Alliance

... qui ne peut être rompue

Dieu nous assure de son élection par la seule foi qu’il est fidèle à sa promesse — Calvin Institution de la religion chrétienne (IC), III, xxiv. Il nous a signifié sa garde en scellant alliance avec nous. Et cette Alliance nous précède, remontant avant la fondation du monde dans la promesse du Dieu éternel, et scellée dans le temps bien avant nous. Scellée avec Abraham.

Car c’est de cette Alliance-là qu’il s’agit : il y a une seule alliance, celle passée déjà avec Abraham : « l’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée »IC II, X, 2.

Calvin, qui met en lumière cette dimension de l'Alliance, établit la théologie sur la Bible entière, pas seulement sur le Nouveau Testament. Voilà qui porte des conséquences considérables — et notamment sur la considération de l’Alliance avec Israël, et de sa pérennité, sans laquelle l’Alliance ne vaut pas non plus pour les chrétiens.

Cette Alliance, scellée déjà par Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob, avec Moïse et le peuple au Sinaï, n’est pas résiliable. Dieu-même s’est engagé ! L’Alliance conclue par Dieu avec les Pères n’ayant « pas été fondée sur leurs mérites mais sur sa seule miséricorde ».

Dieu s’est engagé de façon irrévocable. Une révocation serait même contradictoire en christianisme, puisque la «nouvelle» Alliance — « nouvelle » non pas parce qu’elle serait autre, mais en tant qu’Alliance unique renouvelée (voire de façon indépendante du christianisme, et antécédemment à son apparition : cf. Jérémie 31 ou Ézéchiel 36) — ; la « nouvelle » Alliance-même, donc, repose sur cette même fidélité de Dieu ! À nouveau, « L’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée »IC II, X,2.

Dès lors la promesse rappelée par Paul à Timothée ne vaut pour les chrétiens que si elle vaut pour les juifs : « si nous sommes infidèles, Dieu demeure fidèle car il ne peut se renier lui-même » (2 Timothée 2:13).

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Une nouvelle Alliance ne saurait donc qu’être une Alliance renouvelée, c'est-à-dire l’Alliance déployant ses effets — notamment en intériorité, que l'on trouve dans les textes hébraïques, du Deutéronome aux Prophètes.

Nous voilà donc au cœur de l’enseignement spécifique de Calvin reconnaissant une seule Alliance, scellée avec Abraham, et « déployée en Jésus-Christ ». C’est pourquoi les formes que prend cette unique Alliance sont secondes par rapport au lien qui se scelle en la promesse de Dieu, en sa parole-même, qui transcende les signes où elle nous est annoncée, que ce soit les signes propres au judaïsme, ou ceux du christianisme.

La réalité essentielle nous transcende. Elle est fondée dans l’éternité de Dieu, signifiée dans le temps à Abraham et aux patriarches, intériorisée chez les prophètes, et « déployée en Jésus-Christ ».

Ici se noue le lien entre la conviction chrétienne — concernant Jésus en qui se déploie l’Alliance — et le fait que l’Alliance avec Israël ne soit en aucun cas rompue. C’est la même Alliance que celle qui se déploie en Jésus-Christ en qui se signifie, se dévoile comme dimension intérieure, spéciale (concernant l’Église invisible), l’élection générale scellée avec Abraham. Tandis que c’est dans l’ordre de cette élection générale que se constitue l’Église visible comme peuple élargi aux nations pour une vocation qui rejoint celle adressée à Abraham et à Israël. Car, ayant parlé d’élection, il convient de préciser qu’il s’agit là avant tout essentiellement d’une vocation à porter une parole et pas d’un privilège en forme de mol oreiller.

S’il y a un privilège, certes, c’est celui d’être appelés à être comme coopérateurs de Dieu pour faire advenir le jour où selon la promesse d’Ésaïe (2, 3-4) — conformément à ce que « de Sion sortira la loi, de Jérusalem la parole du Seigneur » —
« il sera juge entre les nations, l’arbitre d’une multitude de peuples. De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre, et on n’apprendra plus la guerre. »


(RP, AJC Antibes – Juan-les-Pins 18.06.09 –

http://rolpoup.hautetfort.com/archive/2009/06/10/index.html)
Une Alliance qui ne peut être rompue

La pérennité de l’Alliance. Une conviction qui fonde aussi dès lors l’œcuménisme intra-chrétien, dévoilant tout le sens positif de la remarque de Calvin sur la permanence du statut ecclésial des communautés rattachées à Rome :

« Nous ne nions point que les Églises sur lesquelles le pape domine par sa tyrannie, ne demeurent des Églises, mais nous disons qu’il les a profanées par son impiété, qu’il les a affligées par sa domination inhumaine, qu’il les a empoisonnées de fausses et méchantes doctrines, et quasi mises à la mort, au point que Jésus-Christ y est à demi enseveli, l’Évangile y est étouffé, la chrétienté y est exterminée, le service de Dieu y est presque aboli ; bref, tout y est si fort troublé, qu’il apparaît plutôt une image de Babylone, que de la sainte cité de Dieu.

Et cependant, « je dis que ce sont des Églises, premièrement, en tant que Dieu y conserve miraculeusement les restes de son peuple, bien qu’ils y soient pauvrement dispersés ; secondement, en tant qu’il y reste quelques marques de l’Église, principalement celles dont la vertu ne peut être abolie, ni par l’astuce du diable ni par la malice des hommes. » (IC, IV, ii, 12).


Cf. :
Calvin au-delà des caricatures
Calvin et les manuels scolaires…
Calvin en bref
Prédestination…
Calvin et la Loi de la liberté
Le calvinisme et la Cité
Protestantismes réformés
La résurrection du Christ
Calvin et l’élection : la pérennité de l’Alliance
Année Calvin. Un cheminement intéressant…
Pourquoi Calvin aujourd’hui ?
Obsession Calvin