La question de l’autofinancement et de la croissance des Petites et Moyennes Entreprises


Monta Ndaye

p.119-128

Vol. XXI, n°2, mars 2024 

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Résumé

Le fonctionnement d’une entreprise exige un volume des capitaux suffisants par rapport à ses besoins réels. Et, c’est à la direction qu’incombe la charge de résoudre les problèmes de financement de l’entreprise et d’explorer les différentes sources de financement en vue de retenir celles qui lui sont favorables.

L’entreprise n’a que deux principales voies pour se financer : elle peut se financer avec des ressources internes propres ou avec des capitaux étrangers.  L’autofinancement constitue un axe non négligeable de la politique de financement de l’entreprise, et procure beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. 

Introduction

Le cycle simplifié d’exploitation d’une entreprise comprend trois phases à savoir : capitaux de l’entreprise, process et résultats d’exploitation.

La première phase se réfère à la structure des capitaux relatifs aux ressources financières à investir dans l’entreprise. Il sied de remarquer ces ressources de financement sont traditionnellement de 2 catégories, à savoir :

§  Les capitaux propres, et ;

§  Les capitaux étrangers.

La préoccupation de l’étude se rapporte aux capitaux propres qui sous-tendent la décision d’autofinancement. Par ailleurs, il est à noter que les éléments de cette phase constituent les passifs du compte du bilan l’exercice.

La deuxième phase qui est une phase opérationnelle concerne les activités susceptibles de créer de la plus-value de l’entreprise par la combinaison des facteurs de production : capital, ressources, activités, méthodes et stratégies d’exploitation.

Sur le plan comptable, il s’agira des emplois du compte du bilan de l’exercice à l’instar de l’acquisition des investissements … et, qui plus est, des comptes de gestion ou d’exploitation principalement des comptes des charges et produits d’exploitation.

Rappelons-nous que, plus la capacité d’autofinancement (CAF) est importante, plus l’entreprise a la capacité de s’autofinancer, et d’autofinancer l’exploitation et l’investissement. Or, la CAF est le potentiel de trésorerie dégagé à partir des activités de l’entreprise sur un exercice ou période donnée. Et, c’est cet excédent de trésorerie qui orientera la décision d’autofinancer, ou non, l’entreprise.

La dernière phase du cycle est consacrée à la création de la valeur en termes des outputs, à l’instar de l’augmentation la quantité du produit ou service, des stocks à vendre en vue d’augmenter le chiffre d’affaires (CA). Il sera donc question de se rendre compte de la rentabilité de l’entreprise en termes financiers et, si l’entreprise a réalisé un résultat positif, on dira qu’elle a fait des bénéfices si bien que l’entreprise est susceptible de croitre, sinon, elle a fait des pertes et sa croissance est compromise.

C’est lors de cette phase qu’assortiront 2 documents essentiels de synthèse de la situation de l’entreprise, en l’occurrence, le compte de résultat et le compte de trésorerie. Et, la CAF en sera un indicateur important susceptible de renseigner la sante financière de l’entreprise.

Se référant à ce modèle d’analyse, il sied de constater que l’autofinancement se situe explicitement en amont comme financement du processus attendu, ici, dans le cycle simplifié d’exploitation de la figure 1, et implicitement en aval de ce cycle à travers son indicateur qui est la CAF.

Les facteurs à rechercher interviennent plus probablement à la phase 2 : les facteurs exogènes liés à l’environnement de l’entreprise, et les facteurs endogènes liés au fonctionnement de celle-ci. Ces facteurs influencent plus ou moins les résultats de l’exploitation et, par conséquent, de la CAF.

Dans la présente dissertation, nous nous efforçons à rechercher les facteurs qui engendrent les bénéfices et ceux qui conduisent à des pertes.

1. Facteurs déterminants de la croissance des PME

Gaël Gueguen, Frank Janssen et Olivier Giacomin (2015) remarquent que plusieurs catégories de facteurs semblent expliquer la croissance des PME. En effet, certains sont relatifs au fonctionnement interne de l’entreprise et sont dits « facteurs endogènes », et d’autres, à l’environnement de celle-ci dits « facteurs exogènes ».

