Terrain expérientiel (2023)
Le concept de terrain expérientiel répond à une nécessité de clarifier des choix méthodologiques au regard de la distancitation du chercheur vis à vis de son objet d'étude. En effet, il s'git d'une réflexion visant à intégrer officiellement les compétences techniques ou d'ingéniérie des chercheurs dans le cadre des observations participante ou interprétative. J'ai créé et présenté ce concept de terrain expérientiel lors du colloque international Ludovia en 2023.
Références :
Gobert T. (2023a), Bien être et bien-être avec le numérique, le paradoxe de la continuité, Ludovia # 20, Ax-les-Thermes, 24 août 2023.
- (Présentation PPT sur demande) -
Gobert (2023b), « Urgence, quand les photojournalistes apportent l’expérientiel aux terrains empiriques », ouverture du colloque « L’urgence », Ghislaine Jay Robert, Thierry Gobert, Yves Chevaldonné (Dir), Perpignan, 24 novembre 2023.
Définition & extraits de textes (citations à utiliser)
"Il existe nombre de formes de terrains, qu'ils soient guidés par une approche monofactorielle, contrôlée, systématique, empirique ou naturaliste. L'image d'une étude scientifique pour la vox populi relève principalement des modèles mécanistes créés dans l'Antiquité et plus connus par les réalisations d'ingénierie de concepteurs comme Philon d'Alexandrie et de Byzance telles que le théatre automatique et l'hydraule. Il est a dérivé un crédit apporté aux visions positivistes où ce qui relève de l'expérimentation tant dans les études que dans les conceptions d'objets, doit pouvoir être contrôlé dans son intégralité (au mieux), chiffré et répétable (validité externe) (Gobert, 2023a #23).
Dans de telles conditions, la perception dite "qualitative", c'est-à-dire non quantitative est difficile à percevoir. Les entretiens ouverts, les observations naturalistes et participantes sont plus difficiles à comprendre car elles n'obéissent pas aux représentations habituelles, pourtant datées, elles-aussi, de l'Antiquité (Hypocrate). La difficulté réside notamment dans la distanciation du chercheur vis-à-vis de son objet d'étude" (Gobert, 2023a #24).
"Cette distanciation semble relativement aisée à mettre en oeuvre lorsque les travaux sont d'obédience positiviste du fait de la couche de technologie matérielle interposée entre les sujets et les chercheurs : recours aux statistiques, conditions standardisées, mécanisation ou informatisation, etc. En revanche, s'agissant des méthodes qualitatives, cette ségrégation semble moins apparente car la technique y est potentiellement moins visible, même si les équipes identifient des facteurs et leurs modalités, réfléchissent aux conditions d'observation et peuvent appliquer des grilles d'analyse systématiques (ou armées) au regard des concepts et des thématiques explorés (Gobert, 2023a #25).
C'est pourquoi elle fait débat. Anthropologues et consorts évoquent le recours à des techniques d'observation "participante" où il est admis qu'après un temps de familiarisation et de négociation, la présence du chercheur est acceptée dans la communauté étudiée sans qu'il ne parvienne, jamais, a se situer comme une "mouche sur le mur". On peut l'oublier momentanément mais il n'est pas invisible. Sa présence dans le hub social est conditionnelle ; il y existe un échange, même s'il n'est pas toujours clarifié. Participant à sa manière à la vie du groupe, avec ses différences, la monographie qu'il publiera (Rivière, 1997) ou filmera (Rouch, 1967), tentera de conserver une mémoire de ce qui aura été vécu ensemble (Gobert, 2023a #26).
Mais qu'en est-il de la question de la compétence technique du sceintifique au regard de son sujet d'étude ? Je n'évoque pas ici celle de son métier de chercheur mais plutôt de celles qui intéresseraient les sujets et lui permettraient par ailleurs de mieux comprendre ce qu'il voit. Ainsi, un instructeur aéronautique serait plus à même d'observer des pilotes lors du vol ; un ostéopathe identifierait plus aisément les manoeuvres d'un collègue avec ses patients. En d'autres termes, le chercheur, placé en situation de compétence technique, armerait son intégration dans la population étudiée et ses déductions d'outils pertinents (Gobert, 2023a #27).
Dans les sciences exactes, la question de la compétence ne se pose pas : elle est nécessaire. Lors d'un protocole médical, qui est une forme d'expérimentation, le savoir-faire du praticien est indispensable sans quoi la clinique est impossible à réaliser. En revanche, les sciences humaines exploitant des démarches qualitatives semblent cliver les pratiques à observer de leur démarche scientifique. La réalité n'est, certes, pas aussi tranchée. La répétition des études de terrain, quand elles existent, engendre l'aquisition de savoirs sur ces pratiques. C'est pourquoi je propose d'aller plus loin, en intégrant dans la méthodologie, une possibilité de réaliser des "terrains expérientiels". (Gobert, 2023a #28).
Un "terrain expérientiel" est une méthode d'investigation dans laquelle le chercheur bénéficie au préalable d'une compétence technique directement liée aux savoirs-faire qu'il observe ou décrit. Cette compétence d'expérience technique doit être être validée, même si elle a été acquise par familiarisation, par ceux qui la mettent en oeuvre ou leurs pairs. L'équipe scientifique, si elle est dépositaire de cette compétence, peut la certifier. Le terrain expérientiel facilite, entre autres, la mise en place d'un approche par tenségrité" (Gobert, 2023a #29).