Evaluation des performances en dictée française chez les élèves de 6ème année des humanités pédagogiques
* Mutulu Kibi Trésor
* Elumba Anselme Elocha
p. 35-40
Vol. XXI, n°3, juin 2024
Résumé
Nous avons évalué les performances en dictée française chez les élèves de 6ème année des humanités pédagogiques en tant que futurs enseignants. Les résultats issus obtenus mettent en évidence, les faibles performances en dictée française chez les élèves finalistes en pédagogie. Les enseignants interrogés sur les facteurs de faibles performances des élèves ont évoqué comme principal facteur, la formation reçue à l’école primaire.
Introduction
En République Démocratique du Congo, l’enseignement primaire a pour mission, notamment de préparer l’enfant à : s’intégrer utilement dans la société en lui apprenant à lire, à écrire, à calculer et à s’exprimer, et à poursuivre des études ultérieures. Il y a donc nécessité pour un enfant qui est passé par ce cycle de savoir lire, écrire et calculer avant d’embrasser les études secondaires.
En effet, le but de l’école secondaire n’est plus d’amener l’enfant à lire et à écrire, mais plutôt de faire acquérir à l’élève les connaissances générales et spécifiques afin de lui permettre d’appréhender les éléments du patrimoine culturel national et international. Il s’agit de développer en l’élève, l’esprit critique, la créativité et la curiosité intellectuelle et de le préparer soit à l’exercice d’un métier ou d’une profession, soit à la poursuite des études supérieures et/ou universitaires s’il en manifeste l’intérêt et en a les aptitudes.
Nous rappelons les compétences en lecture et en écriture marchent ensemble. Il est rare de voir un sujet qui maîtrise une seulement de ces compétences. A vrai dire la compétence de l’écrit bénéficie d’une place importante même au niveau pédagogique. Ce qui fait que les systèmes éducatifs dans plusieurs pays lui attribuent une place privilégiée par rapport à celle de l’oral.
Le français, langue d’enseignement en République Démocratique du Congo, est une langue étrangère. Elle est à la fois utilisée comme langue de communication, d’administration et d’échanges dans le commerce. Dans la sphère scolaire, son parler et son écrit posent parfois des problèmes et constitue en même temps l’une des premières difficultés d’apprentissage. Plusieurs élèves terminent le cycle primaire sans un niveau acceptable en dictée et sont acceptés avec des insuffisances à l’école secondaire, alors que ces deux compétences sont la condition pour accéder à l’école secondaire.
En tant que futurs enseignants, les élèves des humanités pédagogiques devraient maitriser orthographe qui constitue pour Perrin et Ventura (2016), la première carte de visite d’un « bon enseignant », dans la mesure où il est un modèle d’écriture pour ses élèves.
La dictée permet de nous exprimer par l'écriture. L'une de composantes de cette dernière, est l’orthographe, qui signifie selon Angoujard (1994) : « la manière de manifester par écrit une langue conformément aux règles en vigueur à l'époque considérée ». L’orthographe est omniprésente dans les programmes. L’enseignement de l’orthographe est déterminant « dans la maîtrise de la langue française et conditionne significativement la compréhension des écrits et l'identification des mots » (Manesse, 2007).
La dictée est le fait de prononcer un texte à haute voix devant une personne afin que cette dernière l’écrive. Avec cette définition, on se place plutôt du point de vue de l’enseignant. C’est à lui de dicter une phrase ou un texte à ses élèves pour que ces derniers l’écrivent.
La dictée est aussi un exercice scolaire ayant pour but l'enseignement et le contrôle de l'orthographe. On retrouve ici l’idée que la dictée peut être à la fois une situation d’apprentissage et un outil d’évaluation. C’est beaucoup plus le sens de cette deuxième définition qui nous intéresse dans cette dissertation car, l’insuffisance en orthographe conduit à l’analphabétisme.
Selon Wagner (1990), la réduction de moitié du taux d’analphabétisme et la promotion de l’éducation des adultes demeurent un de grands défis du 21ème siècle au niveau mondial. Dans le souci de lutter contre l’analphabétisme, d’améliorer et d’évaluer les performances des apprenants en dictée française en RDC, plusieurs types des concours sont organisés par le gouvernement à travers le Ministère de l’EPST.
