Revue Bateaux de 1984 : comparatif 8,50 M

Cette page est un résumé de l'article paru en 1984, ou furent comparés cinq nouveaux bateaux :

Arcadia, First 29, Kelt 850, Gib'Sea 84 et Feeling 850, sous le titre :

A armes égales : cinq nouveaux voiliers de 8,50 M

1er jour :

Point de départ de cette essai : La Trinité su Mer.

Conditions : 20 à 25 noeuds.

Au premier coup d'oeil Arcadia et Feeling 850 affichent des mines très ressemblantes. A regarder carènes et lignes générales, on devine aussitôt que leurs architectes ont toujours une petite idée "régate" dans un coin de leur table à dessin; ce qui n'a somme toute, rien d'étonnant, s'agissant de Tony Castro (Arcadia) et Philippe Briand (Feeling 850).

A coté d'eux, le Gib'Sea 84 montre un visage plutôt bon enfant avec sa silhouette plus ronde.

Le First 29 fait part d'une belle élégance à l'extérieure : franc bord discret, lignes douces et roof effacé.

Le Kelt 8,50, lui se démarque, avec son étrave volumineuse, sa voûte rasante et roof court.

Départ sous SPI direction la Teignouse, sous un force 6. Un bord de largue que permet de constater que nos mousquetaires se tiennent de très près en vitesse.

Tout devient plus compliqué au moment de l'affalage du SPI et faire demi-tour : réduire la toile et border pour tirer des bords. A ce jeux, c'est le First 29, grace à sa raideur à la toile, qui s'en sort le mieux. Il est le seul à avoir pu garder sa grand voile.

2ème jour :

Brise fraîche et route à 90° du vent.

Le Kelt, très à l'aise au débridé, a de belle accélérations. Le Gib'Sea 84 fait belle impression en tenant sa grand voile haute et son génois inter. Sous toilé au début avec son petit foc, le Feeling se rattrapera par la suite en renvoyant toute sa grand voile dans le vent qui adonne un peu.

C'est sous plus de 7 noeuds de moyenne depuis la Trinité que les bateaux arrivent en vue du passage des Béniguets.

Mouillage à Houat pour la pose gastronomique.

Il y a tout ce qu'il faut à bord : réchaud 2 feux, rangements et plan de travail.

Direction, Belle île, le port du Palais, sous SPI au vent arrière. Le bord est rapide, 7,5 noeuds de moyenne. Et il faut bien décréter un match nul à l'arrivée : tous arrivent bord à bord au Palais.

Lendemain matin, givre au réveil et louvoyage sous un vent qui a un peu molli, ce qui permet de renvoyer de la toile, direction Houat et Hoedic.

Le First se détache du paquet, faisant preuve d'une remarquable sous grand voile et génois. Il va vite, fait du cap et devra attendre ses suivants.

Ceux-ci ne sont pourtant pas des manchots. L'Arcadia s'accroche, suivi par le Kelt et le Feeling qui jouent au chat et à la souris. Sur le bord ou le clapot est le plus gênant (de face), le Feeling grignote son voisin, lequel reprend du large sur l'autre bord plus "roulant". Moins à l'aise le Gib'Sea perd du terrain.

Après une pose sous le vent des îles, retour au Crouesty toujours sous louvoyage.... et résultat sensiblement identique à l'arrivée.

Retour sur le continent, qui donnera lieu à un essai audacieux : dîner à douze dans le même carré !

Le Crouesty - Arzal : redoux, pluie et brume....

Dans le chenal, le ciel se dégage et la brise de suroît attendue rentre brutalement. Un bord de largue pour parer la pointe du Grand Mont, et c'est l'envoi du SPI vers le fond de l'estuaire. Les bateaux se tiennent bien, et il faudra attendra que le vent mollisse pour voir le Gib'Sea décrocher doucement tandis que l'Arcadia-fort de son allongement de voilure-prenait la poudre d'escampette.

C'est dans la brume et au moteur que vont se faire les derniers miles de cette ballade, passage de l'écluse et arrivée au port d'Arzal.

Plan de pont, gréement, accastillage, cockpit.

Sur le pont, les cinq voiliers exploitent bien l'espace offert pour leur programme croisière. Certaines options accroissent le confort en mer et au port. Seuls quelques détails sont critiquables.

