Le clocher : symbolique ornementale
LE CLOCHER DE L'EGLISE DE BREZOLLES :
SYMBOLIQUE ET SIGNES CACHES.
L'église Saint Nicolas de Brezolles fut classée Monument Historique le 15 novembre 1913 (N° notice PA 00096983) pour l'intérêt en particulier de son clocher édifié à la charnière du Moyen-âge et de la Renaissance. Cinq siècles après sa construction, il faut constater que nous avons largement perdu les clés de la connaissance de tous ces symboles et inscriptions que nous voyons sculptés ou gravés dans la pierre. Le sculpteur a-t-il voulu délivrer un message dont la symbolique s'est perdue ou s'est-il offert un morceau de bravoure sans autre pensée que de réaliser un chef-d'œuvre. La signification de ces oeuvres est tombée dans l'oubli et est surtout très éloignée de notre culture. Nous allons évoquer quelques points particuliers, le sujet étant trop vaste pour le cadre de ce bulletin.
Nous commencerons par le commanditaire avec ses motivations, puis nous évoquerons le maître d'œuvres, chef d'orchestre pourvu d'un certain degré de liberté d'action, enfin de l'artisan majeur qu'est le sculpteur. Nous terminerons avec quelques exemples tirés des sculptures à représentations végétales et animales, aux monogrammes et aux graffiti.
LE COMMANDITAIRE : fortune et impulsion divine
Le coût d'un tel chantier ne pouvait être supporté par le seul seigneur local (la famille Mellicourt) ni par le prieuré. Il s'agissait d'agrandir l'ancienne église ruinée par cinq siècles de diverses agressions (guerre de Cent ans, etc.) et de lui donner un aspect moderne et imposant, c'est à dire gothique. Or Brezolles est sous l'apanage royal par la famille des ducs d'Alençon. Profitant d'une nouvelle période de prospérité, René 1er d'Alençon initie la reconstruction de l'église Saint Léonard à Alençon et peut-être celle de Brezolles. Il meurt en 1492 et sa veuve Marguerite de Lorraine âgée de trente ans régente alors le duché (son fils n'a qu'un an). Elle obtient du roi la tutelle de ses enfants mineurs pour se consacrer entièrement à l'administration de ses terres et à des activités dévotes et spirituelles.
« Nostre tres-devote Princesse employoit la meilleure partie de ses jours à lire la vie des Saints, et avoit une particuliere devotion à celle des Martyrs et des Vierges, et des Saints et des Saintes qui sont estimez pour leurs aumosnes et liberalitez ... »
« Souvent on la voyoit à Mortaigne, à Alençon, et à Argentan et dans les autres villes qui luy appartenoient, donner l'aumosne aux pauvres miserables, les voir disner, se ceindre d'un tablier, porter de ses deux mains, tantost les plats pour donner à manger, tantost les emplastres et le bandage pour penser les playes de ces pauvres malades dans les Hospitaux. »
« Si je ne craignois de passer les bornes d'un Eloge, je décrirois icy au long les actions charitables de cette Princesse vers les pauvres affligez de maladies qui sembloient incurables, qui sont plus admirables qu'imitables ; comme de baiser les ladres, servir ceux qui estoient detenus de maladies les plus hideuses et abandonnées, jusques là mesme de leur tirer les vers et les ordures des jambes. Ses exercices plus ordinaires estoient de marier les pauvres filles, nourrir les orfelines, et acquiter les debtes des veuves necessiteuses. »
Marguerite de Lorraine fit plusieurs fondations religieuses de l'Ordre de Saint François (Alençon, Mortagne, Argentan) et donna aux Cordeliers de Sées une portion de la vraie Croix. On lui attribue ainsi le renouveau de l'église de Brezolles et le retour à la prospérité. En 1517, elle se retire dans la maison des clairettes d'Argentan après avoir remis à son fils l'administration de ses biens Elle y prononce ses vœux en 1520 et n'y sera appelée que sœur Marguerite, en ne prenant d'autre emploi que celui de laver les écuelles et de servir l'infirmerie. Elle meurt en 1621 d'hydropisie de poitrine et laisse le souvenir de quelques miracles faits non seulement de son vivant, et, dit-on aussi, depuis sa tombe. Elle fût béatifiée par le pape Benoît XV en 1921.
