou vétérinaires. En tout cas, je n'ai jamais entendu un seul môme prétendre : « moi, quand je serai grand, je veux faire copywriter ! ». Ça non.


Jusqu'à hier d'ailleurs, je ne savais pas ce qu'était un copywriter.


Or il se trouve qu'un copywriter a placé Citoyen durable dans la colonne "liens" de son blog. Le meilleur copywriter du monde en plus ! Imaginez… Et comme son blog est intéressant, je me dois de réciproquer.


C'est ici : http://copywriting.skynetblogs.be/. Vous saurez tout sur le copywriting (mieux vaut être prévenu à l'avance : ça a trait au poulet, aux légumes et aux automobiles vraiment puissantes).

POSTED BY XXC AT 12:49 PM 1 COMMENTS

MARDI, MARS 08, 2005

Google

Paru dans "Le Monde" du 4 mars 2005, un entretien du président de la BNF (Bibliothèque nationale de France), M. Jean-Noël Jeanneney, relativement au projet de "Google" de numériser des millions de livres et de les proposer gratuitement à la lecture sur le web. Un entretien révélateur de l'orgueil déplacé et de la nervosité de bête traquée qu'éprouvent si souvent mes compatriotes dès lors que des Américains ont une longueur d'avance sur eux. Nervosité exacerbée ici par le fait le projet de Google est privé. Américain et privé ? Deux bonnes raisons d'y trouver à redire, forcément. Quelques extraits commentés :


Le Monde : Il y a dix ans, le président François Mitterrand inaugurait la BNF. La France a investi plus de 8 milliards de francs pour créer ce monument qui renferme plus de 13 millions d'imprimés. Ne fallait-il pas plutôt dépenser cette somme à numériser ces volumes, comme le suggérait Jacques Attali ?


J.-N. J. : Il faudra très longtemps avant que les "livres en papier" ne soient plus nécessaires, à supposer que cela arrive jamais. […]


Une ébauche de reproche et voilà qu'on botte déjà en touche. Qui prétend que les livres en papier ne seront bientôt plus nécessaires ? En quoi cet argument incertain est-il une réponse à la question posée ? Huit milliards payés par les Français pour des ouvrages qu'en pratique la plupart d'entre eux ne consulteront pas (ne serait-ce que du fait de l'éloignement de Paris), contre rien à payer pour lire des ouvrages depuis chez eux. La question du journaliste est pertinente et le refus d'y répondre ressemble à un aveu.


Le Monde : Grâce au projet Google, plus de 15 millions de livres seront bientôt disponibles en ligne. Pourquoi la BNF est-elle si lente ?


J.-N. J. : Compte tenu de notre budget actuel, nous faisons, pour l'instant, le maximum (et même un peu plus !), au nom du principe "aide-toi, l'Etat t'aidera". Nous sommes tout prêts, nos moyens augmentant, à accélérer le rythme, si possible avec d'autres bibliothèques européennes, ou selon toute autre organisation. […]


"Aide-toi, l'Etat t'aidera", elle est excellente celle-là, je ne la connaissais pas ! Rappelons que la formule originale est "Aide-toi, le Ciel t'aidera", ce qui atteste bien de la religion étatique de M. Jeanneney. La litanie des "moyens" corrobore cette impression. Certes, les moyens de la BNF sont sans doute bien inférieurs aux moyens de Google. Mais il s'agit d'un instantané : la société Google est très récente, a été fondée par deux étudiants à partir de rien, tandis que la BNF est une vieille institution épaulée à grands renforts de milliards par l'État depuis des décennies. Bref, pourquoi la BNF est-elle si lente ?


Le Monde : Pourquoi êtes-vous hostile au projet Google ?


J.-N. J. : Hostile ? Ce n'est pas le mot juste. Lorsque Google a annoncé, le 14 décembre, son projet de numérisation de 15 millions de volumes tirés des fonds de plusieurs grandes bibliothèques anglo-saxonnes, nous n'avons pas douté que parmi ces ouvrages figureraient un grand nombre de titres européens. Mais leur sélection, leur hiérarchisation dans les listes vont être définies forcément à partir d'un regard singulier : celui de l'Amérique. La production scientifique anglo-saxonne sera inévitablement surévaluée. Le miroir américain sera le prisme unique. Ma remarque ne relève d'aucun chauvinisme, je n'ai l'intention d'instruire aucun procès à l'ouverture de Google, je me borne à constater une évidence. J'aimerais simplement que l'on puisse disposer dans l'avenir d'un autre point de vue, marqué par une autre sensibilité - européenne - d'un regard sur le monde sans doute tout aussi partiel et même partial, mais différent. Ce que je défends, c'est une vision multipolaire.


M. Jeanneney n'est pas hostile mais il fait des procès d'intention qu'aucun argument ne vient étayer… Il sous-entend que des Américains ne peuvent avoir que des points de vue américains, qu'il n'existe aucune diversité dans les idées en Amérique. Ni hostilité ni mépris, n'est-ce pas ?


Et puis, quand bien même ces craintes seraient fondées, en quoi le projet de Google, qui n'élimine rien mais ne fait que remplir un vide, pourrait-il être problématique ? Ce projet n'est pas réducteur puisqu'il ajoute à toutes les bibliothèques du monde une bibliothèque de plus. Le projet de Google participe donc d'une plus grande diversité, et non d'un appauvrissement comme le laisse entendre M. Jeanneney.


Je crois déceler dans les propos du président de la BNF ce mépris souverain qu'ont les socialistes pour le peuple : le peuple est trop bête pour séparer le bon grain de l'ivraie, il faut qu'un État l'aide à penser bien, le dirige vers de saines lectures multipolaires (comprenez : socialistes) et il y aurait un danger à laisser le bon peuple s'abreuver de lectures illicites. Le projet de Google est difficilement supportable dans le sens où il risque de proposer à la lecture, sans garde-fous étatiques, des ouvrages quasiment introuvables dans nos bibliothèques, nos CDI (bibliothèques scolaires) et nombre de nos librairies ; soit une perte de contrôle des gens de l'État sur les individus.


Le Monde : Google suggère à la BNF de les rejoindre. Pourquoi ne pas accepter la proposition ?


J.-N. J. : […] le jour venu, si nous sommes parvenus en Europe à un niveau comparable en associant, selon la logique propre à notre modèle de civilisation, l'énergie du marché et la détermination de l'Etat, je suis sûr que nous pourrons nous entendre.


[…] Mais l'urgence est de nous hausser au niveau quantitatif et qualitatif qui nous protégera contre une domination de fait, à la fois dans la hiérarchisation des ouvrages et dans la validation des recherches scientifiques. Cela suppose que nous acceptions, en tant que citoyens, de pourvoir aux dépenses nécessaires non pas comme consommateurs, par la publicité (qui a des conséquences évidentes sur les choix), mais comme contribuables, pour assurer un autre classement. […]


Alors ça, c'est pas mal ! Google propose aux gens de la BNF de se joindre à leur projet, et les gens de la BNF, qui pensent pourtant que ce projet est trop américain et pas assez européen, qui est consciente de son retard énorme dans ce domaine, refuse de participer ! Ils préfèrent un projet médiocre qui spolie le contribuable à un projet ambitieux qui ne lui coûte rien ! Rien n'empêche pourtant de travailler avec Google tout en continuant à développer Gallica, le site web de la BNF. Pour ce qui d'être multipolaire, on voit bien qui manifeste le désir de l'être et qui manifeste le désir de ne pas l'être. On voit bien qui veut faire connaître un maximum d'œuvres à un maximum de gens et qui ne le veut pas.


Peur de la domination de Google ? Foutaises ! En matière culturelle, le repli sur soi est le meilleur moyen d'être durablement dominé ou sinon de disparaître. De toutes façons, la BNF est sous tutelle étatique totale et, au point où elle en est, elle n'a pas à s'effrayer de domination : dominée, elle l'est. La réalité est que M. Jeanneney prône une certaine domination et feint de s'effrayer de dominations hypothétiques.


Quant à l'indépendance acquise par l'impôt, autant dire aussi que la servitude rend libre ! Quel aplomb ! En matière culturelle, je le redis, le protectionnisme national est une ânerie qui sclérose et uniformise les esprits.


L'ambition de M. Jeanneney, si elle est reprise par le gouvernement, coûtera une fortune, n'atteindra la cheville de Google qu'à la saint-glinglin. Et entre-temps, M. Jeanneney aura fait une brillante carrière au frais du contribuable.

POSTED BY XXC AT 12:46 PM 3 COMMENTS

Exorcisme

C'est étonnant comme les humains peuvent se mentir pour se persuader que la réalité est bien en adéquation avec leurs idéaux.


Ainsi je reviens d'Afrique du Sud où il est proclamé un peu partout que l'on a affaire à la "nation arc-en-ciel", suggérant ainsi un métissage harmonieux et exemplaire des peuples qui vivent là-bas. Or, ce qui saute aux yeux du touriste lambda c'est le cloisonnement racial extrême : "Coloured", Noirs, Blancs et Indiens se croisent sans se rencontrer, les couples et les groupe d'amis sont strictement monochromes. Et le fossé économique est si abyssal entre les races que l'association poétique des peuples d'Afrique du Sud à l'arc-en-ciel semble peu heureuse et des plus frelatée.


Autre légende officielle, celle du "combattant de la liberté", Nelson Mandela. Rappelons-le, lorsqu'il fut arrêté et emprisonné dans les années 60, Mandela était un pilier de l'ANC, mouvement politique ethnique (xhosa) et communiste. Drôle de liberté en perspective : si l'ANC était parvenue au pouvoir il y a quarante ans, un régime à la Castro attendait le pays. L'intelligence de Mandela parvenu au pouvoir en 1994 fut justement (et fort heureusement) d'avoir rompu avec sa "lutte pour la liberté" d'antan. (Certes, cette lutte, mal inspirée par l'ethnie et le communisme, a peut-être aidé à débarrasser le pays de l'infect apartheid, comme quoi rien n'est simple.)


Les habitants d'Afrique du Sud semblent engagés dans une entreprise d'exorcisme de leur passé qui s'appuie sur le travestissement des faits : la réalité réinventée est appelée au secours des bonnes intentions. Un tel enchantement est si artificiel qu'il me paraît peu prometteur sur le long terme. J'espère me tromper. (Ce qui est tout à fait possible d'ailleurs : mes réflexions sont celles d'un touriste et non celles d'un spécialiste.)


VENDREDI, FÉVRIER 18, 2005

Échappée

Je m'en vais reprendre mon souffle en Afrique du Sud. Retour dans deux semaines. Bises.

POSTED BY XXC AT 12:08 PM 0 COMMENTS

MERCREDI, FÉVRIER 16, 2005

Noirs au noir

Il suffit à Libération d'un seul titre d'article, à savoir "Travail informel, plaie de l'Afrique", pour proférer une tonne d'inepties répugnantes. Plus énorme, tu meurs !


Car le travail au noir c'est justement la seule chose qui fonctionne en Afrique ! Il faut être miro pour ne pas le voir ! Le reste n'est que pillage étatique et détournement de ressources au détriment des Africains qui bossent. Il faut vraiment être un âne bâté (au mieux) ou un complice des prédateurs (au pire) pour pondre un titre aussi stupidement révoltant !


D'une manière plus générale, le travail au noir est avant tout du travail. Du travail pour les plus faibles quand les nantis de l'État leur ont confisqué le droit de bosser légalement. Bosser (et jouir des fruits de son travail) est un droit absolu et universel, interdire aux gens de bosser est un crime. Désigner un homme qui travaille, pour le seul fait qu'il travaille, comme une plaie (!!!) est dégoûtant, répugnant, dégueulasse, révoltant, horripilant, scandaleux, honteux, minable, odieux, indigne, ignoble, infâme, détestable, haïssable et insupportable. Ah, j'enrage ! Ou est donc la kalach', que j'étripe ! Mais que donc ont-ils fait de si condamnable, ces Africains, pour qu'on les conchie aussi outrageusement ?!


Définitivement, le travail au noir n'est pas criminel, ce sont les gens de l'État qui sont criminels en décrétant un tel travail criminel. Travailler est normal, naturel, fondamentalement humain. Une forte proportion de travail au noir révèle que les gens de l'État sont à côté de la plaque, qu'ils imposent des taxes et des réglementations inadaptées et délétères. Ce sont eux les criminels, eux qui nient la vie. Les Gentils : ceux qui travaillent ; les Méchants : ceux qui cassent les c… à ceux qui travaillent, voilà la plaie ! Je ne peux pas être plus clair (à défaut d'être subtil).


Le journaliste de Libération devrait être poursuivi pour apologie de crime contre l'Humanité. (Je ne sais pas ce que j'ai, aujourd'hui, excès de gros rouge sans doute…)

POSTED BY XXC AT 12:51 PM 3 COMMENTS

MARDI, FÉVRIER 15, 2005

Les jeunes

Les collectivistes, dans leur désir de cloisonner pour mieux régner, sont de fervents adeptes de la substantivation : les exclus, les sans-papiers, les toxicomanes, les sans-emploi, les homosexuels, les jeunes, etc. Tout qualificatif est susceptible de se sublimer en construction sociale et d'étouffer ainsi l'individu. On raisonne par agrégats : la diversité des individus est agglomérée en packs propices au merchandising d'État. Pierre n'existe pas en tant que tel, il existe comme élément d'un tout, d'une construction sociale, comme homme qui aime les hommes ou comme citoyen de 20 à 25 ans. Si Pierre est socialement banal, inclassable, autrement dit mâle, hétéro, blanc, quadragénaire, sans religion, non drogué, non syndiqué, employé de banque, touche-à-tout dans ses loisirs, etc., eh bien Pierre n'existe pas. L'individualité de Pierre, sa richesse intérieure, sa condition d'homme : tout cela n'a pas de sens pour le collectiviste. Pierre est alors un intouchable : il est indigne de considération, il est de la caste de ceux qui paieront et ne recevront pas, il est un puceron utile à excréter du miellat.


Une des plus fécondes castes engendrées par la pensée collectiviste est la caste des adultes jeunes, substantivée en "les jeunes". En réalité, "les jeunes" n'existe pas autrement que comme catégorie statistique, il n'y a aucune essence commune aux adultes jeunes, c'est une catégorie statistique des plus hétérogènes qui soit, des plus arbitraires, des plus artificielles. Autant les nourrissons peuvent former une catégorie dotée d'une certaine substance (envie de téter, dodo, pipi, caca), autant les centenaires peuvent être agrégés en un tout avec une petite pertinence (gens proches de la mort, corps à la débilité lancinante, surdité, etc.), autant "les jeunes" est protéiforme.


Mais "les jeunes" a fait florès, l'OPA a réussi, sans doute grâce au pathos adjoint, à cette manie de s'attendrir de tout quidam qui n'a pas la stabilité professionnelle du fonctionnaire, le confort du quinquagénaire aisé, les annuités acquises du salarié chenu. Comme si la perspective de vivre, d'aborder un avenir ouvert, non balisé, était un drame digne de commisération plutôt qu'une situation normale, qu'une raison de se réjouir. Comme si la jeunesse était une maladie qu'il faille éliminer. Enfin bref, on croit en "les jeunes", donc "les jeunes" existe. Et on se doit de les aider.


Les parents et grands-parents sont déjà engagés depuis plusieurs années dans une surenchère extravagante : c'est à qui sera le plus mère poule et le plus nunuche avec ses poupons de vingt ou trente ans. Les gens de l'État n'ont aucune raison de se priver d'accompagner ce grotesque nursing : réduire les gens a priori les plus vigoureux de la société à des mauviettes incapables d'autonomie et de débrouillardise, voilà un programme de choix.