Pour pallier la difficulté de lecture, l’UNICEF (1998) évoque la nécessité d’une description succincte et objective de la situation de l’enseignement-apprentissage en RDC afin de permettre aux autorités de mieux comprendre les besoins réels de son système éducatif.
La problématique de l’orthographe des mots reste une évidence qui touche beaucoup d’écoles. Fishman (1994), note que la langue est certes liée à ses usagers, et à leur mode de vie. De ce fait, elle subit des variations structurelles dès lors qu’elle est soumise aux variables d’ordre conjoncturel, liées à la géographie et à l’organisation sociale des locuteurs.
Toutefois, il y a lieu de se poser la question autour de l’état actuel du français tel qu’il se parle et s’écrit par nos élèves. Il faut souligner qu’il n’y a pas deux langues françaises et pour ce faire, le respect des exigences grammaticales et phraséologiques doit être observé unanimement par tous.
S’inscrivant dans la dialectique d’une langue non seulement étrangère, mais aussi de communication, et d’enseignement en RDC, nous nous proposons d’évaluer l’écrit et le parler de la langue française chez les élèves finalistes en pédagogie en tentant de répondre aux questions suivantes :
§ Quel est la performance en dictée des élèves de la 6ème année des humanités pédagogiques.
§ Quelle est l’opinion des enseignants sur la performance des élèves en dictée ?
Pour répondre aux questions soulevées, nous avançons les hypothèses ci-après : le niveau actuel de performances en dictée chez les élèves de la 6ème année des humanités pédagogiques serait faible. Les facteurs à la base de cette faible performance seraient liés non seulement aux apprenants eux-mêmes mais aussi, aux enseignants, aux conditions d’apprentissage et à la méthodologie utilisée.
1. Méthodologie du travail.
La population d’étude est constituée des élèves finalistes du secondaire de deux écoles à savoir : le Complexe Scolaire Notre Dame du Bon Secours de Bibwa et le Complexe Scolaire la Persévérance ainsi, que les enseignants de ces deux écoles. Les deux écoles sont implantées dans la Commune de la N’Sele, et précisément dans le Quartier Bibwa, dans la Ville-Province de Kinshasa.
De cette population, nous avons extrait un échantillon de 49 élèves (24 venant du Complexe Scolaire Notre Dame du Bon Secours et 25 du Complexe Scolaire la Persévérance) et 36 enseignants (15 de la première école et 21 de la deuxième).
Pour récolter les données de cette étude, nous avons recouru à la méthode d’enquête. L'enquête est une méthode de recueil de données primaires à partir d'un questionnaire administré à un échantillon issu d'une population cible. Elle peut prendre diverses formes telles que le sondage politique, un essai clinique, une étude transversale, etc.
Nous avons utilisé deux techniques de récolte des données : le test de dictée pour les élèves finalistes des humanités pédagogiques, comme instrument d’évaluation de leurs performances et le questionnaire pour les enseignants.
2. Résultats de l’étude
Performances en dictée
Les performances en dictée sont appréciées à partir du nombre de fautes commises, le nombre de fautes en ponctuation, en écriture de l’adjectif, de l’article et des mots omis.
§ Selon les fautes commises, il a été observé une performance supérieure en dictée française chez les élèves du C.S Notre Dame du Bon Secours (309 fautes) par rapport à ceux du C.S la Persévérance (608 fautes).
§ Selon le sexe ; il a été constaté que les apprenants du sexe masculin sont moins performants en dictée française (223 fautes que les filles 319 fautes).
§ Selon les fautes commises en ponctuation, en écriture de l’adjectif, de l’article et des mots omis, il s’est avéré que les élèves du C.S la Persévérance sont moins performants avec 79,2% de fautes que ceux du C.S Notre Dame du Bon Secours, avec 28,8%.
Opinion des enseignants sur les faibles performances des élèves en dictée
- La majorité d’enseignants interrogés estime que la faiblesse des élèves en dictée française résulte de la formation reçue à l’école primaire (75%) ; 25% d’enseignants eux, attribuent cette faiblesse à d’autres facteurs environnementaux.