Hormis le Kelt 8,50, tous la bateaux ont un roof en sifflet. Ce point excepté, les cinq voiliers profitent avec bonheur des efforts effectués ces dernières années sur l'amélioration du confort en mer et au port.

Les cockpits sont généreux, les passavants sont bien dégagés, les manoeuvres renvoyées sur le rouf facilement accessibles.

Les cinq voiliers ont offert un accastillage correctement dimensionné et un plan de pont bien dégagé.

Tous les balcons avant sont équipés de feu de route, des tubes paraissent plus solides (Feeling, Arcadia Gib'Sea).

Les ferrures d'étrave en inox sont équipées d'un davier à réa et de deux chaumards anneaux permettant une bonne tenue des amarres.

Les points d'amure sont équipés d'un mousqueton rapide (Kelt 8,50, Feeling et Arcadia).

Tous les bateaux possèdent deux taquets d'amarrage solides.

Les bailles à mouillage sont bien dimensionnées.

Tous les bateaux sont équipés d'un panneau ouvrant avec une dorade d'aération intégrée.

Les antidérapants, maintenant intégré dans le moule, semblent efficaces avec toutefois une moins bonne adhérence sur le pont du Feeling 850, ou les surfaces ne sont plus très arrondies.

Gréement :

En ce qui concerne les sorties de drisses, tous les voiliers ont réussi à rendre les manoeuvres claires et pratiques. La plus part des manoeuvre sont renvoyées au cockpit, en particulier les drisses de génois, spinnaker, les hâles-bas, et balancine de tangon. Sur le Feeling 850 et le Gib'Sea, le hâle-bas de bôme est lui aussi renvoyés au cockpit, alors qu'il est équipé d'un palan bloqueur au pied de mât sur les autres bateaux. Tous les roufs sont équipés de bloqueurs à came efficaces pour les drisses, de clam-cleat et de taquets en sifflet pour les autres manoeuvres.

Les surfaces de voile étant similaires, les profils de mât sont semblables, mais le haubannage diffère sur chaque bateau. Le Feeling 850 à opté un profil France Mâts maintenu par un étage de barre de flèche, deux galhaubans et quatre bas-haubans (2 avant et 2 arrière).

Seul le Feeling 850 possède une bonne sortie de drisse avec une poulie extérieure à émerillon maintenue par une pantoire en tête de mât.

Toutes les prises de ris et l'étarquage de la bordure s'effectuent au pied de mât sur un winch à une vitesse. Là encore, le Feeling 850 est le seul bateau ou les bloqueurs de ris sont efficaces et pratiques, grâce à des cames prolongées par un manche et maintenues au repos par un élastique.

Cockpit et accastillage :

Trois bateaux (Arcadia, Feeling 850 et Gib'Sea 84) ont opté pour un cockpit en U puisque les bancs se prolongent par un capot devant la barre franche. Sous ce capot vient se placer le canot de survie, ainsi que la bouteille de gax sur le Feeling 850. On peut toutefois regretter que la protection de celle-ci reste succincte et le détendeur risque de s'oxyder avec le temps.

Le confort général de tous les cockpit paraît satisfaisant et cinq personnes peuvent y prendre place au port sans se bousculer. Seul le Feeling 850 a équipé les sièges du cockpit de lattes en bois qui, outre l'aspect esthétique, ne retiennent pas l'eau.

Le confort en mer n'est, par contre, pas toujours excellant aux allures de près. En effet, le barreur, n'est pas très bien positionné au vent quand le bateau gîte sur l'Arcadia et le Feeling 850. Coincé entre le winch d'écoute et la poulie de renvoi, le dos du barreur, s"appuie mal contre les filières.

Kelt 8,50, Arcadia et Feeling 850, sont équipés de winches Barbarossa à deux vitesses pour les écoutes de génois et la drisse de grand-voile, génois (n°15), à une vitesse pour la drisse de spinnaker (n°6) et les bosses de ris.

Hormis le Gib'Sea 84, tous les voiliers disposent d'un ridoir à volant permettant le réglage du cintre du mât et la tension de l'étais.

Tous les voiliers sont équipés d'un stick sur la barre franche.