Anecdotique étape de ce processus débilitant, Raffy Duck (que je n'ai plus aucun scrupule à nommer ainsi depuis qu'il a pulvérisé les limites de la farce bouffonne avec sa "positive attitude"), Raffy Duck donc, se propose d'aider "les jeunes" à se payer le permis de conduire. Opération « le permis de conduire à un euro par jour ». « Avec les radars, il y a de l'argent qui peut être récolté. Cet argent reviendra à la jeunesse. »


Il était une époque où l'aspirant au permis payait son carton rose avec l'argent gagné à "faire les maïs" l'été, tandis que papa et maman fournissaient le complément. C'était simple et efficace. On ne voit pas trop pourquoi un "jeune" d'aujourd'hui ne pourrait pas vendre quelques BigMac, se priver de vacances, de fringues ou d'un iPod pour se payer le permis. Certes, le coût du permis a crû avec la réglementation (et avec la mortalité des 18-24 ans sur les routes…), mais le SMIC a crû lui aussi. Bref, un "jeune" vaillant peut se payer le permis aujourd'hui comme on le faisait hier. Celui qui n'est pas vaillant n'a qu'à rouler à vélo. Pourquoi devrait-on prendre l'argent des uns (qui ont souvent des contraintes financières préoccupantes) pour les donner à d'autres (qui ne sont pas toujours aux abois et qui ont la vie devant eux) ?


Un rapport du député de l'Ain, M. Jean-Michel Bertrand, indique que, notamment, il faut remédier à la conduite sans permis des "jeunes". Intéressant ça. Ça signifie que le brave conducteur qui a payé son permis tout seul comme un grand et qui se fait allumer parce qu'il roule à 55 km/h va cotiser pour le permis d'un délinquant. Voilà qui fait plaisir. Et une inversion des valeurs, une !


M. Bertrand relève aussi qu'avec la disparition du Service national, c'est 100.000 hommes qui ne peuvent plus passer le permis gratuitement. Ce qui est sidérant avec les collectivistes c'est qu'ils ne semblent pas se rendre compte des énormités qu'ils énoncent. Quoi ? Un an de sa vie à glander dans une caserne pour un permis de conduire, c'est gratuit ? J'aurais plutôt tendance à penser que c'est très cher payé !

POSTED BY XXC AT 8:46 AM 2 COMMENTS

MERCREDI, FÉVRIER 09, 2005

Une envie de kalachnikov

Une fois de plus, j'entends écrire que, dans leur lutte pour vivre mieux, les pauvres n'en ont pas fini de trouver de riches étatistes sur leur chemin, de ces gens qui sauront les chosifier et les plumer tout en prétendant les aider, la main sur le cœur, la bouche en cul de poule.


Les Noirs africains ont connu ceux qui leur ont donné des pagnes en échange de bons jobs pour leurs fils aux Amériques (ils auraient dû se méfier), ils ont connu ceux qui leur ont offert la civilisation (ils auraient dû se méfier), ils ont connu l'émancipation par la coopération technique et la décolonisation (ils auraient dû se méfier), ils connaissent aujourd'hui l'aide des pays riches (ils devraient se méfier).


À chaque fois, de ces bienfaits offerts par de riches étatistes (ou par leurs sbires), ils en ressortent plus exsangues, plus privés d'eux-mêmes que jamais, jusqu'à ne plus être aujourd'hui trop souvent que de pathétiques pantins déculturés, veules, stupides, rapaces. L'objectif des étatistes a trouvé son aboutissement en Afrique noire : il n'y a plus guère dans ces contrées d'individus vivants, hélas.


Qu'à cela ne tienne, les étatistes n'ont pas prévu de s'arrêter en si bon chemin : il y a encore du fric à se faire sur la bête agonisante. Au programme, une annulation des dettes de l'Afrique et, tant qu'on y est, un "plan Marshall". C'est la proposition de M. Gordon Brown, ministre des finances du Royaume-Uni, proposition aussitôt reprise par le champion des Gentils, papa Chirac.


Bref, rien qui ne puisse sortir le pauvre hère africain de sa mouise. La dette de son pays ne le concerne pas : dans tous les cas, il n'a droit à rien d'autre qu'à être soumis et spolié. La dette n'est pas la sienne, c'est une dette (jamais remboursée, toujours prorogée et amplifiée) qu'ont obtenu son bien-aimé président et sa clique étatique pour s'acheter des costumes Armani, des limousines, des putes, du champagne, un appartement à New-York, un château en France et une multitude d'autres châteaux, en Espagne ceux-là. Suppression de la dette : tu parles d'une générosité en l'endroit des miséreux ! C'est un insoutenable cynisme que de le laisser entendre. Comme si on leur faisait un quelconque cadeau ! Quand au "plan Marshall", qu'est-ce c'est sinon qu'une dette qu'il n'est pas besoin de rembourser ? Sinon que des moyens supplémentaires donnés aux porcs pour qu'ils assoient mieux encore leur bestialité prédatrice ?


Le business continue, la collusion maffieuse prospère. Les étatistes des pays riches vont accentuer leurs voies de fait sur leurs administrés, les spoliant plus qu'hier et moins que demain, se plaçant habilement dans le business pour en tirer gloire et argent ; les étatistes des pays pauvres, quant à eux, seront encouragés à détruire ce qui reste d'humanité à leurs concitoyens, broyant leurs vies et leurs consciences.


Ce dont a besoin le vulgum pecus africain, ce pauvre gars qui n'existe presque plus, dont l'esprit a été ravagé par la corruption des consciences, c'est que lui soit rendu son moi, c'est que disparaissent les étatistes noirs, blancs et jaunes et avec eux la prédation déguisée en bienveillance. C'est de libéralisme et de droit dont il a besoin, pas de faux cadeaux et de fausses aides, de ces richesses volées aux uns par les aigrefins de la gentillesse internationale pour ne pas les donner aux autres.


Je finis ce post les larmes aux yeux, des larmes de rage et de découragement. Je constate en direct l'infamie tous les jours, et croyez-moi, c'est dégueulasse. Et quand je vois au JT se pâmer folliculaires et politiques, exaltés par leur propre exaltation, ces clowns nocifs, j'ai des envies de kalachnikov.

POSTED BY XXC AT 1:03 PM 1 COMMENTS

MARDI, FÉVRIER 08, 2005

Erratique

Désolé, je suis contraint à poster de moins en moins. La situation est actuellement difficile à Pointe-Noire : pas d'électricité depuis trois semaines, internet erratique et très lent (jusqu'à une demi-heure pour charger une page web). Je vais tâcher de faire de mon mieux pour contenter mes plus fidèles lecteurs, mais n'attendez pas de miracles…

POSTED BY XXC AT 8:56 AM 2 COMMENTS

MERCREDI, FÉVRIER 02, 2005

Progressivité de l'impôt

Un extrait d'un article de M. Jacques Bichot, professeur d'économie, dans Le Monde du 26/01/2005 :


« Au regard de l'équité, la gauche se réjouit logiquement d'avoir avec l'IR [impôt sur le revenu] progressif un instrument de redistribution "verticale", des riches vers les pauvres. Les libéraux n'y sont pas forcément hostiles, pourvu qu'elle ne prenne pas des allures confiscatoires qui décourageraient les plus entreprenants. Familiers de la microéconomie néoclassique, ils ne peuvent qu'être sensibles au raisonnement marginaliste suivant : l'utilité d'un euro supplémentaire étant généralement une fonction décroissante du niveau de vie, concentrer le tir sur les tranches élevées détruit moins de valeur que taxer à taux uniforme (comme la CSG) ou faiblement progressif.


Cet éloge de la progressivité s'applique particulièrement à l'IR, car celui-ci obéit grosso modo au principe du quotient familial : à niveau de vie égal, taux d'imposition égal. Soit un ménage qui dispose de 3 000 euros par mois : l'utilité d'un euro supplémentaire est bien supérieure si ces 3 000 euros doivent suffire à deux adultes et trois enfants plutôt qu'à une seule personne. Alfred Sauvy disait qu'en prélevant 100 francs sur un ménage moyen unipersonnel on écorne son superflu, tandis que s'il s'agit d'une famille nombreuse on ampute son nécessaire. Le quotient familial, en évitant cela, fait de l'IR français, à prélèvement total identique, un des moins destructeurs de valeur parmi tous les prélèvements obligatoires. »


Une première remarque : quoiqu'en dise M. Bichot, les libéraux sont hostiles à tout impôt. Et tout impôt, à moins d'être payé le sourire aux lèvres, est une confiscation. Tout au plus, les libéraux (pas tous) tolèrent l'impôt comme un mal nécessaire. Et encore, dans des limites sans commune mesure avec ce qui se pratique actuellement en France.


Relativement à la progressivité de l'IR, cette progressivité qui se manifeste par un calcul de l'IR selon un système de "tranches", l'argument cité, à savoir "l'utilité d'un euro supplémentaire étant généralement une fonction décroissante du niveau de vie", est des plus courants. Et cet argument est faux. Doublement faux :


Totalement faux d'abord parce qu'il est mal compris : la loi énoncée plus haut est relative à une personne donnée. Il faudrait la citer intégralement ainsi : "pour une personne donnée, l'utilité d'un euro supplémentaire est généralement une fonction décroissante du niveau de vie". Cela signifie que, quand Robert gagnait 1000 euros par mois, le 1000e euro avait plus d'importance pour lui que n'en a pour lui le 3000e euro des 3000 euros qu'il gagne maintenant chaque mois. Par contre, cela ne signifie pas que le 1000e euro de Jean qui gagne 1000 a plus d'importance que le 3000e euro de Robert qui gagne 3000. Pour la simple et bonne raison que Jean n'est pas Robert et que leurs attachements au dernier euro sont subjectifs. Que Jean se satisfait peut-être d'une vie simple tandis que Robert est totalement insatisfait de ses revenus, que l'effort fourni par Jean pour le dernier euro est peut-être bien inférieur à l'effort fourni par Robert pour le dernier euro. Personne d'autres qu'eux ne peut savoir ce qu'un euro de plus ou de moins représente pour eux. Quant au nécessaire et au superflu, même chose : ce qui relève de l'un ou de l'autre est subjectif.


L'argument est en outre un peu faux, autrement dit pas toujours vrai, même quand on parle d'une seule et même personne. En effet, pour certains, un euro restera toujours un euro, même une fois devenus riches. On peut détester les milliardaires radins, on ne peut pas contester que leur attachement à l'euro supplémentaire est fort.


Bref, l'argument cité plus haut est faux. C'est de la monétisation collectiviste de sentiments et d'existences particuliers. En réalité, les gens de l'État ont besoin de beaucoup d'argent et ils vont chercher l'argent là où il se trouve en grande quantité. Ensuite, ils arguent de "lois" qui leur conviennent pour d'une part justifier leur prédation, d'autre part éteindre les velléités de rébellion des gens les plus spoliés en les désignant comme ayant satisfait tous leurs besoins et n'étant donc pas en situation de se plaindre.


La première qualité de la progressivité de l'impôt est de pomper un maximum d'argent en fâchant un minimum de gens. Ça n'en fait pas un procédé juste. Spolier une minorité, quelle que soit cette minorité, pour satisfaire une majorité, quelle que soit cette majorité, est injuste. Les gens de l'État, s'ils étaient honnêtes dans leurs discours à défaut de l'être dans leurs actes, devraient dire : "on veut du fric par tous les moyens, piller les pauvres ne nourrit pas son homme, piller les riches, si." Ce serait un discours dégoûtant mais un discours approprié.


Reste l'impôt proportionnel, moins injuste mais injuste tout de même puisque certains paient bien plus que d'autres pour des services rendus a priori identiques. Et enfin l'impôt per capita (par tête de pipe). Il est étrange que ceux qui le trouvent injuste ne trouvent pas injuste que le bifteck soit vendu au même prix quel que soit l'acheteur. Contre un tel impôt, on pourrait avancer que les riches utilisent plus les services publics que les pauvres. Souvent, c'est vrai (et au passage la légitimité des services publics en prend d'ailleurs un sacré coup). En outre, un impôt per capita aurait l'immense inconvénient de ne rapporter que peu d'argent : il nécessiterait d'être peu élevé pour que tout un chacun soit en mesure de le payer. D'un autre côté, l'inconvénient serait un avantage : un moyen sûr de réduire de manière drastique la prédation étatique.


MERCREDI, JANVIER 26, 2005

Sociologie de l'incendiaire

J'utilise la lecture comme un médicament de l'humeur. Quand je suis énervé et cerné par les soucis, je me plonge dans un roman. Jack Vance est sans doute mon meilleur anesthésique : trois pages de Madouc et je suis guéris de mes énervements. Quand, au contraire, c'est l'apathie qui m'étreint, je lis les journaux, au rang desquels Le Monde occupe une place de choix. Rien de tel pour retrouver une saine horripilation. De mou, me voilà crispé à souhait.


Aujourd'hui, ma léthargie m'a poussé à lire Le Monde, et notamment un article daté de lundi 24 et intitulé "Les voitures brûlées ne sont plus le symptôme de violences collectives". En sous-titre : "Longtemps considérés comme le symbole du malaise des quartiers difficiles, les incendies de véhicules sont désormais essentiellement le fait d'actes individuels comme le révèle une étude de la direction de la sécurité publique de Seine-Maritime réalisée fin 2004".


Il faut sans doute comprendre qu'avant ce n'était pas des individus qui incendiaient des voitures. Non, c'était des constructions sociales qui mettaient le feu aux voitures. Mais aujourd'hui, les constructions sociales, Cohésion sociale™ oblige, se tiennent très bien ; seuls, hélas, des individus —l'individu, décidément la plaie de notre époque— continuent de brûler des voitures.


On apprend plus loin par M. Niquet, préfet des Yvelines que, relativement aux "incidents" de la St-Sylvestre, aucun fait de violence urbaine n'est à déplorer. Pas d'affrontements, ni entre jeunes, ni avec les forces de l'ordre. Pour autant, le nombre de véhicules incendiés reste préoccupant.


Plus de constructions sociales méchantes disais-je plus haut, eh bien aussi maintenant, plus de violence. Incendier une voiture ne peut pas être raisonnablement considéré comme un acte violent, il faudrait être quelque peu azimuté pour le penser. Carboniser la voiture d'autrui, c'est fondamentalement débonnaire bien sûr, c'est juste priver autrui par des moyens inoffensifs de la jouissance des fruits de son travail, c'est juste faire s'évanouir en fumée le temps qu'il a consacré à acquérir le bien incendié. En quoi un collectiviste, qui prône la confiscation partielle des existences des citoyens par l'impôt, pourrait-il considérer cela comme violent ?


À l'appui des déclarations du préfet Niquet, Le Monde cite servilement une étude réalisée par l'état-major de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Seine-Maritime sur "les motivations des auteurs d'incendies de véhicules".


Première remarque avant de poursuivre, je m'étonne un peu qu'une DDSP fasse des études pour connaître les motivations de ceux qui brûlent des voitures : il me semblerait plus naturel de consacrer les efforts à attraper les délinquants. Je croyais naïvement que les forces de l'ordre étaient payées pour cela et non pour pondre des thèses de sociologie. Qu'est-ce qu'on s'en fiche de savoir pourquoi le délinquant délinque si ce n'est pour relativiser le fait qu'il délinque. Si je trouve ma voiture incendiée, qu'est-ce que j'en ai à faire de savoir pourquoi un crétin l'a mise dans cet état ? Si de telles études sont réalisées, c'est avant tout à des fins de propagande : il s'agit de démontrer que les coupables ne sont pas complètement coupables, qu'il faut les comprendre, engager un véritable dialogue citoyen et mettre en place des cellules de soutien psychologique aux incendiaires. Bref, démontrer que nous avons besoin d'une couche supplémentaire d'État. Sinon quoi ?