Nous reviendrons plus loin sur les signes visibles aujourd'hui sur l'église qui les relient au duché d'Alençon.
Au Moyen-Âge, les maîtres d'œuvres (magistri operis) étaient sans doute au départ des moines spécialisés dans la construction. Par la suite ce seront des laïcs ; ils ne sont plus tenus par les ordres monastiques : ils donnent des plans, passent des marchés d'entreprise et se développent en corporations, voire en confréries maçonniques. Aux XIVè et XVè siècles, les maîtres d'œuvres perdent de leur souveraineté : chaque corps de métier prend sa place (charpentier, tailleur de pierre, vitrier...). Le maître d'œuvres devient alors architecte, décideur de l'harmonie générale de l'entreprise.
René d'Alençon
Marguerite de Lorraine (1463-1521)
C'est le cas de Clément 1er Métezeau (1479-1555) architecte célèbre pour ses travaux à Dreux (Hôtel de Ville, église St Pierre) et sans doute l'église de Blévy (en 1500). On ne connaît pas l'architecte du clocher de Brezolles, même s'il y a des similitudes troublantes avec Verneuil dont René 1er était aussi le seigneur (église de la Madeleine construite entre 1470 et 1520) et d'autres églises.
LES SIGNES CACHES
L'église de Brezolles, initialement dédiée à St Germain par les premiers seigneurs change de nom et s'appelle désormais St Nicolas, qui est le patron de la Lorraine. Marguerite, fille de Ferry de Lorraine, comte de Vaudémont, aurait choisi ce saint qui se distinguait au début du IV ème siècle par sa grande générosité et son humanisme. Ces mêmes qualités ont largement été mises en pratique par Marguerite. On retrouve aussi un vitrail de St Nicolas à St Pierre de Dreux.
Des chardons sont sculptés autour d'une fenêtre sud du clocher. De plus ce sont également des chardons en métal qui ornent le sommet du toit du clocher. Cette plante a souvent inspiré les sculpteurs gothiques de par sa complexité. Mais le chardon est aussi un des symboles lorrains, comme en témoigne le blason de la famille de Lorraine. La légende du blason est célèbre: «Ne toquès mi, je poins» (ne me touchez pas, je pique) qui devient par la suite « qui s'y frotte, s'y pique! ». Le chardon et la devise figurent en bonne place sur le blason de la ville de Nancy.
La devise choisie par Marguerite de Lorraine depuis son veuvage est : «VANITE DES VANITEZ, ET TOUTES CHOSES VANITE». Cette devise fut l'objet de profondes pensées et dicta ses actes. Elle méprisait les honneurs, les faveurs, les plaisirs fugaces et préférait embellir son âme plutôt que son corps. Ce crâne n'est-il pas là pour le rappeler? (voir aussi le crâne sur le portrait de Marguerite de Lorraine.)
LES SCULPTEURS : du roman moralisateur au gothique débridé
La sculpture apparaît en France à la fin du XI ème siècle. La tradition des arts antiques, souvent perdue, s'est parfois perpétuée dans le sud. Le prodigieux développement de l'ordre de Cluny favorise une remarquable école de statuaire et d'ornement. Les établissements clunisiens disséminés en Europe et en Orient drainent et relancent un véritable mouvement d'art. Au départ, les lieux de culte sont ornés de peintures et sculptures « éducatives ». Les sculptures sont alors très parlantes pour les foules analphabètes car chargées de symboles. Cet art reste cependant en retard sur l'évolution de l'architecture ; les premiers édifices gothiques ont une sculpture pleinement romane.
