La presse en parle...

« Cette union a été très importante pour la famille des Habsbourg et pour l’Europe en construction, sur laquelle ils ont régné à partir de la fin du Xe  siècle. L’Alsace devient autrichienne et la ville d’Ensisheim deviendra un peu plus tard le centre administratif et la capitale de l’Autriche antérieure » expliquent Émilie Christen, responsable du service culturel de la ville, et Francis Hans, de la société d’histoire.

Le mariage de Jeanne de Ferrette

Depuis quelques mois, on s’active en coulisses au niveau de la Ville et de la société d’histoire pour préparer les manifestations qui marqueront à Ensisheim ce 700e anniversaire. L’assemblée générale de l’association Via Habsbourg, dont Ensisheim est membre, se tiendra le 17 mars prochain à Thann.

À la lumière de ce qui se passera en 2024 autour de l’anniversaire de l’union de Jeanne de Ferrette et d’Albert II (petit-fils de Rodolphe), la commune s’est donc associée aux festivités qui se dérouleront à Thann, Ferrette mais aussi à Feldbach, Ottmarsheim ou Bergheim sous l’égide de l’association « Jeanne de Ferrette 2024 », créée en 2021.

Près de 400 écoliers et collégiens

À Ensisheim, un comité de pilotage a été constitué et travaille depuis quelques mois autour de la mise œuvre de plusieurs événements d’envergure sur l’histoire des Habsbourg dans le Rhin supérieur et plus particulièrement sur l’importance de la ville d’Ensisheim.

Ce comité qui rassemble Jean-Jacques Schwien, (président de la société d’histoire), les historiens Andrea Müller et Francis Hans, Stéphane Esquirol (chef du pôle communication à la Ville), Émilie Christen (responsable du service culturel), le conseiller municipal Jean-Pierre Bruyère et Jean-Luc Clausse, lui aussi de la société d’histoire, travaille sur trois axes.

Cet anniversaire des Habsbourg donnera d’abord lieu à tout un travail pédagogique associant les deux écoles élémentaires de la ville et le collège Victor Schoelcher. « Au total ce sont près de 400 élèves du CP à la classe de 5e qui seront concernés. Une quinzaine d’enseignants se sont mobilisés et une dizaine de projets pédagogiques seront menés à Ensisheim autour des Habsbourg. Trois journées d’immersion dans le Moyen-Âge avec le concours de l’association Guerre et chevalerie seront aussi organisées », indique Émilie Christen.

Un colloque international et une exposition

En marge de ce volet scolaire, les deux temps forts de cette année anniversaire à Ensisheim, seront la tenue d’un grand colloque franco-germanique, sur deux journées, les 15 et 16 novembre au Palais de la Régence, organisé en partenariat avec le Allemanisch Institute de Freiburg. Une quinzaine d’intervenants y sont déjà annoncés, venus notamment d’Autriche, d’Allemagne, de Suisse et même de Floride, et onze conférences aborderont des thématiques autour du Rhin supérieur, des Habsbourg et Ensisheim, et de la gestion de l’Autriche antérieure depuis Ensisheim.

Une grande exposition est également en préparation pour l’automne 2024. Elle se tiendra à la Régence et se voudra inédite et interactive, avec des documents provenant des archives de la Ville, qui n’ont jamais été présentés au public

Un riche fonds d’archives

Ainsi cet acte d’attribution des armoiries par Ferdinand 1er (datant de 1558), d’autres documents prêtés et conservés du côté de Belfort et de Porrentruy, des objets et une maquette de l’ancien château d’Ensisheim et la météorite tombée en 1492, pour laquelle Maximilien 1er s’était même déplacé à Ensisheim, y voyant un signe divin.

Alors que l’histoire des Habsbourg était jusqu’ici assez peu connue à Ensisheim, la volonté est aujourd’hui de la mettre largement en lumière : « Une ville comme Ensisheim a finalement été plus longtemps sous le règne des Habsbourg qu’allemande ou française. Nous sommes une ville d’histoire et il s’agit d’en faire un atout. Ce 700e anniversaire est l’occasion de proposer quelque chose de mémorables autour des Habsbourg », estime Jean-Pierre Bruyère, conseiller municipal en charge de la communication.

Alors qu’un grand concert est aussi en projet à l’église, pour les historiens locaux, cette histoire des Habsbourg et d’Ensisheim est l’occasion de se plonger dans le riche fonds d’archives conservé sur place en mairie. Une véritable manne, comme s’en amuse Francis Hans : « Rien qu’avec les archives conservées ici à Ensisheim, il y en a bien pour 50 ans de travail pour les historiens ».

Histoire

En 2024, Thann célébrera les 700 ans du mariage de Jeanne de Ferrette et Albert II d’Autriche

En 1324, Jeanne, fille du dernier comte de Ferrette, épousait Albert II d’Autriche, assurant ainsi une descendance à la dynastie des Habsbourg. Thann se prépare d’ores et déjà à célébrer le 700e anniversaire de cet événement en 2024, en partenariat avec les anciennes localités autrichiennes en Haute Alsace.

Par Isabelle BOLLÈNE - 09 déc. 2021

De g. à d.) André Walgenwitz, historien local, Marie Baumier-Durak, ajointe à la culture de la ville de Thann, Gilbert Stoeckel, maire de Thann, et Michel Tschann, président de la future association « Jeanne de Ferrette 1324-2024 » qui sera officiellement créée ce vendredi 10 décembre.  Photo L’Alsace /Vincent VOEGTLIN

C’est un événement qui n’a guère de place dans les livres d’histoire. Il est vrai que Jeanne de Ferrette (1300-1351) n’a pas gagné de bataille comme Jeanne d’Arc, ni accompli de miracles comme sainte Odile. Mais le mariage qu’elle a conclu à Thann le 17 mars 1324 avec Albert II, alors dernier descendant des Habsbourg, fera d’elle une duchesse d’Autriche et l’ancêtre des rois et empereurs en lien avec la dynastie des Habsbourg. « Sans elle, pas de Sissi impératrice, ni peut-être de guerre de 14-18 », sourit André Walgenwitz, historien local passionné.

Pour faire connaître cet événement qui a impacté l’histoire de l’Europe, mais aussi évidemment celle de l’Alsace, la Ville de Thann prépare pour 2024 d’importantes festivités, en partenariat avec les anciennes localités autrichiennes en Alsace : Ferrette bien sûr, mais aussi Altkirch, Bergheim, Ensisheim, Ottmarsheim, etc.

Deux temps forts en 2024

Pour préparer la commémoration de ce 700e anniversaire , une association sera officiellement créée ce vendredi 10 décembre. Elle sera chargée d’organiser des manifestations d’ampleur régionale, voire internationale (en lien avec Vienne et l’Autriche). Philippe Nuss, professeur à l’université de Strasbourg et auteur de plusieurs ouvrages sur les Habsbourg en Alsace, apportera son soutien et son expertise aux commémorations.

Si le programme reste encore à affiner, deux temps forts sont d’ores et déjà prévus : le premier le dimanche 17 mars, date du 700e anniversaire du mariage avec, à Thann, une messe solennelle, un apéritif suivi d’un dîner avec des chevaliers de l’ordre de Saint-Georges et un représentant de la famille des Habsbourg, un concert avec une cantatrice de Vienne, un groupe de musique médiévale… Dans les localités jadis possédées par les Habsbourg, conférences et expositions seront organisées. Les écoles seront associées avec une action menée le samedi 16 mars : la plantation d’un tilleul dont un greffon aura été prélevé sur celui de Bergheim, le plus ancien arbre d’Alsace planté en 1313 par Frédéric le Bel, frère aîné d’Albert.

Le deuxième temps fort aura lieu à l’été 2024, avec un grand spectacle déambulatoire ouvert à un large public. Il associera les troupes théâtrales du Pays Thur Doller et une centaine de bénévoles. « Ce sera une grande fête populaire, spirituelle et religieuse », promet Michel Tschann, qui assurera la présidence de la future association Jeanne de Ferrette 1324-2024.


L’association Jeanne de Ferrette 1324-2024 est née le 10 décembre 2021


 Le comité directeur de la nouvelle association avec le bureau.  Photo L’Alsace /D.P.

Une quarantaine de personnes étaient présentes vendredi 10 décembre à la salle de conférence de la mairie de Thann pour participer à la création de la nouvelle association Jeanne de Ferrette 1324-2024.

Par Dominique PY - 22 déc. 2021 


L’association Jeanne de Ferrette 1324-2024, nouvellement créée à Thann, a pour objet de gérer et coordonner les festivités liées au 700e anniversaire de l’union matrimoniale entre Jeanne de Ferrette et Albert II de Habsbourg, plus précisément le 17 mars 1324 à Thann.

Lors de la présentation de l’association à la mairie, en présence de l’adjointe au maire Marie Baumier-Durak, en charge de la culture et de l’animation et représentant de nombreuses associations, l’initiateur du projet, André Walgenwitz, et son président Michel Tschann, créateur des Bâtisseurs et des comédiens de Saint-Théobald, ont présenté sur grand écran, toute cette période de l’histoire des Habsbourg (voir l’article paru dans notre édition du 9 décembre). Les statuts ont été adoptés après leur lecture par Brigitte Hoelt de même que le comité directeur et son bureau.

Contribuer à la visibilité touristique

Michel Tschann et André Walgenwitz ont pris la parole successivement pour présenter les objectifs de ce grand évènement à venir. Il s’agira d’abord de faire connaître le lien entre la ville de Thann et la dynastie des Habsbourg, sur le plan local, régional et européen, d’initier, de faciliter et de mettre en œuvre toute action culturelle, scientifique et festive pendant l’année 2024.

Le souhait des fondateurs est d’associer le monde scolaire ainsi que des partenaires locaux, nationaux et européens à la réalisation des manifestations. Il s’agira aussi de développer des liens privilégiés avec les instances nationales et internationales ayant un lien avéré avec l’union princière de 1324 et les Habsbourg.

Cette association contribuera aussi à la visibilité touristique de la ville de Thann et de la Haute Alsace, assurent Michel Tschann et André Walgenwitz. La participation des divers groupes scolaires et associatifs, les concerts, expositions et conférences réalisés dans les anciennes possessions des Habsbourg constituent les deux temps forts des festivités à venir. Pour le deuxième temps, le futur grand spectacle déambulatoire grand public ouvert à tous a été présenté avec ses différentes étapes.