Bon, revenons-en à l'étude de la DDSP (encore un organisme public sans doute absolument indispensable). L'étude ne s'appuie que sur 79 affaires résolues. Or, des statistiques ayant vocation de sondage qui s'appuient sur une population de 79 individus, c'est très insuffisant. Induire à partir d'une population si réduite est abusif. D'autant plus abusif si la population étudiée n'est pas représentative, ce qui est le cas ici (étude circonscrite à la Seine-Maritime et aux affaires résolues, pas forcément représentatives de toutes les affaires d'incendies de véhicules). Bref, une étude très peu fiable.


Quoiqu'il en soit, faisons comme si. Que dit cette étude ? Dans 50 % des cas, l'incendie est consécutif au vol du véhicule (il s'agit d'effacer les traces). Vient ensuite "celui qui agit individuellement ou à deux, soit pour des raisons ludiques, soit par désœuvrement, pour provoquer une intervention des sapeurs pompiers afin d'assister à l'extinction du feu sans pour autant être vindicatif". En troisième position, on a "un lien avéré entre l'auteur et la victime de l'incendie du véhicule, qui intervient principalement dans les différends familiaux, les dépits amoureux, les mauvaises relations de voisinage, etc.". Enfin, "les incendies de voitures imputables à une bande ou à un individu isolé qui agit par défi de l'autorité n'apparaissent finalement qu'en quatrième position et de façon très marginale".


Bien, on est prié de comprendre que ceux qui incendient pour masquer un vol ne sont que de braves petits voleurs que la police scientifique contraint de fait à incendier les véhicules volés pour effacer les empreintes digitales. Il ne faudrait surtout pas imaginer qu'au délit de destruction du véhicule s'ajoute le délit de vol. Au contraire, le vol absout la destruction : les pauvres, ils n'ont pas le choix, et d'ailleurs comme chacun sait il n'y a pas plus de gens violents parmi les voleurs de voitures que parmi les jardiniers ou les puéricultrices. La deuxième catégorie concerne des types sympas, pas vindicatifs, mais seulement joueurs et un peu paumés (aidons-les !) qui veulent juste voir des camions de pompiers en action, les braves petits. Ensuite, on a ces cochons de propriétaires de voitures qui provoquent leurs proches et les poussent au crime (d'ailleurs le préfet Niquet attend une anlyse fine des services de police sur [notamment] le profil des propriétaires). Enfin, ce qui reste est si marginal que, laisse tomber, on a d'autres chats à fouetter, on a des enquêtes sociologiques à faire sur les tagueurs d'abribus, no comment.


Ce qu'il important de retenir nous explique-ton, c'est de dénoncer "la confusion ambiante et la dérive importante dans l'interprétation d'actes de délinquance classique, dont la dramatisation abusive de certains exégètes ou médias aboutit le plus souvent à accroître le sentiment d'insécurité dans la population".


Merci au préfet Niquet, au journal Le Monde et à l'inestimable DDSP de Seine-Maritime de me conscientiser : dans un moment d'égarement, je m'étais mis à croire qu'un incendiaire était un incendiaire, qu'une voiture carbonisée pouvait être un drame pour son propriétaire, qu'il était très inquiétant de constater que des gens brûlent une voiture pour simplement voir rappliquer un camion de pompier, que le vol était une forme de violence, que des milliers de véhicules incendiés chaque année en France témoignaient d'une certaine insécurité. J'étais hélas la victime d'un sentiment perfide. Ah, les sentiments…

POSTED BY XXC AT 5:58 PM 3 COMMENTS

VENDREDI, JANVIER 21, 2005

Amusant pastiche

C'est sur ZoneL. (En fait, je n'arrive pas trop à débrouiller ce qui relève du pastiche et ce qui n'en relève pas… Mais, du moins, ça n'est pas inintéressant.)

POSTED BY XXC AT 5:00 PM 4 COMMENTS

Après une longue absence…

… le retour de Philippe d'Evoweb. Avec un post (Média : mourir ou mentir) où il nous explique que Le Monde n'a pas fini d'être Le Monde.

POSTED BY XXC AT 4:55 PM 0 COMMENTS

JEUDI, JANVIER 20, 2005

Aveuglant État

Dans cette quête opiniâtre d'une sujétion toujours plus importante à l'État, les Français tentent souvent de résoudre leurs peurs. Peur d'être libre, peur d'être seul, peur d'être responsable, etc. De ce cocktail d'angoisses, la plupart ne sont pas avouées (parce que peu flatteuses), mais il en est au moins une qui est affirmée avec constance. Cette crainte que, sans l'État, il n'y aurait plus de garanties, que l'on serait en proie à l'arbitraire le plus total, que l'État est le seul garant de règles pérennes du jeu social. Que par les garanties qu'il impose, l'État limite les aléas douloureux de l'existence et permet plus facilement de faire des plans d'avenir. Bref, que l'État est rassurant, qu'il est un partenaire cossu sur lequel on peut s'appuyer.


Cette croyance, je la trouve extraordinaire : il me semble au contraire patent que l'État est très souvent une source d'instabilité, de désordre et d'impossibilité de voir autrement qu'à court terme. Non seulement l'État ne garantit rien, mais il ajoute aux incertitudes et aux accidents de l'existence un incertitude supplémentaire : celle de sa propre évolution.


Tout cela est sans doute un peu abstrait, aussi je propose une dizaine d'exemples pour étayer mon propos :


Achat d'une maison

Vous achetez un terrain, vous bâtissez une maison sur ce terrain. Sans doute, le plus gros investissement financier de votre vie, et vous comptez sur l'État pour garantir votre propriété. Or, vous êtes à la merci des fluctuations des impôts fonciers qui vont amputer chaque année une part de votre bien dans des proportions inconnues. En outre, vous n'êtes pas à l'abri d'une expropriation pure et simple si l'État a décidé de faire passer un TGV dans votre jardin. L'État ne garantit pas votre propriété, il la met en péril.


Mariage

Le contrat de mariage que vous avez signé il y a quelques années n'est plus le même aujourd'hui : l'État a changé les règles du jeu depuis sans demander votre avis. Par exemple, votre conjoint peut aujourd'hui vous tromper, puis obtenir malgré tout de vous une indemnité compensatoire après un divorce. Autrement dit, vous êtes lié par contrat à une personne dans des termes qui n'ont rien à voir avec ce que avez signé jadis, des termes qui ne correspondent peut-être absolument pas à votre idée du mariage. L'État, loin de garantir la stabilité de votre mariage, en fait une union aux contours fluctuants, voire même, selon les cas, encourage de fait la tentation de l'infidélité (rien à perdre, tout à gagner).


Environnement

Vous comptez sur l'État pour garantir la qualité de l'eau des rivières. Or justement, les rivières sont souvent polluées, impropres à la baignade. Et ceci justement parce que l'État en est le propriétaire. Si les propriétaires d'une rivière étaient des personnes, elles n'auraient aucun intérêt à la voir polluée, et exigeraient des pollueurs qu'ils ne polluent plus, ou sinon qu'ils nettoient leurs saletés. Les rivières sont polluées parce que l'État autorise cette pollution au nom d'intérêts qualifiés de supérieurs.


Retraite

Loin de garantir vos vieux jours, l'État vous impose de cotiser à un système de retraite par répartition qui risque fort de vous reverser des clopinettes plus tard. Autrement dit, l'État vous prive des moyens d'assurer correctement votre vieillesse.


Réglementation du travail

Par les réglementations toujours plus nombreuses qu'il impose, l'État contraint de nombreux chefs d'entreprise à naviguer à vue, à renoncer à prévoir sérieusement l'avenir. Demain, toute l'installation électrique sera peut-être à refaire pour satisfaire à de nouvelles normes. Demain le temps de travail sera peut-être suffisamment chamboulé pour que les aménagements coûteux consentis il y a quelques années doivent être repris en zéro. Loin de rassurer le chef d'entreprise, naturellement anxieux, l'État bouleverse régulièrement son travail.


Études

Vous venez d'obtenir votre baccalauréat et vous constatez que l'État recherche de nombreux professeurs. Le métier vous tente et vous vous engagez dans les études qui feront de vous un professeur de physique. Arrivé en licence, vous apprenez qu'il n'y a presque plus de postes mis au concours cette année. Vos études n'ont plus de débouchés et vous êtes dans l'impasse. L'État, au lieu de vous aider, vous a encouragé à vous fourvoyer dans une voie sans issue.


Sécurité de l'emploi

Parce que timoré, vous avez choisi d'être fonctionnaire pour jouir de la garantie d'être employé. Mais cette garantie n'est pas garantie, une loi peut très bien y mettre un terme. La sécurité de l'emploi n'existe que tant que l'État décide qu'elle existe. S'il décide de la supprimer, aucun recours légal n'est possible (il n'y a pas de contrat entre le fonctionnaire et l'État). Autrement dit, l'État vous fait cadeau d'une sécurité de l'emploi qui n'existe pas.


École

L'État prend votre argent et votre enfant, en échange de quoi il sera bien éduqué. Or, votre enfant apprend à l'école à développer des automatismes d'interprétation marxistes, à fumer du shit, à penser que l'avortement c'est bien et que le mâle blanc est un salopard. Et tant d'autres choses qui ne vous ravissent pas forcément. D'autant que, pour ce qui est de savoir écrire ou d'appliquer une règle de trois, votre rejeton est, à 18 ans, fort peu brillant. Non seulement l'État vous a dépossédé de l'éducation de votre enfant, mais il est impossible de se faire rembourser malgré l'évidente étendue des dégâts. En matière de garantie, on a vu mieux.


Subventions

Youpi ! L'État vous aide à vous installer comme agriculteur. De quoi envisager l'avenir sereinement : avec un partenaire fort à vos côtés. Patatras, quelques années plus tard, l'État vous impose des quotas laitiers, vous prie d'arracher votre vigne et exige que le tiers de vos terres soient mises en jachère. Des aides ici, des bâtons dans les roues là. Bref, une visibilité nulle et des aléas étatiques qui s'ajoutent aux aléas de la nature.


Fiscalité

Vous avez réussi à mettre de coté quelques dizaines de milliers d'euros que vous souhaitez placer le mieux possible. Pour juger au mieux de la rentabilité d'un placement, vous devez connaître la fiscalité qui s'y rapporte. Or cette fiscalité est en perpétuelle évolution, privilégiant un jour ceci plutôt que cela, et le lendemain le contraire. Si bien qu'aux incertitudes liées à tout placement vient s'ajouter l'absolu arbitraire de la fiscalité. Plutôt que de faciliter votre choix et d'offrir des garanties, l'État vous contraint à avancer à l'aveuglette.



Bon, il est peut-être temps que j'arrête cette litanie. On l'aura compris : non seulement l'État ne garantit rien (sauf peut-être sur le court terme, sauf incontestablement la médiocrité des existences), mais il est un facteur d'imprévisibilité et d'arbitraire. En réalité, une collectivité ne peut pas être garante de quoi que ce soit dans la mesure où elle est irresponsable.


Enfin, quoiqu'à peu près tout le monde se refuse à l'envisager, un État n'est pas à l'abri de la faillite. Les exemples ne manquent pas : l'Histoire est remplie de faillites d'État.

POSTED BY XXC AT 1:39 PM 1 COMMENTS

MARDI, JANVIER 18, 2005

Les contrebandiers

Sur TF1, dimanche soir, un "reportage" sur les douaniers qui font la chasse aux contrebandiers de cigarettes.


Je mets reportage entre guillemets parce que, dans mon esprit, le mot revêt un caractère informatif, une certaine dose d'investigation et de questionnement. Si ce n'est pas le cas, on est plutôt dans le film de propagande (douanier : un métier d'avenir au service de la France) ou dans le film souvenir des vacances de M. Dupont chez les douaniers.


En l'occurrence, le "reportage" de TF1 n'en était justement pas un. Pas une fois, les journalistes n'ont relevé que les contrebandiers étaient avant tout de paisibles marchands de cigarettes, qu'ils vendaient un produit légal à des consommateurs désireux de l'acheter. Que ces contrebandiers étaient des délinquants alors qu'ils faisaient le même travail qu'un buraliste, allant même jusqu'à livrer les gens à domicile sans supplément de prix. Que ces contrebandiers étaient des délinquants créés par les gens de l'État par le racket fiscal prohibitif qu'ils imposent aux fumeurs, des gens de l'État qui ne peuvent souffrir que d'autres qu'eux gagnent de l'argent avec du tabac et qui emploient la violence pour éliminer la concurrence.


Le comble du cocasse fut atteint quand le journaliste, pour souligner la répugnante âpreté au gain des contrebandiers, déclara que les cigarettes achetées d'abord en Chine au tarif de 0,30 euro le paquet étaient revendues 3 euros au consommateur français. Oh les méchants contrebandiers qui s'en mettent plein les fouilles en abusant du pauvre petit RMIste accro aux blondes ! Aucun mot, of course, des gens de l'État qui font passer le prix du paquet de 0,30 euro à près de 6 euros.

POSTED BY XXC AT 1:49 PM 0 COMMENTS

Le public asservi

L'idée de service public a été vidée depuis fort longtemps de ce qui est sa raison d'être : à savoir que les agents du service public sont des exécutants chargés de satisfaire les citoyens. Du moins, il s'agit là de l'idée officielle et noble, idée qui a servi trop souvent de paravent à des fins plus prosaïques et inavouables : comment vivre aux crochets du paysan, de l'artisan ou de l'ouvrier en faisant semblant de lui rendre des services qu'il n'a pas toujours demandés. Rien de tel que des idéaux généreux inlassablement martelés pour, d'une part, convaincre les agents du service public du bien-fondé de leur mission (dans un moment de lucidité, ils pourraient douter), et d'autre part, prélever toujours plus d'impôts sans être reçu à coup de chevrotine. Ainsi, il a été maintes fois asséné qu'un fonctionnaire était un serviteur du citoyen (ce qui, incidemment, a pu se révéler vrai d'ailleurs.)


Mais, la pieuvre publique a étendu ses tentacules tant et si bien qu'il n'est plus guère besoin aujourd'hui de faire semblant de servir : les cervelles sont si anesthésiées que très peu de monde trouve à redire aux détournements avérés des missions officielles des agents du service public.


C'est ainsi que jeudi de nombreux enseignants feront grève contre le projet de loi Fillon pour l'école. Alors que les "clients" de l'Éducation nationale sont les élèves et leurs parents, et que ce serait à eux de protester éventuellement contre le projet Fillon, voilà que les professeurs, justement payés pour mettre en œuvre les lois relatives à l'éducation, se sont persuadés d'être eux-mêmes les "clients" et exigent de décider eux-mêmes du travail à accomplir et de l'organisation de ce travail. Un peu comme si les ouvriers de Renault protestaient contre tel ou tel modèle de voiture à fabriquer, contre telle ou telle couleur de carosserie. En somme, comme si la finalité de l'entreprise Renault était de satisfaire ses ouvriers, les acheteurs de voitures étant ceux qui permettent de parvenir à cet objectif. Le monde à l'envers !


Une fois de plus, on assiste à l'affirmation décomplexée d'un détournement de service public au profit des agents et non des usagers : l'Éducation nationale a pour objet, de fait, de servir les professeurs, et les parents sont utiles à financer la machine. Du service public au public asservi. Public tout à fait servile par ailleurs : la plupart des Français ne trouvent pas la grève scandaleuse en soi (même quand leurs gamins ne savent toujours ni lire, ni écrire, ni compter à l'âge de 12 ans).


Mêmes remarques en ce qui concerne tous les agents de la fonction publique qui font grève cette semaine contre des suppressions de postes ou contre le "désengagement de l'État" (désengagement pas si visible que ça me semble t-il). Là encore, les agents se comportent comme les propriétaires de leurs administrations et non comme les exécutants qu'ils sont censés être.


