Evaluation de la compétence en lecture chez les élèves de deuxième année primaire


Julien Bateko Mbila 

p. 75-82

Vol. XXI, n°3, juin 2024 

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Résumé

Dans l’apprentissage de la lecture, il existe plusieurs méthodes utilisées par l’enseignant, parmi lesquelles il y a la méthode phonético-gestuelle de Borel-Maisonny qui consiste à associer à chaque phonème, un geste unique, quelles que soient les graphies de ce son.

Dans la présente étude, l’auteur a cherché à évaluer l’impact de cette méthode d’apprentissage sur la lecture des mots isolés et des phrases en comparant les performances de deux groupes d’élèves de deuxième primaire : un groupe des élèves bénéficiaires de la méthode gestuelle et un autre non bénéficiaire.

Les résultats montrent que les bénéficiaires de la méthode phonético-gestuelle présentent des performances plus élevées aussi bien en lecture des mots isolés qu’en lecture des phrases par rapport aux élèves non-bénéficiaires de cette méthode.

Introduction

L’école joue un rôle important dans la société ; on attend d’elle, la formation des élites et des dirigeants de demain. Pour cette raison, elle est organisée de manière que différentes matières sont réparties selon les classes en tenant compte du développement psychologique de l’enfant et des besoins de la société.

Les organisateurs de l’école, se sont accordés pour que les matières se donnent dans la langue jugée généralement compréhensible pour la majorité d’une aire géographique donnée ou de tout le pays. En République démocratique du Congo (RDC), c’est le français qui est la langue d’enseignement.

La maitrise de la langue orale et écrite, est essentielle pour pouvoir jouir de ses droits et exercer ses devoirs de citoyen. En plus, le rôle de la lecture dans le développement intellectuel et social de l’enfant a été démontré par plusieurs études (Legout, 2019).

La lecture peut être définie comme une activité psychosensorielle qui vise à donner un sens à des signes graphiques recueillis par la vision et qui implique à la fois des traitements perceptifs et cognitifs (Klein, 2010).

En effet, la lecture est une activité complexe qui mobilise un nombre important de connaissances et de compétences. Il s’agit d’une tâche multidimensionnelle qui requière des capacités cognitives, sociales et linguistiques importantes. La lecture met en œuvre des opérations cognitives complexes.

Les élèves qui rencontrent des difficultés en lecture sont sérieusement défavorisés. En plus d’avoir du mal à se maintenir au même niveau que leurs camarades, ces élèves prennent du retard dans d’autres matières. Il leur arrive souvent d’avoir une faible estime de soi et, arrivés à l’adolescence, ils sont davantage portés à quitter l’école avant de posséder les compétences dont ils ont besoin pour réussir dans leur vie personnelle et professionnelle.

L’importance de la lecture est confirmée dans le propos de Giasson (2013), qui, affirme que de nos jours, il est difficile d’obtenir une reconnaissance sociale complète si l’on ne possède pas une connaissance pour le moins fonctionnelle de la langue écrite.

Malgré les conclusions et les méthodes différentes préconisées sur une base individuelle par diverses publications scientifiques ou programmes, il existe un vaste consensus au sein de la communauté scientifique en ce qui concerne l’enseignement de la lecture. Des recherches montrent clairement que la qualité de l’enseignement de la lecture permet de compenser les facteurs qui risqueraient d’empêcher certains enfants d’apprendre à lire avec succès.

Il existe plusieurs méthodes d’apprentissage de la lecture parmi lesquelles nous avons la méthode phonético-gestuelle développée par Borel-Maisonny. Dans cette méthode, il s'agit d'associer à chaque phonème, un geste unique, quelles que soient les graphies de ce son. Par exemple, le son [o] est associé au geste d'un rond fait avec la main, qui sera fait pour toutes les graphies à décoder (o, eau, ô, ot, aux, etc.).

Etant donné l’importance de la lecture dans d’autres branches de l’école primaire, notre préoccupation dans la présente dissertation est d’évaluer les compétences en lecture chez les élèves de deuxième primaire selon qu’ils ont appris la lecture par la méthode gestuelle ou non gestuelle.

Par hypothèse, nous pensons qu’il existe une différence en performance en lecture entre les écoliers qui apprennent avec la méthode gestuelle et ceux qui apprennent avec la méthode non-gestuelle.

L’objectif général de l’étude est de contribuer à l’amélioration de la lecture chez les élèves de deuxième primaire. Pour y arriver, nous nous sommes fixé les objectifs spécifiques suivants :

Evaluer la performance en lecture gestuelle et non-gestuelle chez les écoliers de deuxième année primaire ;

Déterminer les facteurs qui favorisent le processus d’apprentissage de la lecture chez ces écoliers. 

