Ruggero DRUETTA

Université de Turin

L’énonciation parodique : le masque et le calque

D’un point de vue textuel, la parodie est une pratique consistant en la mimesis déformante d’un hypotexte plus ou moins reconnaissable, ou d’un genre textuel fortement codé et servant de modèle, dans un but ludique, se doublant éventuellement d’une finalité de moquerie ou de critique (Druetta, 2020). Il en découle la double polarité de la parodie et son intérêt pour l’analyse linguistique. Côté pile, on trouve l’aspect mimétique, imitatif, le calque du parodié, que Golopentia-Eretescu (1984) qualifie de composante monstrative de la parodie. Cela concerne d’abord l’observation, puis la sélection, la reproduction et la mise en saillance (Inkova, 2011) d’éléments contribuant à l’identification de la cible. Les éléments visés appartiennent aux différents niveaux d’analyse linguistique, puisqu’ils vont des particularités phonétiques et prosodiques à la récurrence de certains éléments lexicaux ou de certaines tournures syntaxiques, textuelles et thématiques, auxquelles on pourra ajouter la composante gestuelle, le schéma corporel et la tenue vestimentaire, ainsi que, parfois, les données environnementales ou certains objets emblématiques liés à la cible de la parodie. Cette opération d’essentialisation est nécessaire à la prototypicalisation de la cible et présente donc un intérêt certain pour le linguiste qui envisage le continuum langagier en termes de traits différentiels.

Côté face, on rencontre le masque, l’aspect de la déformation de l’hypotexte et la finalité pragmatique perlocutoire de susciter le rire ou la distanciation critique. Dans ce cas, les aspects visés par l’analyse sont, d’une part, les procédés de déformation et d’amplification et, d’autre part, les mécanismes dialogiques (interdiscursifs et interlocutifs) et les postures énonciatives (Rabatel, 2012) mis en jeu par l’énonciation parodique pour parvenir à ses fins.

L’analyse que nous proposons de présenter, à partir du travail de quelques artistes contemporains (Laurent Gerra, Nicolas Canteloup, Gad Elmaleh, Elie Kakou, Noëlle Perna, Anne Roumanoff) nous permettra de présenter les deux aspects envisagés à travers une variété de cibles parodiques allant de la personnalité individuelle au groupe social et jusqu’au texte littéraire, et de montrer que ces productions se différencient principalement par le dosage respectif de la mimesis et de la déformation.

Références

DRUETTA, Ruggero, (2020), « La parodie : un genre discursif révélateur de l’imbrication identité singulière-identité collective », in PAISSA Paola, KOREN Roselyne (éds), Du singulier au collectif, Berne, Peter Lang.

GOLOPENTIA-ERETESCU, Sanda [1984] « La parole et la feinte » in Dire la Parodie, Colloque de Cerisy, Thomson Clive et Pagès Alain éditeurs - Peter Lang.

INKOVA, Olga (dir), 2011, Saillance. Aspects linguistiques et communicatifs de la mise en évidence dans un texte, Volume 1, Besançon, Presses de l’Université de Franche-Comté, 2011

RABATEL, Alain, 2012, « Positions, positionnements et postures de l’énonciateur », TRANEL, Travaux Neuchâtelois de Linguistique, 56, p.23-42.