Reste à savoir si ce renversement de l'idée de service public est le dévoiement d'une idée a priori bonne ou l'accomplissement d'une idée a priori mauvaise.

POSTED BY XXC AT 1:47 PM 2 COMMENTS

VENDREDI, JANVIER 14, 2005

Statut de la réalité

D'emblée, je vous rassure, je ne me lance pas ci-dessous dans une leçon de métaphysique qui consisterait à couper les cheveux en quatre sur 200 pages pour aboutir à une conclusion qui ne serait pas une réponse à la question : "qu'est-ce la réalité ?". Exercice qui serait aussi distrayant que vain, et même, à mon avis, plus vain que distrayant.


Non, simplement, je m'amuse ici à relever ce volontarisme politique qui pousse nos gouvernants à décréter la réalité alors qu'il est patent qu'ils n'ont pas le pouvoir d'agir sur elle, sinon en la dégradant.


Ainsi, M. Raffarin décrète que le chômage baissera de 10 % en 2005.


Deux mots tout d'abord sur la gentillette entourloupe à laquelle se livre notre ami Raffy Duck : ceux qui ne maîtrisent pas les pourcentages se diront que 10 % de chômeurs moins 10 % fera 0 chômeur. Ouah, c'est fort ! Les autres comprendront que l'on va passer de 10 % à 10 x 0,9 = 9 % de chômeurs, ce qui est moins glorieux. Mais ne reprochons rien à notre Premier ministre : après tout, ceux qui ne connaissent pas les pourcentages n'avaient qu'à ouvrir leurs esgourdes à l'école.


En fait, ce qui est cocasse dans le volontarisme affiché de M. Raffarin, c'est qu'il n'a aucun pouvoir pour diminuer le taux de chômage. C'est-à-dire qu'un clochard qui affirmerait "je m'engage à faire baisser le chômage de 10 % en 2005" ne devrait pas être moins ridicule qu'un premier ministre. Le seul pouvoir d'un premier ministre est d'augmenter le taux de chômage, pas de le baisser. Il y aura toujours quelques pour cent de personnes qui ne se mettront jamais au travail, plus quelques pour cent de personnes en transit d'un job à un autre (ou qui sont temporairement un peu paumées). Ce qui en tout peut faire, disons, 5 % de chômeurs. Au-delà, hors circonstances exceptionnelles, les pour cent excédentaires sont le fruit du travail d'intervention des gens de l'État. Ainsi M. Raffarin n'a pas stricto sensu le pouvoir de diminuer le taux de chômage, il a plus précisément le "pouvoir" de le laisser évoluer vers son étiage naturel en renonçant à l'augmenter artificiellement, en renonçant à agir. Ce que, par l'action, Raffy Duck peut faire toutefois : c'est diminuer le nombre officiel de chômeurs en révisant la définition du mot "chômeur". Gageons d'ailleurs qu'une nouvelle niche de non-chômeurs sera créée pour que la réalité décrétée soit la réalité observée. (Au pire, le taux de chômeurs de baissera pas de 10 % mais tout le monde aura oublié ou sinon on sortira du chapeau le lapin de la mondialisation pour expliquer la déconfiture.)


Autre exemple "amusant" de réalité décrétée, cet extrait du projet de loi pour l'école de M. Fillon :


Dans le cadre des objectifs fixés à l’article L. 111-6, les résultats suivants doivent être atteints d’ici à 2010 :

  1. La proportion de bacheliers généraux parmi les enfants de familles appartenant aux catégories socioprofessionnelles défavorisées augmentera de 20 %

  2. La proportion d’étudiants suivant une filière de formation supérieure scientifique, hors formations de santé, augmentera de 15 %

  3. La proportion de jeunes filles dans les séries scientifiques générales et technologiques augmentera de 20 %

  4. Le nombre d’élèves atteignant dans leur première langue vivante étrangère le niveau B1 du cadre commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe augmentera de 20 %

  5. La proportion d’élèves apprenant l’allemand augmentera de 20 %

  6. Le nombre de sections européennes au collège et au lycée augmentera de 20 %

  7. La proportion des élèves de lycée étudiant une langue ancienne augmentera de 10 %

  8. Le nombre d’élèves titulaires d’un brevet attestant des compétences en technologies de l’information et de la communication sera de 80 % à chaque niveau (école, collège, lycée)

  9. Le nombre d’apprentis dans les formations en apprentissage dans les lycées augmentera de 50 %

  10. Le nombre d’enseignants suivant une formation en cours de carrière augmentera de 20 %



Effarante liste qui semble tout droit sortie d'une planification à la sauce soviétique (10 % d'ennemis de la Révolution par décret ici, 5 % de malades mentaux là, une hausse de 30 % de la production de siphons de lavabos ailleurs). La plupart des objectifs à atteindre ne sont pas du ressort de celui qui décrète mais de tiers. C'est de la réalité par décret. La proportion d'élèves apprenant l'allemand est normalement la conséquence globale de choix individuels. Un ministre ne devrait avoir aucun pouvoir de jouer sur ce taux, il devrait même n'avoir aucune envie de jouer sur ce taux s'il respectait le choix des individus. Tout au plus, il devrait s'attacher à ce que chacun ait la possibilité de recevoir l'instruction qu'il désire recevoir. Mais un ministre digne de ce nom ne peut pas accepter l'idée de simplement rendre service aux gens : il se doit de décréter la réalité de leurs existences. C'est immanent à la nature d'un ministre, ça lui donne l'impression d'exister (le syndrome "je joue à Civilization" dont je causais dans "Les petits bonhommes".)


C'est à ça que sert la réalité par décret : la fin est psychologique, elle est utile à donner l'illusion à un ministre qu'il sert vraiment à quelque chose, à donner l'illusion que sans lui rien ne va plus. C'est nécessaire à son équilibre mental (car hélas tout lui indique qu'il ne sert guère qu'à créer du désordre). C'est utile aussi à faire croire aux citoyens qu'on ne peut s'en sortir qu'à l'aide d'un ministre.

POSTED BY XXC AT 4:02 PM 0 COMMENTS

MERCREDI, JANVIER 12, 2005

À propos des commentaires

Que les personnes qui laissent des commentaires sur ce blog veuillent bien m'excuser de ne pas toujours répondre ou sinon de le faire en deux coups de cuillère à pot. Ce n'est pas du mépris. Simplement, Internet est terriblement lent au Congo et je ne peux pas y accéder depuis chez moi (ce serait bien trop coûteux). Qu'il soit entendu que je lis vos commentaires, souvent plusieurs jours après qu'ils ont été postés, mais toujours avec attention et intérêt.

POSTED BY XXC AT 1:53 PM 0 COMMENTS

Justice distributive

Intéressant post d'Alpheccar ici. En général, le blog d'Alpheccar mérite sa place dans vos bookmarks.

POSTED BY XXC AT 1:52 PM 2 COMMENTS

Ce qu'est un cadeau socialiste

Sur iTélé (j'ai la télé depuis deux mois, quelle excitante découverte), j'ai pu voir une entrevue entre le président de la région Île-de-France (M. Huchon je crois) et le journaliste G. Durand.


M. Huchon (j'espère ne pas me tromper de patronyme) affirme au détour de la discussion que plus de la moitié des Français ne paie pas d'impôts ! Et M. Durand de ne pas le contredire et d'aller dans son sens !


Chaque fois qu'il m'arrive de dire que les médias sont à la botte du parti en France, mes interlocuteurs me considèrent avec un amusement mêlé de pitié, du genre "gentil, gentil, tire pas trop sur le chanvre, ça rend parano".


Outre que je ne fume pas de haschisch, il me semble que, quand une chaîne télé qui prétend se vouer à l'information diffuse des mensonges aussi grossiers, mon opinion sur la collusion entre médias et politiques ne peut plus être tenue pour une faribole.


Prétendre que plus de 50 % des Français ne payent pas d'impôts alors que la vérité est que 50 % des Français ne payent pas d'impôts sur le revenu est indiscutablement un mensonge et non une imprécision. Si les impôts se réduisaient à l'IRPP, alors je pourrais me féliciter d'être un ressortissant du plus libéral des pays, je fermerais ce blog devenu inopportun et consacrerais mon temps libre à jouir des tombereaux d'oseille que j'ai gagnés et qu'on ne m'a pas pris. MM. Huchon et Durand ont décidé de mentir, j'imagine qu'ils y ont intérêt, en niant tous les autres impôts, toutes les taxes, tous les prélèvements sociaux (de l'assurance maladie à la retraite). En réalité, tous les Français payent des impôts (mais aucun ne sait combien, ce qui facilite l'épandage du fumier des boniments). À ces prélèvements directs ou indirects par l'État et ses acolytes, on pourrait en outre y ajouter les innombrables réglementations qui sont autant de manières de faire payer directement par le contribuable ce que les gens de l'État ne veulent pas se résoudre à payer eux-mêmes. Par peur, peut-être, que les prélèvements obligatoires atteignent des taux propres à provoquer une insurrection.


Bon, j'en reviens à l'entrevue Huchon-Durand. Le hiérarque socialiste poursuit en affirmant qu'une baisse des impôts (sur le revenu) n'avantage que les riches, que c'est un cadeau fait aux riches.


Tiens donc, même en supposant que tous ceux qui payent l'IRPP soient riches (ce qui est faux), pourquoi serait-il indigne de faire un cadeau aux riches ? Pourquoi ? Les riches seraient-ils moins humains que d'autres ? Et puis surtout, en quoi voler un peu moins d'argent à quelqu'un serait-il synonyme de lui faire un cadeau ? Est-ce là la définition d'un cadeau en novlangue socialiste ? C'est, à tout le moins, de l'humour cynique de petit malfrat, genre : "tu as bien de la chance que je ne te casse pas la tête, je suis magnanime aujourd'hui". Devrions-nous dire "merci" à quelqu'un qui nous vole un peu moins que l'an précédente ?


Et puis enfin, en quoi une baisse de l'IRPP serait-elle un cadeau puisqu'elle sera de toutes façons plus que compensée par une hausse d'autres impôts ? La seule vérité, c'est qu'il n'y a pas de réelle baisse des impôts sans baisse des dépenses publiques et des réglementations. Et qu'en ce domaine nos gouvernants n'attendent que de se fracasser contre le mur des réalités avant de renoncer au "toujours plus".

POSTED BY XXC AT 1:48 PM 0 COMMENTS

VENDREDI, JANVIER 07, 2005

Charte Marianne

Parmi les occupations les plus prisées des gens de l'État figure l'établissement de protocoles, de déclarations d'intention, de plans d'action et de chartes diverses. Ça donne l'impression de bosser. Ça permet de causer éthique en séminaire, de montrer qu'on a des idées et des convictions, d'afficher la profondeur de sa réflexion personnelle en réunion, de s'écouter parler, de prouver qu'on n'est pas moins con que son chef de service, d'épater ses collègues par sa connaissance des réalités du terrain, de justifier son salaire alors qu'on ne fout rien. On se réunit, on déblatère, on réfléchit sur des problèmes sociétaux, on se conscientise, on se fait croire qu'on est important. (C'est essentiel, tout ça, pour un fonctionnaire : ça lui permet d'oublier un moment qu'il est un râté(1).) À la fin, on décrète au J.O., on édite une brochure sur papier glacé, on fait des diaporamas léchés sur PC, on a les honneurs du journal télé, on répand les fruits du brainstorming vers la base par le biais de stages de formation continue. Ça bouge, ça frissonne, la France avance.


Ainsi en est-il de la Charte Marianne (que vous pouvez télécharger au format .pdf —120 Ko environ— ici : http://www.dusa.gouv.fr/IMG/pdf/engagements.pdf). Des pontes occupés à ne rien faire ont eu vent des conditions dans lesquelles le citoyen lambda était reçu dans les administrations publiques. Le bon sens aurait dû commander de virer tous les fonctionnaires incapables de faire ce pour quoi on les avait embauchés. Mais non, on préfère pondre une charte. C'est utile à maintenir en place les incompétents et à occuper ceux qui s'ennuient. Va donc pour une charte que l'on nommera Charte Marianne parce que ça en jette.


Ladite charte énonce par le détail ce qu'est le b. a.-ba des relations humaines dans un cadre civilisé. Des principes de base que tout un chacun a appris dans sa tendre enfance. En ce sens, la Charte Marianne est un aveu de bestialité et d'asociabilité des gens de l'État qui vaut son pesant de cacahouètes. À croire que nos administrations constituent une pépinière d'orangs-outans. Qu'on en juge par les quelques items reproduits ci-dessous :

  • Nous vous informons sur nos horaires d’ouverture.

  • Nous vous orientons vers le bon service et le bon interlocuteur.

  • Nous vous permettons d’accomplir certaines démarches à distance.

  • Nous vous écoutons avec attention et nous efforçons de vous informer dans des termes simples et compréhensibles.

  • Nous vous demandons uniquement les documents indispensables au traitement de votre dossier.

  • Nous facilitons la constitution de vos dossiers (notamment en précisant les pièces à fournir et en vous procurant des notices explicatives).

  • Nous sommes attentifs à la lisibilité et à la clarté de nos courriers et de nos formulaires.

  • Dans un délai maximum de ... [ne pas dépasser 2 mois], nous apportons à vos courriers postaux : soit une réponse définitive ; soit un accusé de réception indiquant dans quel délai vous sera donnée une réponse, ainsi que le nom de la personne chargée du dossier.

  • Nous répondons à tous vos appels téléphoniques pendant les horaires suivants (à préciser). Nous vous rappelons si vous laissez un message en cas d’absence de votre interlocuteur [cet engagement, provisoirement facultatif, sera obligatoire à compter du 1 er septembre 2005].

  • Nous vous informons sur les moyens de formuler vos réclamations et leur apportons une réponse systématique.


Il ne manque plus qu'à y inscrire "Nous nous engageons à dire bonjour, au revoir, merci et s'il vous plaît" pour que le tableau soit complet.


Pour parachever le sidérant édifice, il est piquant de relever que l'application de la charte est progressive : expérimentale dans six départements en 2004 (un an pour expérimenter des comportements normaux, les bras m'en tombent !), puis étendue petit-à-petit à divers services publics tout au long de l'année 2005, jusqu'à même toucher sous une forme adaptée les services de protection sociale chers à Laure Allibert fin 2005. Ne nous humanisons pas trop vite, ça risquerait de déclencher un tsunami !


Note : (1) : Je regrette un peu d'avoir écrit cela. Disons que ça s'adresse à certains et que les autres n'ont pas à se sentir visés puisqu'ils ne sont pas concernés.

POSTED BY XXC AT 11:45 AM 2 COMMENTS

JEUDI, JANVIER 06, 2005

La deuxième couche

Après S. F., la première couche que je postai il y a quelques jours, Vincent passe la deuxième couche. Parce qu'Attali le vaut bien. Quelqu'un se dévoue pour le vernis ?

POSTED BY XXC AT 7:53 AM 0 COMMENTS

Incongruité

Vite fait en passant : c'est particulièrement crispant ce contentement de soi qu'affichent les gouvernants avec "leurs" dons à l'Asie éprouvée. Tout le monde sait pourtant qu'un État ne donne rien, qu'on ne peut pas être généreux avec l'argent d'autrui. Cette autosatisfaction est d'autant plus incongrue que les États "donateurs" sont souvent perclus de dettes et que l'argent distribué est celui de gens qui sont aujourd'hui des gamins, des bébés dans les ventres de leurs mères. Tous ces gens qui devront un jour payer l'addition.


Alors s'ils veulent "donner", qu'ils "donnent", je ne vais pas en faire un fromage, on a vu bien pire en matière de redistribution, mais par pitié, un peu de correction !

