A la découverte du Lauragais
Excursion du jeudi 15 juin 2023 organisée par Evelyne Bressoles
La Salvetat-Lauragais : une histoire en pointillé
Loubens : petite ville enrichie par le pastel
Saussens: une source miraculeuse
Ces trois villages appartenaient à la vicomté de Caraman. Ils font partie du "pays de cocagne" enrichi par la culture du blé, du pastel et le commerce du sel. Bertrand III de Lautrec en 1306 échange la moitié de sa vicomté avec tous ses droits à Philippe le Bel contre la seigneurie de Caraman et les 16 localités de sa juridiction. A cette occasion, la seigneurie de Caraman est élevée au rang de baronnie et vicomté. Très rapidement, Bertrand revendra la vicomté à Pierre Dueze banquier de Cahors et frère du pape d'Avignon Jean XXII. En 1477 Louis XI crée le comté de Lauragais dont héritera Catherine de Médicis (1519/1589) à la mort de sa mère Madeleine de la Tour d'Auvergne.
La Salvetat-Lauragais
l'église templière de La Salvetat-Lauragais : Evelyne Bressolles nous relate son histoire
Origine du nom
Concernant la Salvetat, le village acquis par les abbés de Moissac au cours des IX° et X° siècles s'appelle au départ Mons Corbellus, Mont des corbeaux (?) ou en forme de corbeille (?), une appellation d'origine antique romaine ou pré-romaine (cf. Michel Pastoureau). Le corbeau est un oiseau lié aux cultes païens, un oiseau protecteur, ou un phénomène géomorphologique ?
La vallée de la Vendinelle est romanisée (en témoignent les toponymes comme Albiac, Cambiac, Auriac pour lesquels l'abbé Baccrabère signale des gisements gallo-romains du 1° siècle après J.-C...) elle fait partie de la province de la Narbonnaise.
Christianisé, le lieu prend le nom de saint Martin de Mont Corbeil, Martin de Tours (316/397) est choisi comme saint patron de la dynastie mérovingienne et protecteur du royaume franc par Clovis. Son culte se développe sur les terres nouvellement prises aux wisigoths (bataille de Vouillé 506)
Au XII° siècle le site s'appelle la Salvetat du Saint Sépulcre.
Une salvetat ou sauveté est un village créé sur des terres appartenant à des monastères, des ordres militaires (Templiers, Hospitaliers), ou des évêques. Chaque sauveté dispose d'une franchise particulière, elle accueille les fugitifs et les errants qui y bénéficient du droit d'asile. Les sauvetés font partie de ces créations urbaines nouvelles avec les villeneuves et les bastides, créées lors des grands défrichements mais aussi pour fixer des populations ou les protéger des exactions seigneuriales. Ce phénomène urbain, commence en Italie s'étend à toute l'Europe chrétienne. Il fait suite aux conciles de la Paix de Dieu (Charroux en 990) et de la Trêve de Dieu. Il va du XI° au XIV° siècles suivant les endroits. Obéir aux injonctions des conciles de la Trêve de Dieu, c'est pour les chevaliers arrêter les combats à partir du mercredi soir jusqu'au dimanche, ne pas se battre ni pendant le Carême ni pendant l'Avent et surtout détourner la violence féodale vers d'autres lieux et contre d'autres personnes. La Paix de Dieu vise à protéger les hommes et les biens de l’Église, sous peine d'interdit ou d'excommunication.
Le Saint-Sépulcre est le tombeau vide du Christ à Jérusalem. Ce qualificatif rappelle le rôle des ordres religieux militaires pour la protection des pèlerins se rendant sur les Lieux Saints. A partir de la première croisade (1095-1099) qui se termine par la prise de Jérusalem et la création des États Latins d'Orient, la violence féodale est détournée, la guerre devient sainte et promet le salut (concile de Clermont) à tous ceux qui mourraient pour la défense des Lieux-Saints. L'ordre des chevaliers du Saint-Sépulcre est créé par Godefroy de Bouillon, c'est l'ordre qui récupèrera une grande partie des dépouilles des Templiers après leur condamnation. Pour autant, ne peut-on identifier le Temporal comme étant une maison monastique templière ?
Enfin, au XVI° siècle on trouve les traces d'un prieur qui disposerait sur la Salvetat de biens fonciers exemptés de taille. Le Temporal serait alors le temporel, revenu que le prieur tire de ses fonctions.
Aujourd'hui, la terminologie "Saint-Sépulcre" a disparu, au profit de "Lauragais". La Salvetat est dans les limites de l'ancien comté.