L'ensemble des bateaux est fourni avec une barre d'écoute, indispensable dans cette taille de voilier. Celle_ci est placée devant la descente sur un méplat du cockpit.

Deux gros taquets d'amarrage sont fixés sur le plat bord arrière, mais l'Arcadia et le Feeling 850 ne sont pas équipés de chaumard.

Sur les quelques divergences observées au niveau du plan de pont et du cockpit entre les cinq voiliers testés ne sont pas très importantes.

Les Arcadia et Feeling 850, ont une conception qui s'avère plus axée sur la croisière rapide et la régate.

Emménagements :

Du volume, de l'air, de la lumière. Finis les espaces clos, les couleurs sombres. Tout est fait dans ces 8,50 m, pour rendre la vie agréable, au large comme au mouillage ou au port.

Poste avant : espace ou intimité.

Les chantiers Kelt et Kirié ont délibérément opté pour le lis clos. Il suffis d'un coup d'oeil à partir de la descente pour apprécié la sensation d'espace. La cloison de séparation a été largement échancrée dans le Kelt, un peu moins dans le Feeling, mais, à moins de fermer le rideau, le volume avant s'ajoute sans discontinuité visuelle à celui du carré pour procuré l'impression d'un bateau beaucoup plus grand, si on compare, entre autres, à des coques de neuf ou dix mètres datant de quelques années. A leur décharge, le lit clos du Feeling n'offre aucun équipet autre que des coffres sous les matelas.

Carré : le style canapé.

Avec la généralisation des cabines arrière, le carré semble avoir toujours abandonné une des ses fonctions principales, à savoir fournir au moins deux couchettes pour la nuit. Il s'est transformé maintenant en pièce de séjour, à volonté salon ou salle à manger. La majorité de nos constructeurs ont adopté un banquette en U tournant le dos à l'étrave et entourant une table fixées sur l'épontille de mât. Le style canapé domine, avec des dossiers inclinés et des coussins matelassés pour pouvoir passé des heures assis sans courbatures.

Kelt et Feeling 850 se partagent la palme du confort.

Dans ce style de carré, la table de repas joue un rôle important. Etant donné que les occasions d'aller à l'avant sont rares, il était tentant, pour simplifier, de fixer son plateau de manière inamovible comme l'avait fait le chantier Kirié. Mais les clients n'ont pas apprécié l'impossibilité de dégager un couloir pour accéder plus facilement au lit clos, et le Feeling 850 aura bientôt une table rabattable.

Pour éviter des recherches pénibles aux équipiers assoiffés, le bar du Gib'Sea 84 se situe dans la cloison du poste avant à bâbord, celui du Feeling 850 se cache dans le vaisselier sur la cuisine.

Cuisine : pas de gîte.

Cuisine en L sur nos cinq bateaux, à coté de la descente.

Les plus sont nombreux, la nouveauté la plus marquante étant l'installation d'un égouttoir étroit et profond complétant le bac à évier sur le Feeling et le Kelt 850. Dans l'ensemble ces deux bateaux présentent les cuisines les plus fonctionnelles, mis à part l'absence de main courante qui rend impossible toute utilisation à la gîte.

Kelt, Feeling et First ont adopté le principe des tiroirs, très pratique pour ne pas avoir à fouiller à quatre pattes dans les placards.

Tables à cartes : l'essentiel.

Le Kelt 8,50 a, lui aussi, adopté le fourre-tout en guise bibliothèque, mais la table à carte est très épaisse et contient un grand casier pour les accessoires. Comme dans le Feeling, le navigateur n'est pas gêné aux entournures, ce qui

n'est pas le cas sur les autres modèles.

Les tables sont Horizontales, ce qui permet de travailler facilement debout dans l'allée.

Cabines arrière : adieu cercueil.

Avec l'avènement de la cabine arrière, nous saluons la disparition de la fameuse couchette de navigateur, le plus souvent baptisée cercueil, qui bien souvent, permettait à peine de se retourner. Par comparaison, n'importe quelle cabine arrière apparaît comme un palace.

Toilettes : "petit coin".