Ces évènements seront largement présentés dans la presse et sous formes de flyers ces prochains mois. À noter, la venue prévue en 2024 de beaucoup de personnalités comme des représentants de la famille des Habsbourg ou du prince de Monaco, seigneur de Thann et de Ferrette, par exemple.

Une première réunion du comité se tiendra en janvier prochain. Le siège de l’association se trouve au domicile du président Michel Tschann. Adresses mail : m.tschann@orange.fr (siège social) et awal@orange.fr

Le comité directeur

Marie Baumier-Gurak, Catherine Courtois, Christian Fischer (trésorier adjoint), Michel Gérum, Martine Haubensack, Brigitte Hoelt, Nicole Pflieger, Denise Lafon, Aurélie Mura, Dominique Py, André Reichert (secrétaire), Jean-Louis Schmitt, Patricia Stehlé, Yvonne Strozik (trésorière), Michel Tschann (président), André Walgenwitz (vice-président), Jean-Pierre Rohmer, Hélène Zadrapa et Bernard Zadrapa.


Thann : une exposition sur l’héritage des Habsbourg-Ferrette

Sur les traces de l’héritage, une délégation thannoise s’est rendue à Ottmarsheim, où elle a été accueillie par Marc Weilsser (association pour le rayonnement de l’abbaye d’Ottmarsheim), à gauche.  Photo L’Alsace /DR


La toute jeune association Jeanne de Ferrette 1324-2024, créée le 10 décembre, n’a pas chômé : elle propose du 11 au 19 février à l’hôtel de ville de Thann une exposition intitulée « L’héritage des Habsbourg-Ferrette ». Exposition qui sera sans doute amenée à voyager en Sud Alsace.

Par Isabelle BOLLÈNE - 

Il faut tordre le cou à une idée reçue : non, les Habsbourg ne sont pas des Autrichiens venus en Alsace, mais bel et bien des Alsaciens venus en Autriche. Leurs premières possessions étaient en Argovie et en Haute-Alsace, comme en témoigne l’abbatiale d’Ottmarsheim, édifiée au XIe  siècle par le comte Rodolphe d’Altenbourg, l’un des fondateurs de la dynastie des Habsbourg. Partout, la dynastie, relancée en 1324 par l’union matrimoniale entre Jeanne, fille du dernier comte de Ferrette et Albert II, dernier descendant des Habsbourg, a laissé ses traces dans le patrimoine local : sanctuaires, blasons, vitraux, statues, chartes…

L’ association Jeanne de Ferrette 1324-2024 (JDF24) a été créée le 10 décembre dernier à Thann pour préparer les commémorations de l’union matrimoniale entre Jeanne et Albert, qui auront lieu en 2024. Pour les lancer, elle a d’ores et déjà mis sur pied une exposition sur la période allant de 1324 à 1500, qu’André Walgenwitz, historien local, a baptisé les Habsbourg-Ferrette. Sur les pas de Jeanne de Ferrette, qui s’adresse directement au public, les visiteurs voyageront à la découverte de ce patrimoine, de l’abbatiale d’Ottmarsheim, considérée comme la plus ancienne église d’Alsace, à la collégiale de Thann, en passant par l’église de Feldbach, où reposent les aïeux de Jeanne. Ils apprendront pourquoi le blason d’Anne de Bretagne figure dans la collégiale de Thann, découvriront l’histoire des deux reliquaires de saint Morand ou celle du tilleul de Bergheim, planté en 1313 lorsque Frédéric le beau, frère aîné d’Albert II devint seigneur de Bergheim. Un arbre qui fait la fierté de la ville depuis plus de 700 ans… Mais l’exposition, conçue par Michel Tschann avec le soutien de la Ville de Thann et des offices de tourisme Sud Alsace, montre aussi les liens que les Habsbourg-Ferrette ont tissés avec d’autres villes européennes comme Vienne ou Fribourg-en-Brisgau. Elle comportera une trentaine de panneaux et chaque après-midi, des bénévoles de l’association JDF24 seront présents pour répondre aux questions des visiteurs. Deux panneaux présenteront également l’action de la société d’histoire Les Amis de Thann et de la Fondation pour la sauvegarde de la collégiale de Thann.

Une réunion le 18 février

Ce souci d’ouverture et de renforcement des liens entre les localités liées autrefois aux Habsbourg et aux Ferrette est primordial pour l’association. Dans cet esprit, elle a invité différents acteurs du secteur de Thann et du Sud Alsace, élus, offices de tourisme, sociétés d’histoire, établissements scolaires ou associations à une réunion qui se déroulera le vendredi 18 février à 19 h à l’hôtel de ville de Thann, avec pour objectif de voir comment mettre en lumière ce passé commun et établir un calendrier d’animations qui pourraient se dérouler à Thann, Ottmarsheim, Ferrette et ailleurs.

SURFER Le site de l’association JDF24 : sites.google.com/view/jdf24


Thann À l’hôtel de ville, l’héritage des Habsbourg-Ferrette

Une exposition de vingt-sept tableaux, déclinant l’histoire de la grande famille des Habsbourg-Ferrette dans les communes du Haut-Rhin, notre région et toute l’Europe, se tient actuellement à l’hôtel de ville de Thann ; et ce pour une dizaine de jours.

Par Dominique PY - 12 févr. 2022 

L’association Jeanne de Ferrette 1324-2024, créée et dirigée par le président Michel Tschann, son premier vice-président André Walgenwitz, et par le comité directeur, ont souhaité réaliser cette exposition en vue de préparer la grande commémoration des 700 ans de l’histoire des Habsbourg et de Jeanne de Ferrette en 2024.

En effet, ce fait historique majeur que représente l’union matrimoniale de Jeanne de Ferrette et d’Albert II de Habsbourg, a influencé le cours de l’histoire de l’Europe pendant des siècles.

Si Jeanne n’avait pas épousé Albert à Thann...

Issus de deux familles alsaciennes, les Habsbourg et les Ferrette ont scellé leur union matrimoniale le 17 mars 1324 à… Thann. Sans cette union de 1324, la dynastie des Habsbourg se serait éteinte avec Albert et Jeanne. On peut ainsi penser que la collégiale de Thann, la cathédrale de Vienne ou le monastère de Brou, à Bourg-Saint-Maurice, par exemple, n’existeraient pas. La chronologie de la présentation des tableaux, avec leurs lieux emblématiques, a été établie à partir de Thann, la Région, puis les grandes villes internationales.

Pour permettre aux Thannois de découvrir cette histoire aussi exceptionnelle que méconnue, une permanence sera assurée par des membres de l’association toute la semaine, à l’exception de lundi.

DÉCOUVRIR  : l’exposition est visible lundi 14 février, aux heures d’ouverture de la mairie ; mardi 15 février de 9 h à 12 h et 14 h à 18 h ; mercredi 16 février de 14 à 18 h ; jeudi 17 février de 9 à 12 h et de 14 à 18 h ; vendredi 18 février de 9 à 12 h et de 14 à 18 h. SE RENSEIGNER : par mail, jeannedeferrette24@gmail.com


Les Articles d'André Walgenwitz parus dans 

L' Alsace/DNA/ L' Ami hebdo

Série d’été | Les trésors autrichiens de la collégiale de Thann 

Ce que fit Jeanne de Ferrette pour saint Thiébaut

Souveraine à dimension européenne, Jeanne de Ferrette contribua à faire de la collégiale Saint-Thiébaut de Thann un monument majeur. La multitude des blasons qu’on y trouve témoigne de l’importance qu’ont attaché les Habsbourg à cette partie de leur empire.

Par André WALGENWITZ - 14 août 2020 

Après avoir pris connaissance de la dimension politique et dynastique de Jeanne de Ferrette dans les volets un et deux de notre série, il est temps de redécouvrir la collégiale de Thann avec un regard neuf. Plusieurs domaines seraient à explorer, dont le pilier nord (pilier des anges) qui vient d’être magnifiquement rénové. Mais nous entamerons ce tour d’horizon par la dimension historique exprimée par les nombreux blasons des lieux.

« Vieille Autriche » et « nouvelle Autriche »

Situé au fond de la nef nord, on découvre un blason sur lequel figurent cinq aigles dorés. Ce blason est également présent à la cathédrale de Vienne, notamment sur l’autel de Léopold III de Babenberg (1074-1143). Saint patron de l’Autriche, il fut comte des provinces actuelles de Basse et de Haute-Autriche.

Le blason de la « nouvelle Autriche » (rouge-blanc-rouge) devint la représentation de l’Autriche à l’époque où l’empereur Frédéric Barberousse éleva le comté d’Autriche au rang de duché en 1156. Cela montre que les blasons présents à Thann n’ont pas été installés pour illustrer l’histoire locale, ni même celle des Habsbourg, (dont on ne retrouve le blason au lion qu’une seule fois). Ils ont été installés pour illustrer l’histoire de l’Autriche, depuis celle des Babenberg et la création du duché par l’empereur Frédéric Barberousse jusqu’à l’empereur Maximilien 1er , dont le grand-père, le duc Ernest, fut un des petits-fils de Jeanne de Ferrette.

La collégiale de Thann illustre ainsi une histoire qui la dépasse largement, tant sur le plan géographique que sur le plan historique local. Elle témoigne de l’histoire de l’Autriche, depuis ses origines, complétée par celle de ses alliances princières qui se situèrent au niveau des plus grandes cours européennes.

Les Habsbourg ont voulu rappeler leurs origines

Parmi les princesses dont on trouve les blasons familiaux, on découvre des filles, petites-filles, sœurs ou épouses de rois. L’objet de cet article n’est pas de faire une présentation de toutes ces princesses, mais de montrer à quel point leur représentation dépasse largement la dimension thannoise, ce qui explique par ailleurs qu’elles restèrent longtemps ignorées.

Un médaillon de la nef nord représente un blason avec trois fleurs de lys couronnées. Ce blason est celui de Radegonde de Valois (1428-1445), fille du roi Charles VII et sœur du roi Louis XI. À l’âge de 2 ans, Radegonde fut l’objet d’un contrat d’alliance matrimoniale avec Sigismond de Tyrol, lui-même âgé de 3 ans ! Cette alliance devait sceller une union entre la France et l’Autriche. Hélas, la princesse Radegonde décéda à Amboise à l’âge de 16 ans et ne fut jamais l’épouse de Sigismond. Pourtant, elle se trouve à la collégiale alors que personne n’avait jamais connu son existence.