Le Temporal
Le Temporal, est un bâtiment monastique peut-être créé en même temps que la sauveté, au cours des XII° ou du XIII° siècle, durant la grande phase de défrichements et peut-être lorsque nait l'ordre des Templiers fondé en 1120 par Hugues de Payns, premier grand maitre d'un ordre dont les règles sont fixées lors du concile de Troyes en 1129. Ces "soldats du Christ", milice, installée dans les États latins d'Orient gagnés lors de la première croisade (1095-1099) ont besoin d'hommes, de chevaux, d'armes, d'argent. Il s'avère indispensable de créer des relais, des bases en Europe pour espérer maintenir les chrétiens en Orient.
L'histoire des Templiers est connue. Après les défaites militaires très coûteuses en hommes et la fin des États Latins, l'ordre n'a plus de raison d'exister. Cependant, il est très riche et puissant en Europe et en France. En 1308 le pape Clément V ordonne l'arrestation de tous les Templiers de la Chrétienté. Enfin en 1314 Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay sont brûlés comme hérétiques. Les biens du Temple sont confiés aux Hospitaliers, mais tout le monde en profite, le pape, les rois,des laïcs.
Une façade remaniée au XV°. La façade comprend des fenêtres géminées bouchées et une tour carrée au nord. On devine les restes d'un blason formé de 2 lions se faisant face et encadrant un blason hélas dégradé. Le lion remplace l'ours dans le blason à partir du XII° siècle. Le lion est l'animal paré de toutes les vertus chevaleresques (force, courage, générosité, justice). Il peut être dressé ou couché (vertical ou horizontal) la tête de face (léopard ) ou de profil. L'influence de l'art musulman (manteau du couronnement de Roger II de Sicile) dans la représentation de cet animal est avérée.
L'église Saint Éloi
Éloi est évêque de Noyon, financier de Dagobert, patron des orfèvres, des forgerons et des ordres militaires comme les Hospitaliers. L'église date des XVI° et XIX° siècles. Elle présente une curiosité: la "niche au lièvre" qui rappelle les paroles de Saint Martin quand le saint évoquait la difficulté d'être obéi des hommes alors que les animaux l'écoutaient (un chien cesse de poursuivre un lièvre). Le lièvre serait un symbole de Saint Martin.
Loubens
Petite ville de hauteur, emmuraillée, du "pays de cocagne" avec une halle, de belles maisons de marchands de pastel ,de blé , de sel... un château entouré de douves . Située sur les chemins de Saint-Jacques (voie d'Arles, tronçon Castres-Toulouse). C'est un passage stratégique entouré par quatre ruisseaux le Girou, le Peyrencou, La Vendinelle et le Gourdou. Loubens (616ha) est situé dans le canton de Caraman, l'origine de son nom est un anthroponyme germanique avec le suffixe -ens.
Historique
Site propice à une occupation très ancienne (paléolithique) sur les terrasses du Girou. Les Romains ont laissé également des traces de chemins cadastraux et d'occupations diverses. De la période médiévale subsistent les bases d'une motte castrale et d'un village peut-être construit par Guillaume de Loubens compagnon d'armes du comte de Toulouse Raimond IV. Soupçonnés de complaisance vis-à- vis des cathares et de leur d'adhésion à l'hérésie, les seigneurs de Loubens sont dépossédés de leurs biens en 1297. En 1306, la seigneurie de Loubens passe du domaine royal au domaine des vicomtes de Caraman. En 1389, Hugues de Caraman possède haute et basse justice pour Loubens.
On retrouve Loubens sous la Révolution: 1794 obligation d'abattre le clocher de l'église; 1799 le citoyen Salvat est fusillé par les contre-révolutionnaires pour ne pas avoir crié "vive le roi"
Motte (XI°) et moulin (XVIII°)
Le moulin de Loubens est posé sur la base d'une motte castrale. Cette ancienne fortification (950-1050 environ) était en relation avec un réseau de mottes identiques: Albiac, Caraman, Auriac, Francarville. La fortification rappelle les fortifications anglo-normandes comme celle de Gisors. A l'origine, une tour en pierre ou en bois entourée d'une palissade et d'un fossé caractérisent ces lieux fortifiés ancêtres des châteaux.
L'église Notre-Dame de Montbrun
Façade: la tour carrée portant le clocher est antérieure à la construction de l'église. Elle comprend une chapelle au rez-de-chaussée dédiée à saint Martin, saint Côme et saint Damien, deux autres salles au premier et second étages desservies par une tour saule contenant un escalier de bois.
Intérieur: C'est dans cette église que se trouve la plus importante représentation de saints de tout le Lauragais dans une ornementation réalisée par le peintre Régis Vialaret (1921/1992) connu également pour les fresques de l'église de Cadoul.
saint Dominique (marbre de l'autel): Le dessus de l'autel historié, représente la Vierge Marie tendant le rosaire à saint Dominique, fondateur de l'ordre des dominicains. Il dispute contre les cathares notamment à Caraman en 1206. de l'autre côté une représentation de saint Bernard de Clairvaux recevant de la Vierge une étole (Bernard de Clairvaux (1090-1153) fut un grand prédicateur, il laissa 340 sermons).
une représentation de Saint Isidore patron des laboureurs, des fermiers et des moissonneurs.
les quatre cavaliers de l'Apocalypse par Vialaret : on les distingue par la robe des chevaux. Le destrier blanc représente la mort, le cheval rouge feu, la guerre, le cheval noir la famine, le verdâtre la peste.
