Comment fonctionne la voiture amphibie ?

Comment fonctionne la voiture amphibie ?

Vue éclatée de la voiture amphibie Amphicar.

En plus des fonctionnalités normales d’une voiture dont l’étude ne rentre pas dans le cadre précis de cet ouvrage, la conception d’un véhicule amphibie impose de faire face à un certain nombre de contraintes nouvelles.

Ces contraintes sont multiples, tout d'abord, il y a les contraintes primaires, qui se rapportent à la mise en œuvre des capacités d’évolution amphibie à proprement parler, par exemple de nouveaux moyens de portance et de propulsion dans l’eau.

2.1 La Portance aquatique ou l’étanchéité

Physiquement, la contrainte de portance dans l’eau se traduit par la nécessité d’avoir, en regard du poids du véhicule, un volume porteur suffisant. Le volume porteur peut être obtenu soit tout simplement en rendant étanche le volume initial du véhicule, soit par l’ajout de volume étanche supplémentaire. Il est possible, par exemple, d’utiliser de la mousse que l’on injecte dans les parties creuses, ou bien alors des flotteurs qui peuvent être fixes ou même gonflables.

Sur la plupart des voitures amphibies construites industriellement, la solution retenue est celle qui consiste à rendre complètement étanche la voiture, par une soudure continue, et non plus par points isolés comme c’est le cas sur une voiture classique, de tous les panneaux qui constituent la carrosserie.

Ces divers panneaux, comme les ailes par exemple, sont alors non seulement formés d’une feuille de métal, extérieure, comme sur toute voiture, mais cette feuille se prolonge dans le passage de roue jusqu’au plancher du véhicule.

Le fond est formé d’une longue tôle quasiment plate reliant le bas de la calandre au pare-chocs arrière, obturant ainsi tout le dessous de la voiture ainsi que le bas du compartiment moteur.

La calandre n’est plus une grille ouverte mais elle est formée d’une tôle elle aussi soudée de façon étanche au reste de la caisse, aux ailes avant et au plancher.

L’ensemble de la carrosserie devient ainsi une véritable coque, dont le volume est largement suffisant pour porter dans l’eau le poids du véhicule.

En effet, lorsqu’une voiture conventionnelle, donc non amphibie, tombe accidentellement dans l’eau, et bien, du moins pendant les premières minutes, elle flotte ! Son volume intérieur est encore plein d’air et il est suffisant pour porter le poids. C’est seulement parce que de l’eau qui s’infiltre peu à peu par de nombreux passages, augmente le poids de la voiture, que celle ci devient alors de plus en plus lourde pour finalement couler.

Un coffre à bagage, d’un volume de cinq cent litres, pèse à vide de par la tôle qui le forme une centaine de kilos. Il va peser, plein d’eau, près d’une demie tonne, puisque chaque litre d’eau qui le pénètre augmente son poids d’environ 1 kilo.

Ainsi, une voiture amphibie, si elle est parfaitement étanche peut donc rester continuellement dans l’eau, même à l’arrêt et moteur coupé, tout comme un bateau, pour peu qu’elle ne prenne pas l’eau par une fuite.

Elle pourrait même embarquer, à cause d’une vague par exemple, une bonne centaine de litres d’eau sans risquer de couler.

Une voiture mesurant approximativement quatre mètres de long pour un mètre et demi de large, le volume nécessaire pour porter les cent kilos supplémentaires est largement atteint en multipliant la surface de la voiture par une hauteur de 2 cm seulement, donc même avec cent litres d’eau à bord, la ligne de flottaison ne bougerait que de un ou deux centimètres seulement, ce qui n’est pas alarmant.

Les diverses pièces de carrosserie qui ne subissent sur terre que leur propre poids ainsi que des forces de frottement aérodynamiques vont donc devoir assurer dans l’eau une portance proportionnelle à leur volume.

Les forces subies ne sont pas négligeables puisque, en phase de rentrée dans l’eau, le coffre avant d’une voiture amphibie supportera lorsqu’il sera seul immergé, une force de portance, dirigée vers le haut, égale en norme à celle qu’il supporterait sur terre, mais cette foi ci, dirigée vers le bas, s'il avait été entièrement chargé de liquide.