1. Méthodologie du travail

Population et échantillon

Selon Ngongo (2OO4), la population est un ensemble fini d’individus, d’objets, d’institutions, etc. auxquels s’adresse la recherche. Dans le même sens, Luhahi (1997), la conçoit comme étant un ensemble de tous les individus humains ou non qui possèdent en commun un trait particulier ou un groupe de traits particuliers.

Dans cette recherche, notre population est constituée des élèves de deuxième année primaire du Groupe scolaire Mont-Amba et de l’Ecole primaire Livulu. L’effectif total de ces élèves est de 600 élèves dont 500 au Groupe scolaire et 100 à l’Ecole primaire Livulu.

De cette population, nous avons extrait un échantillon de 60 élèves qui représentent 10% de la population.

Par définition, l’échantillon est selon, Javeau (1971), un groupe de sujets auxquels on administre l’instrument de recherche.

 

 

 

 

Tableau n°1. Répartition des élèves selon le sexe

Sexe

fréquence

Pourcentage

Masculin

36

60

Féminin

24

40

Total

60

100

 

En lisant ce tableau, nous constatons que, 60% de l’échantillon est constitué des élèves du sexe masculin et 40% sont du sexe féminin.

Tableau n°2. Répartition des élèves selon l’âge

Age

fréquence

Pourcentage

7 ans

17

28

Plus de 7 ans

43

72

Total

60

100

 

 Il ressort de ce tableau que 72% de sujets ont plus de 7 ans tandis que 28% d’entre eux, ont 7 ans.

Méthode et techniques

Dans cette recherche, nous nous sommes servi de la méthode d’enquête et de la technique de questionnaire. Les épreuves de lecture ont été appliquées comme instrument de récolte des données. Elles ont permis d’évaluer la performance en lecture chez les élèves.

Epreuves de lecture et mode de passation

Une lecture performante est une lecture fluente (ou fluide), qui est une lecture précise, assez rapide, réalisée sans effort et avec une prosodie adaptée qui permet de centrer son attention sur la compréhension.

Deux épreuves ont été utilisées dans la présente étude à savoir : Les mots isolés et les phrases que les écoliers doivent lire. Les mots isolés constitués sont : Ali, Nana, Rire, Vélo, Mère, Télé, Fête, Salami, Midi, Curé, Bus, Gomme, Papa, Thé, Chat, Jupe, Kilo, Quinine, Zéro et Taxi.

Notre première épreuve, celle des mots isolés, est composé de 20 mots isolés que le sujet est appelé à lire.

Grille de cotation

Nombre de mots lus sur 20

Temps de lecture en secondes

Nombre de mots correctement lus sur 20

Cotation

X temps

Total de mots lus

Chaque mot correctement lu vaut 1 point et tout mot mal lu ou non lu vaut 0 point. Cela présage que le sujet qui aura la note la plus élevée aura et celui aura la note la moins élevée aura zéro. Et à chaque lecture correspond un temps de lecture.

Les phrases soumises à la lecture des sujets sont les suivantes :

         Ali a un vélo,

         Il va à la rivière,

         Il lave le vélo,

         Le vélo va reluire,

         Valeri rêve d’un vélo

On constate que la deuxième épreuve est constituée de 5 phrases que le sujet est appelé à lire.

Grille de cotation

Nombre de phrases lues sur 5

Temps de lecture en secondes

Nombre de phrases correctement lues sur 5

Cotation

X temps

1 point par phrase lue

Chaque phrase correctement lue vaut 1 point et toute phrase mal lue ou non lue vaut 0 point. Cela nous amène à un maximum de 5 points pour le sujet qui aura lu correctement toutes les 5 pour la cote la plus élevée et à zéro pour le sujet qui va mal lire les 5 phrases.

Mode de passation des épreuves

La passation de l’épreuve individuelle. L’examinateur se trouve seul dans une salle avec les sujets. Il les consignes aux élèves avant de les soumettre aux épreuves. L’examinateur se sert d’un chronomètre pour noter le temps (en secondes).

2. Résultats de l’étude

Nous présentons les résultats en commençant par ceux de la lecture des mots isolés et des phrases selon les écoles et nous terminons par le temps de lecture mis par les sujets dans ces lectures.