Alors pourquoi de tels blasons à Thann ? « Das kommt von ganz Oben ! » - « L’ordre était venu de tout en haut ! », a dit un jour le docteur Dieter Speck, professeur à l’université de Fribourg-en-Brisgau. La décision d’installer ces blasons à Thann est due à une volonté supérieure qui se situait au niveau du duc Sigismond et de l’empereur Maximilien Ier lui-même. Ils voulurent ainsi rappeler leurs origines et honorer leur aïeule Jeanne de Ferrette.

Citons parmi tous ces blasons, Éléonore Stuart, (1433-1480). fille du roi d’Écosse Jacques Ier, Éléonore résidait habituellement à Merano (Italie, province du Tyrol italien). Mais elle a eu l’occasion de séjourner au château de l’Engelbourg à Thann où elle avait convoqué le Landtag (conseil territorial) au mois de juillet 1427.

Catherine de Bourgogne (1378-1425), petite-fille du roi de France Jean II, est la fille du premier duc de Bourgogne (Philippe le Hardi) issu de la famille des Valois et de Marguerite de Flandre. Elle séjournait principalement à Belfort, ville qu’elle affectionnait et qu’elle contribua à moderniser. Elle séjourna également à Ensisheim, à Thann ou au château de Badenweiler.

Anne de Bretagne (1477-1514), duchesse de Bretagne, figure sur un blason situé du côté est de la nef nord. On reconnaît les hermines bretonnes qui la représentent en compagnie de l’écu de la Bourgogne qui représente Marie de Bourgogne.

Si Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, fut la première épouse décédée prématurément, mère de Philippe, le père de Charles Quint et de Marguerite d’Autriche, Anne de Bretagne ne fut épouse de Maximilien que pendant l’année 1491 : le mariage fut cassé au bout d’un an par le roi de France Charles VIII. Elle devint ensuite deux fois reine de France (Charles VIII et Louis XII) et la mère de la reine Claude, future épouse de François Ier. On remarquera ici que l’aigle qui représente Maximilien n’a qu’une tête car, à ce moment de sa vie, il n’était pas encore empereur, ce qu’il devint en 1493.

Le blason évoquant le couronnement de Maximilien est également présent à la collégiale de Thann, dans la nef principale et là, l’aigle est bien pourvu de ses deux têtes, car il s’agit du saint empire romain germanique (empire qui fit suite à celui des Romains et à celui de Charlemagne).

2024 marquera le 700e anniversaire du mariage de Jeanne à Thann

À travers cette évocation succincte, on se rend compte à quel point la collégiale de Thann se situe à un niveau dépassant largement les considérations architecturales, artistiques et historiques locales. Elle a été érigée par les ducs d’Autriche qui ont donné suite à une intention du dernier comte de Ferrette, lequel fut le détenteur de la relique de sant Ubaldo (saint Thiébaut) et suite à un projet conçu par sa fille Jeanne, duchesse d’Autriche de 1330 à 1351. La collégiale de Thann est ainsi devenue l’illustration sublime et posthume du fabuleux destin de cette exceptionnelle princesse alsacienne qui fut l’aïeule de tous les Habsbourg.

De nos jours, la collégiale de Thann est, de toutes les églises qui furent ou qui sont encore situées dans les territoires autrichiens - la Haute Alsace a été autrichienne pendant 324 ans - la seule à être dotée de tant de témoins qui illustrent l’histoire de l’Autriche. Nous le devons à la souveraine Jeanne de Ferrette qui résida naguère en ville.

Dorénavant, il appartient aux Thannois de commencer à réfléchir à célébrer le souvenir de l’union de notre princesse Jeanne avec Albert II de Habsbourg, mariage qui eut lieu à Thann en 1324 et dont 2024 marquera le 700e anniversaire.


Les secrets de la collégiale : l’omniprésence des couleurs autrichiennes

Notre série sur les secrets de la collégiale de Thann évoque aujourd’hui l’omniprésence des couleurs autrichiennes dans l’édifice.

Par André WALGENWITZ - 22 févr. 2021 

Les armoiries de la ville de Thann sont présentes en plusieurs endroits de la collégiale de Thann. Photo A. W.

Vingt-cinq, 26, 27… et peut-être davantage ! Tel est le décompte du nombre de fois dont on peut voir les couleurs de l’Autriche (rouge-blanc-rouge) en la collégiale de Thann.

Que ce soit dans les vitraux, dans la pierre ou dans les différents blasons, les couleurs autrichiennes sont omniprésentes et figurent de surcroît dans les armoiries de la ville de Thann depuis 1469 !

Le premier blason aux couleurs de l’Autriche date de 1340 environ. Il est situé au fond de la nef sud construite du temps de Jeanne de Ferrette qui fut duchesse d’Autriche de 1330 à 1351. Les derniers blasons aux couleurs autrichiennes ont été installés quant à eux vers 1630 dans la « chapelle de la vierge ».

C’est au cours de ces trois siècles que la collégiale de Thann s’est développée autour de la chapelle initiale dédiée à saint Thiébaut, datée de 1230, qu’elle a englobée tout en la préservant.

Au siège de Saint-Jean-d’Acre (Akko) en 1191, au cours de la troisième croisade, le duc d’Autriche Léopold V von Babenberg, à la tête des croisés germaniques (suite au décès de l’empereur Frédéric Barberousse), fut grièvement blessé.

Une blessure de guerre

Selon un récit semi-légendaire, le duc Léopold était vêtu d’une tunique blanche que recouvrait une large ceinture. Suite à cette blessure, lorsqu’il ôta sa ceinture, la tunique princière apparut avec les couleurs rouge-blanc-rouge qui devinrent les couleurs de la bannière autrichienne.

Le magistral arbre généalogique des Babenberg, visible en l’abbaye de Klosterneuburg, située au nord de Vienne, montre la remise officielle des nouvelles couleurs de l’Autriche par l’empereur Henri VI au duc Léopold V.

Lorsque les Habsbourg succédèrent aux Babenberg en 1273, le nouveau drapeau autrichien resta le même. Il est de ce fait considéré comme étant le premier drapeau représentant un état souverain.

Un blason aux couleurs autrichiennes est visible à Bâle (chœur de la cathédrale) sur la tombe de Gertrude de Hohenberg, épouse de l’empereur Rodolphe 1er de Habsbourg (1218-1291).

Mais pourquoi à Thann ? Lorsque Jeanne de Ferrette devint duchesse d’Autriche en 1330, la collégiale, telle que nous la connaissons de nos jours, n’en est qu’au début de sa construction. À cette époque, ce nouvel édifice religieux n’était pas encore une église paroissiale. L’église des habitants du lieu (Dànn, à l’époque) était l’actuelle église Saint-Dominique de Vieux-Thann.

Le nouveau sanctuaire thannois jouxtant la chapelle Saint-Thiébaut fait alors partie du domaine princier. Ce n’est qu’en 1389 que les paroissiens y auront accès.

Avant cette date, ce qui deviendra plus tard la collégiale était en fait un sanctuaire sacré dédié initialement au culte de saint Thiébaut et de sa relique dont les comtes de Ferrette étaient dépositaires depuis 1161 puis, à partir de 1324, suite au mariage de l’héritière des Ferrette avec Albert de Habsbourg, à la représentation de « l’État autrichien » dont Jeanne fut une souveraine influente et efficace pendant 21 ans.

Une bannière symbole d’un « État » chrétien.

L’image ci-contre nous montre le duc Léopold V de Babenberg tenant une croix chrétienne au moment de la remise officielle de la nouvelle bannière autrichienne en 1193 par l’empereur Henri VI.

Cela démontre l’alliance sacrée de la fonction temporelle et de la fonction religieuse qu’incarnèrent les ducs d’Autriche.

C’est ce que la collégiale de Thann illustre de la manière la plus remarquable qui soit avec ses nombreux blasons aux couleurs de l’Autriche !


Les secrets de la collégiale: 

deux poissons lorrains qui ont fait étape en Alsace

par André WALGENWITZ

Lorsque l’on visite la collégiale de Thann, en Alsace, on ne peut que s’interroger sur la présence de trois blasons représentant deux poissons également visibles en Lorraine, notamment à Nancy au Palais des Ducs de Lorraine. Voici l’étonnante destinée de cet emblème lorrain que l’on retrouve en Alsace mais également à Vienne, en Autriche, ou encore au monastère royal de Brou près de Bourg-en-Bresse.

Lorsque Sophie de Bar (1018-1093) épousa Louis de Scarpone, seigneur de Mousson, elle apporta dans sa dot la bannière du Comté de Bar représentant deux poissons dorés, des bars ou barbeaux, sur fond bleu. Sophie était la fille aînée du Comte de Bar également Duc de Lotharingie qui décéda lorsque Sophie était âgée de huit ans. Orpheline, elle fut élevée par sa tante Gisèle de Souabe, l’épouse de l’Empereur Conrad II. En ce début de XIème siècle, Sophie fut instruite selon les principes éducatifs d’une princesse de haut rang. En 1038, à l’âge de vingt ans, elle épouse donc Louis de Scarpone (1013-1073), jeune prince lui-même issu d’une lignée prestigieuse, celle des Eguisheim-Vaudémont, famille du Pape Léon IX (1002-1053).

Peu après ce mariage, le jeune prince Louis fut doté en 1042, par l’Empereur Henri III, d’un important territoire qui se trouvait au Nord du Comté de Bourgogne (Franche-Comté). Il s’agissait d’un vaste ensemble de seigneuries qui se situaient sur le point de rencontre entre les mondes germanique et latin. Ce territoire correspond aujourd’hui au Pays de Montbéliard, au Territoire de Belfort, à l’Ajoie en Suisse et au Sundgau en Alsace.

Louis de Scarpone garda le thème des deux poissons dorés pour représenter l’identité de son nouveau domaine, mais il remplaça la couleur bleue par la couleur rouge. C’est ainsi qu’il fit installer sur le château de Montbéliard le blason représentant deux poissons dorés sur fond rouge, tel qu’il est toujours visible de nos jours.

Le blason des Comtes de Ferrette à l’entrée du chœur de la collégiale de Thann (Crédits photo : André WALGENWITZ)

Sophie de Bar et Louis de Scarpone eurent un fils, Thierry Ier de Montbéliard, qui décéda en 1103. Ses quatre fils se répartirent ses vastes territoires. Thierry II et Frédéric eurent la charge des territoires situés à l’Est (Montbéliard, Ajoie, Sundgau). Etienne devint évêque de Metz et Renaud devint le titulaire du Comté de Bar, de Mousson et de Verdun. C’est ainsi que de nos jours, on retrouve encore les deux poissons dorés sur fond bleu sur les armoiries de la Ville de Longwy, ainsi qu’au Palais des Ducs de Lorraine à Nancy.

