Chère madame Halimi

Quels mots, quelles paroles pourraient réconforter une maman à qui on a volé l’avenir de son fils ? Quelle maman pourrait supporter un tel drame ? Le rêve d’une mère est d’assister à la joie de ses enfants ; le rêve d’une mère, c’est de connaî tre un jour ses petits-enfants, d’entendre leurs éclats de rires. En tuant votre fils, ces barbares sans foi ni loi, sans intelligence et sans cœur, ont décidé de vous priver de ces bonheurs.

Vous avez dit le jour du drame « mon fils est un tsadik (sage) ». Comme c’est vrai.

La mort d’Ilan a créé un bouleversement dans toute notre communauté. Tous les dignitaires de la nation étaient venus se recueillir. On a envie de hurler, on a envie de pleurer car on ne comprend pas. Ces horreurs ont existé dans le passé, commises par des hommes qui avaient décidé de faire du mal parce que nous étions simplement différents. Un tel drame n’aurait jamais dû se passer en France où les libertés sont censées être respectées. Et une bande d’assassins en a décidé autrement, il fallait « se faire un juif ». Voilà le produit d’une éducation de parents démissionnaires, de familles qui ont pensé que la rue allait faire leur travail. Elle a si bien fait qu’elle a pris notre fils. Oui madame Halimi, Ilan est notre fils.

Ilan assassiné à Paris, enterré à Jérusalem.

Nous sommes convaincus que cette tragédie doit permettre à tous ceux qui se sentent proches, et même plus lointains, une remise en question sur la valeur de la vie. C’est vous qui nous avez donné la force. En voyant votre dignité de mère meurtrie. Vous avez autour de vous, sans relâche, soutenu vos proches et vos amis. Les valeurs inculquées à votre fils, l’amour que vous avez pu lui donner tout au long de sa courte vie resteront à jamais. Ces valeurs, ces barbares n’ont pu les toucher. Elles sont à jamais dans l’image que vous garderez de votre fils, cette image de l’insouciance d’un jeune juif, qui nous rappelle, à nous, que nos enfants sont tous des Ilan Halimi, joyeux, heureux de vivre et d’espérer, débordant d’humour et d’amour des autres, nos vraies valeurs.

On vous a volé cette joie, on vous a volé ce bonheur. Il ne s’agit pas de pardonner, nous voulons la vérité. On nous a pris notre fils ; que l’on vous rende la vérité. Avec cette vérité, vous allez vivre et continuer à vous battre pour les vôtres, pour nous, car une mère protège avant tout ses enfants, et nous sommes ces enfants qui pensent avoir grandi alors que, tout simplement, ce sont les jouets qui ont changé. Allez dire, allez crier au monde que l’on a sacrifié votre fils sur l’autel de la barbarie et dites à tous ces hommes que le malheur des uns n’a jamais fait le bonheur des autres, dites-leur avec la tendresse d’une mère : « Plus jamais ça ! Plus jamais ça ! »

Le racisme et l’antisémitisme sont des valeurs sans fondement et sans avenir, c’est la dernière leçon d’Ilan, et nous savons qu’un jour, les choses changeront. Loin d’être désespérée et soumise, notre communauté continuera à se battre pour ses valeurs. Elle sait qu’elle remportera son combat, et l’un de ses combattants valeureux restera Ilan Halimi (zal).

MICHAËL ABIZDID michael@tribunejuive.fr

« Le plus grand bien que nous faisons aux autres n’est pas de leur communiquer notre richesse, mais de découvrir la leur. » Louis Lavelle