Les végétaux
Une des conséquences de l'influence des croisades sur l'ornementation est le naturalisme : la flore locale influence la décoration, tout comme en Orient (le style byzantin notamment). L'art gothique ignore en général la sculpture ancienne et puise ses modèles dans la nature. Les fleurs symbolisent la promesse des moissons. Les feuillages gothiques sont copiés sur les plantes des contrées où sont construits ces édifices. La flore gothique est faite de plantes de plus en plus découpées et moins pleines (comme le chardon) alors que le feuillage roman, plus stylisé, reproduisait des types conventionnels antérieurs : romains, orientaux, etc. Les quatre-feuilles , les rosaces à quatre pétales, les fleurs crucifères sont dérivés de tracés géométriques plutôt que de formes végétales. Les feuillages romans sont souvent traités en frise de gouttière.
Ci-dessous: feuille de chêne. Cet arbre symbolise la force et la sagesse, et signifie aussi persistance et qualité. Il fait partie des bois justiciers et bénéfiques.
Les animaux
La zoologie mystique partage les animaux en mondes et immondes, qui évoquent soit des vertus, soit des vices, classant ces espèces en personnages célestes et d'autres en démons. Le sculpteur gothique, artiste obéissant exécute les personnages dans les normes imposées, mais se rattrape sur les animaux qu'il peut, contrairement à l'homme, déformer et loger autour des piliers, sous les voûtes, jusqu'à l'extrémité des chenaux.
LE SYMBOLISME
Le symbolisme des sculptures n'est pas seulement chrétien ; il empreinte à d'autres cultures d'où la difficulté qu'il y a à la décrypter. Chacun interprètera l'image qu'il perçoit et en donnera un sens différent selon son savoir, sa foi, sa compréhension. Ces monstres venus de la nuit des temps, figés dans la pierre, menacent des affres de l'enfer le pécheur fourvoyé dans les multiples voies du vice, mais protègent les lieux sacrés, car ils sont si hideux qu'ils font peur au diable lui-même. Le spectateur de cette époque n'est pas effrayé par une gargouille mais a suffisamment d'imagination pour se représenter l'horreur du péché.
Ces monstres, ces dragons, ces animaux hybrides ou fabuleux trouvent leur origine lointaine chez les égyptiens, les grecs puis les romains. Malgré les invasions barbares, la religion officielle reste le christianisme et le monstre des païens devient l'incarnation du diable. Après le XIII ème siècle, les monstres s'émancipent de l'enfer et deux siècles plus tard volent de leur propre ailes pour orner les édifices. Les monstres sont apprivoisés et deviennent des animaux de fantaisie, avatars d'une nouvelle mythologie païenne, et non plus des créatures du bestiaire infernal.
Au Moyen Age, le symbole se construit presque toujours autour d'une relation de type analogique, c'est-à- dire une ressemblance entre deux objets, deux notions, ou encore une correspondance entre une chose et une idée. Cette pensée analogique permet d'établir un lien entre un élément apparent, du monde d'ici-bas et quelque chose de caché, parmi les vérités de l'au-delà. Il faut toutefois se méfier de la symbolique d'un élément végétal, animal ou autre de par son ambivalence : les interprétations sont souvent contradictoires. Presque tous les animaux sont dotés d'une double dimension symbolique et peuvent être pris en bonne ou en mauvaise part.