En 1125, après 22 années de gestion commune, les deux frères aînés, Thierry II et Frédéric scindèrent leurs terres. Thierry eut en charge la partie Sud et Frédéric la partie Nord en s’établissant dans son château de Ferrette qu’il avait entrepris de construire dès 1105, la même année où il avait fait venir Saint Morand à Altkirch.

Frédéric Ier Comte de Ferrette (1085-1160) résidait volontiers au couvent de l’Oelenberg près de Reiningue, entre Thann et Mulhouse. Il y fut d’ailleurs inhumé avec sa deuxième épouse, Stéphanie Eguisheim-Vaudémont (1105-1188), nièce du Pape Léon IX, dont les parents furent les fondateurs du couvent en 1046. Stéphanie était la mère du Comte Louis Ier de Ferrette (vers 1140-1191), celui-là même qui avait accueilli en 1161 le porteur de la relique d’Ubaldo Baldassini de Gubbio (1085-1160).

C’est ainsi, qu’après avoir investi les tours du château de Ferrette, les deux poissons dorés sur fond rouge se sont installés non loin des berges de la Thur, notamment à Cernay dès 1268, à Thann ainsi qu’à Vieux-Thann, où ils apparaissent dans le vitrail central du chœur de l’église Saint-Dominique. Lors de la construction de la collégiale, haut-lieu des Habsbourg-Ferrette, les deux poissons y furent représentés à trois reprises en l’honneur de Jeanne de Ferrette qui fut avec sa sœur Ursule la dernière Comtesse de Ferrette en titre.

Des berges de la Thur à celles du Danube

Vers 1360, les deux poissons émigrèrent non loin des berges du Danube pour se retrouver en très bonne place parmi les statues de la future cathédrale Saint-Etienne que Rodolphe IV, fils de Jeanne de Ferrette, fit construire à Vienne. Rodolphe, très attaché à montrer ses origines sundgauviennes aimait particulièrement se présenter aux côtés de son « Wappenträger » (porteur de blason) arborant fièrement les deux poissons tels qu’on peut les voir à trois reprises à Vienne.

On retrouve également les deux poissons sur les monuments funéraires de Rodolphe IV et de l’Empereur Frédéric III dans le chœur de la cathédrale viennoise, ainsi que sur plusieurs tombes de la crypte des capucins.

Les deux poissons sur le portail Ouest de la collégiale de Thann (Crédits photo : André WALGENWITZ pour le Groupe BLE Lorraine)

Maximilien Ier, l’empereur féru de généalogie

En la collégiale de Thann, Maximilien Ier (1459-1519) fit installer les nombreux blasons qui représentent la dynastie que l’on peut légitimement dénommer Habsbourg-Ferrette. La meilleure place étant attribuée aux deux poissons des Ferrette à l’entrée du chœur de la collégiale. Marguerite d’Autriche (1480-1538), fille de Maximilien et de Marie de Bourgogne, également férue de généalogie, fit représenter le blason de son aïeule Jeanne de Ferrette à Malines (Belgique), où elle résidait, ainsi qu’au monastère royal de Brou qu’elle fit construire à partir de 1506 à côté de Bourg-en-Bresse.

Le retour à Vienne des deux poissons

En 1737, lorsque Marie-Thérèse d’Autriche épousa François-Etienne, Duc de Lorraine et de Bar, les deux poissons dorés, sur fond bleu, à l’origine de toute cette histoire reprirent leur place sur l’armorial autrichien. Ces poissons d’origine lorraine figurent toujours, de nos jours, sur l’armorial de la famille Habsbourg-Lorraine. Est-ce pour cette raison, que le dernier Empereur d’Autriche-Hongrie, Charles Ier de Habsbourg (1887-1922), époux de l’Impératrice Zita (1892-1989) déclara sur son lit de mort : « Vous pouvez renoncer à tout, mais ne renoncez jamais à la Lorraine » ?

Voici la singulière histoire de ces deux poissons qui figurent en bonne place en Lorraine, à Montbéliard, à Thann, à Vienne, etc. Magnifiquement présents à Thann, ils sont les représentants d’une étonnante page de l’histoire européenne qui court depuis Sophie de Bar jusqu’à l’Impératrice Zita en passant par Jeanne de Ferrette et l’Impératrice Marie-Thérèse.


Sta’Thur Il est né le divin Enfant


Contrairement au tympan supérieur structuré en bandes horizontales superposées, on peut admirer sur le tympan de la Nativité de la collégiale de Thann quatre scènes structurées de manière dynamique. En bas à gauche, on reconnaît la crèche où vient de s’immobiliser l’étoile à six branches qui guida les Rois mages jusqu’à Bethléem. On y reconnaît l’âne et le bœuf, tandis que Joseph semble sortir quelque chose d’un coffre. L’enfant Jésus est assis sur le lit occupé par la Vierge Marie.

Sa couronne au pied du lit

Il est en train de bénir Melchior, le premier roi, qui vient se prosterner devant lui après avoir déposé sa couronne au pied du lit. Suit ensuite le cortège des rois qui se développe vers la droite et qui se prolonge vers le haut. Tout en tenant de sa main gauche un ciboire contenant de l’encens, Gaspard, le deuxième roi couronné, descend de son cheval. D’après Assaf Pinkus, professeur à l’université de Tel Aviv et éminent spécialiste de la sculpture gothique, ce roi mage arrivant à Thann n’est autre qu’une représentation de Rodolphe IV (1339-1365), le premier fils de Jeanne de Ferrette appelé « Der Stifter », le fondateur.

Un roi noir

Dans le « train de ces trois grands rois » arrivant « de bon matin » où se mêlent musiciens et « gens d’armes » l’on aperçoit tout à droite un troisième Roi mage. Il s’agit de Balthazar, un roi noir, tenant un récipient contenant la myrrhe. Si ce tympan thannois de la Nativité est daté de la fin du XIVe  siècle (vers 1380), la présence de ce roi africain démontre que la tête de ce troisième Roi mage doit provenir d’une restauration postérieure au XVIe  siècle car les premières représentations de Balthazar en roi africain sont dues à Martin Schongauer (Adoration de mages - Musée Unterlinden) qui date de 1475.

Des anges en concert

Au-dessus du toit de l’étable est représenté le concert des anges qui annoncent la bonne nouvelle aux bergers alentours. Ces derniers lèvent leurs regards vers les messagers célestes en train de chanter, tandis que les moutons continuent allègrement de brouter. Un observateur attentif remarquera à droite de l’ange porteur du livre de chants, un bouc en train de croquer des feuilles à un arbre !

Le tympan de Bergheim

À part le magnifique tympan thannois représentant l’adoration des Rois mages, il n’existe en Alsace que deux autres tympans où cette scène biblique est représentée, il s’agit de Soultz et de Bergheim.

Admirons celui de Bergheim. On y voit l’étoile qui a guidé les Rois mages jusque vers Jésus. Elle compte sept branches. Melchior, le premier roi, s’est agenouillé devant l’Enfant divin après avoir posé sa couronne sur la tête de la Vierge Marie qui semble beaucoup s’en amuser ! Il présente le calice contenant l’encens alors que le deuxième roi est porteur d’un petit coffre contenant l’or. Le troisième est porteur d’un récipient contenant la myrrhe. Un magnifique ange, quant à lui, désigne de l’index de sa main droite le destinataire de ces prestigieux présents royaux.

Si on évoque ce très beau tympan visible sur la façade ouest de l’église de Bergheim, c’est qu’il a un lien avec Thann. En effet, en 1313, Frédéric de Habsbourg, duc d’Autriche, est devenu le seigneur de Bergheim et en hommage à leur nouveau seigneur, les habitants de la ville, ont planté un tilleul qui existe toujours. Il s’agit de nos jours du plus ancien arbre d’Alsace.

Le tilleul de Bergheim aura un petit frère

Au cours du printemps 2022, des écoliers thannois iront prélever des greffons de ce tilleul séculaire afin de préparer un jeune tilleul qui sera planté à Thann en 2024 à l’occasion du 700e anniversaire du mariage qui a eu lieu, en 1324, entre la comtesse Jeanne de Ferrette et Albert II de Habsbourg, le frère cadet du duc Frédéric d’Autriche.

Ainsi, il sera établi un lien entre les deux frères Albert, le cadet, et Frédéric, l’aîné, à qui la Ville de Bergheim doit son tilleul et la construction de son église qui a été consacrée en 1347, pendant le règne ducal d’Albert et de Jeanne, les parents de Rodolphe, le fondateur.

Est-ce pour cette raison que les couronnes des Rois mages de Bergheim ressemblent tant à celles des Rois mages thannois ?


L’éclairage du grand tympan ouest de la collégiale de Thann

Les éclairages de la collégiale de Thann mettent en valeur, pendant cette période du marché de Noël, sa superbe statuaire extérieure. Aujourd’hui, regardons vers la façade ouest, qui date de la fin du XIVe  siècle.

Formée de trois tympans, la façade ouest de la collégiale constitue un ensemble sculpté absolument unique, qui vaut à lui seul le détour, avec plus de 500 personnages et scènes bibliques !

Une bande dessinée

En observant le tympan central supérieur, on constate qu’il est formé de cinq bandes sculptées qui se superposent. Ces cinq bandes se lisent de gauche à droite et du bas vers le haut. Les éclairages permettent d’observer que chaque bande supérieure est placée en retrait par rapport à la bande qui se trouve en dessous. Cette superposition étagée à la manière d’un escalier apporte à l’ensemble une perspective destinée à toucher le spectateur.

Ce singulier tympan thannois raconte la vie de la vierge Marie, comme une bande dessinée. Les artistes des années 1360 – 1380 auraient-ils inventé la bande dessinée il y a 650 ans à Thann ?

La vie de la vierge

La bande sculptée du premier niveau raconte l’enfance de Marie, depuis les péripéties que subirent, avant sa naissance, ses parents Anne et Joachim, jusqu’à la fameuse scène de l’Annonciation dont on voit tout à droite l’ange Gabriel reconnaissable à ses ailes déployées. Une fleur de lys (hélas détériorée) sépare l’ange annonciateur et Marie qui se prosterne devant lui un livre à la main.

On ne peut pas rester insensible à la magnifique scène de la naissance de Marie située au milieu de cette première bande. On y voit Anne, la maman, couchée dans son lit, une servante qui donne à l’enfant son premier bain alors qu’une autre servante fait chauffer de l’eau sur un feu !

