Lorsque la loi requise aura été édictée, le Parlement du Canada, ou les législatures des provinces, ou les deux autorités agissant de concert, auront la faculté d'apporter à notre Constitution toute modification qui pourrait être désirée à l'avenir. Le Parlement du Royaume-Uni se sera départi de tout pouvoir de légiférer à l'égard du Canada et la maîtrise de la Constitution résidera, pour la première fois, complètement et entièrement au Canada. Le pouvoir législatif étant considéré la question cruciale, le « rapatriement» sera chose faite.
Extrait de la formule, Modification de la constitution du Canada, Guy Favreau, 1964, Imprimeur de la Reine.
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En septembre et octobre 1964, les gouvernements s’entendent sur une formule d’amendement à la constitution, la formule Fulton-Favreau qui « rend obligatoire un accord des provinces, parfois unanime, parfois majoritaire, pour tout amendement les concernant, mais qui exclut tout droit de veto formel au Québec17 ». À l’occasion du discours du trône en janvier 1965, le gouvernement libéral tente de faire adopter la formule Fulton-Favreau aux députés de l’Assemblée législative du Québec.
Dans l’opposition, le chef de l’Union nationale au Québec, Daniel Johnson, accuse le Parti libéral de manipuler les parlementaires, d’accepter « le rapatriement sans avoir auparavant revu le partage des compétences entre le fédéral et les provinces19 » et il revendique l’existence de la nation canadienne-française. Johnson revendique finalement l’autodétermination des peuples, affirmant que le peuple canadien-français a droit à ce « droit universellement reconnu à toutes les communautés humaines ». Pour Johnson, les députés du Québec doivent s’unir pour mener à terme ce projet d’affirmation nationale. Mais si ses propos semblent tendres vers le séparatisme, Johnson affirme surtout le devoir des Canadiens français d’opter plutôt pour l’interdépendance entre les deux nations du Canada, à travers la reconnaissance de la nation francophone du Québec, et par le projet de rapatriement de la constitution « faites par des Canadiens, pour des Canadiens et au Canada » 21 . Cette constitution serait construite par les deux nations. En octobre 1965, Johnson continue d’attaquer le parti au pouvoir. Il est surtout très pessimiste : Ce qu’il réclame surtout, c’est le droit du Québec de réclamer ce qui lui est dû, plutôt que de quémander.
Jean Lesage, premier ministre du Québec et chef libéral, se défendra en soutenant qu’il rejetait la séparation du Québec, tout comme il refusait de voir le Québec être dissout dans le reste du Canada. Ce qu’il propose, c’est d’obtenir une constitution dans laquelle chaque province aurait droit à ses privilèges, en fonction de ses besoins. Que les relations entre le fédéral et les provinces soient « mieux adaptées à leurs besoins propres22 ». Ce qu’il réclame surtout, c’est un statut particulier pour le Québec, et cela se produirait de façon évidente.
La formule ne sera pas approuvée par le gouvernement libéral, mais elle ouvre le pas au rapatriement de la constitution, ce qui remet le débat à plus tard.
Daniel Johnson, chef de l'opposition, Union nationale:
Le Parti libéral « réussit à passer pour un grand autonomiste alors qu’il prépare, avec certains de ses amis d’Ottawa, l’intégration lucide de la nation canadienne-française, c’est-à-dire sa disparition dans le grand tout canadien. »
« Il est temps [...que] nous en arrivions à proclamer à la face de tout le Canada les conséquences logiques de l’existence d’une telle nation, c’est-à-dire le traitement égal dans tout le Canada des membres de cette nation canadienne-française ou autrement, ce sera la séparation inévitable ».
« Est-il nécessaire de dire au premier ministre qu’il est tout à fait illusoire de s’attendre de recevoir le concours des neuf autres provinces et du fédéral pour élargir d’une façon permanente par un amendement de fond à la Constitution les pouvoirs de la province de Québec24? ».
Jean Lesage, Parti libéral:
« le Québec finirait, à la longue, par vivre selon un régime particulier sans que pour cette raison notre régime confédératif soit menacé dans son essence. »