L'aménagement des compartiments toilette relève de la gageure dans tous les bateaux, en dépit des acrobaties pour caser un WC, un lavabo avec son miroir, un meuble de rangement et une penderie à ciré dans deux mètres carré surplombés en partie par le cockpit et le passavant.

Descente : retour aux portes.

Une bonne descente n'est pas seulement l'apanage des bons marins, mais aussi des bons bateaux.

Dans le Feeling, les marches sont larges et revêtues d'un bon antidérapant, mais les deux poignées vraiment petites.

Quelques cotes :

Performance et comportement.

Embarqué sur le Feeling 850, je goûte avec plaisir aux agréments d'un foc autovireur. Il n'y a cas pousser la barre et s'asseoir au vent, le tour est joué !

Compte tenue de l'orientation du vent, on repoussera à plus tard les premières escarmouches au louvoyage et envoyons le spi direction Quiberon. Avec 15 à 20 noeuds de vent réel, ça pulse au portant ! Assis dans le cockpit, la barre reste étonnamment douce, une vague par le travers, un petit coup sec, hop ! L'étrave dévale la pente, le Feeling accélère et lève de belles moustaches.

Tout ce petit monde va bien, à bord du Feeling le speedo ne descend quasiment jamais en dessous de 7 noeuds. Impression générale : on en vient à regretter que ces deux half-tonners en puissance que sont le Feeling et l'Arcadia aient la queue coupée, ils iraient plus vite.

A bord du Feeling, Eric se plaint que le foc soit un peu long en bordure. A la barre, j'éprouve en effet quelques difficultés à me maintenir sur le meilleur rendement cap/vitesse. Une risée ou une vague, le Feeling accuse alors une gîte excessive et il ralenti par rapport au First 29, qui sur notre vent, puis au vent, taille sa route imperturbable à bonne allure. Le Feeling montre son coté sportif, c'est à dire une plage étroite d'équilibre, qui nécessite de préférence du monde au vent et un Foc Solent mieux couper pour en tirer le maximum.

Au près serré, le First remontait allègrement la flotte et ralliait les Béniguet en tête. L'Arcadia venait ensuite, régulier, susceptible d'effectuer le meilleur cap de la flotte mais concédant un écart de vitesse face au 29. Derrière le Feeling, apparemment plus pointu en réglage, trouvait une progression satisfaisante après avoir pris un ris dans la grand voile et faisait jeu égal avec le Kelt.

Au passage des Béniguet, toute la flottille se regroupait sous un méchant clapot, direction port du Crouesty. C'est à dire au près serré sous 15 noeuds de vent. Autrement dit, tout le monde a grand voile haute, sauf le Feeling qui garde son ris.

Puis vent arrière, 10 à 15 noeuds de vent réel, les 8,50 filent gentillement cap à l'Est. Le trio Arcadia-Feeling- First 29 se tient dans un mouchoir de poste. Quand le vent mollit, peu avant l'embouchure de la Vilaine, le Jeanneau et le Kirié, plus léger que le First 29, creusent un écart de quelques longueurs. Puis le plan Castro, dont les formes arrières sont plus fines que celles de ses concurrents, prend le large tiré par son grand Spi.

Un programme, une option.

Comme nous l'avons déjà mentionné, le Feeling et l'Arcadia font directement appel à la compétition.

Les deux voiliers, nous l'avons vu, ne cachent pas leur tempérament sportif et s'adresse donc à une clientèle, certes de plus en plus nombreuse, sensible à cette spécificité.

Conclusions sur le Feeling 850.

Un intérieur qui donne envie d'y passer du temps ! La finition du Feeling n'est pas seulement soignée, elle a en même temps le mérite de sortir de l'ordinaire. On ne voit guère en tous cas de contre-indication à ces emménagements qui s'avèrent sympathiques dans les parties communes comme dans les couchettes. En mer, le bateau demande à être bien réglé pour être compétitif au près dans la brise, revers d'une certaine tendance régate dans sa conception et d'une raideur à la toile modérée. La barre se révèle en revanche agréable, quoique le barreur ne soit pas toujours bien calé à la gîte. Avec sa réputation de bateau performant dans les vents médium et léger, Le Feeling n'a pas trouvé là ses conditions favorites. Un détail agréable dans le cockpit : les lattes de bois sur les banquettes.