La deuxième bande sculptée est consacrée aux premières années de la vie de Jésus. Tout d’abord, tout à gauche, on voit Marie qui annonce à sa cousine Elisabeth qu’elle est enceinte. Cette scène est suivie par celle où Joseph découvre avec étonnement la grossesse de son épouse.

Un ange explique la situation

Cette scène est une des plus étonnantes de cette bande dessinée thannoise. On voit Joseph observer le gros ventre dénudé de Marie, ventre qu’elle montre ostensiblement avec l’expression d’un fin sourire. Joseph exprime sa perplexité tout en écoutant le petit ange qui se penche vers son oreille pour lui expliquer la situation…

Existe-t-il une autre œuvre artistique religieuse où l’on voit Marie représentée ainsi avec son gros ventre dénudé ?

J’ose répondre par la négative en affirmant que cette scène intime de la vie du couple que forment Marie et Joseph est, à ma connaissance, absolument unique !

Dans cette deuxième bande sculptée, d’autres scènes de la vie de la « sainte famille », notamment le massacre des innocents et la fuite en Égypte, se succèdent.

Tout à droite de cette bande sculptée on voit Marie et sa cousine Élisabeth donnant le bain à leur jeune enfant Jésus et Jean le Baptiste. Il s’agit là également d’une scène que l’on ne peut voir qu’à Thann !

Absence de la Nativité

Dans cette deuxième bande devrait toutefois figurer la scène montrant la naissance de Jésus. Elle n’y figure pas car les artistes qui ont œuvré à Thann, pendant la seconde moitié du XIVe   siècle, ont réalisé, juste en dessous, un tympan exclusivement destiné à représenter la Nativité (nous y reviendrons dans un prochain article).

Dans la troisième bande, observons la représentation du décès et des funérailles de Marie. On voit la défunte allongée sur une couche. (Il s’agit de la dormition de la Vierge). Puis ce lit est porté par des brancardiers pour accéder au lieu d’inhumation.

En montant d’un cran, voici la scène de l’Assomption. Marie est entourée d’une nuée d’anges et tout en haut de cet exceptionnel tympan, on assiste au couronnement de la vierge.

Ce tympan thannois, brièvement décrit, représente une des œuvres artistiques et religieuses parmi les plus remarquables au niveau européen. Il représente des scènes profanes remplies d’une touchante humanité qui met en scène des gens tels qu’ils ont vécu dans le contexte de leur époque.

Pour pouvoir admirer ce chef-d’œuvre exceptionnel, il est recommandé de se munir d’une lunette d’approche et de le lire comme une bande dessinée !


Trésors autrichiens de la collégiale de Thann : les Habsbourg et la cité de saint Thiébaut

Au Moyen Âge, un mariage unit les destinées du comté de Ferrette, qui englobe la seigneurie de Thann, à celui de la maison souveraine autrichienne des Habsbourg. Le contrat qui consacre l’union de Jeannette de Ferrette et d’Albert II est signé au château d’Engelbourg, en 1324.

Par André WALGENWITZ - 16 juil. 2020 

Une parade médiévale en costume d’apparat lors de la crémation des Trois sapins, en juin 2018. Archives DNA /Norbert HECHT

Une alliance inscrite dans les pierres de Saint-Thiébaut

Chapelle, blasons… la collégiale saint-Thiébaut regorge de symboles sculptés et peints qui témoignent de la destinée commune oubliée de la seigneurie de Thann et de l’Autriche. Visite des lieux.

Par A.W.

Albert II, mari de Jeanne de Ferrette, était un homme pieux, de caractère positif et jovial, ayant le constant souci de la justice et de l’équité. Il fut dénommé « Der Weise », le sage. Hélas, souffrant d‘une polyarthrite invalidante, il dut se faire seconder par son épouse Jeanne qui sera amenée à de maintes reprises à le remplacer. Elle le fit en tant que femme avisée et de grande culture, sans jamais oublier Thann.

Dès 1330, en tant que duchesse d’Autriche, Jeanne poursuit un projet lancé par son père pour la construction d’une église à Thann, du côté ouest de l’ancienne chapelle saint Thiébaut, érigée par un de ses aïeuls vers 1230 (chapelle qui existe toujours). Cette église est l’actuelle nef sud de la collégiale de Thann.

Une représentation égalitaire d’Adam et Ève

Selon Assaf Pinkus, professeur à l’université de Tel-Aviv, Jeanne de Ferrette est également la mécène et l’inspiratrice avisée du statuaire de la collégiale de Thann, notamment à travers la manière de représenter Ève et Adam, sur un chapiteau de la nef sud comme sur le tympan ouest de la collégiale.

En effet, à Thann, la représentation d’Ève et Adam est basée sur le principe d’égalité entre l’homme et la femme, au contraire de représentations basées sur le principe de la tentation coupable. Pour Assaf Pinkus, c’est Jeanne elle-même qui a voulu une représentation égalitaire du genre humain.

Le blason aux deux poissons

Jeanne a laissé un autre signe très fort dans la pierre de la collégiale de Thann, il s’agit du blason aux deux poissons, blason familial des comtes de Ferrette. Celui-ci se situe au-dessus du portail gauche de la façade ouest. On retrouve le blason des Ferrette au sommet de la première voûte du chœur de la collégiale. Il est constitué de deux barbeaux dorés sur fond rouge. Ce blason des Ferrette est le même que celui des Montbéliard, dont les Ferrette sont issus.

À Vienne, Jeanne de Ferrette semble être restée très attachée à ses racines alsaciennes car l’on retrouve à plusieurs reprises ce fameux blason aux deux poissons en la cathédrale Saint-Étienne de Vienne (Stephansdom). Notre prochain épisode sera consacré à la présentation des blasons des Ferrette à Vienne, à l’explication de leur présence ainsi qu’aux diverses représentations de Jeanne dans la capitale autrichienne


Au début du mois de mars 1324, le comte de Ferrette, Ulrich III, décède à l’âge de 44 ans, à Bâle. Il sera inhumé à Thann, devant la chapelle du couvent des Franciscains, qui se situait à l’emplacement de l’actuel hôpital Saint-Jacques. Pour mémoire, le comté de Ferrette regroupait le Sundgau, une bonne partie de l’actuel Territoire de Belfort et la seigneurie de Thann. Ulrich III a été le dernier comte de Ferrette, n’ayant eu que deux filles : Jeannette, 24 ans à l’époque, et Ursule. À peine quelques jours après le décès du comte, un prétendant au titre se rend à Thann dans le but d’établir un contrat de mariage avec l’héritière du comté de Ferrette. Ce prétendant n’est autre que le prince Albert II de Habsbourg, fils et petit-fils d’empereur, également frère cadet du duc d’Autriche. Le contrat unissant l’Alsacienne et l’Autrichien est signé au château d‘Engelbourg, le 17 mars 1324.

Les Habsbourg, déjà propriétaires de territoires en Haute Alsace

Pour Jeannette, qui avait effectué de solides études en l’école latine de Bâle, Albert II ne devait pas être un complet inconnu car le fief des Habsbourg se situait en Argovie (Aargau, en Suisse) et leur château familial établi sur une hauteur à côté de Brugg. Les Habsbourg étaient également propriétaires de territoires en Haute Alsace, notamment le long du Rhin à Ottmarsheim et Ensisheim, où ils avaient fait construire la « Koenigsbourg ». Si les Habsbourg portaient le titre de duc d‘Autriche, c’est parce que le grand-père d’Albert, Rodolphe 1er, avait été élu empereur du Saint-Empire romain germanique en 1273.

À cette époque, la famille Babenberg, qui régnait sur le duché d’Autriche depuis 1156 (actuellement Haute et Basse-Autriche), venait de s’éteindre et le duché d’Autriche était vacant. Le blason des Babenberg, première famille ducale autrichienne, est d’ailleurs naturellement présent en la cathédrale Saint-Étienne de Vienne et à la collégiale de Thann (l’explication en sera donnée dans le troisième volet de cette série), symbole parmi d’autre des liens anciens qui ont uni Thann à l’Autriche.

C‘est dans ces circonstances qu’un Habsbourg, Rodolphe 1er, originaire d’Alsace et de Suisse, devint duc d’Autriche en 1278. Son fils lui succédera en tant que duc d’Autriche. Il sera également élu empereur, mais sera assassiné par un de ses neveux à côté de Brugg, en 1308. Ce drame familial allait aboutir à la construction du couvent de Koenigsfelden, sur les lieux même du forfait (signalons que Jeanne de Ferrette est représentée dans un vitrail de l’église conventuelle de Koenigsfelden, réalisé en 1330 lorsque Jeanne avait de 30 ans).

La fille du dernier comte de Ferrette devient l’épouse du dernier fils de la dynastie des Habsbourg

Lorsque son père fut assassiné, Albert II n’était âgé que de 10 ans. Un de ses frères aînés, Frédéric le beau, devint duc d’Autriche. Mais ce dernier n’aura qu’une fille. C‘est ainsi qu’en 1324, Albert II était le seul Habsbourg qui pouvait assurer une descendance à cette famille princière et impériale. Sans une union rapide avec une princesse de son rang, il en aurait été terminé des Habsbourg et l’histoire les aurait certainement oubliés.

C‘est ainsi que Jeannette, la fille du dernier comte de Ferrette, devint l’épouse du dernier fils de la dynastie des Habsbourg, alors âgé de 26 ans. Le comté de Ferrette fera alors partie de ce qu’on appelait désormais les « territoires héréditaires » de la maison Habsbourg. Jeanne de Ferrette, princesse alsacienne, devint duchesse d‘Autriche en 1330, avec comme résidence ducale la Hofburg de Vienne. Mais elle n’oublia jamais Thann.

Le portail principal de la collégiale thannoise témoigne des liens de la cité avec l’Empire des Habsbourg. On reconnaît, à gauche, le blason de Thann, à sa droite celui des Ferrette, de l’Autriche et du premier armorial des Habsbourg. Photo A.W.