Dans une revue de la littérature sur les facteurs explicatifs de la croissance, Dobbs et Hamilton (2007) retiennent quatre catégories de variables :

§  Les facteurs spécifiques à l’environnement : variation de la demande, niveau de concurrence, importance des grandes entreprises (par exemple en raison de la sous-traitance) ;

§  Les caractéristiques de l’entreprise : âge, taille ;

§  Les choix stratégiques : objectifs de croissance, recrutement et développement des ressources humaines, différenciation afin de développer les produits via l’innovation, ressources financières, internationalisation, coopération avec d’autres entreprises, flexibilité de la structure ;

§  Les caractéristiques du dirigeant : ses motivations lors de la création, sa formation (diplôme supérieur et formation technique ou managériale), son expérience (en termes de fonctions managériales, dans la création d’entreprise, dans le secteur d’activité) et la taille de l’équipe fondatrice.

§  Par ailleurs, Evangelia Papadaki et Bassima Chami (2002), classent ces facteurs en 3 catégories :

§  Les caractéristiques du propriétaire exploitant, soit les facteurs ayant des répercussions possibles sur ses aptitudes et comportements ou qui révèlent des comportements d’entrepreneur,

§  Les caractéristiques des pratiques commerciales, soit les facteurs reflétant la façon dont le propriétaire exerce ses activités et ;

§  Les caractéristiques de l’entreprise, soit les variables qui servent souvent aux études empiriques sur la croissance de l’entreprise et citées dans les textes économiques comme l’âge et la taille de l’entreprise, le secteur et la province. Nous avons inclus le statut juridique de l’entreprise.

Selon Dobbs et Hamilton (2007), la multiplicité de ces facteurs présente souvent des résultats contradictoires quant à leur influence.

2.1. Facteurs endogènes

Il s’agit des facteurs spécifiques à l’environnement auxquels ont fait allusion Smallbone et Wyer (2006), Dobbs et Hamilton (2007). Ce sont les conditions du marché (offre et demande), le niveau de concurrence, l’importance des entreprises en raison de la sous-traitance. Bref, tout ce réseau qui entre en contact avec l’entreprise pour sa survie en y ajoutant les fournisseurs, l’Etat, etc.

Cette catégorie englobe également la théorie de l’écologie des populations (Hannan et Freeman, 1977) qui soutient que les conditions présentes dans l’environnement externe de la firme [entreprise] sont les principaux déterminants de la survie d’une entreprise.

Il sied, toutefois, de remarquer que les seules dimensions exogènes sont insuffisantes pour comprendre la croissance des PME (O’Gorman, 2001), bien qu’un environnement généreux soit ainsi théoriquement propice à la croissance (Starbuck, 1976).

2.2. Facteurs exogènes

Smallbone et Wyer (2006), Dobbs et Hamilton (2007) et Evangelia Papadaki et Bassima Chami (2002)) s’accordent sur les 3 autres catégories de facteurs ayant un impact direct sur le fonctionnement interne de l’entreprise, à savoir : les caractéristiques du propriétaire exploitant, les caractéristiques des pratiques commerciales et les caractéristiques de l’entreprise.

3. Discussion : facteurs de croissance et autofinancement

Le financement en général et, le financement en capitaux propres en particulier, est un facteur de croissance d’une entreprise et, particulièrement, d’une PME lorsqu’il dégage des excédents bénéfiques au travers des activités de l’entreprise, et lorsque celles-ci dégagent une capacité d’autofinancement importante afin de permettre l’autofinancement.

Cependant, le résultat de l’entreprise est parfois buté à d’autres facteurs multiples plus ou moins limitatifs et parfois souvent controversés. Et, cela, par rapport, aux contextes variables et dynamiques des entreprises étudiées et aux optiques et modèles d’analyse retenus.

En effet, notent Eisenhardt et Schoonhoven (1990), un marché en croissance offre plus d’opportunités aux entreprises, et, notamment, aux nouveaux entrants, éventuellement sans riposte des entreprises préexistantes. Toutefois, si certaines études constatent des différences sectorielles importantes en termes de taux de croissance des entreprises (Brush et Changati, 1998 ; Storey, 1994 ; Siegel, Siegel et MacMillan, 1993), d’autres observent cependant que le taux de croissance sectoriel n’influence pas la croissance des entreprises (Wijewardena et Tibbits, 1999 ; Kalleberg et Leicht, 1991), ou encore, constatent une absence de lien entre ces variables (Delmar, 1999 ; Wiklund, 1999 ; Gallagher et Miller, 1991).