Une fresque représentant le curé Laballe et le Carillonneur Isidore Trantoul qui a sonné les cloches 3 fois par jour pendant 50 ans. Fresque réalisée par Vialaret en remerciement de leur accueil.
Une bannière de procession: Elle représente la Vierge. Elle montre la force et la richesse de la cité lors des processions.
Un reliquaire de sainte Germaine de Pibrac: relique dans la chapelle qui lui est dédiée, c'est un morceau de bois de l'escalier sous lequel elle dormait.
Le petit reliquaire contient les reliques de sainte Germaine, saint Léon et sainte Cécile.
Loubens et Villeneuve
La SAL possède dans ses archives, un document exceptionnel: en latin, décrypté par Mme Borreill, il s'agit du testament d'Alpaïs de Villeneuve, rédigé avant 1393, fille de Bernard XI de Villeneuve et de Louve de Loubens. On trouve les Villeneuve et les Loubens engagés dans les croisades. Des hommes célèbres comme Bernard IX de Villeneuve qui légua son palefroi et son harnois à l'église St Alain témoignent de leur engagement militaire.
La devise des Loubens était: "Impatient d'engager le combat". Le métier des armes est la grande activité des chevaliers durant la féodalité. .
Passons sur les 3 époux d'Alpaïs, pour présenter la liste des legs pieux qu'elle fait aux églises et qui montre son attachement et l'étendue du territoire qu'elle nous fait visiter:
legs aux églises dans les paroisses où elle a des droits: Villeneuve, Maurens, Scopont, Loubens, Vendine, Francarville,Veilhes, Banières;
mais aussi pour des églises placées sur les itinéraires des pèlerinages vers saint-Jacques de Compostelle certaines appartenant à l'ordre des Hospitaliers comme l'église ariégeoise de Salau à Couflens.
elle lègue aux ordres religieux de Lavaur, Toulouse, mais également à la fabrique de la chapelle du Saint-Suaire ou chapelle saint-Roch terminée en 1392.
Loubens : le groupe à l'écoute du guide
Panneau explicatif à l'entrée du château
le château
le moulin
Mme Borreill nous révèle le contenu du testament d'Alpaïs de Villeneuve, Louve de Loubens était sa mère
Saussens
Quelques dates
1246 Bernard d'Astafort vend à Raymond VII tout ce qu'il possède de Saussens ainsi que tout ce qu'il possède du château de Caraman .
1306 Saussens est intégré à la vicomté de Caraman
1525 Antoine de Bonvillar, capitoul est seigneur de Saussens, l'héritage du château échoit à ses frères.
en 1568 le Parlement de Toulouse considérant que le château de Saussens est un repaire de huguenots ordonne sa destruction. Un sort identique frappe le château de Francarville.
Des familles se succèdent au château de Saussens:
de Pezan en 1687,
les Cassaignau de 1689 aux années 1780,
en 1789 c'est le baron Dubourg dont le fils sera tué lors d'une rixe en 1793 qui possède le château.
La fontaine miraculeuse
L'existence et l'efficacité de cette fontaine sont attestées dés 1639. La légende raconte qu'un soldat franc, poursuivi par les sarrasins, épuisé, blessé, aurait eu une vision de la Vierge tenant dans ses bras un petit enfant. Cette Dame lui aurait dit de laver ses blessures et de se désaltérer à cette source. Soulagé et même guéri,ayant repris des forces, il rejoint ses compagnons.
Un pèlerinage s'organise et demeure très fréquenté jusqu'à aujourd'hui !
Eglise Notre-Dame et la statue de la Vierge
La première mention de l'église date de 1318, le pape Jean XXII aurait accordé une indulgence de 107 ans en l'honneur de la Vierge à condition de réciter trois Ave devant sa statue; cette indulgence est confirmée par Clément VIII au XVII° siècle. L'église appartient à l'archiprêtré de Verfeil. Au XVII° et XVIII° siècle, la cure est occupée par les chanoines de Saint-Étienne. En 1569 l'église est pillée par les protestants.
La statue de la Vierge est en bois doré du XVII°, la statue d'origine espagnole avait été offerte par l'archevêque de Toulouse le cardinal de BONZY en 1672. Cet évènement est illustré par le peintre Régis Vialaret (1953).
la fontaine miraculeuse de Saussens
Le programme des visites