De Thann à Vienne, le fabuleux destin d’une princesse alsacienne

Lorsque Frédéric le Beau, duc d’Autriche, roi de Germanie et frère aîné d’Albert II, décède le 13 janvier 1330, Albert et Jeanne de Ferrette, dont le contrat de mariage a été signé à Thann en 1324, montent sur le trône ducal autrichien. La maison des Habsbourg se trouve dans une extrême précarité…

Par André WALGENWITZ - 08 août 2020

En mourant, Frédéric le Beau, duc d’Autriche, ne laisse qu’une fille. L’un de ses frères, Léopold, décédé en 1326, n’avait également qu’une fille (lire encadré). C’est ainsi que le trône ducal autrichien échoit, en 1330, à Albert et Jeanne de Ferrette. Mais le couple n’a toujours pas d’enfant…

Néanmoins il ne se décourage pas. Il réalise entre autres de nombreuses actions de rénovation ou de construction d’édifices religieux. À partir de 1330, Jeanne entreprend la poursuite des travaux à Thann dont l’aboutissement sera la superbe collégiale Saint-Thiébaut, l’actuelle nef sud ayant été consacrée en présence de l’Alsacienne en 1346.

Les Habsbourg sont-ils destinés à disparaître ?

Albert et Jeanne font aussi construire la chartreuse de Gaming (Autriche), destinée à devenir leur lieu de sépulture. Ils commencent les travaux d’agrandissement de l’église Saint-Étienne de Vienne. Le couple fait aussi reconstruire l’église du couvent des franciscains de Vienne, appelée Minoritenkirche (Église des frères mineurs). Sur le tympan de cette église située à quelques pas de la Hofburg, on peut encore admirer le magnifique haut-relief du portail principal. Ce haut-relief réalisé vers 1340/1350 par des artistes parisiens fait apparaître Jeanne de Ferrette ainsi que son époux Albert, immortalisés de leur vivant dans la pierre.

Le temps passe et aucun héritier ne s’annonce ! Les Habsbourg sont-ils destinés à disparaître ? On sait aujourd’hui que non, mais ce ne fut pas simple. En 1335, au bout de onze années de mariage infructueux, Jeanne et Albert décident d’effectuer un voyage jusqu’à Aix-la-Chapelle à l’occasion du célèbre pèlerinage marial qui n’a lieu que tous les sept ans. Une dernière chance en quelque sorte…

Les effets de ce pèlerinage ne sont pas immédiats, mais Jeanne accouchera de son premier enfant le 1er  novembre 1339. Le miracle est néanmoins total car il s’agit d’un garçon et en souvenir de son arrière-grand-père, premier empereur issu de la famille Habsbourg, il sera prénommé Rodolphe.

Ce jeune Rodolphe, élevé dans l’idée d’être le sauveur de la dynastie, est un garçon brillant qui saura être à la hauteur de l’immense ambition familiale.

D’autres enfants suivront et Jeanne décéde à l’âge de 51 ans quelques jours après la naissance de son dernier fils Léopold.

À NOTER Le prochain pèlerinage marial d’Aix-la-Chapelle aura lieu en 2021. Ce pèlerinage fut fondé par Charlemagne. Les reliques qui y sont conservées sont une tunique censée avoir appartenu à la Vierge Marie et des langes réputées avoir été portées par Jésus.

La collégiale de Thann, arbre de pierre généalogique

C‘est par la volonté des plusieurs ducs et duchesses d’Autriche que l’on retrouve, à la collégiale de Thann, les blasons de neuf princesses épouses des Habsbourg de la lignée Léopoldine, jusqu’à l’empereur Maximilien 1er. Parmi elles, des princesses venant des plus illustres cours d’Europe.

Le prochain épisode présentera les trésors héraldiques de cette extraordinaire collégiale de Thann, qui mériterait d’être dénommée, la collégiale aux neuf princesses.


Notre série sur les secrets de la collégiale de Thann invite aujourd’hui à lever le regard vers une fillette d’une dizaine d’années, au visage poupin, tenant trois flèches dans ses mains et portant son regard vers la rue Gerthoffer : sainte Ursule.

Par L'Alsace - 09 mars 2021

La vie d’Ursula, Ursula von Köln, fille d’un gouverneur romain du IVe  siècle à l’époque de l’invasion des Huns (Attila), figure dans la « légende dorée » de Jacques de Voragine (1228-1298). Mais aujourd’hui, Ursule nous servira de prétexte pour raconter deux histoires thannoises.

Thann assiégée par des mercenaires suisses

La statue de sainte Ursule fut installée au pilier des anges vers 1460, à peine quelques années avant ce terrible lundi du 4 juillet 1468, où Thann fut assiégée par des centaines de mercenaires suisses.

Cette attaque se situe dans le cadre de la Guerre des six deniers, qui opposa le duc d’Autriche Sigismond de Habsbourg à la ville libre de Mulhouse. La ville de Thann avait joint ses forces militaires au duc d’Autriche pour attaquer Mulhouse, qui fit appel à ses alliés suisses. Plus de 7000 mercenaires suisses arrivèrent en Alsace à la rescousse des Mulhousiens en ravageant tout sur leur passage, avant de se diriger vers Thann en détruisant les villages traversés. Seul le château de Schweighouse leur résista.

Les détails de cette guerre nous sont connus par la Chronique de Berne de Diebold Schilling, qui précise que les Thannois adressèrent aux Suisses des jurons qu’il s’interdit d’écrire dans sa chronique, car « ils allaient à l’encontre de la bienséance chrétienne » !

Les fortifications thannoises furent efficaces, les Suisses contournèrent la ville notamment par le Staufen, détruisirent le couvent des franciscains (actuel hôpital Saint-Jacques), avant de s’enivrer du bon vin du Rangen (cité dans la chronique), entreposé dans les caves de la ferme qui était située dans l’actuelle Zac Saint-Jacques, et de poursuivre leur expédition vers le Hirtzenstein, qu’ils ravagèrent et détruisirent le 6 juillet 1468. Ils rejoignirent ensuite leurs collègues qui venaient de brûler Uffholtz et Wattwiller.

Sainte Ursule n’eut fort heureusement pas à se servir de ses flèches pour défendre la ville de Thann.

Un neveu ménestrel

La statue de sainte Ursule nous amène également à évoquer la sœur cadette de Jeanne de Ferrette, dont le prénom était Ursula.

La comtesse Ursula von Pfirt (1319-1367) épousa le comte Wilhelm Montfort-Bregenz. De cette union est né Hugo von Montfort (1357-1423) qui, après des études qui le destinaient à de hautes fonctions ecclésiastiques, développa une brillante carrière de ménestrel. En 1414, il publia Opera poética , une œuvre poétique et musicale parée de magnifiques enluminures. Puis Hugo poursuivit une carrière comme « haut fonctionnaire » au service des ducs d’Autriche Léopold IV et Frédéric IV, qui n’étaient autres que les enfants de son cousin Léopold III, le dernier fils de Jeanne de Ferrette.

Ainsi à Bregenz, on peut faire connaissance avec un des plus importants ménestrels autrichiens et allemands d’origine thannoise qui fut le seul petit-fils du dernier comte de Ferrette à ne pas utiliser les cordes de son arbalète, mais celles de son luth !Quant aux flèches d’Ursule, ne symbolisent-elles pas les innombrables liens qui peuvent être établis à partir de l’histoire de Thann, de sa collégiale et de ses illustres enfants ?

THANN La collégiale aux neuf princesses…

Rodolphe IV, fils de Jeanne de Ferrette, a mené une politique ambitieuse, que ce soit sur le plan territorial avec l’adjonction du Tyrol et d’autres territoires, mais également sur les plans religieux, culturel et politique.

Par A. W. - 08 août 2020

Le fils de Jeanne de Ferrette, Rodolphe IV, a épousé la fille Charles IV dont l’empire avait Prague pour capitale. Il élève le duché d’Autriche au rand d’archiduché (« premier des duchés »), il fait de l’église Saint-Etienne de Vienne la future cathédrale avec le projet de création d’un évêché. Rodolphe IV crée aussi l’université de Vienne, vainc son rival le roi de Hongrie et arrange des mariages pour ses deux plus jeunes frères…

Rodolphe emporte le crâne de saint Morand à Vienne

Le jeune prince effectue également un voyage dans le Sundgau en souvenir de sa mère Jeanne qui aimait souvent y revenir. En 1356, il se rend à Altkirch, au prieuré Saint-Morand, où se trouve la dépouille du saint patron du Sundgau. En signe d’attachement à sa terre maternelle, il prélève le crâne de saint Morand pour en faire une relique destinée à la future cathédrale de Vienne. La moitié du crâne du saint sera restituée en 1428 au prieuré d’Altkirch par un neveu de Rodolphe, l’autre moitié est toujours conservée à la cathédrale de Vienne.

Rodolphe fait agrandir le projet de cathédrale gothique viennoise et installer des statues qui le représentent. Ces statues, au nombre de trois, sont à chaque fois accompagnées par un porteur de blason qui présente fièrement l’emblême aux deux poissons, le blason maternel de la maison de Ferrette.

Sa mère, Jeanne, n’est pas oubliée puisque sa statue garnit un angle de la tour sud de la cathédrale Saint-Étienne. La statue de Jeanne fait ainsi partie des six Fürstenfiguren (personnages de princes) dont les œuvres originales (datées de 1350 environ) sont actuellement exposées au château bas du Belvédère en attendant de réintégrer le Wien Museum après sa rénovation. Ces six Fürstenfiguren représentent Rodolphe, ses parents Jeanne et Albert, ainsi que son épouse et ses beaux-parents, l’empereur Charles IV et son épouse Blanche de Valois, arrière-petite-fille du roi de France saint Louis.

La lignée Léopoldine

Hélas, ce jeune prince si brillant décéde en 1365 à l’âge de 25 ans à Milan où il s’était rendu pour négocier le mariage de son jeune frère Léopold avec la fille du duc de Milan. Il meurt sans laisser de descendance et voici la dynastie Habsbourg à nouveau gravement menacée.

Les deux frères cadets, Albert et Léopold, âgés respectivement de 16 et 14 ans, succédent conjointement à leur frère aîné selon le principe de cogestion établi par leur père Albert II. À Albert III, la gestion de la partie orientale de cette immense entité territoriale et à Léopold la partie occidentale, qui englobe Thann et l’Alsace du sud.


C’est ainsi que Léopold III (1351-1386), dernier fils de Jeanne de Ferrette, s’occupe des domaines familiaux du Sungdau et de l’Argovie mais également de territoires plus vastes dont le Tyrol et le Frioul jusqu’à Trieste. Il épouse Viridis Visconti, fille du duc de Milan, et fonde avec elle la lignée Léopoldine dont sont issus tous les Habsbourg jusqu’à nos jours. La descendance est à présent préservée…


Voilà la raison pour laquelle l’on peut admirer à la collégiale de Thann le blason familial de la duchesse Viridis Visconti, mais également les blasons de toutes les duchesses de la lignée Léopoldine, depuis Viridis jusqu’à Anne de Bretagne.