POSTED BY XXC AT 7:52 AM 0 COMMENTS

Les déconfits

Je suis Blanc et je vis depuis plus de dix ans avec des Noirs. En Afrique, puis en Amérique du Sud, puis en Afrique à nouveau. Selon les périodes, j'ai été plus ou moins intégré à la vie locale. Parfois peu (comme aujourd'hui, quoique ma femme est bantoue), parfois presque trop (ma période "bidonville").


Avant de connaître les Noirs (je veux dire par là les Noirs chez eux), je les prenais pour des pauvres types, d'aussi pauvres types que moi. Je n'ai jamais cru aux histoires des Noirs éternelles victimes des Blancs, aux histoires de fraternité extraordinaire dans les sociétés noires, aux histoires de sagesse africaine, aux histoires de talents artistiques innés des Noirs, etc. Ainsi, jamais les Noirs ne m'ont "déçu" : jamais je ne les ai cru supérieurs à moi, ni dotés d'attributs si remarquables que je devais me prosterner. Je n'ai jamais pensé non plus que j'avais beaucoup à apprendre d'eux (mais plutôt que j'avais beaucoup à apprendre sur eux). Voilà pourquoi j'ai toujours été à l'aise, n'ai jamais été gêné de les qualifier de pitres quand je les voyais pitres, ne me suis jamais senti contraint de les dire épatants quand je les voyais épatants.


Nombre de mes compatriotes, vivant comme moi en terre africaine fort loin de chez eux, ont abordé les Noirs avec un état d'esprit très différent du mien. Tout ce à quoi je ne croyais pas, ils y croyaient : sagesse africaine, fraternité africaine, victimes africaines, innocence africaine, etc. Ils croyaient dur comme fer à tout ce fatras folklorique, héritage sans doute de la mauvaise conscience consécutive à l'esclavage et à la déportation de masse de Noirs par des Blancs, aux colonies et aux ignominies commises au nom de la civilisation. (Pour ma part, je me sens décomplexé et ne comprend pas en vertu de quoi je devrais me sentir coupable de ce qu'une poignée de trafiquants et de politiciens a pu faire par le passé. Des gens qui ne sont même pas mes ancêtres. Et d'ailleurs le seraient-ils, j'ai le fardeau de mes propres fautes à porter, c'est bien suffisant, et je n'ai pas le goût de porter celles des autres, quels que fussent ces autres.)


Enfin bref, j'en reviens à mes naïfs, touchants et consternants compatriotes. Gonflés de grotesques convictions, ils entreprennent généralement leurs parcours africains par des postures ridicules. Toujours sur les rangs pour se faire rouler dans la farine (le cœur bouillonnant de joie intense, allez donc savoir pourquoi), pour s'extasier de la moindre banalité, pour se pâmer devant la médiocrité, pour s'apitoyer sur les drames de l'inconséquence crasse. Jamais en retard pour flagorner ou pour quémander une amitié autochtone. Un "chanvré" dégoise des platitudes indignes, le voilà propulsé au rang de grand penseur. Un gonze rackette sa mère, on y voit de la solidarité. Un quidam tambourine sur son tam-tam et Mozart est ravalé au rang de cancre. Un fonctionnaire indigène effectue le tiers du quart du travail d'un employé de mairie toulousain (ça fait pas lourd, je sais), et on en fait un serviteur zélé de la collectivité. Bref, un relativisme délirant propre à travestir le réel : on voit ce que l'on veut voir, on ne voit pas ce que l'on ne veut pas voir.


Mais, en catimini, le cerveau humain enregistre. Il enregistre tout ce qui coince, tout ce qui n'est conforme au dogme. Jusqu'au jour où un événement suffisamment traumatisant survient. Une agression violente, une escroquerie sur une grosse somme d'argent, un cambriolage, un cocuage cruel, que sais-je. Et là, tout ce que le cerveau a enregistré remonte à la surface.


Et si vous voulez observer la haine raciste la plus crue, les propos immondes, rien de tel qu'un déconfit, rien de tel que l'amoureux déçu. La haine est plus proche, on le sait depuis longtemps, de l'amour que de l'indifférence ou du dédain.

POSTED BY XXC AT 7:50 AM 3 COMMENTS

MARDI, JANVIER 04, 2005

Obscurantisme

Il est fréquent que toute organisation, tout système, évoluent vers la complexité et le boursouflage. Par exemple, l'administration d'une entreprise va, au fur et à mesure des nécessités rencontrées, grossir par adjonction d'un nouveau service, par extension d'un autre. La bureaucratie finit naturellement par croître, souvent de manière coûteuse, peu efficace et délétère : à force de poser des cautères sur des jambes de bois, l'ensemble devient lourd, improductif et dangereux pour l'entreprise elle-même. Un jour ou l'autre, il devient inévitable de revoir toute l'organisation de fond en comble pour repartir d'un bon pied. Aussi douloureuses soient les remises en cause, elles sont incontournables : soit on remet les choses à plat, soit on ferme la boutique.


Le système français de l'assurance maladie de la Sécurité sociale échappe, comme tant d'officines étatiques, aux mises à plat depuis 60 ans. D'un système qui a rendu de réels services et qui a fonctionné de manière acceptable pendant de nombreuses années, on est arrivé à un mastodonte qui coûte de plus en plus cher, qui rembourse de moins en moins les dépenses médicales et qui rend à l'occasion des gens sains malades (surmédicalisation). (Soit dit en passant, il n'est pas étonnant qu'un tel système basé sur la contrainte et l'irresponsabilité finisse tôt ou tard par s'écrouler : c'était inscrit entre les lignes.)


La clairvoyance aurait dû imposer, depuis longtemps déjà, que les principes de l'assurance maladie fussent revus de fond en comble. D'autant plus que la plupart des Français sont depuis des lustres en situation financière de parer eux-même à leurs déboires de santé (en s'assurant directement auprès de sociétés privées mises en concurrence). Tout au plus, un système étatique se consacrant aux personnes en situation critique aurait pu subsister (selon le degré de socialisme que l'on est prêt à tolérer). Démantèlement d'un ancien système devenu paralysant et inutile dans bien des cas, et établissement d'un nouveau système, bien plus léger et efficace. (Les libéraux les plus "rigoureux" et "cohérents" s'opposent à la moindre intervention étatique ; pour ma part, n'étant ni rigoureux ni cohérent, un tel système de "minimum santé garanti", circonscrit aux détresses aiguës, ne me choquerait pas outre mesure.)


Or, que voit-on ? Aucune réforme, seulement des ajustements. Moindres remboursements, augmentation des prélèvements, contraintes supplémentaires, superpositions de règlements, d'exceptions, d'aménagements, etc. La bête enfle tant et plus, fait preuve chaque jour de son impotence croissante, mais n'explose pas.


La raison en est que les "clients" de l'assurance maladie sont, très majoritairement, toujours attachés à ce système. Alors que, comme "clients" d'un service, ils auraient dû se révolter depuis longtemps déjà (depuis 30 ans au moins, on s'attache à redresser les comptes de la Sécu), ils manifestent leur désir de se faire plumer un peu plus encore. Cet attachement à l'assurance maladie de la Sécu est totalement infondé et pourtant il est bien réel.


Il s'appuie d'abord sur la mystique sociale entretenue par tous ceux qui profitent du système : seuls les gens de l'État et leurs séides peuvent nous sauver. (Cette mystique sociale peut être considérée comme une maladie mentale de masse.)


Mais aussi, et peut-être surtout, l'attachement à l'assurance maladie de la Sécurité sociale s'appuie sur l'ignorance. Cette ignorance est naturellement entretenue par la situation de monopole : impossible de comparer avec ce qui se fait ailleurs (il n'y a pas d'ailleurs !). Elle est entretenue aussi par le système lui-même qui, en se boursouflant, devient totalement opaque. Si bien que l'on peut penser que le boursouflage n'a pas pour unique dessein de sauver le système en le ravaudant tant bien que mal, mais qu'il est aussi soigneusement organisé pour occulter la réalité, pour que le pillage des "clients" puisse perdurer.


Cette opacité calculée fait qu'aujourd'hui personne ne sait ce qu'il paye pour l'assurance maladie, ni peut prévoir ce qu'il va recevoir d'elle en contrepartie. D'une part, cotisations du salarié, cotisations de l'employeur (c'est-à-dire, en fin de compte, du salarié), régime général et autres régimes, CSG, CRDS, taxes sur le tabac, transferts financiers en provenance d'autres organismes, subventions de l'État, un euro par acte médical, etc. : impossible pour le vulgum pecus de savoir ce qu'il paie. D'autre part, ticket modérateur, honoraires libres ou non, médecins conventionnés ou non, nouveau "parcours de soins" respecté ou non, tarifs majorés, jungle des taux de remboursement des médicaments, etc. : impossible de savoir à l'avance ce que l'assurance maladie va rembourser sur telle dépense de 200 euros.


L'assurance maladie vend un service inconnu à un prix inconnu. Cet obscurantisme entretient les adeptes dans leur foi. C'est le but. Tant que les adeptes croiront, la Sécu vivra.


VENDREDI, DÉCEMBRE 31, 2004

Précis de méthodologie progressiste

Vous rêvez de penser comme un gauchiste ? Si ce n'est pas le cas, de deux choses l'une : soit vous pensez déjà comme un gauchiste (félicitations !) et ma question est sans objet, soit vous ne voulez pas le faire. Si vous êtes dans cette deuxième configuration, veuillez considérer avec une indulgence courtoise la piètre opinion que j'ai de vous : vous êtes un âne.


Car accéder à la pensée progressiste, primo c'est facile, deuzio ça permet d'avoir toujours le dernier mot, tertio ça vous ouvre en grand les portes du journalisme, des médias, du milieu associatif, de la politique et j'en passe. Franchement, pourquoi s'en priver ? La vie est trop courte pour penser triste !


Ça y est, vous êtes convaincu ? Vous voulez en être ? Oui ? Alors voici un précis très court et très simple à mettre en œuvre :


Précis de méthodologie progressiste


Chaque fois que vous considérez une situation problématique, cherchez-en la cause. Puis cherchez la cause qui se cache derrière la cause, puis la cause qui se cache derrière la cause qui se cache derrière la cause.


Continuez ainsi tant qu'aucune cause ne met en jeu des Occidentaux, des Blancs, des riches, des patrons, George Bush, des libéraux, des conservateurs de droite, des phallocrates ou des sionistes.


Dès qu'une telle cause est révélée dans l'enchaînement des causes, arrêtez-vous, décrétez que ladite cause est la cause, à l'exclusion de toute autre. Et le tour est joué.


N'ayez aucune crainte de tomber sur une question où vous feriez chou blanc : tous les sujets envisageables ont été parfaitement balisés depuis des décennies par les agents de la Komintern, les intellectuels et les folliculaires de nos journaux. Vous ne pouvez pas échouer dès lors que vous êtes un tout petit peu cultivé et n'avez aucun scrupule à user d'analogies approximatives et d'affirmations aussi péremptoires que fausses. Si vous vous faites encore un peu de souci, n'oubliez pas que vous êtes en France : votre public vous est acquis, il n'attend que d'être conforté dans le catéchisme officiel. Rien à craindre, vraiment, lancez-vous !



Illustration n°1 : Vous roulez en compagnie d'un ami dans la campagne africaine. Pour la quatrième fois en une heure, vous êtes arrêtés par des militaires qui vous soulagent, comme les précédents l'avaient fait, de quelques dizaines de milliers de francs CFA. Votre ami, non initié à la méthodologie progressiste, vous glisse :« Quelle bande de salopards, tout de même, ces militaires africains ! ». Ouh la la, n'importe quoi, ça n'a rien à voir, le vilain raciste, c'est dégoûtant ! Débrouillez l'écheveau des causes et clouez-lui le bec en rétorquant :« L'Afrique… bla bla bla… les colonies… bla bla bla… néocolonialisme… bla bla bla… après tout, c'est nous, les Blancs, qui les avons formé ! ». CQFD, fin de la discussion, et votre ami, tout piteux, est contraint d'acquiescer. Pauvre type.


Illustration n°2 : Votre petite amie vous plaque, parce que, dit-elle, elle en a marre d'un loser comme vous. Facile. Vous naviguez depuis des années entre études supérieures interminables, contrats emploi solidarité, stages ANPE, RMI, ASS ? Eh bien, vous n'y êtes pour rien, vos parents n'y sont pour rien, vos professeurs n'y sont pour rien, l'État n'y est pour rien, et… tiens, tiens, ça y est, on y est : vous êtes la victime de la mondialisation néolibérale qui broie les êtres et nie leurs aspirations créatrices ! Pile-poil. Et votre petite amie a hélas cédé aux sirènes de l'argent roi et de la réussite sociale comme seul étalon de la valeur d'un homme. Une victime elle aussi. À présent rassuré et lucide, vous pouvez poursuivre crânement votre parcours professionnel exigeant et digne, et vous ne manquerez pas de trouver une nouvelle âme sœur, tout aussi barge que vous.


Illustration n°3 : Prenons un sujet d'actualité. Des dizaines de milliers de morts suite au raz-de-marée qui a frappé l'Asie. Première cause : le raz-de-marée a tué des gens. Nul, plat, terne, on continue. Cause derrière la cause : un séïsme sous-marin. Mince, ça ne colle pas non plus, ça voudrait dire que dame Nature, que notre gentille Terre, la Planète bleue itself, est coupable. Ça coince, ce n'est pas cela que vous avez appris en ECJS. Alors comment on fait ? Laissons s'exprimer un pro, Yves Thréard dans le Figaro daté du 29 décembre 2004 :


"[…] Quand la nature est injuste, l'homme a souvent des responsabilités."


Première glissade astucieuse : exit la grosse vague, on se rapproche du but à atteindre (la cause derrière la cause, etc.). Voyez plutôt :


"[…] Dans cette région du monde toute dévouée au tourisme, l'urbanisation à outrance a bousculé l'équilibre des paysages. On a trop construit n'importe où et n'importe comment sans respect des rivages, des barrières de corail ou des mangroves. La démographie galopante n'est pas étrangère, non plus, aux aménagements improvisés en tous genres. Par sa faute, l'homme s'est rendu vulnérable."


Ça y est, malgré l'emploi du pronom "on" et de termes généraux divers, l'artiste ès-méthodologie progressiste a avancé ses pions et s'apprête à passer à l'ultime cause derrière la cause derrière la cause derrière la cause. Peu importe les invraisemblances, les propos saugrenus et les lapalissades : il faut avant tout atteindre la cause finale. Le reste, ce n'est pas essentiel, on ne vous en tiendra pas rigueur. Certes, les touristes, la démographie, le corail et la mangrove n'ont rien à voir dans le déclenchement du tsunami. Oui, bien sûr, et alors ? Et bien sûr que si la région avait été inhabitée, il n'y aurait pas eu de morts ! Et bien sûr que les touristes ne sont pas si bêtes pour se déplacer à l'autre bout du monde vers des régions urbanisées à outrance et aux paysages disgracieux ! Et bien sûr d'ailleurs que la région n'est pas toute dévouée au tourisme ! Mais on s'en contrefiche, là n'est pas la question ! La question est de démasquer la mondialisation libérale et George Bush. Et d'ailleurs :


"[…] En ce début de XXIe siècle où il est souvent de bon ton de s'en défier, jusqu'à croire que certaines avancées des sciences et des techniques peuvent être les pires ennemis de l'homme, des circonstances sont là pour nous rappeler à la raison. C'est grâce à elles que l'on vit mieux et plus longtemps en Occident. Une vérité qu'il n'est pas mauvais de souligner. […]. Raison de plus pour inciter les nations à s'unir afin de trouver des solutions comme dans le cadre du protocole de Kyoto contre le réchauffement climatique. Accord que les Américains persistent à refuser d'adopter. Raison supplémentaire pour accentuer le dialogue et l'aide entre le Nord et le Sud. Car il n'y aura pas de mondialisation comprise et tolérable sans que se diffusent les richesses et le progrès."