Discussion des résultats
La Conférence Mondiale sur l’Education pour Tous, tenue à Jomtien en Thaïlande en 1990 a accordé une place importante en inscrivant l’alphabétisation parmi les six grands objectifs. Malheureusement, le constat semble amer dans la plupart d’écoles primaires surtout, voire secondaire, dont la finalité est d’apprendre aux élèves à lire, à écrire et à calculer.
Les résultats de cette montrent que la majorité d’élèves de la 6ème des humanités pédagogiques, futurs enseignants dans les écoles primaires de la RDC, présente des faibles performances en dictée française.
Ainsi, en tant qu’activité symbolique de l'enseignement de l'orthographe, la dictée est trop souvent réduite à une activité d'évaluation alors qu’on doit l’inscrire dans une logique d'apprentissage. Pour ce faire, comme leçon, la dictée se donnera de façon à susciter la réflexion des apprenants, à développer des analyses et des stratégies.
Il s’agit de travailler en amont dans le cours d'orthographe, et en aval par les explications et la correction des erreurs commises par l’apprenant. Les séances de grammaire, de conjugaison et de vocabulaire, doivent contribuer à fixer des connaissances dans la perspective de mieux maitriser la langue écrite. Les séances de rédaction seront l'occasion de mobiliser les connaissances acquises même si ce n'est pas l'objectif premier.
L'acquisition de l'orthographe est incontournable pour produire un écrit et il faut amener les apprenants à soutenir leur attention orthographique dans l'écriture. La répétitivité et l'assiduité des dictées sont primordiales pour tout entraînement de l'orthographe efficace. Il faut donc privilégier des dictées courtes, régulières, fréquentes, plutôt que des dictées longues ou espacées. Il convient aussi de varier les types de dictées afin de multiplier les stratégies et les compétences à acquérir.
Conclusion
L’étude que nous venons de mener a porté sur les performances en dictée française chez les élèves de 6ème années des humanités pédagogiques. La problématique a tourné autour de deux questions principales à savoir : quel est le niveau de performances en dictée chez les élèves de la 6ème année des humanités pédagogiques ; et quelle est l’opinion des enseignants sur les performances des élèves en dictée française.
Pour vérifier les hypothèses émises à ce propos, la méthode d’enquête appuyée par l’épreuve de dictée et le questionnaire ont été mis à contribution comme techniques pour récolter les données.
Au terme de l’étude, les résultats suivants ont été observés : les élèves de 6ème années des humanités pédagogiques présentent des faibles performances en dictée française. Les enseignants attribuent cette faible performance à la formation reçue au niveau de l’école primaire.
Ainsi, la dictée étant la clé de voute de l’écriture, nous encourageons les enseignants de français à considérer cette dernière comme une leçon et non une évaluation de l’écriture. Le cours de l’orthographe doit être mis à profit pour apprendre aux élèves comment écrire en français, puis les exercices d’orthographe doit porter sur les explications et les corrections des fautes d’orthographe commises par les élèves.
Bibliographie
Angoujard, A. (1994). Savoir orthographier. Paris : Hachette.
Belala, M. H. (2013). L’orthographe dans les productions écrites des élèves de la 1ère année moyenne. Constantine : Université Constantine 1. Mémoire de Master publié.
Fishman, J.A. (1994). « The truth about language and culture ». In International
Journal of the Sociology of Language. Vol.109, pp.83-96.
Makomo Makita, JC (2016). Politique linguistique de la RDC, dispositions coloniales promotion du plurilinguistisme, terrain, entrelangue. Bukavu : ISP/Bukavu. Mémoire de licence non publié.
Manesse, D. (2007). La dictée, résistance et avatars d’un exercice scolaire. Education et longue durée. Caen : Presses universitaires de Caen.
Muderwa Ciruza, E. (2008). L'éducation sur le revenu individuel à Goma/Rdc. Goma : Université de Goma. Mémoire de licence publié.
Ntumba Ilunga, C. (2003). Les interférences du ciluba dans les prédications en français des pasteurs luba phones des Eglises de réveil à Kinshasa. Kinshasa : UNIKIN, TFC inédit.