L'abbé de Marmoutier, Bernard, en voyage entre Nantes et Champtoceaux, rencontre Daniel du Pallet. Il lui demande de lui faire concession des coutumes de navigation : les taxes perçues sur les bateaux au péage de Châteauceaux. Accord de Daniel, accord de Roger de Montrevault, accord du comte de Nantes Mathias
Datation entre le 13 avril 1084 et le 15 juillet 1095. Original perdu, reconstitué à partir de copies partielles du XVIIè et XVIIIè s. (BnF)
Roger de Montrevault gère le patrimoine de Chateauceaux en 1085. Relations avec le comte de Nantes. Existence de coutumes de navigation
Nous voulons qu'il soit annoncé ceci avec certitude, aussi bien pour le présent que pour le futur, aux frères du Grand Monastère [de Marmoutier] : au moment où le seigneur abbé Bernard revenait de Nantes et se dirigeait vers Châteauceaux, il rencontra Daniel du Pallet et lui demanda de concéder les coutumes de navigation [ses droits de perception au péage], aux frères du Grand Monastère Saint-Martin, pour le salut de son âme.
Donnant son accord à cette requête avec plaisir, il abandonna, à perpétuité, tout ce qu'il avait possédé concernant ses droits de navigation en faveur du saint équipage.
Pour que cela soit exécuté avec détermination, ce même Daniel demanda à Roger de Montrevault, qui était chargé de gérer la situation en ce qui concerne les droits de propriété de Châteauceaux, d'abandonner lui-même cela de bon cœur et jusqu'à que cela lui convienne de concéder. Il l'accorda lui-même librement.
Ensuite, en fait, comme le seigneur abbé Bernard se déplaçait vers Saint-Florent-le-Vieil, le sus-nommé Daniel a supplié le comte de Nantes Mathias, qui contrôlait les coutumes de navigation en faveur de Saint-Martin, pour qu'il confirmât lui-même cela par son autorité.
Ne refusant nullement une telle demande, avec comme auditeur son fils Alain Rivallon, il autorisa gracieusement (ce don).
Enfin, les témoins de cette donation sont : le seigneur abbé Bernard et Drogon son porteur, le seigneur frère Ebrard qui était alors le préposé (prieur) de la dépendance de Châteauceaux et qui a lui-même acquis et fait fructifier une certaine bande de terrain grâce à Daniel pré-cité et par qui ce don des coutumes à Saint-Martin a été fait. Et qu'ensuite Robert a conservé.
Gautier de Nantes, Geoffroi de Bruheri (Breheri ?), Budic fils d'Oderic, Renaud Brienz, Garmalon, des serviteurs des moines... etc
Notum esse volumus tam praesentibus quam futuris, hujus videlicet Majoris Monasterii fratribus, quod quodam tempore, cum rediret domnus abbas Bernardus de Nanneto et veniret ad Castrum Celsum, invenit ibi Danihelem de Palatio rogavitque eum ut consuetudines quas habebat de navigio beati Martini Majoris Monasterii, pro salute animae suae, beato Martino fratribusque concederet.
Cujus petitioni ipse libenter annuens, quicquid de consuetudinibus navigii ejusdem sancti, et apud Nannetum et apud Castrum Celsum tenuerat, in perpetuum dereliquit.
Quod ut firmius fieret, rogavit isdem Daniel Rotgerium de Monte Rebelli, qui tunc temporis Castri Celsi dominio fungebatur, ut quod ipse bono animo reliquerat et ille quantum sibi pertinebat concederet, quod et ipse libentissime concessit.
Postea vero, cum ad Sanctum Florentium Vetulum domnus abbas Bernardus cum aliis personis veniret, deprecatus est supradictus Daniel Mathiam Nannetensem comitem ut, quod de consuetudinibus navigii beato Martino guerpiverat, ipse proprio auctorizamento confirmaret.