Yeah ! Hourra ! Bravo ! La mondialisation irrite la Nature au point de déclencher des cataclysmes, et les Américains ont assassiné 100.000 personnes en Asie, juste par égoïsme. M. Bush n'est pas cité, raffinement exquis, histoire que le lecteur y pense spontanément (ce qu'il ne manquera pas de faire s'il a pris l'habitude de biberonner depuis tout petit la prose progressiste en vigueur par chez lui). Au final, du grand art.


(Post scriptum : post inspiré par ce post de Ludovic Monnerat.)

POSTED BY XXC AT 8:45 AM 2 COMMENTS

MARDI, DÉCEMBRE 28, 2004

Intelligences

Je me souviens de ce professeur, misanthrope souriant et passionné d'informatique. Il pensait que la finalité de l'Homme était de donner vie à une intelligence supérieure, et qu'une fois la tâche accomplie l'Homme pourrait enfin disparaître. "Et alors on pourra dire ouf", lâchait-il alors.(1)


Cette intelligence supérieure était dans son esprit l'intelligence artificielle des ordinateurs. Je lui avais répondu qu'on pouvait toujours éteindre un ordinateur, ce qui conférait à l'Homme une supériorité définitive sur la machine, quelle que soit l'intelligence de cette dernière. "Un jour, tu le verras, on ne pourra plus les éteindre", m'avait-il répondu (c'était il y a au moins 20 ans).


Il me semble que sa prophétie est en partie réalisée : on ne peut plus éteindre les ordinateurs aujourd'hui. En un sens, ils nous tiennent plus que nous les tenons. Pour le reste, je ne sais guère où en sont les travaux des chercheurs en intelligence artificielle, néanmoins je n'ai pas encore vu grand-chose en la matière qui ressemble à une intelligence humaine. Je pense qu'il manque un corps aux ordinateurs, il manque peut-être aussi la conscience de la mort. Bref, quoiqu'il en soit, je pense (à l'intuition) que l'Homme va jouir encore longtemps de sa supériorité intellectuelle.


En réalité, je me demande si la distance qui nous sépare des ordinateurs se réduit parce que les ordinateurs se rapprochent de nous ou parce que nous nous rapprochons d'eux. Quand, adolescent, je disais que l'ordinateur était à la merci de l'interrupteur, je ne me rendais pas compte à quel point nous étions, nous humains des pays riches, dépendants d'une multitude d'interrupteurs. Et la situation ne s'est pas améliorée à cet égard. Si les ordinateurs prenaient le contrôle des interrupteurs et les coupaient tous, les hommes riches seraient plus désemparés qu'un paysan du Sahel. Voilà qui nous rapproche des machines et nous éloigne de notre condition première.


Quand à nos intelligences, sur-stimulées, aiguisées, gorgées de connaissances, elles sont de plus en plus dépendantes du réseau humain (et du réseau électronique). Marquées au fer rouge de la publicité, des modes et de la télé, apprivoisées au maillage ubiquitaire de la bienveillance étatique. Ne sommes-nous pas, de plus en plus, des logiciels de luxe ?


De cette situation de servitude consentie et confortable, dont nous sommes à la fois les maîtres et les esclaves, seule peut-être une philosophie (une éthique, une morale, que sais-je ?) peut nous garder encore humains. Le libéralisme ?


(1) : La discussion avait commencé sur 2001, le film de Kubrick. Mon interlocuteur prétendait, peut-être en plaisantant mais il n'en laissait rien paraître, que l'Homme était à l'Ordinateur ce que le monolithe du film était à l'Homme : un révélateur, un créateur.

POSTED BY XXC AT 11:10 AM 0 COMMENTS

LUNDI, DÉCEMBRE 27, 2004

S. F.

J'aime bien lire Jacques Attali, il me rappelle les récits de science-fiction qui ont nourri mon adolescence. J'imagine sans effort Jacques Attali comme un petit bonhomme qui pointe le doigt vers une étoile lointaine en suppliant d'un air pathétique : "E. T. retourner maison".


L'émouvant extra-terrestre officie hebdomadairement dans le magazine L'Express où il y tient Les chroniques de Jacques Attali. Dans le numéro 2789 du 13/12/2004, le billet s'intitulait : "Être français, ça se mérite".


M. Attali y décrète (plus qu'il ne l'explique) que "la suppression du service national dégrade l'éthique de l'appartenance".


Éthique de l'appartenance ? Quel est ce concept venu d'ailleurs ? Une périphrase signifiant soumission volontaire ? servitude ? simple respect des lois ? Précisez, svp ; je ne demande qu'à comprendre, encore faut-il que je sache précisément de quoi on cause.


Il écrit aussi qu'"il est désormais possible de traverser la vie sans jamais ressentir le prix à payer pour faire partie d'un ensemble aussi organisé et protecteur que la nation française".


Oui, bien sûr, tout est possible. Mais celui qui ne ressent jamais le prix à payer marche vraiment à côté de ses pompes ! C'est tout de même assez incroyable qu'un français ne se rende pas compte qu'il paie moult taxes et impôts, qu'il est assujetti à une réglementation ubiquitaire. Si de tels êtres existent alors il serait d'intérêt public que les cours d'éducation civique soient consacrés à leur ouvrir les yeux à ces pauvres hères, chiffres à l'appui. (Tiens, au fait, pourquoi ces informations chiffrées ne sont-elles jamais enseignées à l'école ?)


M. Attali poursuit ainsi : "Au moment où notre société est de plus en plus parcourue de courants communautaires et où beaucoup s'enferment, dès leur plus jeune âge, dans une vie faite d'ambition et de distraction, la disparition du dernier moment voué au lien social est extrêmement dangereuse.".


Ambition et distraction, mon Dieu quelle horreur ! Comme c'est malsain et dangereux ! Humilité et astreinte, ça, ça le fait. Se résoudre au destin de vaillant petit soldat du corps social, voilà la clé d'une existence épanouie. Disparition du dernier lien social ? Tout le monde en est convaincu, le climax de la vie sociale, c'était la caserne. Hors du service national, les citoyens errent dans limbes et sont incapables de se lier les uns aux autres. D'une manière générale, c'est bien connu, seuls les gens de l'État peuvent rapprocher les gens entre eux. Mais il revient de quel long voyage sur quelle lointaine planète, notre aimable chroniqueur, pour énoncer de pareilles fables ?


Puis M. Attali nous suggère son remède pour pallier les maux qu'il expose : "il serait essentiel de rendre à tous les jeunes en âge de voter une raison concrète d'éprouver un sentiment d'appartenance; et, pour cela, de les amener à payer un tribut en nature à la collectivité. Un tribut intéressant, où ils trouveraient du plaisir à se rendre utiles et par lequel ils découvriraient que la vie peut être plus belle si elle n'est pas une simple juxtaposition d'actes égoïstes. Ce nouveau service national, social, prendrait la forme d'une obligation pour tout citoyen de consacrer avant 30 ans une année, d'un seul tenant ou par périodes fractionnées de trois mois, ou par des activités du soir ou du week-end, à l'accomplissement de tâches d'intérêt collectif. Elles seraient proposées par l'Etat, par les collectivités territoriales ou par des associations reconnues d'intérêt général. Tout citoyen qui ne justifierait pas à 30 ans d'une telle activité ou d'une bonne raison d'en être dispensé serait passible d'une peine de privation de liberté avec sursis d'une durée égale au temps qu'il n'aurait pas rendu à la collectivité, le sursis étant levé si le service national n'est pas accompli au bout de cinq ans. Ces cas seraient très rares, parce que ces activités pourraient être passionnantes.".


Alors ça, si ce n'est pas de science-fiction ! Je ne pense qu'il soit nécessaire de procéder à une explication de texte : c'est tellement énorme. Ça sent le mauvais téléfilm d'anticipation : totalitarisme bienveillant, prison high tech d'État, condamnés soumis au programme de conscientisation des déviants pour avoir refusé de consacrer un an de leurs existences à distribuer des capotes à la sortie des collèges.


Finalement, Jacques Attali conclut : "Ne seront scandalisés par cette proposition que ceux qui ne veulent pas admettre qu'être français est un formidable privilège, qui doit se mériter à chaque génération.".


Hou les méchants ! Il est en tout cas certaines personnes de plus de 30 ans, non directement concernées par une telle disposition, qui n'y trouveront rien à redire. N'est-ce pas ?


Il y a tout de même une réflexion que je trouve intéressante dans ce qu'écrit J. Attali : c'est cette croyance qu'être français est une chance. C'est quelque chose que l'on entend souvent mais qui, à moins d'adhérer à une mystique douteuse, est parfaitement faux. Non, ce n'est pas un privilège d'être né français ou américain plutôt que d'être né somalien ou haïtien. C'est aussi faux que de dire qu'un boa a bien de la chance d'être né en Amazonie plutôt qu'en Antarctique, car sinon son existence serait bien moins agréable.


Dire que l'on a la chance d'être né français suppose que l'on préexiste à notre conception biologique, à nos parents, et qu'une main divine a décidé de nous mettre dans le ventre d'une française plutôt que dans le ventre d'une somalienne. C'est ce que j'appelle une mystique douteuse.


On est d'abord le "produit", la "conséquence" de l'union de deux êtres identifiables et irremplaçables, et ces deux êtres nous définissent à la naissance. Je ne peux pas être le fils d'autres personnes que mon père et ma mère, sinon je ne serais pas moi. Je suis le "résultat" de mes ancêtres, et non le résultat de la fantaisie d'une cigogne qui m'a déposé là plutôt qu'ailleurs. Je n'ai pas d'existence hors de mes ancêtres, hors de la France, hors de mon époque, j'en suis au contraire un rejeton. Que j'ai enrichi mon existence à ma manière, si bien qu'elle est singulière, n'ôte rien au fait que je suis un produit (même si je ne suis pas que cela). De même qu'il est sot de dire qu'heureusement que telle pomme est née sur un pommier plutôt que sur chêne (sinon elle aurait un arrière goût de gland), il est sot de dire que je jouis d'un formidable privilège en étant le fils de mes parents et étant français : je ne peux pas être chose que ce que je suis. Par voie de conséquence, je n'ai joui d'aucun privilège en naissant français, pas plus que je ne jouis d'un quelconque privilège en étant homme plutôt que noix de coco. Tout cela n'a pas de sens.


Je peux ressentir de la compassion pour mes semblables qui vivent dans la misère, enrager qu'ils ne soient pas aussi prospères que moi, les aider dans la mesure de mes moyens. Par contre, l'empathie ne doit pas étouffer la réalité : ma prospérité ne ressort pas d'un privilège, ma chance n'en est pas une.

POSTED BY XXC AT 11:29 AM 5 COMMENTS

JEUDI, DÉCEMBRE 23, 2004

Est-il autorisé de manger ce que l'on veut ?

Nième manifestation de xénophobie festive devant un McDo. C'était à Sète samedi 19 décembre. Le journal Libération rapporte l'événement avec son impartialité particulière (c'est ici si vous avez du temps à perdre).


Argument de la défiguration d'une ville par un McDo ? Outre que c'est une exagération grotesque, que cela signifierait que ladite ville a si peu d'atours et de caractère qu'un seul fast-food la défigure, pourquoi une ville devrait-elle rester figée ? Pourquoi seul McDo défigure-t-il et pourquoi des enseignes tout aussi criardes ne le font pas ?


Argument de l'invasion américaine ? En l'occurence, il s'agit de vendre des sandwichs, rappelons-le. Soit du pain, de la viande, de la laitue, des oignons et des tomates. Sacrée invasion de produits exotiques. Les employés sont français, le bœuf est français, les impôts sont payés en France, le loyer est payé au propriétaire des murs (sans doute français), la musique diffusée dans les McDo enrichit (via la Sacem) des artistes français, les clients sont volontaires et non contraints, les sandwichs sont vendus plutôt chers et ne participent donc d'aucun dumping tendant à couler les concurrents. En outre, pourquoi les pizzerias et autres échoppes pourvoyeuses de panini, si nombreuses, ne sont-elles pas dénoncées comme invasion italienne ? Et les gargotes asiatiques comme péril jaune ? Et les restaurants nord-africains comme remake des Sarrasins du VIIIe siècle ?


Argument de la malbouffe ? Pire qu'une cantine scolaire ? Qu'une pizzeria ? Qu'une cafétéria de grande surface ? Que ces restaurants français où la vieille huile rance rehausse le goût de produits insipides, où le picrate lessive les estomacs ?


Les arguments fallacieux ne résistent pas à la raison. Tartufferies visant à justifier des crispations xénophobes.

POSTED BY XXC AT 11:55 AM 0 COMMENTS

Est-il autorisé d'être seul ?

Des quotidiens français rapportent les conclusions d'une étude de l'Insee selon laquelle les mères aident deux fois plus leurs enfants à faire leurs devoirs scolaires que ne le font les pères.


Étrangement, Le Figaro compare cette situation avec le partage des tâches ménagères. Je ne vois pas le rapport : passer la serpillière est une corvée, tandis que participer à l'instruction de ses enfants relève plutôt du plaisir il me semble. C'est peut-être même parmi les choses les plus exaltantes qui soient dans le fait d'avoir des enfants. Il faudrait quand même savoir si on veut des enfants ou non. Enfin bref, passons, ce n'est de ça dont je voulais parler de toutes façons.


En effet, l'étude de l'Insee fait apparaître que l'aide des parents pour les devoirs à la maison de leurs enfants est de 19,2 heures en primaire et de 14,2 heures au collège.


19,2 heures par mois en primaire ! Mazette ! C'est bien plus que ce que les professeurs des écoles (ex-instituteurs, ex-maîtres d'école) demandent aux enfants pour les devoirs à la maison. Quand aux 14,2 heures par mois en collège, c'est au moins la moitié, sinon les deux tiers, de la quantité de travail à la maison attendue pour un collégien.


Quant on pense que ces durées annoncées sont des moyennes, qu'elles englobent notamment toutes les familles où les parents ne s'occupent pas du tout ou très peu du travail à la maison de leurs enfants, on peut se demander si l'étude de l'Insee n'est pas quelque peu fantaisiste. C'est un peu désolant de financer des études aussi peu cruciales pour le pays si en plus le travail est bâclé. Je me demande si l'enquête de l'Insee ne s'appuie pas sur les seuls témoignages de parents. Dans ce cas, l'enquête reflète ce que les parents prétendent faire et non ce qu'ils font ; c'est donc une enquête sur les discours et non sur les faits. Quel intérêt ? A-t-on vraiment besoin d'une armada de fonctionnaires pour produire d'aussi indigentes et inutiles statistiques ?


Mais bon, supposons que l'étude reflète la réalité du terrain. Pensons à l'intérêt pédagogique des devoirs à la maison. Il s'agit, il me semble, de confronter l'enfant à la réflexion personnelle, de le laisser se débrouiller sans aide. C'est sans doute un peu angoissant et des enfants se sentent désemparés. Oui, mais c'est le but, ça fait partie de l'apprentissage. Il y a bien un moment où il faut être confronté à soi-même. La classe est le temps de la transmission des connaissances, de la réflexion en groupe et des échanges ; le travail à la maison est le temps de la réflexion appronfondie, de la maturation et de la mise en perspective (qu'est que j'ai compris ? qu'est-ce que je n'ai pas compris ? qu'est-ce que je dois demander à mon professeur demain pour mes doutes se dissipent ?).


Le rôle des parents est de veiller à ce que ce travail personnel soit réalisé, et non à l'interdire en aidant l'enfant autrement que ponctuellement. En assistant l'enfant, je me demande si on ne le prive pas d'une étape indispensable dans l'acquisition des connaissances et des savoir-faire. Pauvre gosse, lui est-il autorisé d'être seul ?