Certaines études montrent que la taille des concurrents est positivement liée à la croissance (Julien, Morin et Gélinas, 1998 ; Westhead et Birley, 1995). D’autres concluent cependant à une absence de lien significatif entre ces variables (Wijewardena et Tibbits, 1999 ; Kalleberg et Leicht, 1991).

La présence de nombreux concurrents dans l’activité est également source de débat. Celle-ci pourrait restreindre l’accès aux ressources d’une jeune entreprise (Romanelli, 1989). Une concentration moins importante du marché pourrait aussi théoriquement permettre la croissance d’un nombre plus important d’entreprises (Eisenhardt et Schoonhoven, 1990).

Cependant, si les concurrents sont nombreux, cela peut également être le signe que les barrières à l’entrée sont inexistantes ou faibles et que, donc, les entrées sont nombreuses sans pour autant garantir une profitabilité dans le temps. Les autres facteurs (entreprise, stratégie, entrepreneur) relèvent des théories « internes ».

Ces analyses s’attachent principalement à étudier la manière dont une organisation s’adapte à son environnement et tente de modeler ce dernier. Cette approche trouve sa source dans le courant de l’organisation industrielle et, par la suite, dans ses prolongations en management stratégique. La théorie des ressources (Wernerfelt, 1984) peut être rattachée à ce courant.

Parmi les caractéristiques de l’entreprise ayant un impact sur la croissance, la taille est celle qui a le plus retenu l’attention des chercheurs, surtout en économie, en raison de son importance pour la détermination de politiques économiques mieux adaptées.

Nombreux sont ceux qui ont tenté de tester la véracité de la loi de Gibrat (1931), selon laquelle le taux de croissance des entreprises est indépendant de leur taille. Certaines études infirment cette loi et concluent à une relation négative entre la taille d’une entreprise et sa croissance (Delmar, 1997 ; Dunkelberg et Cooper, 1982 ; OCDE, 2002) ; d’autres observent un lien positif (Westhead, 1995 ; Kalleberg et Leicht, 1991 ; Wijewardena et Tibbits, 1999) et d’autres encore confirment la loi de Gibrat (Delmar, 1999 ; Wiklund, 1999).

Malgré le mérite de l’autofinancement militant à la croissance de l’entreprise, notamment les PME, certains auteurs comme Sana, Qarroute et Nanamoudou, Magassouba (2019), notent que l’autofinancement pourrait causer quelques difficultés à l’entreprise. Et, ils énumèrent quelques cas tels que :

-       Le coût d’opportunité défini par le MATAF.NET comme étant « le manque à gagner entre deux investissements ou deux types de financement. Le coût d'opportunité mesure la perte des biens auxquels on renonce en affectant les ressources disponibles à un autre usage » selon ces auteurs, en choisissant donc d’utiliser les fonds propres, l’entreprise perd les avantages que pouvaient lui procurer les emprunts. Ce coût est aussi appelé le coût de non-réalisation d’investissements. Donc nous le résumons en ceci : Coût de l’autofinancement = Coût d’opportunité = coût de non-réalisation d’investissement

§  Perte des projets investissements ambitieux : l’entreprise qui dégage sur plusieurs années des autofinancements, peut décrire une performance. Mais peut sous-entendre que l’entreprise ne se lance pas dans des projets ambitieux. « L’autofinancement peut être dans certains cas le moyen de financement le moins cher, il a, cependant, des conséquences lourdes sur la croissance et le développement futur de l’entreprise car il limite le budget d’investissement et rejette des projets à valeur actuelle nette positive » (SIRIBA Latifa, 2013). Elle préfère donc se contenter des investissements de faible montant et de faible rendement, que de financer des grands projets prometteurs.

§  Baisse de la croissance de l’activité de l’entreprise : une entreprise qui n’investit pas, est une entreprise qui tend à fin. Cet inconvénient vient des conséquences du précédent, une entreprise qui n’entreprend pas de projets ambitieux tend à être dépassée par son marché et par ses concurrents.