EXEMPLE : LA GARGOUILLE
Dans la religion catholique, le mal était le pire ennemi ; il fallait un moyen d'éloigner celui-ci des églises. C'est le but des gargouilles de faire fuir tout esprit malin, et de devenir alors les gardiens du bien. Leurs aspects terrifiants n'étaient visibles en fait que pour rappeler à l'hérétique, au non chrétien, aux ennemis de Dieu que la protection divine est sur le bâtiment. A la fin de la période gothique, la gargouille perd parfois sa fonction première qui est l'évacuation de l'eau de pluie. C'est le cas de la gargouille du pilier de la façade ouest du clocher de l'église de Brezolles. Elle est purement décorative et significative. Sa particularité est de regarder vers le côté, ce qui intrigue. Que regarde t-elle? Est-ce que son regard est orienté vers une ville ennemie? Le plus simple est de mesurer l'angle que fait son cou avec la façade, de corriger de trois degrés l'écart d'angle de l'axe (*) de l'église avec la direction est-ouest et de reporter cette ligne sur une carte. Cette droite ne traverse aucune ville particulière mais, oh surprise, s'aligne parfaitement avec le cours de la rivière Meuvette jusqu'à sa source. Faut-il voir là le hasard, une fantaisie de l'artiste ou une recherche de protection contre les aléas du débit de notre modeste et précieuse rivière dont on sait que le tarissement fréquent pouvait être inquiétant. Ce fait est relaté dans des écrits d'avant la révolution : les bétoires, failles naturelles du terrain près des Châtelets laisse l'eau s'engouffrer pendant les périodes de sécheresse.
(*) A parte concernant l'axe des églises. Les plus anciennes ne sont pas orientées. Plus tard le prêtre devait regarder vers l'orient pour accomplir sa consécration, d'où une façade tournée à l'est. Au V ème siècle, l'orientation contraire est référée : la façade est à l'ouest mais le prêtre tourne le dos à l'assistance. Ce sera une généralité en Gaule mais pas une nécessité absolue.
LE MONOGRAMME DU CHOEUR: deux mystérieuses lettres entrelacées.
La seule explication écrite concernant ce monogramme est celle proposée par Edouard Lefevre en 1852 :
« On remarque sur une partie de le frise extérieure, mutilée par des réparations mal entendues, les lettres D et C entrelacées, plusieurs fois répétées et entrecoupées de rosettes. Les lettres D et C signifient sans doute de Castro ou de Castello (du Chastel) ou dominus Castri, seigneur du Chastel, nom générique des seigneurs de Châteauneuf ; quant à la rosette, nous voyons par une charte de 1285, rapportée à l'article du prieuré de Brezolles, qu'elle entrait dans la composition du sceau dont se servait l'official de l'archidiacre de Dreux dans le doyenné de Brezolles. ».
Cette explication pourrait être satisfaisante si l'on considère qu'il s'agit des lettres D et C. Or si on regarde de plus près, on peut aussi bien lire P et C. La difficulté est de dater cette frise sculptée. Date-t-elle d'une réparation de l'église après les différentes destructions dues aux conflits : on connaît les incendies de 1151, 1159 et 1168. Une reconstruction a eu lieu en 1177. Le style des lettres est le même que celui retrouvé sur des enluminures de la fin du XV ème siècle.
Lettre D (à gauche)
Lettre P (à droite)
Dans l'hypothèse du monogramme PC, quelle signification lui donner : soit ce sont les initiales de la personnalité ayant décidé ou entrepris les travaux, soit une dédicace religieuse. Dans le premier cas, on ne retrouve aucun seigneur ni titre portant ces initiales à part peut-être les Comtes du Perche dont dépendait aussi Brezolles (en latin .........pertica). Dans le deuxième cas, si l'on consulte la liste des abréviations latines « P.C » (elles sont nombreuses), on peut obtenir :
P(a)c(e) c'est à dire paix. Pax ou pace orne souvent des sites religieux.
P(ax) C(hristi): paix du christ pour rappeler aussi que cet ouvrage (tout comme le château ou le village) a trop souffert des guerres et des pillages.
P(ieta) C(ausa) = cause pieuse.
P(ente) C(osta): La saint Nicolas d'été (Pentecôte) est une importante fête religieuse lorraine (d'où est issue Marguerite) symbolisant le retour du corps de l'évêque de Myre à Bari en Italie.
P(atres) C(onstruxerat)= construite pour le Père (Dieu).