L'idée selon laquelle toute personne rencontrant une difficulté passagère doit être absolument entourée et aidée aboutit à un cercle vicieux : n'ayant jamais été autorisée à se tirer d'affaire toute seule, la personne risque fort d'être une éternelle handicapée, incapable de penser seule, de trouver seule les remèdes aux innombrables difficultés que la vie lui réserve tous les jours.

POSTED BY XXC AT 11:47 AM 0 COMMENTS

MERCREDI, DÉCEMBRE 22, 2004

Corruption de la langue

G. Orwell a maintes fois relevé les liens entre inclination totalitaire et corruption de la langue. Corrompre la langue, c'est changer le sens des mots. Notamment c'est façonner un mot au service d'une cause, de manière à ce que l'évocation du mot ne renvoie plus dorénavant à son sens premier mais implique au contraire l'adhésion à la cause. Le mot est confisqué.


Ainsi en est-il du mot "solidarité" qu'il est difficile d'utiliser sans donner acte d'allégeance au socialisme : un libéral qui affirmerait qu'il place la solidarité au panthéon de ses valeurs morales serait contraint de s'abîmer préalablement en prolégomènes divers afin de rétablir le sens des mots et de ne pas pâtir de ricanements vexants. Le ferait-il, on le tiendrait pour un sophiste.


Et pourtant, le petit Larousse témoigne que le sens de solidarité est : "sentiment qui pousse les hommes à s'accorder une aide mutuelle". Rien que ne soit incompatible avec le fait d'être libéral.


Mais la novlangue socialiste a changé le sens commun de "solidarité" pour faire d'un sentiment une quantité d'argent. Quantité d'argent extorquée arbitrairement à certains hommes pour la donner à d'autres hommes, au nom de la Justice sociale™ (juxtaposition spécieuse, assimilable à une corruption du mot "justice"), indépendamment du fait que tous les hommes sont sensés être égaux en droit.


Outre que cette solidarité obligatoire ne peut pas être une solidarité (relire la définition en cas de doute), elle est abusivement accolée au mot "générosité" (lui aussi corrompu pour l'occasion). Si bien que celui qui s'élève contre la solidarité obligatoire se trouve ipso facto stigmatisé pour son égoïsme et rangé dans catégorie peu convoitée des rapiats et des insensibles aux malheurs d'autrui. La perversion des mots est telle qu'il est possible de se déclarer sans rougir solidaire et généreux sans jamais donner soi-même un kopeck, autrement dit solidaire et généreux avec l'argent des autres ! Être solidaire et généreux devient synonyme d'être favorable à la spoliation des richesses possédées (car crées) par autrui (et tout cela avec la conviction d'être juste et bon). Une flagrante inversion du sens des mots.


Ainsi, on observe nombre de jeunes gens qui se proclament solidaires et généreux alors qu'ils n'ont rien à donner (puisqu'ils sont jeunes et n'ont encore rien). Ils n'ont rien à donner mais tout à recevoir de la solidarité obligatoire, ce qui aide à fermer les yeux sur certaines bizarreries de vocabulaire. Ces mêmes gens, une fois la cinquantaine atteinte et quelques économies accumulées, c'est-à-dire lorsqu'ils seront en situation d'être spoliés à leur tour, seront-ils tous aussi disposés à être solidaires et généreux ? De même, nos artistes, solidaires et généreux de nature (c'est bien connu), le seraient-ils autant si l'argent du théâtre servait à subventionner les salons de coiffure et non le contraire ?


Car l'acceptation de la corruption du mot "solidarité" repose bien souvent sur la possibilité d'en tirer un avantage personnel. Double avantage en vérité : celui de posséder l'argent d'autrui et celui de se livrer à cette prédation avec l'esprit libéré de toute culpabilité, mieux : en faisant le Bien. C'est ainsi que se multiplient les aspirants au statut de victime, tandis que s'accumulent les sophismes tendant à culpabiliser les vraies victimes de la spoliation. La victime de l'extorsion devient le bourreau, le spoliateur est homme de Bien.


D'aucuns penseront que, pour quelqu'un qui dénonce la corruption des mots, je ne manque pas d'air en qualifiant le miséreux de spoliateur et le riche de victime.


À propos du riche, réglons d'un trait le problème : s'il est riche parce qu'il a travaillé honnêtement, sans jouir de privilèges indus et parce qu'il a épargné, alors ses richesses sont indiscutablement les siennes et les lui prendre est commettre une injustice. Le priver d'une partie de ses richesses, c'est le priver du temps qu'il a mis à les créer, autrement dit le priver d'une partie de son existence. On peut parler de servitude partielle.


À propos du pauvre, je n'ai pas écrit qu'il était le spoliateur. Il est plutôt une victime des spoliateurs. Les véritables spoliateurs sont les parasites étatiques, syndicaux et associatifs, assortis d'une clique d'énergumènes outrageusement cupide et décomplexée ; ce sont eux qui se nourrissent du miellat des pucerons. Un clochard, lui, restera clochard. Il n'a pas le droit de se planter sur un parking pour laver les voitures des automobilistes : c'est interdit. Voudrait-il le faire, il devrait satisfaire à une telle réglementation et payer de telles charges sociales pour aider les clochards (ce qu'il est !), qu'il ne pourrait pas le faire : les gens de l'État, de fait, le lui interdisent. Interdiction de gagner sa vie par soi-même. Le clochard n'est pas une victime des riches mais une victime des professionnels de la solidarité obligatoire. S'il s'en sort, ce sera par ses propres moyens avant tout et malgré la solidarité obligatoire (et non grâce à elle).


Parce qu'elle est injuste, la solidarité obligatoire ne peut pas être efficace : les pauvres resteront pauvres, et ils seront rejoints par d'autres pauvres. Le coût de la solidarité obligatoire est tel qu'il enferme les receveurs dans la pauvreté : l'argent confisqué à être solidaire ne peut plus être employé à créer les richesses propres à enrichir les miséreux. En outre, la solidarité obligatoire génère une double servitude (servitude de celui qui est spolié, servitude de celui qui reçoit) dont les conséquences psychologiques, difficilement mesurables, tendent à créer un état de défience ou de haine des uns pour les autres, à fossiliser chacun dans une catégorie sociale. Climat malsain et cercle vicieux : plus de solidarité est imposée pour remédier au fossé qui se creuse dans les têtes. À ce stade, la corruption des mots est si totale dans les esprits, et la prédation déguisée en solidarité satisfait tant de monde, qu'aucune autre solution ne semble envisageable. Mission accomplie.

POSTED BY XXC AT 9:50 AM 2 COMMENTS

LUNDI, DÉCEMBRE 20, 2004

Les petits bonshommes

J'en avais entendu parler et je voulais savoir ce que c'était, ce Contrat 2005 de notre Premier ministre (un excellent Premier ministre d'ailleurs : à la moindre panne d'inspiration, il me suffit de faire un petit tour du côté de chez l'ami Jean-Pierre pour être tout requinqué !). Je me suis donc procuré (sur le site web du Premier ministre, la corne d'abondance en matière de shadoqueries) la version écrite du Grand jury RTL, Le Monde, LCI du 12 décembre 2004. En effet, l'invité de l'émission était M. Raffarin qui se proposait de nous expliquer la teneur du Contrat 2005.


Première déception, ledit contrat n'en est pas un ! Non, ça ressemble plutôt à une série de mesures gouvernementales variées. Ou alors c'est qu'il s'agit de ce type de contrat où l'une des deux parties dicte les termes tandis que l'autre partie a le choix entre dire oui et dire oui. Est-ce de la mauvaise foi que de relever que ce n'est pas tout à fait conforme à la définition du dictionnaire du mot "contrat" ? Enfin bref, à défaut d'un vrai contrat, on pouvait espérer au moins un gage (si j'échoue alors je pars). Mais on est encore déçu : quand le Contrat 2005 aura échoué (peut-il en être autrement ?) viendra le temps du Contrat 2006 ! Si je résume, c'est un contrat non négociable, obligatoire, sans garanties et annuellement renouvelé par tacite reconduction même si la lettre recommandée de résiliation est arrivée dans les temps.


On me dira sans doute : "Allons, ne fais pas l'âne ! L'utilisation du mot "contrat" n'est que du marketing politique, ce n'est pas bien méchant.". Et je répondrai alors : "Ben alors, quitte à être considéré comme un vulgaire péquenaud manipulable à loisir, je préfère que Carrefour soit Premier ministre. Au moins, quand je vais chez Carrefour, je paye mais j'ai un caddie bien rempli. Quand je vais chez Jean-Pierre, je paye et j'en retire l'interdiction d'être homophobe et l'obligation de grillager ma piscine.".


Voilà pour la forme. Et le fond ?


Le fond, c'est Civilization, le vénérable jeu de stratégie sur ordinateur. Jouer à Civilization, c'est diriger virtuellement un pays comme le ferait un démiurge : on déplace des curseurs. Un peu moins de recherche scientifique lorsqu'on a besoin de liquidités, un peu plus de libéralités quand le peuple bougonne, une université ici pour asseoir son influence culturelle, une banque là pour générer de la prospérité, etc. On peut aussi appuyer sur un bouton pour changer la nature du régime politique. Le reste consiste à déplacer les petits bonshommes-citoyens sur la carte : va donc irriguer cette plaine, va donc exploiter ce minerai de fer, va donc taper sur le voisin.


Eh bien, le petit Jean-Pierre joue à Civilization, il déplace des curseurs. Je le cite : "Les analyses, on les refait tous les jours, on est très attentif et on a les curseurs qu’on déplace régulièrement en fonction des réalités. Mais aujourd’hui, avec tout ce que nous avons enclenché, quand je vois quelque chose d’inquiétant, qu’est-ce que je fais ? Je mobilise l’ensemble de mes ministres pour essayer de corriger ou pour pouvoir répondre."


Le curseur "temps de travail" grippé sur "35 h" n'est pas satisfaisant ? Pas de problème : il suffit de lui adjoindre une bimbeloterie de nouveaux curseurs chamarrés pour que la partie reprenne. Un curseur "heures sup", un curseur "dialogue social" et un curseur "compte épargne temps", de quoi jouer pendant de nombreuses heures encore. Des milliers de combinaisons possibles pour de nouvelles expériences sociétales avec les petits bonshommes sur la carte !


Il faut s'attendre aussi à ce que le curseur "famille" soit mis à contribution dans le Contrat 2005. Parce qu'il serait trop bête que les familles évoluent comme elles souhaiteraient le faire, Jean-Pierre nous dit, relativement au fait d'élever les enfants : "Je souhaite que ce genre de tâche soit de plus en plus partagée dans notre société.". Et hop, on fait glisser le curseur en position 50-50.


Un curseur que je n'ai pas compris : le curseur "prix-emploi". J'en ai un peu honte, c'est la faute à mon inculture crasse en économie. Pourtant Jean-Pierre n'est pas avare de pédagogie : "Le point, pour les Français qui nous écoutent, qui est très important, c’est de voir que dans les prix, dans les prix que l’on fait dans un supermarché ou chez un petit commerçant, il y a des prix qui sont des prix créateurs d’emplois, c’est-à-dire des prix qui sont suffisamment bas pour faire acheter le produit, et en faisant acheter le produit on fait tourner l’entreprise, et là on crée de l’emploi, c’est un prix créateur d’emplois. Et puis, à côté de ça, il y a le prix destructeur d’emplois, c’est le prix qui est dessous le prix de revient, c’est un prix qui est tellement bas, qui écrasant les prix écrase l’emploi. Et à ce moment-là, on n’a plus de capacité à stimuler l’emploi au fur et à mesure que l’on vend. Donc moi, ce que je veux, c’est réviser la loi GALLAND pour pouvoir faire la différence entre ce qu’est le prix créateur d’emploi et ce qu’est le prix destructeur d’emploi. Je veux équilibrer l’emploi et le prix, car derrière un produit il y a un salarié, il faut penser à cette économie humaniste, qui est une économie où, derrière des produits, il y a des femmes et des hommes, et il faut penser aussi à leurs emplois. Donc équilibrons le prix et l’emploi. ".


Les autres curseurs sont heureusement simples et très banals (curseurs "contrat d'avenir" et "contrat intermédiaire" par exemple), mais si indispensables pour maintenir l'emprise sur les petits bonshommes de la carte. On fournit au citoyen sa dose de défonce étatique : ouf, ça va mieux !


Il y a tout de même une énorme différence entre être Premier ministre et jouer à Civilization : le jeu est intransigeant en matière de déficit, impossible de descendre en-dessous de zéro "or", autrement dit impossible d'endetter les générations futures pour profiter des joies de l'existence ici et maintenant. En ce sens, le jeu n'est pas drôle du tout, tandis qu'être Premier ministre est plutôt jubilatoire.

POSTED BY XXC AT 8:42 AM 0 COMMENTS

MARDI, DÉCEMBRE 14, 2004

Vivre loin

Le journal Le Monde, dans un article du 10/12/2004 intitulé "Les Français d'outre-mer se plaignent de discriminations en métropole", rapporte les difficultés spécifiques que rencontrent lesdits Français. En exergue :


« Confrontés au "racisme ordinaire", les "Domiens" se plaignent des difficultés rencontrées pour trouver un logement, un emploi ou - question sensible - acquitter le prix du billet d'avion pour se rendre au pays. Une marche de protestation est organisée samedi 11 décembre à Paris. »


Principalement, deux problèmes sont relevés dans l'article : les discriminations liées à la couleur de la peau et les difficultés financières relatives au prix du billet d'avion pour se rendre "au pays".


Je veux bien croire que le premier problème (en un mot, le racisme subi) soit réel, particulièrement insupportable parfois et injustement handicapant. Je regrette cependant que, dans leur dénonciation de l'injustice qu'ils subissent, les Français d'outre-mer ne mettent pas sur le tapis la condition des Français métropolitains s'installant en DOM ou en TOM (ou encore en Corse).


Pour avoir vécu cette situation en plusieurs lieux de la France ultramarine, j'ai pu constaté une très grande disparité dans le sens de l'hospitalité. Un acccueil certes très chaleureux parfois, mais souvent aussi particulièrement glacial (quand il ne se transforme pas en une hostilité crânement affichée). J'avoue ne pas avoir trop souffert de cette inhospitalité dans la mesure où j'ai une certaine estime pour les gens fiers et rugueux, pour ceux qui ne font pas automatiquement ami-ami avec le premier venu et qui imposent une "période probatoire" avant de s'ouvrir.


Seulement voilà, tout le monde ne se réjouit pas d'être reçu comme un chien dans un jeu de quille, sur le territoire national qui plus est. Nos compatriotes "domiens" et "tomiens" installés en France doivent comprendre que de très nombreux métropolitains, parce qu'ils ont vécu en France d'outremer, parcequ'ils y ont passé leurs vacances, parce que leurs proches leur racontent ce qui s'y passe, ont des raisons (mauvaises mais compréhensibles) pour n'être pas toujours très aimables avec le Guyanais ou le Réunionnais installé à Paris.


