Serena PEREGO

Université de Pise

Une poétique de la traduction masquée dans deux nouvelles stendhaliennes : Vittoria Accaromboni et Les Cenci

Vittoria Accaromboni et Les Cenci ont paru anonymement pour la première fois le 1er mars et le 1er juillet 1837 dans la Revue des Deux Mondes avant de paraître chez Dumont en 1839 avec L’Abbesse de Castro dans le recueil intitulé L’Abbesse de Castro, signé cette fois « par M. de Stendhal auteur du Rouge et Noir, de La Chartreuses de Parme, etc. etc. ». Leur publication posthume en 1855 par Romain Colomb dans le recueil, Les Chroniques italiennes marque leur entrée dans la tradition littéraire.

Les deux nouvelles sont la réélaboration littéraire de Stendhal de ce qu’on peut définir une libre « traduction » du texte originel, c’est-à-dire des manuscrits romains du palais Caetani, copiés par Stendhal et consultables aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France. Nous pouvons lire le texte du manuscrit 171 pour Vittoria Accoramboni, (BNF, Ms It. 171, ffos 190-259) et du manuscrit 172 pour Les Cenci (BNF, Ms italien 172, ffos 56-124). D’ailleurs la double nature du texte, entre chronique et traduction, s’exprime aussi à partir du clivage que Stendhal opère dans les nouvelles, partagées en introduction et narration. Foisonnement d’instances énonciatives différentes et pourtant entrelacées, la scène de l’énonciation fait ici l’objet d’une manipulation habile de la part de l’écrivain. Il semble opérer entre deux principales entités énonciatives, ce qui finalement devrait distinguer le traducteur du XIXe siècle du narrateur romain : en réalité, l’emboîtement des plans énonciatifs est bien plus complexe que l’énonciateur, sous les traits du traducteur, ne laisse transparaître. Par conséquent le « palimpseste » semble être en effet une vraie re-écriture et le dégrée d’intervention de l’auteur sous le masque du traducteur évolue d’une manière significative de Vittoria Accoramboni aux Cenci. À travers la comparaison des textes stendhaliens et des manuscrits, est possible envisager comment la manipulation textuelle de Stendhal « traducteur », à savoir sa « double » énonciation ou énonciation masquée, est un des véhicules d’une significative poétique de la réception. Ma communication propose avant tout de mettre en lumière, à partir des indices textuels, l’évolution de la poétique stendhalienne de traduction entre la première nouvelle et la seconde ; d’autre part d’analyser comment cette poétique déclarée conduit à une poétique de la réception masquée par le rôle du traducteur.