Dans l'attente de nouvelles découvertes, nous ne retiendrons aucune hypothèse.
GRAFFITI ET GLYPTOGRAPHIE
L'étude des inscriptions, textes, dessins et dates gravés dans la pierre est parfois source d'informations sur leurs auteurs et le support.
Les dates
Je me suis amusé à rechercher les plus anciennes dates gravées dans le clocher parmi le fouillis de graffiti que l'on trouve dans l'escalier colimaçon et dans les étages.
Pierre gravée de l'entourage de la fenêtre ouest dans l'étage des cloches.
« IE ETE BATIS EN L AN 1131 ». Notez les marteaux de tailleur de pierre. La date est curieuse car nous savons que le clocher date de la fin du XV è siècle. Le tailleur a-t-il voulu rappeler que l'église primitive datait selon lui de cette année là ? Or le premier édifice remonte à environ 1050. La date de 1131 ne correspond à rien de connu par les textes et la pierre ne semble manifestement pas être un réemploi. La principale reconstruction date de 1177.
Suivent d'autres dates dont l'étude comparée avec les noms reste à faire. Elles s'échelonnent de 1631 à 2001.
L'inscription de la tour de guet, tout en haut de la face nord, à l'extérieur, n'est pas visible à l'œil nu d'en bas. Il est écrit « VRBAN » avec un N à l'envers puis LEFSNE et d'une autre inscription peu lisible, ABRAH, vraisemblablement ABRAHAM. Ces lettres n'ont pu être gravées que d'un échafaudage.
Ci-dessus: l'inscription gravée ressort davantage de nuit à la lumière rasante du spot. Jumelles indispensables.
Par chance on retrouve ce même prénom (VRBAIN) avec le nom (LECESNE) et une date (1631) dans le clocher (voûte fenêtre abat-son est). Reste à trouver qui était ce personnage.
A la même époque, en 1634, Abraham BARBIER a laissé sa trace (voûte fenêtre abat-son ouest). Notez les « A » en forme de compas (marque d'un compagnon ?) ; le « I » et le « E » sont confondus. Ces deux personnages étaient-ils des charpentiers ?
Signalons au passage le graffiti de notre photographe brezollien du début du XXè siècle célèbre pour ses cartes postales : FLAMICHAUT 1894. Il a, entre autres, pris des clichés du village du haut du clocher.
CONCLUSION
Sculpture intacte dans le clocher, à l'abri des usures du temps.
Comme on le voit, notre modeste église regorge de détails qu'il faut savoir regarder, même si leur signification nous échappe encore. Elle nous échappera de plus en plus car l'usure du temps rend ces sculptures et ces dentelles de pierre de moins en moins lisibles, car usées par l'eau de pluie rendue acide par le gaz carbonique, parfois explosée par la foudre, toujours rongée par les fientes des oiseaux, avec en plus un défaut d'entretien et des réparations parfois maladroites depuis quelques siècles. La Révolution a heureusement épargné tout l'extérieur, en partie à cause du fait que le gothique tardif exprimait davantage une nature exubérante et esthétique plutôt que des représentations purement religieuses pouvant être censurées.
Consultez aussi l'intégralité du texte de la vie de Marguerite de Lorraine dont j'ai tiré des extraits sur www.siefar.org . La ville d'Argentan dans l'Orne évoque de façon touristique Marguerite de Lorraine (voir notamment un vitrail de l'église St Germain à Argentan).
Jean-Luc JOUANIGOT
Article paru en décembre 2005 dans le bulletin municipal de Brezolles.
Visite du clocher de l'église Saint-Nicolas de Brezolles
Rappel historique
Depuis sa construction vers l'an 1060, l'église primitive de Brezolles (dédiée à Saint Germain) a subi quelques incendies (12è siècle) et des remaniements. On retrouve trace du clocher précédent l’actuel sous le toit de la nef sous forme d’une base en poutre. Il avait une section octogonale.