Une souveraine alsacienne au cœur de la grande peste noire de 1349

26 juin 2020 à 11h29 Rédaction | L'Ami hebdo Haut-Rhin, thann

André Walgenwitz, historien thannois et fidèle lecteur de l’Ami Hebdo, propose en cette fin de crise sanitaire, de s’intéresser à la terrible grande peste entre 1348 et 1352. A cette époque, Jeanne de Ferrette était duchesse d’Autriche. Au vu du contexte, quel a été l’impact historique de la fille du dernier comte de Ferrette ?

De nombreuses allusions au passé figurent dans la collégiale de Thann. DR

D’un bond en arrière, on se projette au temps de la grande princesse alsacienne. En se remémorant également ce terrible fléau qui décima la moitié de la population européenne. Entre 1347 et 1352 l’Europe a connu la plus meurtrière épidémie de peste de toute son histoire. Les historiens s’accordent à dire que près de la moitié de la population européenne y avait succombé, soit plus de 25 millions de personnes !

A partir de 1349, l’épidémie toucha l’Alsace et les régions situées sur une diagonale s’étendant au nord des Alpes depuis la Mer Noire jusqu’aux Flandres. Bien souvent, la responsabilité de ce terrible fléau fut attribuée à la population juive accusée d’avoir empoisonné les puits !

Dans de nombreuses villes, telles que Bâle, Fribourg-en-Brisgau ou Strasbourg, et bien d’autres, des centaines de juifs furent brûlés lors de pogroms sauf… à Vienne ! En effet, le souverain autrichien de l’époque avait placé les juifs viennois et autrichiens sous sa protection…


Collégiale de Thann : gros plan sur 

Léon XIII, sculpté par Karl Hils

14 janv. 2022 

Sainte Cécile, le roi Saint-Louis, le roi d’Angleterre Edouard le Confesseur…

La maison et l’atelier du sculpteur Karl Hils étaient adossés au mur du cimetière de Thann et depuis sa chambre, Anne-Marie avait vue sur l’école du Bungert ! De nos jours, la maison Hills n’existe plus. Mais on peut toujours admirer le chef-d’œuvre de Karl Hils, sculpteur originaire de Forêt-Noire qui s’était installé à Thann en 1887 avec son épouse Madeleine, originaire de Colmar.

Pour bien observer l’exceptionnelle statue de Léon XIII située à plus de vingt mètres de hauteur, du côté gauche de la tour nord de la collégiale, munissons-nous de jumelles pour admirer cette statue « expressive et bien campée » avec son étonnant regard si expressif. En dessous d’elle, on peut voir les douze apôtres qui sont également des œuvres du sculpteur Karl Hils. De nombreuses autres statues sont dues à ce sculpteur prolixe qui exerça à Thann en réalisant plus de trente statues pour la collégiale, dont sainte Cécile, le roi Saint-Louis, le roi d’Angleterre Edouard le Confesseur et bien d’autres.

Il est également l’auteur du tympan de l’église de Roderen, du « Köpfle Seppi » de Willer-sur-Thur, ainsi que de nombreux monuments funéraires du cimetière de Thann…

Karl Hils est décédé le 1er  juin 1914, à l’âge de 63 ans, au cours d’une randonnée dans le massif vosgien qu’il affectionnait particulièrement. Membre de plusieurs associations thannoises dont la chorale sainte Cécile, les obsèques du sculpteur furent suivies par une foule immense comme en témoigne un article de presse de l’époque et sa tombe est toujours présente au cimetière de Thann.

De nos jours, ce sculpteur thannois mérite vraiment d’être sorti de l’oubli ; l’ouvrage de Jean-Louis Spieser y contribue magistralement !


Nous terminons cette série consacrée à la statuaire extérieure de la collégiale de Thann en proposant l’histoire d’une statue qui ne fut pas éclairée pendant le marché de Noël et qui ne représente pas un saint !


Le visage expressif et le regard bienveillant du pape Léon XIII.  Photo Daniel Wolfhart

En cette fin d’année 1899, Mgr Georges Jost, curé de Thann (entre 1890 et 1904), s’était rendu à Rome pendant la période de Noël afin d’assister à la cérémonie d’ouverture de « l’Année Sainte » (1900) qui a lieu tous les 25 ans. Au cours de la cérémonie officielle, le pape Léon XIII « délivre » symboliquement la Porte Sainte de la basilique Saint-Pierre après avoir frappé trois coups de marteau sur le mur de briques placé devant la porte qu’il fallait préalablement démolir afin de pouvoir procéder à son ouverture officielle.

Léon XIII, un pape charismatique

C’est Anne-Marie Hils, fille du sculpteur Karl Hils, qui nous relate dans un texte inédit* les impressions du curé de Thann en voyant le souverain pontife à l’œuvre : « La haute silhouette ascétique du pape avait enthousiasmé le curé au point qu’il conçut le projet de faire réaliser, encore du vivant du pontife (1810-1903), une statue à son effigie pour la cathédrale (collégiale). Initialement, mon père aurait aussi dû se rendre à Rome. Le voyage à Rome n’eut malheureusement pas lieu. Mon père travailla donc à partir de bonnes photos et la statue fut expressive et bien campée… La silhouette élancée et le visage empreint de sagesse du vieux pape se prêtaient bien à la réalisation d’une statue gothique… »

La statue exposée à l’intérieur de la collégiale

Le sculpteur se mit aussitôt à l’ouvrage car le curé Jost avait décidé que la statue réalisée par son ami Karl Hils devra être présentée à l’intérieur de la collégiale le samedi de Pâques afin que la population puisse la voir de près. Or, nous dit Anne-Marie, « la semaine sainte avait commencé et le visage n’était toujours pas achevé… » !

Dans la suite de son récit (*), Anne-Marie Hils raconte comment le père sculpteur acheva son chef-d’œuvre afin qu’il soit prêt pour le samedi suivant…


Les secrets de la collégiale : Rodolphe, le fils de Jeanne qui voulut être roi


Notre série sur les secrets de la collégiale de Thann nous emmène aujourd’hui sur les traces de l’ambitieux archiduc Rodolphe, fils aîné de Jeanne de Ferrette, et nous décrypte le tympan de l’adoration des Rois mages.

Par Texte et photos : André WALGENWITZ - 27 avr. 2021 

Avec ses trois tympans, la façade ouest de la collégiale de Thann est dotée d’un des plus beaux chefs-d’œuvre gothiques d’Europe. Aujourd’hui, nous nous intéressons au tympan de la Nativité où l’on voit un roi couronné, arrivant auprès de la crèche de Bethléem et en train de descendre de sa monture. Mais que signifie donc cette scène inspirée d’un épisode biblique bien connu ?

La version de l’évangéliste : selon l’évangéliste Matthieu, trois mages - des astrologues - se rendirent en Judée auprès du roi Hérode pour se renseigner à propos de ce « roi des Juifs » qui venait de naître. Hérode les écouta et leur demanda de venir lui indiquer où se trouvait cet enfant lors de leur voyage de retour. Guidés par une étoile, les astrologues se rendirent auprès du nouveau-né, Jésus, puis s’en retournèrent chez eux sans aller renseigner Hérode. Il s’ensuivit le massacre des Innocents…

Les Rois mages milanais

Or le tympan thannois ne nous montre pas la même histoire ! Il y a bien une étoile (bien visible), mais les mages sont des rois ! On voit le premier d’entre eux s’inclinant devant Jésus, sa couronne à terre, et se faisant bénir par le fils de Dieu qui lève deux doigts.

Au quatrième siècle, en 343, l’empereur Constantin fit don au diocèse de Milan de trois squelettes censés être ceux des mages adorateurs. Ils furent conservés à la basilique S. Eustorgio. En 1164, l’empereur Frédéric Barberousse, après sa guerre dans le Milanais, fit transporter ces trois reliques à Cologne où elles sont toujours conservées dans une chasse (coffre en or) réalisée à cet effet à partir de 1181 à des fins politiques.

Le message de l’empereur Frédéric 1er von Hohenstaufen était de faire comprendre que c’est l’empereur qui détient la légitimité de sa fonction impériale directement par la main bénissante de Dieu, et non par l’intermédiaire du pape ! Par la même occasion, l’empereur requalifia l’empire germanique en le dénommant Saint-Empire romain germanique. Nous avons donc là un message politique.

Mais qui est le roi mage thannois ? D’après une étude du professeur Assaf Pinkus de l’université de Tel Aviv, le roi que l’on voit descendre de son cheval à Thann n’est autre que Rodolphe IV, le fils aîné de Jeanne de Ferrette. Dans cette étude*, Assaf Pinkus replace la réalisation du tympan thannois dans le contexte artistique, historique et politique de cette deuxième moitié du XIVe  siècle.

Rodolphe IV, un fils prodige et ambitieux

Lorsque, au bout de quinze années de mariage infructueux, Jeanne de Ferrette donne naissance en 1339 à son premier enfant, il s’agit d’un garçon ! Ce jeune prince devient ainsi l’ultime espoir pour la pérennité de la dynastie des Habsbourg. Il sera appelé Rodolphe comme son arrière-grand-père qui fut le premier Habsbourg à avoir été élu empereur en 1273.

Très rapidement, ce jeune prince est associé aux affaires de l’État aux côtés de Jeanne, sa mère, qui tient les premiers rôles diplomatiques et politiques dans le duché d’Autriche. Brillant et très actif, Rodolphe accompagne Jeanne au cours de ses nombreux voyages, notamment en Alsace.

Lorsqu’il fera agrandir l’église Saint-Étienne de Vienne pour la transformer en cathédrale, il se fera représenter plusieurs fois avec le blason aux deux poissons, celui des Ferrette, sa famille alsacienne.

C’est ainsi que le comté de Ferrette devint le premier territoire qui constitua par la suite les Pays héréditaires des Habsbourg. En 1353, à l’âge de 14 ans, il épouse la fille de l’empereur Charles IV. En 1358, âgé de 19 ans, il succède à son père Albert II. Mais, trouvant que le titre de duc n’était pas suffisant pour honorer son ambition, il se fit élever au rang d’archiduc (le premier des ducs) par un faux décret appelé Privilegium majus. Il s’érigea ainsi au rang des princes électeurs et se présenta désormais avec les insignes royaux.