§  Risque de trésorerie : l’entreprise secrétant de l’autofinancement en année N, devra assurer le financement de tous ses besoins par ce montant en année N+1. Ce montant doit pouvoir financer et le cycle d’investissement et le cycle d’exploitation. Une mauvaise allocation de cette ressource ou une mauvaise prévision peut entrainer un problème de liquidité et donc de trésorerie.

§  Contexte : La scolarité a une forte incidence sur la croissance de l’entreprise, mais l’âge, le sexe et le statut d’immigrant du propriétaire n’en ont pas.

-       Motivation à la croissance : La détermination de l’entrepreneur a une forte incidence sur la croissance de l’entreprise, mais le désir d’indépendance n’est pas significatif. Le désir de cesser de chômer n’a pas d’effet défavorable important sur la croissance, ce qu’a cependant le fait d’être à l’emploi d’une autre entreprise simultanément.

§  Capacité de gestion : Seuls le partenariat et le maillage officieux ont une incidence significative sur la croissance. Le fait d’avoir compté un entrepreneur dans la famille immédiate, eu un emploi rémunéré dans le même secteur ou été propriétaire d’entreprise n’a pas d’effet significatif sur la croissance.

§  La plupart des variables servant à décrire les pratiques commerciales de la microentreprise ont un pouvoir de prédiction sur la croissance de celles-ci. L’innovation, l’adoption de technologies liées au cybercommerce et la concentration des activités dans le marché local ont une incidence significative sur la croissance de l’entreprise.

§  L’âge et la taille de l’entreprise ont un effet déterminant sur la croissance de celle-ci, mais la province, le secteur d’activité ou le statut juridique ont peu d’influence à cet égard.

Toutefois, quand bien même le bien-fondé de l’autofinancement sur la croissance économique de l’entreprise, ils militent en plus pour l’endettement de l’entreprise afin d’améliorer de la rentabilité financière par l’effet de levier et effet de massue.

Comme il a été précédemment souligné, l’endettement permet à l’entreprise de saisir certaines opportunités en les finançant par les dettes. Et lorsque le taux de rendement de ces opportunités est supérieur au coût de l’endettement (ce qui est généralement le cas), elle réalisera un effet de levier.

D’après le lexique financier de Vernimmen, « L'effet de levier explique le taux de rentabilité comptable des capitaux propres en fonction du taux de rentabilité après impôt de l'actif économique (rentabilité économique) et du coût de la dette. Par définition, il est égal à la différence entre la rentabilité des capitaux propres et la rentabilité économique ». Cette définition met en jeu deux indicateurs financiers, à savoir : la rentabilité des capitaux propres et la rentabilité économique. 

Conclusion

Il s’avère de l’analyse que l’autofinancement comme stratégie de financement d’une entreprise est un facteur de croissance de l’entreprise et, en particulier, d’une PME.  Cela ne peut être possible que lorsque le financement en général et, le financement en capitaux propres est dégagé des excédents bénéfiques au travers des activités de l’entreprise, et lorsque celles-ci sont susceptibles de dégager, lors de son exercice, une capacité d’autofinancement importante et suffisante afin de permettre la décision autofinancer l’entreprise.

Toutefois, cette croissance est sujette à de multiples facteurs dont certains sont liés à l’environnement de la PME, et d’autres, liés au fonctionnement interne de celle-ci. Ceux-ci influencent la croissance lors de la phase opérationnelle du processus d’exploitation affectant ainsi ses résultats (outputs). Ces facteurs pluriels selon les contextes et réalités de l’entreprise sont censés être maitrisés en vue d’espérer la croissance de celle-ci.

Néanmoins, l’entreprise est contrainte de recourir aux emprunts ou à l’endettement en vue de bénéficier de l’effet levier soit à cause du coût de l’autofinancement, autrement dit coût d’opportunité ou coût de non-réalisation d’investissement, soit l’entreprise renonce aux projets ambitieux, ou n’investit pas, soit encore, grâce à son autofinancement en année, l’entreprise est incapable d’assurer le financement de tous ses besoins par ce montant l’année suivante. 

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