Chargez donc le coffre de votre berline de liquide et observez la position de votre voiture ! Il est compréhensible que la tôle utilisée pour la construction de la carrosserie d’une voiture amphibie devra idéalement être d’une côte d’épaisseur supérieure à celle utilisée sur une voiture classique. Le terme de 'coque auto porteuse' prendra alors toute sa signification pour désigner l’ensemble.

Nous comprenons maintenant comment une voiture amphibie flotte, mais il reste quelques problèmes a résoudre : Comment maintenir l’étanchéité au niveau des portières, des pédales, des roues, des câbles de freins qui doivent nécessairement traverser la coque, puisqu’ils relient des organes internes aux roues qui restent elles externes à la coque ?

A chaque point sensible, une solution simple est trouvée, ainsi les portières peuvent être équipées d’un joint étanche, qui est comprimé entre la porte et la caisse lors de leur fermeture. La pression de l’eau, à moins d’une dizaine de centimètres sous la surface est comparable à celle subie par une porte étanche de machine à laver le linge, rien d’extraordinaire !

L’étanchéité au niveau des roues est réalisée de la façon suivante : Les roues baignent intégralement dans l’eau, ainsi que l’ensemble des bras de la suspension, des ressorts, des amortisseurs et des mécanismes de frein. Les cardans ou arbres de transmission sont eux aussi dans l’eau jusqu’au moment où ils entrent dans la boite de vitesse. L'eau ne pénètre pas dans la boite de vitesse grâce à un joint similaire à celui qui empêche à l’huile de la boite de sortir au niveau de l’arbre de transmission. L’arbre de transmission est enfermé dans un tunnel de tôle qui l’entoure jusqu'à proximité de la boite de vitesse. A la fin du tunnel se trouve un joint souple en forme de manchon qui prolonge le tunnel et se raccorde sur la boite de vitesse. Les vibrations, inévitables entre la boite et la coque, sont encaissées par ce manchon, et l’eau qui entoure l’arbre de transmission reste enfermée dans ce tube et ne rentre pas à l’intérieur de la voiture.

2.2 La Portance terrestre

La contrainte de portance terrestre se traduit par l'adjonction de roues fixées à l'extérieur de la coque des bateaux amphibies. Ces roues doivent supporter sur terre le poids du véhicule. Elles seront reliées à la coque du bateau en certains points précis qui vont subir sur terre des contraintes de pressions locales bien supérieures à celles subies sur l’eau. Sur terre, le poids du véhicule sera appliqué en quatre points s'il y a quatre roues alors que dans l’eau, cette force sera répartie uniformément tout autour de la coque. Il va donc falloir prévoir un châssis à notre bateau ou, tout au moins, des renforts de coque en plus de la structure marine classique.

2.3 La Motricité et la direction

La motricité du véhicule est obtenue en principe par des « membres » extérieurs tels des roues, hélices ou gouvernails, qui sont propres à chaque élément. Hormis l’utilisation détournée par exemple d’une roue pour la propulsion aquatique, il sera le plus souvent nécessaire si l’on recherche des performances satisfaisantes, de disposer d’accessoires terrestres ainsi que d’accessoires nautiques. Les uns et les autres seront bien sur inutiles hors de leur milieu et ils nuiront aux performances de l’ensemble. De plus les organes de transmission internes devront être doublés, et il faudra par exemple prévoir sur la boite de vitesse qui sera conçue spécialement une deuxième prise de force reliée aux hélices. Une solution plus économique consiste à prendre pour base un véhicule possédant à l’origine quatre roues motrices et utiliser la seconde sortie d’arbre, normalement destinée au deuxième pont, pour entraîner les hélices.

Les solutions de transmission hydraulique du mouvement présentent l’avantage de s’affranchir facilement des difficultés de distance, de débattement, et d’étanchéité, mais elles ne conviennent pas aux grandes vitesses. Elles sont souvent retenues sur des engins à la base nautiques, pour leur rajouter des capacités terrestres limitées.

Le constructeur de véhicules en kit « Dutton » a utilisé cette formule pour entraîner la turbine via un moteur à entraînement hydraulique. Pour récupérer le mouvement du moteur, il a suffit d’allonger la courroie d’alternateur et de la faire passer par une poulie entraînant la pompe destinée à fournir la pression hydraulique.

