Radio France : ne brisez pas un service public qui marche ! 

Le gouvernement mène une réforme de l’audiovisuel public à toute allure, sans explication, ni concertation. Les équipes de la radio publique s’unissent pour alerter sur les risques d’affaiblir un média plébiscité par ses auditeurs dans une tribune, publiée par le quotidien "Le Monde" (à retrouver en intégralité en bas de page) et signée par 1448 personnels de Radio France, dont une centaine de "grandes voix".

Les premiers signataires : 

Frédéric Carbonne (journaliste "Le 12/14" - franceinfo), Nicolas Demorand (journaliste "Le 7/10" - France Inter), Sonia Devillers (journaliste Le 7/10 - France Inter), Guillaume Erner (producteur "Les Matins" – France Culture), Lionel Esparza (producteur "Relax !" - France Musique), Sonia Kronlund (productrice "Les pieds sur terre" – France Culture), Agathe Mahuet (journaliste, grande reporter et présentatrice - franceinfo), Rebecca Manzoni (productrice "Le masque et la plume" et "Totémic" - France Inter), Nagui (producteur "La Bande originale" – France Inter), Anne Orenstein (journaliste, présentatrice de l’émission "Bonjour Docteur" -  France Bleu), Laurent Petitguillaume (producteur "Le Mag’Loisirs" – France Bleu), Léa Salamé (journaliste "Le 7/10" – France Inter). 

Mais également : 

