Accumulation des décharges

Accumulation des décharges

2015

Video projection, loop, 9'22'', sink, human hair, shaving cream, pedestal - Installation

Accumulation de décharges

« Accumulation des décharges » représente une installation-vidéo qui est centrée sur le corps en tant qu’objet soumis régulièrement aux actions invasives, imaginant les restes amorphes et anonymes issus depuis une des plus banales des practices corporels, comme le rasage, comme des précieux traces remplies d’histoire, de valeur émotionnelle. L’installation se compose d’une vidéo projetée en dessus d’un lavabo mis sur un socle. La vidéo peut fonctionner comme un miroir pour le regardeur, permettant de réaliser un transfert d’identité entre l’image projetée qui ne montre pas le visage entier de l’homme et les restes conservés dans le lavabo.

Les gestes répétitifs qu’on applique au corps lui fragilisent l’apparence, conduisant à la perception du corps en tant qu’objet. Le manipulant, le transformant jour après jour, lui infligeant les mêmes actions agressives comme le rasage, l’épilation, le maquillage, ou même des piercings ou tatouages parfois d’une façon presque obsessive. Ainsi, le corps devient un amas de pièces qu’on détache jour après jour, qu’on souhaite volontairement perdre, cependant recherchant des solutions extrêmes à conserver la forme, à faire retarder le temps. L’installation propose ainsi une vidéo qui tourne en boucle représentant le geste de se raser la barbe à l’aide de la mousse à raser et le rasoir. Dans un gros plan qui suit le recouvrement du visage avec un masque d’écume blanche, et ensuite le passage du rasoir qui transforme dans un instant la peau en dessous, on se trouve devant une pratique quotidienne qui tient pourtant plus d’une préférence esthétique que d’une nécessité hygiénique. Cette mousse blanche sert comme barrière contre la douleur provoquée par la lame du rasoir sur la peau sèche, mais aussi comme produit hydratant qui empêche les éventuelles blessures et assouplit la peau. Lorsque le rasoir dégage le visage de la mousse et redonne à la vue la peau, le lavabo en dessous se remplit avec les décharges organiques et synthétiques formées par le mélange de la mousse avec les poiles et les fines strates de peau enlevées dans ce processus. La vidéo recommence dès que le visage a été complètement dépoilu, rendant l’impression d’une séance compulsive d’où le corps sort comme une surface qui ne corresponde pas aux exigences de son propriétaire. Le lavabo porte les traces de ces actions, il devient un espace qui porte la marque d’un corps dispersé, violenté. La vue de la blancheur du lavabo « tachée » par des traces de poils noirs et bouché suite au rasage provoque une réaction de dégout, même si secondes avant ces poils étaient partie comprise du visage d’un homme. Les poils, éléments constituants de la corporalité, acquièrent une dimension sale et répulsive, de la même manière dont la vue d’un fil de cheveux dans la soupe déclenche une sensation à vomir, étant la preuve des conditions hygiéniques discutables. La mousse à raser, accumulée, conservée avec les poils offre à la vue les restes organiques du corps qu’on essaie à se débarrasser, qui nous gênent, qui nous encombrent. La blancheur de la mousse intervienne initialement comme recouvrement protecteur qui retrace les contours du visage, devenant une sorte de peau secondaire. Elle prend ensuite, par l’enlèvement à l’aide du rasoir, une apparence difforme qui ne porte plus de référence de ce visage qu’elle vient de recouvrir sauf par la présence des restes organiques qui peuplent maintenant sa matière. Regardant le lavabo lors d’une séance de rasage on aura l’impression d’une peau rejetée, écartée, qu’on détache régulièrement pour garder une surface lisse et sans impuretés. La présence physique du lavabo qui porte l’histoire de plusieurs actions de cette sorte joue sur la réalité concrète, comme une transition effective de l’action captée dans la vidéo au résultat palpable du geste.