À la fin du 15è siècle, la paix est maintenant bien établie et le bourg s'est développé. Marguerite de Lorraine, seigneur de Brezolles entreprend alors de donner plus de magnificence à cette vieille bâtisse. La nef est alors agrandie de deux travées et un nouveau clocher s'élève dans un style que l'on appellera plus tard gothique tardif.
Le descriptif des sculptures et la symbolique des décorations extérieures du clocher ont déjà fait l'objet d'un article paru dans le bulletin municipal de décembre 2005.Voir aussi sur www.brezolles.fr). Rappelons que le clocher ainsi que les deux dernières travées sont classés Monument historique depuis le 15 novembre 1913.
C’est à travers une visite virtuelle de l'intérieur du clocher que nous allons découvrir l’intérêt architectural de la tour, que peu de brezolliens ont eu la chance de voir. En effet, l'accès des différents niveaux est périlleux et peu propice à une visite touristique.
Plan d'ensemble
La tour de section presque carrée (6,67 m du coté sud) repose sur une base élargie de 8,09 mètres de côté, aux murs épais de 165 cm au niveau du sol, munie à son angle intérieur d'un pilier, ouvrant ainsi son espace inférieur vers la nef. À propos, sachez que le deuxième pilier date du 19è siècle. Il a été rajouté lors du remaniement néo-gothique, très en vogue à cette époque, de l'intérieur de la nef. La tour est classiquement renforcée par deux contreforts sur chaque face et parcouru par des larmiers (moulure pour écouler l’eau de pluie).
Le clocher comprend quatre étages. Avant le premier étage, l’escalier donne, après 29 marches, accès au balcon, à mi-hauteur (environ 5 mètres). Si ce balcon en bois n'est pas d'origine, il y avait là un accès à la vue sur la nef par une porte décorée par des sculptures au-dessus du linteau. On peut supposer que cette porte pouvait être réservée à de nobles personnages pouvant ainsi assister aux offices de façon discrète, sinon distante. Sous le plancher du 1er étage se trouve un plafond en croisée d’ogive munis d’un orifice pour le passage des cloches, sans doute rajouté au 19è siècle (présence de briques).
L'escalier en colimaçon donne accès ensuite aux quatre salles constituant les quatre niveaux superposés dont le troisième abrite les cloches. Chaque étage est fermé par une porte.
L'escalier - la tour de guet
Comme dans d'autres clochers de la région, l’escalier en colimaçon accolé à la tour dans un volume octogonal (ici sur la façade ouest). Il n’est pas inclus dans l'épaisseur du mur, ni à l'intérieur. L'intérêt de ce procédé est de créer des ouvertures discrètes, plus pour observer que pour éclairer. L'ouverture la plus grande est au sommet à plus de 25 mètres du sol et orienté vers l'ouest (vers l'ancienne frontière anglo-normande). Cette fenêtre garde des traces d'usures causées par le halage de matériaux par des cordes. Cette tour de guet est couverte par un toit conique.
A noter: le seuil de l’escalier est plus bas de deux marches que le sol de la nef. Que faut-il en déduire? La tour a t-elle été construite avant la nouvelle travée, donc à distance de l'ancienne nef ? Ce qui supposerait que la façade primitive a été détruite après l’érection de la tour. Ce qui expliquerait la curieuse juxtaposition de la façade actuelle sur la tour. Les architectes de l’époque n’avaient pas forcément des plans de leur travail préliminaire. Même remarque concernant la dernière marche de chaque palier : le plancher des salles n’est pas au même niveau !
Note 2 : des marches sont cassées. Certaines furent réparées par le passé. Il en reste 2 qu’il faut enjamber !