Aurélien Accart (journaliste "Le 5/7" - franceinfo), Sophia Aram (humoriste "Le 7/10" - France Inter), Michka Assayas (producteur "Very Good Trip" - France Inter), Juliette Arnaud (chroniqueuse, animatrice "Le Grand dimanche Soir" - France Inter), Claude Askolovitch (journaliste, Le 7/10 - France Inter), Ali Baddou (journaliste "Le 6/9" - France Inter), Marine Baousson (productrice "Jusqu'ici tout va bien" - France Inter), Dorothée Barba (productrice "Carnets de campagne" - France Inter), Lucie Barbarin (journaliste "Le 10/12" - franceinfo), Emmanuelle Baumgartner (directrice adjointe en charge des politiques Egalité, Diversité et Handicap- Radio France), Florent Beauvallet (programmateur musical - FIP), Carine Bécard (journaliste "Questions politiques" - France Inter), Adila Bennedjaï-Zou (productrice de documentaires sonores "Les Pieds sur terre" - France Culture), Alexandra Bensaid (journaliste, productrice "On n'arrête pas l'éco" - France Inter), Marie Bernardeau (journaliste - franceinfo), Charlotte Bibring (animatrice - FIP), Thomas Bidegain (scénariste, réalisateur, chroniqueur "Le Grand dimanche Soir" - France Inter), Sylvain Bourmeau (journaliste et producteur "La Suite dans les idées" - France Culture), Claire Briguet-Lamarre (journaliste "Le 5/7" - franceinfo), Caroline Broué (productrice "Les Bonnes choses" et "À voix nue" - France Culture), Marguerite Catton (productrice "La Question du jour" - France Culture), Philippe Collin (producteur "Face à l'histoire" - France Inter), Benoit Collombat (journaliste - Cellule investigation de Radio France), Camille Crosnier (productrice "Les P'tits Bateaux" et chroniqueuse "La Terre au Carré" - France Inter), Laurent Delmas (journaliste et critique de cinéma "On aura tout vu" - France Inter), Éric Delvaux (journaliste, présentateur des journaux de 13h et 19h du week-end - France Inter), Waly Dia (humoriste "Le Grand dimanche Soir" - France Inter), Djubaka (programmateur musical - France Inter), Mahaut Drama (humoriste "Le Grand dimanche Soir" - France Inter), Fabrice Drouelle (producteur "Affaires Sensibles", France Inter), Stéphanie Duncan (productrice "Autant en emporte l'Histoire" - France Inter), Alex Dutilh (producteur "Open Jazz" - France Musique), Catherine Duthu (journaliste "La Revue de presse internationale" - France Culture), Bruno Duvic (journaliste, correspondant de Radio France à Rome), Anaïs Feuga (journaliste, présentatrice du journal de 7h - France Inter), Hélène Fily (journaliste, présentatrice du journal de 19h - France Inter), Giulia Foïs (productrice "En marge" - France Inter), Luc Frelon (programmateur musical - FIP), Stéphanie Fromentin (France Inter), Julie Gacon (productrice "Cultures Monde" - France Culture), Hervé Gardette (producteur "L'Esprit public" - France Culture), Laetitia Gayet (journaliste, présentatrice "Bulles de BD" - France Inter), Yael Goosz (journaliste et chef du service politique "L'édito politique" - France Inter), Laurent Goumarre (producteur "Côté club" - France Inter), Laure Grandbesançon (productrice "Les Odyssées" - France Inter), Antoine Guillot (producteur "Plan large" - France Culture), Nora Hamadi (productrice "Sous les radars" - France Culture), Vincent Josse (producteur "Le grand atelier" - France Inter), Leila Kaddour (productrice "La Bande originale" - France Inter), Denisa Kerschova (productrice "Allegretto" - France Musique), Quentin Lafay (producteur "Les Matins du samedi" - France Culture), Jean Leymarie (journaliste et éditorialiste "Le Billet politique" - France Culture), Marine Laugénie (journaliste, présentatrice - France Bleu), Thomas Legrand (producteur "En Quête de politique" - France Inter), Marion L'Hour (journaliste "Le 6/9" - France Inter), Aurélie Luneau (productrice "De Cause à effets. Le magazine de l’environnement" - France Culture), Patricia Martin (productrice "L'heure Philo" - France Inter), Xavier Mauduit (producteur "Le Cours de l'histoire" - France Culture), Guillaume Meurice (humoriste "Le Grand dimanche Soir" - France Inter), Marie Misset (productrice "Jusqu'ici tout va bien" - France Inter), Matthieu Mondoloni (directeur de l'information - France Bleu), Alexis Morel (journaliste, présentateur du journal de 7h30 - France Inter), Mathilde Munos (journaliste, Le 5/7, France Inter), Matthieu Noël (producteur "Zoom zoom zen" - France Inter), Florence Paracuellos (journaliste, présentatrice du journal de 8h, France Inter), Frédéric Pommier (journaliste "C'est une chanson", le 13/14 - France Inter), Marjolaine Portier-Kaltenbach (productrice "le Club Jazzafip" - FIP), Catherine Pottier (journaliste - franceinfo), Philippe Randé (rédacteur en chef - Direction des Sports), Isabelle Raymond (journaliste, "L'invité éco" - franceinfo), Ali Rebeihi (producteur "Grand bien vous fasse" - France Inter), Marie Richeux (productrice "le Book Club" - France Culture), Clément Rochefort (producteur "Le Concert du soir" - France Musique), François Saltiel (producteur "Le Meilleur des mondes" - France Culture), Cyril Sauvageot (directeur adjoint - Rédaction internationale de Radio France), Dominique Seux (éditorialiste "L'édito éco" - France Inter), Mathilde Serrell (productrice et journaliste "Un monde nouveau" et "Nouvelles têtes" - France Inter), Claire Servajean (journaliste Le 18/20 - France Inter), Frederick Sigrist (producteur "Blockbuster" - France Inter), Fabienne Sintes (journaliste, Le 18/20, France Inter), Isabelle Sorente (romancière, chroniqueuse "Le Grand dimanche Soir" - France Inter), Nicolas Teillard (journaliste "Le 17/20" - franceinfo), Louise Tourret (productrice "Être et savoir" - France Culture), Faouzi Tritah (journaliste "Coffee Show" - Mouv’), Sylvain Tronchet (correspondant de Radio France à Moscou), Jean-Baptiste Urbain (producteur "Musique Matin" - France Musique), Charline Vanhoenacker (productrice "Le Grand dimanche Soir", "Bistroscopie" - France Inter), Zoé Varier (productrice "Toudou" et "In Utero" - France Inter), Mathieu Vidard (producteur "La Terre au Carré" - France Inter).

La liste complète de signataires

S'ajoutent à cette liste 70 journalistes en CDD, 30 journalistes pigistes ; ainsi que les signatures collectives de 113 musiciens membres de l'Orchestre national de France et 108 musiciens membres de l'Orchestre Philarmonique de Radio France, via leurs représentants. 

Le texte de la tribune 

Nous, journalistes, animateurs, producteurs, reporters, techniciens, réalisateurs, équipes de production et administratives, musiciens, personnels de Radio France... Nous, les artisans d’une radio de service public dont le rayonnement est unique en Europe... Nous refusons la fusion des différentes entreprises de l’audiovisuel public. Pourquoi le gouvernement orchestre-t-il ce mariage entre radios et télévisions à un train d’enfer ? Pourquoi faire voter cette loi sans concertation ? Quelle est la véritable nature de ce projet ? Nous posons ces questions, nous n’obtenons aucune réponse, si ce n’est de creux éléments de langage : « il faut renforcer l’audiovisuel public ». Mais, les radios de service public sont, en France, exceptionnellement fortes ! Nous ne craignons qu’une chose, c’est que le gouvernement n’affaiblisse une formidable réussite. Et même, la brise.