Qui talem non renuens admonitionem, audiente Alano Rivallonii filio gratulanter auctorizavit.
Donationis igitur hujus testes sunt: domnus abbas Bernardus et bajulus ejus domnus Drogo, et domnus Rotbertus frater domni Ebrardi, qui tunc temporis erat praepositus obedientiae Castri Celsi, qui et ipse cepit quoddam lignum de terra et porrexit praedicto Danieli, per quod donum supradictae consuetudinis beato Martino fecit, quod et isdem Rotbertus postea reservavit.
Gaulterius de Nanneto. Gausfredus de Bruheri. Budicus filius Odrici. Rainaldus Brienz. Garmalonus. De famulis monachorum: N, etc.
Abbé Bernard
Daniel du Pallet
Roger de Montrevault
Mathias, Comte de Nantes
Alain Rivallon, son fils
Drogon, porteur de l'abbé Bernard
Frère Ebrard, prieur de la dépendance de Champtoceaux
Robert
Gautier de Nantes
Geoffroi de Bruheri (Breheri, ou Bruère)
Budic, fils d’Oderic
Renaud Brienz
Garmalon
Grand Monastère (= de Marmoutier)
Nantes
Castrum Celsum (Champtoceaux)
Saint-Florent-le-Vieil
Traduction française : J.-L. Delalande, Amis du vieux Châteauceaux d'après la version de BRUNTERC'H (JP.), L'extension politique et religieuse du Nantais au sud de la Loire, appendice n° 5, pp 206-209. Ed. Atelier national de reproduction des thèses, 1981
Transcription (latin): VERON Teddy , L'intégration des Mauges à l'Anjou au XIe siècle », PULIM, p 312; qui est en fait le texte repris de Brunterc'h, manuscrit e)
Datation Veron, note 1 p 312 : Mathias II est devenu comte de Nantes après la mort de son père survenue le 13 avril 1084 (Brunterc'h op.cit. appendice IV pp. 202-205). Le fils et successeur de Roger de Montrevault, Normand, a remplacé son père le 15 juillet 1095 (Veron, op. cit. p 316)
Cote des copies partielles : au XVIIè s., Bibl. Nat. lat. 5444. Cartulaire de Marmoutier, vol. III, fol. 431. 1713, BnF, Dom Baluze, Coll. Baluze, vol 77, fol. 135, t°. Ces cotes peuvent ne pas correspondre aux cotes actuelles BnF
1. Daniel du Pallet
« Daniel-Roger de Montrevault accorda à l’abbé...la part de péage qu’il percevait sur les marchandises fréquentant la Loire. Il n’était pas seul possesseur de ce droit. Daniel du Pallet en percevait une portion. » in BOURDEAUT, « Les origines féodales de Châteauceaux, BSAN, 1913, p 222. Dans une note 1, il précise que ce Daniel Souvaing, seigneur du Pallet, possédait des fiefs dans la seigneurie.
2. Pourquoi un seigneur du Petit- Montrevault dirige-t-il la seigneurie de Castrum Celsum ?
Voici l’explication d’Arthur Bourdeaut (1913)
« Geoffroy de Jarzé [seigneur de Castrum Celsum] mourut vers 1090, laissant une fille nommée Warmaise et un fils mineur nommé Thibaud. Celui-ci fut placé sous la tutelle de Roger de Montrevault, son oncle, par son mariage avec Agnès de Jarzé, sœur de son père. A ce titre , Daniel-Roger de Montrevault accorda à l’abbaye de Marmoutiers la part de péage qu’il percevait sur les marchands fréquentant la Loire....Au début du XIIe siècle, Péan-Roger de Montrevault succédant, sans doute, à Daniel-Roger dans ses fonctions de tuteur, remplit la charge de seigneur de Châteauceaux. D’après une pièce du cartulaire de Liré, il eut connaissance d’un procès relatif à ce prieuré, mais par suite de circonstances que nous ignorons, il renvoya cette affaire à la barre de l’évêque d’Angers, alors à Chemilé. Ses pouvoirs à Châteauceaux prirent fin quelque temps avant la mort de Thibaut de Jarzé, survenue entre 1105 et 1112, alors qu’après une longue minorité, celui-ci venait d’entrer dans la libre disposition de ses biens. »
in BOURDEAUT A., « Les origines féodales de Châteauceaux, Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et Loire inférieure, imprimerie armoricaine, Nantes, 1913, T55, p222
La citation de Bourdeaut prête à confusion en utilisant la dénomination « Thibaut de Jarzé » décédé entre 1105 et 1112 ; il conviendrait de le nommer « Thibaut II de Castrum Celsum » pour éviter de le confondre avec son grand-père. Sa mort prématurée a perturbé la succession.