2.1. Résultats de la lecture des mots isolés et des phrases

Tableau n°3 : Résultats de la lecture des mots isolés et des phrases

 

Mots isolés


Phrases


 

 

Bénéficiaires de méthodes gestuelles

Non-bénéficiaires de méthodes gestuelles

Bénéficiaires de méthodes gestuelles

Non-bénéficiaires de méthodes gestuelles


Lecture gestuelle correcte/20

Lecture non gestuelle correcte/20

Lecture gestuelle correcte

Lecture non gestuelle correcte

Moyenne

17,82

4,18

3,88

0,76

Ecart-type

2,02672149

4,92621559

0,815843122

1,158619869

Valeur  

4,18 >1,96


5,82 >1,96


Probabilités

< 0,0500

Différence significative


< à 0,0500

Différence significative


 

Il ressort des résultats contenus dans ce tableau que les élèves bénéficiaires des méthodes gestuelles ont réalisé une performance en lecture supérieure à celle des élèves de l’EP Livulu. Ils ont obtenu une moyenne de 17,8 points sur 20 en lecture des mots isolés avec un écart-type de 2,026 contre une moyenne de 4,18 points sur 20 et un écart-type de 4,92 pour les élèves non-bénéficiaires des méthodes gestuelles.

La valeur ( z ) ̅calculée est de 4,18. Sa probabilité est inférieure à celle que donne la table au seuil de 5%. En définitive, les élèves bénéficiaires des méthodes gestuelles sont plus performants que ceux non-bénéficiaires.

De même pour la lecture des phrases, les élèves bénéficiaires des méthodes gestuelles ont obtenu une moyenne de 3,88 sur 5 avec un écart-type de 0,82 ; alors que les non-bénéficiaires ont obtenu une moyenne de 0,76 points sur 5 et un écart-type de 1,15.

La valeur ( z ) ̅calculée est de 5,82. Sa probabilité est inférieure à celle que donne la table au seuil de 5%. En conclusion, les élèves bénéficiaires des méthodes gestuelles sont plus performants en lecture des phrases que les non-bénéficiaires.

Conclusion

Les résultats de cette étude confirment l’impact des méthodes gestuelles sur les performances des élèves en lectures aussi bien des mots isolés que des phrases. La méthode gestuelle est donc un facteur de la performance en lecture. 

A part la méthode gestuelle de lecture, il est souhaitable de tenir compte des variables sociodémographiques, qui peuvent aussi exercer une influence sur le rendement des élèves en ce qui concerne l’apprentissage de la lecture. Les variables pédagogiques ne sont pas à négliger, elles peuvent également avoir un pouvoir prédictif sur les performances en lecture.

Ces différentes variables auxquelles il faut ajouter la fréquence d'évaluation de la lecture à voix haute, l'utilisation par l'enseignant ou l'élève d'un manuel de lecture exercent, bien que non prises en compte dans la présente étude, peuvent avoir un impact non négligeable dans les résultats obtenus.

Bibliographie

Borel-Maisonny, S. (1985). Langage oral et écrit, Pédagogie des notions de base. Paris : Delachaux et Niestlé.

Braibant, J.M. & Gérard, F.-M. (2004).  ‘’Influence des méthodes d'enseignement de la lecture sur le niveau d'acquisition des élèves en 2e année primaire’’. Dans Bulletin de psychologie scolaire et d'orientation, 1 : pp.7-45.

Chauveau, G. (2010). Comprendre l'enfant apprenti lecteur : Recherches actuelles en psychologie de l’écrit. Paris : RETZ.

D’Hainaut, L. (1975). Concepts et méthodes de la statistique. Bruxelles : Labor.

Devillé, P. (2014). La fluidité en lecture, indicateur d’un apprentissage en cours. N°516, devenir lecteur.

Giasson, J. (2013). La lecture : de la théorie à la pratique. Bruxelles : De Boeck.

Javeau, C. (1971). Enquête par questionnaire. Bruxelles : De Boeck.

Klein, V. (2010). Influence de la typographie sur l’aisance de lecture d’une population d’enfants dyslexiques. Bordeaux : Université Victor-Segalen Bordeaux 2. Mémoire de Master publié.

Legout, L. (2019). Les apports de la méthode phonético-gestuelle développée par Suzanne Borel Maisonny dans l’apprentissage de la lecture. Rouen : Université de Rouen/ESPE-Académie de Rouen. Mémoire de Master publié.

Luhahi, A.N.L. (1997). Statistique inductive. Kisangani : UNIKIS-FPSE. Notes de cours inédites.

Martinez, J.P. (2OOO). Les difficultés de lecture. Montréal : Editions Logiques.

Ngongo, D. (2004). La recherche scientifique en éducation. Bruxelles : Bruylant, Académia.

Sanders, D. (1974). Les statistiques : une approche nouvelle. Québec : Mc Grawill.

Spiegel, M.R. (1985). Théorie et application de la statistique. Paris : Mc Grawill-Séries Schaum.