Les antennes de Radio France sont écoutées, chaque jour, par plus de 15 millions de personnes. Chaque mois, nous enregistrons 92 millions d’écoutes à la demande. En France, la radio publique est à la fois premier groupe de radio du pays sur l’hertzien et sur le numérique. Une popularité, doublée d’une exigence dont nous sommes immensément fiers et qu’il faut protéger à tout prix. Vous, auditeurs, publics de nos concerts et spectacles, contribuables et parlementaires, il est de notre devoir de vous alerter sur les dangers d’une union avec les autres entreprises de l’audiovisuel public qui peut virer à la casse.

"Vouloir fusionner tout l’audiovisuel public nous semble démagogique,
inefficace et dangereux"

Le risque est avant tout démocratique. Nous craignons pour l’indépendance de vos médias de service public, lorsqu’on nommera, pour cette super structure, un ou une PDG unique aux pleins pouvoirs. Rappelez-vous, la suppression de la redevance a été votée un été, quasiment sans débat. Depuis, le financement de l’audiovisuel public n’est plus sanctuarisé, donc plus garanti. Il ne faut pas placer les radios et télévisions publiques en situation de dépendance directe du pouvoir politique. Protégeons le pluralisme dont nous sommes l’un des piliers, alors que notre pays a plus que jamais besoin de discussions apaisées.

Ne laissons pas nos productions s’appauvrir. Vous risquez de voir toujours les mêmes visages, d’entendre toujours les mêmes voix vous délivrer les mêmes contenus recyclés indifféremment à la télé, à la radio et sur le Web. Ajoutez à cela, la volonté de déplafonner la publicité sur les antennes de Radio France et nous verrons les revenus publicitaires dicter nos choix de programmes et nos offres de podcasts. Or, c’est bien parce que nos critères ne sont pas ceux du profit, mais du service public que nous produisons 700 heures d’information par semaine et que nous développons des podcasts historiques, scientifiques, géopolitiques, sportifs et d’autres dédiés à la jeunesse, plébiscités par le public. A l’heure de la lutte contre le « tout écran », quelles autres radios peuvent en dire autant ?

Radio France est une incroyable machine à promouvoir la culture, mieux, la diversité culturelle. Nous consacrons 120 heures de programmes par semaine à la culture, nous diffusons 11 000 titres de musiques différents chaque année et 1 000 concerts. Chaque passage sur nous antennes, chaque partenariat, se révèle crucial pour les marchés du livre, de la musique, du cinéma et du théâtre... Or, sous prétexte de rationalisation, la fusion des télés et radios va conduire à la réduction de ces vitrines- là. C’est toute l’industrie culturelle qui en pâtira. Enfin, nous possédons à Radio France des joyaux, des orchestres et des chœurs dont la réputation dépasse nos frontières. Quel serait leur avenir une fois intégrés à un mastodonte de l’audiovisuel fusionné ?

Ne cédons pas aux arguments simplistes. L’idée qu’une fusion-absorption de nos médias, permettrait de faire des économies est un leurre. La création d’une entreprise unique coûte “un pognon de dingue”. L’harmonisation des statuts professionnels nombreux et complexes qui constituent chaque entreprise de l’audiovisuel public, la multiplication inéluctable des strates hiérarchiques à tous les niveaux, représente un chantier extrêmement lourd. La fusion des régions, en 2019, n’a pas fait baisser le budget de ces collectivités, au contraire. Qui peut croire à une fusion en un claquement de doigts ? Et qui garantit que nos antennes, nos contenus numériques et nos spectacles qui remportent un tel succès populaire, conserveront leur identité dans un nouvel ensemble dont nul ne sait dire à quel projet il correspond ?

Vouloir fusionner tout l’audiovisuel public nous semble démagogique, inefficace et dangereux. Nous sommes tous très attachés au travail de nos collègues de la télévision publique, avec lesquels certains d’entre nous produisent déjà des contenus au quotidien. Mais nul besoin de nous regrouper. Cinq anciens ministres de la Culture dénoncent l’absurdité de ce projet flou et précipité. "On va acheter un superbe immeuble, commente Roselyne Bachelot, qu'on va peupler avec un président qui aura une voiture de fonction" et "on mettra à feu et à sang" l'audiovisuel public. Mais nous en sommes convaincus, il n'est pas trop tard pour empêcher la mise en œuvre forcée d'un audiovisuel public au rabais.