Le fondateur

Bien que seuls les empereurs ou les papes pussent fonder une université, Rodolphe fut le fondateur (Stifter en allemand) de l’université de Vienne (Alma mater Rudolphina). Elle fut, en 1365, la première université du monde germanique !

Au cours d’un de ses voyages en Alsace en 1360 (voir l’article du 23 mars), il fit agrandir la ville de Thann en faisant ériger un nouveau rempart. De nos jours, son tracé est matérialisé par la bande de grès rouge qui traverse la place Joffre depuis le laboratoire d’analyses médicales jusqu’à la tour du presbytère. C’est au même moment qu’il fit la commande de cette singulière représentation thannoise des Rois mages recevant la bénédiction divine, auprès d’artistes ayant exercé à Ulm ! Avec cette scène des Rois mages il exprime ses prérogatives royales à Thann.

Un mariage milanais

C’est au cours d’un séjour auprès du duc de Milan, en 1365, que Rodolphe décéda sans enfant à l’âge de 25 ans. Il venait de négocier un contrat de mariage pour son frère Léopold III né en 1351. C’est ainsi que l’on peut voir à Thann, au milieu de la nef principale, le blason du duc de Milan qui représente sa fille Viridis Visconti, la jeune épouse de Léopold. La collégiale de Thann, un haut-lieu de secrets d’histoires… de l’Autriche et de l’Europe !


Les secrets de la collégiale de Thann :

Altkirch-Vienne, un aller-retour pour saint Morand

Notre série sur les secrets de la collégiale de Thann invite aujourd’hui à lever le regard sur saint Morand, moine clunisien qui a été l’un des premiers abbés du prieuré bénédictin d’Altkirch, fondé par le comte de Ferrette Frédéric 1er au début du XIIe  siècle.

Par André WALGENWITZ - 23 mars 2021 

Du côté droit du portail nord de la collégiale de Thann, en face de la fontaine Saint-Thiébaut, se trouve une magnifique statue d’un homme tenant une grappe de raisin dans la main gauche.

S’agit-il de saint Henri, empereur germanique du XIe  siècle canonisé en 1146, ou de saint Morand d’Altkirch, dont une autre statue datée de 1891 se trouve au sommet du pilier des anges face à la rue Gerthoffer ?

Saint Morand, moine clunisien, a été l’un des premiers abbés du prieuré bénédictin d’Altkirch fondé par le comte de Ferrette Frédéric 1er au début du XIIe  siècle. Canonisé en 1181, il a été dénommé « l’apôtre du Sundgau ».

L’apôtre du Sundgau

C’est en 1105 que le premier comte de Ferrette, Frédéric 1er , a fait venir Morandus (1075-1115), un moine bénédictin, depuis Cluny en Bourgogne, jusqu’à Altkirch afin de développer le prieuré qu’il venait d’y fonder. Pendant dix années, Morandus a parcouru inlassablement le Sundgau pour prêcher la parole divine, si bien que de nos jours existent encore de nombreuses traces de son passage, où l’on trouve une chapelle, un culte ou une fontaine : Altkirch, Walheim, Gildwiller, Steinbach, Balschwiller.

Morandus a aussitôt été considéré comme étant « l’apôtre du Sundgau ». Sa grande notoriété a amené les comtes de Ferrette à le considérer comme étant un membre de leur famille. C’est à ce titre que Rodolphe IV, duc d’Autriche et fils aîné de Jeanne de Ferrette, est venu prélever le crâne de saint Morand en 1356 afin d’en doter la future cathédrale Saint-Étienne de Vienne, en Autriche.

En 1428, le duc d’Autriche Frédéric IV, neveu de Rodolphe, a restitué au prieuré d’Altkirch la partie supérieure du crâne du patron du Sundgau dans un magnifique reliquaire serti de pierres précieuses. Ce reliquaire est visible à l’église Saint-Morand, sanctuaire de l’hôpital d’Altkirch. Lorsque la cathédrale Saint-Étienne de Vienne a été achevée, une chapelle dénommée « Moranduskapelle » a été dédiée à l’apôtre du Sundgau si cher à la famille Habsbourg-Ferrette.

De nos jours, il s’agit de la Prinz- Eugen-Kapelle, dont l’autel baroque du XVIIIe  siècle a quelque peu éclipsé l’image et le culte médiéval de Sankt Morandus.

Un artiste du chantier de la cathédrale de Metz

En 1482, l’empereur Frédéric III, arrière-petit-fils de Jeanne de Ferrette, a fait réaliser un livre de prières dédié à saint Morand. Ce livre est toujours visible à la bibliothèque nationale de Vienne sous le nom de Morandus Officium. Il s’agit d’un magnifique ouvrage en parchemin contenant de très nombreuses enluminures. Ainsi, pendant plusieurs générations, les Habsbourg ont placé Morandus, le protégé du premier comte de Ferrette, sur un piédestal au panthéon des saints viennois.

Quant à Thann, la statue incontestée du patron du Sundgau, qui a été installée tout en haut du pilier des anges en 1891, est l’œuvre du sculpteur parisien Auguste Dujardin.

Auguste Dujardin (1847-1925) était un des principaux sculpteurs de la cathédrale de Metz à la fin du XIXe  siècle, à l’époque du Reichsland. Il a réalisé pour la collégiale de Thann quatre autres statues en pierre de Jaumont comme ses œuvres messines !

Comme quoi la guerre de 1870 et ses conséquences n’ont pas empêché les artistes de magnifier la dimension européenne de notre histoire.


Les secrets de la collégiale de Thann : un roi d’Angleterre, un roi de France et un… maire

Notre série sur les secrets de la collégiale nous dévoile aujourd’hui l’histoire de trois statues, celles de deux rois et de sainte Odile. Cette dernière a été réalisée par Jean-Baptiste Weiss, qui a été maire de Thann de 1923 à 1935.

Par Texte et photos : André WALGENWITZ - 13 avr. 2021 

Deux rois, qui furent également saints de l’église, montent la garde de part et d’autre du grand portail ouest de la collégiale de Thann. Un roi d’Angleterre et un roi de France. Mais qui sait que parmi toutes les statues installées à la fin du XIXe  siècle, deux d’entre elles sont l’œuvre d’un artiste qui est devenu maire de Thann ?

Lors des très importants travaux de restauration de la collégiale, réalisés pendant l’époque du Reichsland, sous l’autorité de l’architecte Charles Winkler, à partir de 1875, de nombreuses statues furent en effet rajoutées au portail ouest ainsi que le long de la façade nord.

Deux rois, deux saints

À gauche du portail ouest, voici le roi d’Angleterre Édouard le confesseur et à droite, le roi de France Louis IX, également appelé saint Louis.

Édouard le confesseur fut roi d’Angleterre de 1042 à 1066. Il est resté sans descendance et son successeur fut le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, qui réussit à s’imposer face à son rival Harold au cours de la célèbre bataille de Hastings du 6 octobre 1066. Le roi Édouard est représenté dans la célèbre « Tapisserie de Bayeux » qui raconte cet épisode fondateur de l’histoire de l’Angleterre.

À Thann, on peut voir le roi Édouard prélever de l’auriculaire de sa main droite une bague qu’il s’apprête à donner à un mendiant qui lui tend sa main gauche. Un geste de générosité à l’image d’une vie simple et pieuse qui lui a valu d’être canonisé en 1161, la même année où arriva à Thann la relique de santo Ubaldo.

Saint Louis, quant à lui, est représenté en chevalier avec un casque orné de fleurs de lys, une cotte de maille et une épée royale. Dans sa main droite, il tient la couronne d’épines que porta le Christ lors de sa crucifixion.

En 1241, le roi Louis IX fit venir à Paris les reliques sacrées que sont la couronne d’épines, quelques restes de la croix ainsi que la lance et l’éponge de la Passion. Il a fait ériger sur l’Île de la cité la Sainte chapelle qui fut achevée en 1248 afin de servir d’écrin à ces précieuses et importantes reliques.

À noter que les magnifiques vitraux du joyau médiéval parisien ont un point commun avec ceux de la collégiale, ils affichent les uns comme les autres une hauteur de 15 mètres !

Un sculpteur allemand

L’artiste qui réalisa ces deux statues royales ainsi que plusieurs autres œuvres, dont les apôtres situés au premier niveau de la tour nord, est Karl Hils, un sculpteur allemand.

Exerçant pendant de nombreuses années sur le chantier thannois, ce sculpteur prolifique eut un fils qui naquit à Thann en 1889, un fils qui se nommait également Karl Hils. À l’arrivée à Thann de l’administration française en 1914, le fils du sculpteur fut incarcéré en tant que « prisonnier civil » étant donné ses origines allemandes. Puis il exerça également le métier de sculpteur à Stuttgart où il décéda en 1977.

Deux mandats de maire de Thann

Parmi les nombreuses statues datant de cette même période se trouve celle qui représente sainte Odile, la patronne de l’Alsace. Cette statue, ainsi que sa voisine, sainte Richarde, ont été réalisées en 1894/95 par un artiste colmarien du nom de Jean-Baptiste Weiss (1864-1935) apparenté à la famille Klem dont les ateliers de sculptures de Colmar réalisèrent de nombreux travaux à la collégiale : rénovation des stalles du chœur, l’autel latéral du Sacré-Cœur ainsi que le magistral buffet d’orgue toujours en place de nos jours.

Jean-Baptiste Weiss avait effectué des études de beaux-arts à Munich et à Paris. En 1894, il épousa Joséphine Blocher, fille d’un entrepreneur thannois.

Par la suite, le 31 mars 1923, cet artiste devint maire de Thann sous le nom de Jean-Baptiste Weiss-Blocher. Il exerça deux mandatures jusqu’en 1935. Il devint également le président de la Société d’histoire de Thann en 1932 succédant à Ferdinand Scheurer.

Voilà donc une raison pour aller admirer sainte Odile dans sa belle posture dynamique et son magnifique drapé tenant dans ses mains un livre illustré par un œil qui est l’attribut habituel de la sainte patronne de l’Alsace qui décéda il y 1300 ans.

En 1888, Martin Rinkenbach, un ami de Jean-Baptiste Weiss-Blocher, facteur d’orgues à Ammerschwihr, installa le premier orgue monumental de la collégiale. Hélas, celui-ci fut détruit par un obus le 14 avril 1915.

En 1923, Joseph Rinkenbach réalisa un nouvel orgue avec trois claviers qui deviendra le magnifique orgue actuel, fruit de la magistrale restauration réalisée sous la houlette de Michel Gaillard.