Premier étage
Après avoir monté 29 marches (niveau balcon) puis 31, nous accédons à la première salle. Elle représente un volume d'environ 4,30 à 4.50 mètres de coté sur une hauteur de 5,30 mètres. Les murs sont épais de 94 cm. Le plancher est en grosse planche et garde les emplacements des passages de corde (disparues) pour actionner les cloches. Il en est de même au plafond. L’examen du plafond montre comment sont soutenues les poutres maîtresses.
L'ouverture côté sud est une fenêtre partiellement murée: un bon lieu d’observation …
À noter : sur le mur Est, une brèche révèle la structure de la maçonnerie. Les pierres de taille sont parfaitement assemblées sur les faces intérieures et extérieures du mur. Entre ces parements, se trouve un remplissage de mortiers grossiers à base de silex.
Deuxième étage
34 marches plus haut se trouve le deuxième niveau, semblable au précédent mais au plafond un peu plus bas (3,56 m.).
C'est à cet étage que se trouve sur la gauche une petite porte en fer de 1,36 m de haut. Il s'agit de l'accès à la charpente de la nef que nous explorerons une autre fois.
Autre particularité de cette pièce : une loge en bois qui hébergea longtemps le mécanisme d'horloge des pendules du clocher.
Le haut du mur n'est plus en pierre de taille mais en silex crépis. Les moyens financiers du commanditaire se sont-ils épuisés?
À noter : le plancher semble assez fragile par endroits. Ne pas s'aventurer !
Troisième étage : les cloches.
Pour visiter cet étage (après avoir gravit encore 26 marches), il faut éviter les heures pleines et les demi-heures ! Sinon, il faut s’attendre à subir le son tétanisant des cloches. Ici, le plancher semble relativement solide, entre les poutres maîtresses.
Dans cette pièce, on est frappé par l'importance du dispositif charpenté de soutien des cloches. Celles-ci, au nombre de trois, nécessitent une solide embase. Autrefois actionnées par des cordes, elles sont actuellement frappées par des marteaux à commande électrique programmé. Une pierre commémorative rappelle la date d'installation des cloches : « Monté les cloches le 14 jt 1895 G.BRIZON »
À partir de cet étage, on constate que la qualité de construction des murs est moins noble hormis les piliers d’abat-sons. Les murs sont encore épais de 90 cm. Aussi, il semble que la fin des travaux se soit terminée plutôt tardivement. En tout cas on ne trouve pas de graffiti datant du 15è ou du 16è siècle parmi les nombreux présents (mais le clocher était peut-être aussi mieux surveillé que par la suite). On observe aussi une différence de qualité de taille (et de matériaux) des marches d'escalier : plus on monte, moins la qualité prédomine.
Les abat-sons (planches orientées à 45° sur les fenêtres) limitent le champ de vision sur les environs.
Quatrième étage
Nous avons monté encore 30 marches. Cela fait un total de 150. Nous n'irons pas plus haut, à moins de monter dans la charpente impressionnante du clocher. Ici le plancher est très ajouré et vraiment pas accueillant. Il vaut mieux rester sur les bords et admirer le paysage par les petites ouvertures.
Il serait intéressant de dater par la dendrochronologie les poutres de la charpente qui est sans doute d'origine. On en saurait plus sur la date de la fin de la construction du clocher.
Conclusion
Une visite privée (sur autorisation) est toujours un moment fort : par la découverte de ce patrimoine, par les émotions qu’elle procure. On a la sensation de remonter le temps en observant les dates des différents graffiti. On change d’époque dès les premières marches et chaque pièce met tous les sens en éveil (froid/chaud, bruit/silence, oiseaux…). La plus grande prudence est requise surtout lorsqu’on aborde les planchers. Le temps a fait son œuvre d’usure mais la bâtisse est solide et mérite qu’on la respecte.
Nous envisageons d’aborder une autre fois la visite des combles de la nef qui réservent quelques surprises.
Jean-Luc Jouanigot
(jean-luc.jouanigot@orange.fr)
NB. Les mesures effectuées sur le site, de part leur difficulté, sont sans doute approximatives.