Au lieu de se s'autoproclamer innocentes victimes des méchants, il serait sans doute plus honnête et productif de mettre les choses à plat et de s'essayer à améliorer tous les comportements, plutôt que d'adopter une vision partielle qui risque fort d'être ressentie comme un reproche malvenu et une raison de plus pour ne pas s'aimer. Imaginons un instant les réactions des Guadeloupéens si des métropolitains osaient défiler dans les rues de Pointe-à-Pitre pour se plaindre du "racisme ordinaire"…


Le second problème évoqué par Le Monde concerne le prix du billet d'avion pour s'en aller voir la famille et les amis. Indiscutablement, c'est un problème. Mais il me semble que c'est un problème privé. Ça regarde l'intéressé (ou bien l'employeur de l'intéressé qui peut décider ou non d'inclure un billet payé dans le contrat de travail). Pour ma part, comme employé de l'État, j'ai toujours payé l'intégralité de mes billets d'avion pour Paris quand je vivais en DOM ou en TOM. Ça n'améliorait pas mon budget mais c'était mon problème : personne n'avait à supporter à ma place mon choix de vivre loin de ma campagne du Midi de la France. Je trouvais à ce choix plus d'avantages que d'inconvénients et c'est pourquoi j'ai fait ce choix. En en acceptant les inconvénients. Quand tu décides de vivre loin de chez toi, eh bien forcément, cela s'accompagne de problèmes divers. Mais bon, t'as choisi, non ?


Jamais il ne m'est venu à l'esprit de réclamer un billet d'avion en raison du fait que ma famille est française depuis des siècles et que mes ancêtres étaient des serfs. C'est pourtant au nom d'arguments semblables (relayés gentiment par Le Monde) que certains "domiens" protestent :


« Les ancêtres de ces "Domiens", victimes de la colonisation et de l'esclavage, ont été français avant les Savoyards ou les Niçois, et bien avant qu'une bonne partie de l'Afrique noire, l'Indochine ou l'Algérie deviennent "françaises". Français donc comme ces quelques grandes figures de l'outre-mer : Victor Schœlcher, qui abolit l'esclavage ; le gouverneur Félix Eboué, rallié dès 1940 à la France libre, le poète Aimé Césaire ou la championne d'athlétisme Marie-José Pérec. »


Mais que viennent donc faire dans cette galère, l'esclavage, le père Éboué (administrateur colonial en Afrique, je le rappelle au passage…), Aimé Césaire (poète de l'idée raciale de la négritude) et Marie-Jo Pérec ? Franchement, quel est le rapport avec le prix d'un Paris-Fort-de-France ?


Et comment se fait-il que l'État débloque 30 millions d'euros, entre autres facilités, pour alléger le prix des billets d'avion ? Au nom de la "continuité territoriale" soit disant. Outre le fait que la discontinuité territoriale est une réalité imposée par la géographie, qu'elle n'est pas horrible en soi et que les subventions étatiques ne sont pas si efficientes qu'elles puissent déplacer les continents, pourquoi seuls certains Français devraient-ils être les bénéficiaires de la "continuité territoriale" et pas d'autres ? Pourquoi le Berrichon de souche n'aurait-il pas droit à un billet à prix réduit pour rendre visite à son père qui habite St-Gilles (Réunion) ? Pourquoi, comme fonctionnaire métropolitain "exilé sous les cocotiers", n'avais-je pas droit à des prix réduits pour rentrer "au pays" ?


Quand les gens de l'État aident les Français d'outre-mer à payer leurs billets d'avion, ils ne font que transférer le coût du "cadeau" sur d'autres Français. En quoi serait-il plus juste qu'un Alsacien, plutôt qu'un Cayennais directement concerné, paye une partie d'un aller et retour Paris-Cayenne ? En quoi ce qui est une charge financière pour l'un (le Cayennais) n'en serait pas une pour l'autre (l'Alsacien) ?


Enfin et surtout, ce qui fait que les billets d'avion ne sont pas chers, ça n'a jamais été l'intervention étatique, mais plutôt la libre concurrence entre compagnies aériennes qui se bagarrent pour gagner des clients. En s'immisçant dans un jeu qui ne devrait pas être le leur, les gens de l'État tendent à augmenter le prix des billets d'avion. Un comble.

POSTED BY XXC AT 8:43 AM 6 COMMENTS

J'veux pas grandir

J'veux pas que le Monde soit comme les gens le font, j'veux que le Monde soit comme je le ferais.

J'veux que les Africains ne soient plus pauvres, j'veux pas qu'ils soient contraints à s'aligner sur un mode de vie standardisé, j'veux qu'ils conservent leurs spécificités.

J'veux que tous les ouvriers du monde soient bien payés, j'veux un PC à 500 euros.

J'veux pas que la planète se réchauffe, j'veux pas renoncer à mes voyages en avion.

J'veux vivre décemment d'un travail artistique, j'veux pas que les artistes soient astreints à se plier au goût du public.

J'veux que la retraite par répartition perdure, j'veux pas entendre parler de la famille et de ses valeurs.

J'veux qu'on soit libre de tout dire, j'veux qu'on mette en taule ceux qui répandent leur venin anti-social.

J'veux pas de dictatures dans le monde, j'veux que Bush soit débarqué de son poste par la force s'il le faut.

J'veux qu'on m'aime et qu'on me soit fidèle, j'veux être libre de m'adonner à tous les plaisirs.

J'veux que les riches soient pauvres, j'veux que les pauvres soient riches.

J'veux que l'on préserve les traditions et les coutumes des Peuples du Monde, j'veux que l'Occident renonce à être l'Occident.

J'veux que le métissage des cultures soit partout, j'veux que les Peuples du Monde conservent leur authenticité.

J'veux être pris en compte, j'veux pas de l'égocentrisme.

J'veux pas subir l'autorité, j'veux que papa et maman m'aide à payer mon appart, j'veux qu'un État transnational organise les affaires du monde.

J'veux être la cellule rebelle et agitatrice d'un corps social heureux créé à mon image.

J'veux un piercing dans le nez, j'veux qu'on me respecte.

J'veux vivre avec insouciance, j'veux que la Cohésion sociale secoure les endettés.

J'veux coucher avec des séropositifs, j'veux que la société prenne en charge les malades du sida.

J'veux vivre dans ma bulle, j'veux que le Monde ressemble à ma bulle, j'veux que la réalité se plie à mes rêves, j'veux pas que la réalité soit méchante comme ça.

J'veux, j'veux pas, j'veux, j'veux pas.

J'veux pas grandir, j'veux retrouver l'alter-monde du ventre de maman.

POSTED BY XXC AT 8:41 AM 4 COMMENTS

JEUDI, DÉCEMBRE 09, 2004

Le PC le moins cher

J'écoutai tantôt mon voisin, joséboviste et altertrucmuche déclaré, me vanter les mérites de son ordinateur portable : "il marche très bien et pourtant j'ai pris le moins cher que j'ai pu trouver en faisant le tour des supermarchés". Mon voisin est très content de son achat et seul un pisse-vinaigre ne se réjouirait pas de le voir si béat.


Seulement voilà, moi, justement, je suis un pisse-vinaigre.


Un fabricant d'ordinateurs ne conçoit pas le PC le moins cher du marché dans une usine aux standards français (la réglementation du travail et les salaires bruts interdiraient de fabriquer un tel PC). Non, il emploie (directement ou indirectement), à l'autre bout du monde, des ouvriers souvent "mal" payés et dépourvus du moindre droit. Non que ça l'amuse de "mal" payer ses ouvriers et de les faire bosser à outrance dans des conditions de travail parfois épouvantables. Au contraire, il y a fort à parier que la plupart des fabricants d'ordinateurs préféreraient que leurs ouvriers soient "bien" payés et travaillent dans des conditions agréables. À condition que, bien sûr, les consommateurs soient disposés à payer le confort des ouvriers en achetant leurs ordinateurs bien plus chers.


Et c'est bien parce que de tels consommateurs n'existent pas qu'il n'existe pas de fabricant produisant des alter-PC-respectueux-des-travailleurs. Sinon, bien sûr que des industriels avides d'argent seraient sur les rangs, prêts à produire des PC PC (politically correct personal computers). Ces consommateurs n'existent pas parce que les consommateurs font passer leur désir d'un ordinateur bon marché avant leur compassion pour les ouvriers qui l'ont conçu ; ou bien parce qu'ils n'auraient pas les moyens de s'offrir un ordinateur s'il coûtait quatre fois plus cher.


Alors, que mon voisin soit ravi de son PC pas cher, je le comprends. Mais qu'il joue par ailleurs à l'antimondialiste militant tout en occultant le fait qu'il participe activement, par sa recherche frénétique du PC au prix le plus bas, à l'exploitation des masses laborieuses, eh bien c'est ça qui m'agace. Ça me paraît un tantinet faux-cul. Un discours "généreux", un comportement qui ne l'est pas. Je crois que je préférerais encore écouter un vieux con proclamer : "je m'en fiche que des chinetoques merdiques soient payés trois fois rien et souffrent le martyre du moment que j'ai un PC bon marché", plutôt que de supporter le catéchisme rouge et hypocrite de mon voisin.


Mais pourquoi donc les antimondialistes, puisqu'ils adorent revendiquer et ne loupent pas une occasion de le faire, ne descendent-ils pas dans la rue pour réclamer d'urgence l'émergence de fabricants de PC bas de gamme à 4000 euros pièce ? Et puis, à tout prendre, des aspirateurs premier prix à 500 euros ! Et des téléphones portables quelconques à 1000 euros ! Et des chemisettes lambda à 200 euros ! Vu leur nombre, nul doute que nos aimables alter-pantins constitueraient une demande suffisante pour que des fabricants se penchent sur leurs affres existentielles et s'attachent à les satisfaire. Et nul doute qu'alors je trouverais les commiséreux autoproclamés des damnés de la Terre infiniment plus respectables : parce qu'au moins, leurs actes seraient en adéquation avec leurs discours. Quand, par conviction morale, tu renonces au PC à 800 euros pour choisir le même PC à 3000 euros, alors tu as droit à un minimum d'égard (même si par ailleurs tu fais fausse route).

POSTED BY XXC AT 6:25 PM 6 COMMENTS

MERCREDI, DÉCEMBRE 08, 2004

Refrain

Le gouvernement organise un chat avec Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie :


« Ce chat s’inscrit dans le cadre de la campagne d’information de Xavier Bertrand, qui a pour but d’expliquer à tous les acteurs du système de santé les enjeux et modalités de la réforme.


Au cœur de cette réforme : les changement des comportements. Car "c’est en changeant tous un peu qu’on peut tout changer". »


En tout cas, ce qui n'est apparemment pas près de changer, c'est le paternalisme du gouvernement. La Sécu est en déficit ? C'est parce que les citoyens se comportent mal. Un refrain que l'on connaît par cœur tant il nous est rabâché depuis des années. Un refrain extrêmement commode :


- on ne se mouille pas puisqu'on ne désigne personne nommément ("nous sommes tous coupables" est équivalent à "personne n'est coupable"),


- on détourne l'attention en éludant tout questionnement sur l'existence de la Sécu et sur les problèmes qu'elle génère par le seul fait d'exister. Notamment on esquive l'idée que les citoyens pourraient être les victimes de la Sécu pour imposer l'idée saugrenue que c'est la Sécu qui est la victime des citoyens (comment donc un organisme administratif peut-il être une victime ? les organismes administratifs seraient-ils des êtres vivants ? et le seraient-ils, devrait-on les considérer comme une espèce en voie d'extinction qu'il faille à tout prix protéger ?),


- on renforce l'idée qu'il est indispensable d'avoir un arbitre qui gère les comportements. Arbitre qui est bien sûr l'État. Qui donc pourrait être impartialement l'arbitre de ma propre existence si ce n'est l'État ? À cette question, combien de Français répondraient spontanément : "moi" ?

POSTED BY XXC AT 7:10 AM 0 COMMENTS

MARDI, DÉCEMBRE 07, 2004

À propos de "Citoyen durable"

Tiens, j'ai oublié d'écrire un premier post dans lequel j'aurais pu cerner les ambitions de ce blog, histoire de baliser quelque peu le terrain pour l'internaute de passage.


Je m'y colle rapidement : "Citoyen durable" s'inscrit dans la famille des blogs libéraux (oups, ça y est : j'ai perdu près de 60 millions de lecteurs français potentiels !). Je ne suis affilié à aucun "courant" particulier, ou du moins je ne suis pas capable de me situer (et n'en ai pas le désir). Les tenants de la taxinomie incontournable devront se débrouiller (bon courage !) avec mon podium des blogs libéraux francophones : j'aime tout particulièrement lire Eskoh, Liberté et Zek (aujourd'hui en sommeil, hélas). En fait, je marche à l'affectif, et ceux-là je les trouve très aimables. (Ce ne sont bien sûr pas les seuls ! Qu'il soit entendu que j'adore lire Lafronde, Taranne, Harald, Constantin, papa Ribet, Evoweb et tutti quanti ! Et mes plus plates excuses à ceux qui se trouvent dans "tutti quanti".)


Enfin, j'ai tenu jusqu'en août 2004, le blog "Congoneries" (aujourd'hui défunt) qui, à défaut de faire avancer le "chmilblik", a su trouver parfois un petit lectorat désireux de sourire de choses graves. "Citoyen durable" est la suite de "Congoneries" : un accès de fièvre équatoriale et j'ai repiqué au truc !

POSTED BY XXC AT 4:29 PM 5 COMMENTS

Socialement suspect

"Soyez fidèles au préservatif", c'est sur ce slogan que se conclue un spot télé contre le sida que j'ai pu voir récemment. Sans doute ai-je l'esprit mal tourné pour oser lire entre les lignes (entre "la" ligne plutôt, tant le "message" est concis et brutal) et comprendre que c'est avant tout au préservatif qu'il faut être fidèle, mais pas à sa femme ou à son homme (ou du moins que ça n'est pas primordial).


Fidèle en amour, pouah, quelle poix ! Ça pue le rance, le petit bourgeois étriqué, le linge propre dans les armoires, les gamins qui déballent leurs cadeaux devant l'arbre de Noël, le pavillon propret à crédit, le barbecue des dimanches entre amis, la pelouse bien tondue et les vacances au camping des "Flots bleus". C'est si nunuche.


Fidèle au latex, y a bon ! Y a bon la fornication festive et décontractée. C'est tribal, c'est ethnique, ça vibre au son du djembé, ça sent bon son effluve cannabique, sa fin d'après-midi après une partie de rollers bénie par la municipalité, c'est tendance, c'est Bien. C'est Le Bien.


Moi qui pensai naïvement que la capote était jetable et l'être aimé pérenne (du moins idéalement). Ben non, c'est le contraire. C'est en tout cas ce que sont priés de comprendre les jeunes gens auxquels ce spot est destiné : un bon citoyen se doit d'avoir un parcours sentimental pluriel et inventif ; respecter l'être aimé, c'est mettre une capote et sans doute pas se refuser à en faire une simple étiquette sur un tableau de chasse.


Oh, je ne suis s'y pas si coincé et naphtalineux pour condamner tout jouisseur. Non, ce qui m'insupporte, c'est le message d'État. Que les gens de l'État te disent comment tu dois vivre, qu'ils ternissent les couples "traditionnels" en niant leur mode de vie pourtant excellent pour lutter contre le sida (tout en prélevant la dîme sur lesdits couples pour mieux les déprécier). Vous en connaissez beaucoup, vous, de ces jeunes gens mariés, fidèles à l'autre avant d'être fidèles à la capote, deux enfants à l'arrière de la 306 et un troisième dans le ventre de bobonne, qui sont abonnés aux trithérapies ? A-t-on jamais vu un spot télé qui vantait leur choix de vie si efficace contre le sida (notamment) ? Pourquoi pas, puisque ça marche ? Puisque les gens de l'État s'autorisent à se mêler des existences, pourquoi ne mettre en avant que certaines d'entre elles ? C'est si socialement suspect et si peu conforme aux attentes du Parti de vivre à deux ? Ne peut-on pas imaginer un instant que cela soit admissible et respectable ?


Bref, je suis amené à penser qu'une fois de plus, lutter contre le sida est un prétexte pour dégommer certains modes de vie non reconnus d'Utilité publique™. Après tout, ne s'agit-il pas avant tout de fabriquer l'Homme nouveau ? 2004 prétend-il réaliser 1984 ?