Afin de pouvoir déconnecter la transmission aquatique sur terre, un embrayage mécanique sommaire à été interposé entre la pompe hydraulique et la poulie qui l’entraîne.

Le revers de la médaille ? La fiabilité, elle est menacée par une chaîne de transmission assez longue : Arbre moteur et sa poulie - courroie - poulie reliée à un embrayage - pompe hydraulique - tubulure vers arrière du véhicule - moteur hydraulique relié par un arbre de transmission à la turbine. Cet ensemble ingénieux et complexe fonctionne malgré tout très correctement mais il se révèle assez bruyant. Une grande partie de la puissance est perdue dans cette longue chaîne, et comme de plus la turbine est un mode de propulsion aquatique à accroche lente, le véhicule manque au final de répondant lorsqu'il est utilisé sur l’eau. Il est certain que cette solution permet au final de créer un véhicule amphibie en petite série sans supporter les coûts de développement associés aux autres formules.

Lorsqu'elles sont conçues spécialement, les voitures amphibies privilégieront donc les transmissions mécaniques directes par arbres ou par chaînes.

L’exemple le plus simple est sans conteste celui de la « Schwimmwagen » allemande de la dernière guerre dont le pied d’hélice, que l’on peut relever manuellement, vient directement s’emboîter sur l’extrémité de l’arbre moteur. On ne déplore avec ce système aucune perte de puissance, mais on ne peut pas passer au point mort ni même en marche arrière dans l’eau. Pour s’arrêter dans l’eau, il n’y a que deux solutions : il faut soit couper le moteur, soit relever à la main le pied d’hélice. Pour reculer dans l’eau, toujours deux solutions : La première consiste à relever l’hélice et à enclencher en marche arrière les roues, ce qui permet de se déplacer, la deuxième ? Utiliser la pagaie qui est fixée contre la coque !

2.4 Les contraintes Secondaires

Comme nous allons le découvrir, les contraintes primaires et évidentes de flottabilité et de propulsion ne sont pas les seules ni même les plus difficiles à résoudre.

Des contraintes secondaires apparaissent, elles sont dues aux conséquences inattendues des adaptations nécessaires pour faire face aux premières.

C’est ainsi, par exemple, que la contrainte primaire d’étanchéité du véhicule fait naître la contrainte secondaire de refroidissement du moteur, qui est finalement tout aussi importante.

Comment faire respirer le radiateur du véhicule s'il est enfermé derrière une calandre avant transformée en étrave et donc obstruée ?

La défaillance du circuit de refroidissement à par exemple coûté au constructeur de véhicules en Kit Tim Dutton d’échouer dans sa traversée de la manche à bord de la « Mariner », véhicule construit à partir d’une Ford Fiesta, et dont le ventilateur électrique de refroidissement n’a pas résisté à un fonctionnement permanent. Une surchauffe du compartiment moteur a provoqué un début d’incendie, heureusement vite maîtrisé. Une trentaine d’années avant, L’Amphicar de Bruel n’a pas eu ce problème lors de la traversée de la manche car son ventilateur était directement entraîné par l’arbre moteur.

Ainsi, le fait de résoudre la contrainte primaire de portance aquatique va créer les contraintes secondaires de refroidissement mixte sur terre et dans l’eau du moteur, ainsi qu’une possible augmentation du Cx dans l’air du fait des formes hydrodynamiques.

La contrainte de portance terrestre résolue par l’adjonction des roues sous la coque va créer un excès de traînée dans l’eau.

On devra aussi résoudre des contraintes de répartition équilibrée des masses dans les deux configurations.

La double transmission du mouvement peut conduire à un excès de poids sur terre comme dans l’eau.

La garde au sol sur terre créera un important tirant d’eau qui peut nuire aux évolutions en configuration bateau.

De la contrainte de double système de direction peut naître un problème d’ergonomie du poste de pilotage :

Le pilote d’un Hobbycar ne peut utiliser dans l’eau le volant, lequel manœuvre uniquement les roues qui sont en partie rétractables et qui ne procurent de ce fait aucun guidage dans l’eau. Il doit donc utiliser, en navigation, un joystick pour orienter les tuyères.

Copyright Alain ROLLAND 1999

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