Explication de Delalande (mise à jour 15 septembre 2024)
La fin du XIe et le début du XIIe siècle ne sont pas clairs: nous n'avons que deux historiens fiables, Bourdeaut et Veron, mais qui ne disent pas la même chose. Il y a aussi le docteur Giffard (Châteauceaux, son histoire, ses ruines, Farré, Cholet, 1961, p 25, qui reprend les dates de Bourdeaut).
Nous allons cependant puiser aux deux sources pour comprendre pourquoi il y a eu une période d’intérim au cours de laquelle les seigneurs du Petit-Montrevault ont exercé la fonction en tant que tuteurs de Thibaut II. Récapitulons les dates de succession:
Geoffroi de Castrum Celsum (mort vers 1090)
I-> Daniel-Roger III du Petit-Montrevault ( mort 15/07/ 1095) tuteur
I-> Normand du Petit-Montrevault (1095- +1113) (peut-être tuteur)
I-> Péan (Païen) du Petit-Montrevault (1113/1114-1125/1150) tuteur
I-> Warmaise mariée à Amaury Crespin (présence 1ère charte :1123)
Voici comment aurait pu se dérouler cette vacance de pouvoir à cause de la minorité et le décès de Thibaut II de Castrum Celsum.
On sait qu’il était mineur en 1090 ; Quel âge avait-il ? Nous ne le savons pas. L’intérim commence donc sous Daniel-Roger jusqu’en 1095, pendant cinq ans : c’est le moment de la rencontre avec Bernard, l’abbé de Marmoutier, de l’accord avec Daniel du Pallet et de la confirmation par Mathias II, comte de Nantes (charte 9). Puis, on suppose que la tutelle a continué sous Normand pendant 8 ans (1105-1113). Ensuite, la mort prématurée de Thibaut II a perturbé la succession. Péan a donc assumé la succession puisqu’on le retrouve en tant que seigneur de Castrum celsum en 1118 dans la charte n° 7 du prieuré de Liré. Enfin Warmaise apparaît alors dans la première charte des Crespin en 1123.
Il y aurait eu en définitive trois seigneurs du Petit-Montrevault à assurer l'intérim jusqu'à ce que Warmaise soit disponible. Combien de temps l’interim a-t-il pu durer ? De 1090 à environ 1120, soit une trentaine d’années. C’est possible, si l’enfant Thibaut était très jeune, il fallait qu’il atteigne sa majorité à 15 ans pour diriger la seigneurie et s’il est décédé à ce moment (entre 1105 et 1112), il fallait que Warmaise soit disponible pour la fonction.
Pourquoi a-t-elle attendu ? Elle était la sœur aînée de Thibaut II et résidait à l’est de l’Anjou car elle avait un époux à Briollay, plus des enfants nés de ce premier mariage. L’intérim de Païen a dû se prolonger quand l’époux de Warmaise est décédé en 1112, tout en laissant le temps que Warmaise ait pu se libérer pour venir gouverner la seigneurie de Castrum Celsum en compagnie d’un second époux, Amaury Crespin. Il est difficile d’être plus précis.