Evaluation des analyses biologiques des selles directes chez les enfants de 6 à 59 mois
Koyawotu Lubunda Paul
p.53-60
Vol. XXI, n°2, mars 2024
Résumé
Il s’agit d’une enquête prospective réalisée dans les laboratoires de trois hôpitaux généraux de référence de la ville de Tshikapa. Il ressort de cette investigation que les analyses parasitologiques de selles directes qui doivent permettre de poser un diagnostic étiologique et de fournir plusieurs indications pour une prise en charge correcte et efficace des cas ne sont pas conformes aux principes analytiques, donnant ainsi lieu à des résultats faux positifs et faux négatifs.
Introduction
Les parasitoses intestinales constituent un problème de la santé publique. On estime qu’environ 3,5 milliard des personnes sont infectées. Selon l’OMS, les maladies infectieuses et parasitaires demeurent les principales causes de morbidité et la mortalité dans le monde en développement, surtout chez la majorité de jeunes enfants (www.wikipedia.org).
Doctissino (2020) précise que l’origine de transmission de parasitose intestinale repose sur l’ingestion d’eau ou d’aliments souillés et un manque d’hygiène alimentaire (mains souillées portées à la bouche etc.) et elles sont plus fréquentes dans les pays en voies de développement où elles constituent un réel problème de la santé publique. Les parasites intestinaux y sont extrêmement nombreux et variés : amibes, oxyures, ascaris, trichocéphales, anguillules, tænia, giardia, cryptosporidies, ankylostomes, trichomonas etc.
Des nombreux chercheurs ont signalé les problèmes liés aux maladies parasitaires, les hommes vivant dans un environnement insalubre où les conditions d’hygiène individuelle et collective sont rudimentaires.
L’Afrique par sa situation quasi-entière dans la ceinture intertropicale constitue un terrain de prédilection pour les affections parasitaires. Dans la plupart des structures sanitaires en Afrique en générale et celles de la République Démocratique du Congo (RDC) en particulier, les parasitoses sont la seconde cause de la consultation dans le groupe d’âge de 0 à 5 ans et la quatrième cause dans le groupe d’âge de 6 ans et plus. (Courte joie et al.1989).
Certaines parasitoses intestinales peuvent rester asymptomatiques, surtout quand l’infestation est faible (trichocéphalose) et d’autres peuvent provoquer des troubles digestifs et généraux sévères en cas d’infestation massive (occlusion due à l’ascaridiose, anémie due à l’ankylostomose, dysenterie amibienne, etc.).
Le diagnostic de certitude (biologique) d’une pathologie causée par un parasite (protozoaire ou helminthe) se fonde sur la recherche et l’identification du parasite, agent causal de la parasitose soit par un examen direct (microscopie), soit par un examen indirect (mis en évidence du complexe antigène-anticorps) (Meta Nsafu, 2021).
Ce diagnostic dit parasitologique consiste à rechercher les parasites partout où ils sont susceptibles d’être trouvés sur la peau, sang, lymphe, LCR, intestin (matière fécales ou selles), urine, espace interstitiel (rate, foie, poumon, moelle osseuse, etc.) et cavités organiques (urètre, vagin, fosse nasale, bouche, etc.) ; c’est ainsi que ces analyses ou examens de laboratoire doivent être exactes et fiables et pour cela, elles exigent des techniques ou méthodes appropriées (Damait, 2007).
L’examen parasitologique de selles permet de diagnostiquer des parasitoses intestinales responsables des syndromes digestifs comme la diarrhée persistantes, douleur abdominale, prurit anal, perte d’appétit, amaigrissement, nausée, vomissement, trouble digestif divers et autres symptômes qui varient selon les parasites en cause (Meta Nsafu, 2021).
Cet examen consiste à rechercher et identifier directement les parasites dans les selles par observation au microscope (après de traitement particuliers effectués sur l’échantillon de selles) et permet de poser un diagnostic étiologique fournissant ainsi plusieurs indicateurs essentiels pour une prescription correcte et une prise en charge efficace.
La qualité et la fiabilité des résultats d’examens des selles directes dépendent de la qualité du personnel, des techniques (de prélèvement, conservation et de traitement d’échantillon) utilisées, de l’état des équipements (microscope), des matériels et des réactifs. C’est pourquoi il est impératif que cet examen obéisse à des règles strictes d’une analyse biomédicale.
Mais hélas, les résultats de cet examen réalisé dans certains laboratoires de la ville de Tshikapa, notre site d’étude, ne sont pas du tout exacts. Le plus souvent il apparait de faux positifs (confusion de débris alimentaire aux parasites etc.) et de faux négatifs. Les causes sont multiples dont l’incompétence des prestataires de laboratoire, leur négligence, l’insuffisance et/ou la mauvaise qualité de microscope, matériels et produit adéquats, non-respect strict de la technique d’analyse, etc. ces constats amers ont été observés pendant nos recherches sur terrain d’étude.
Eu égard à ce qui précède nous nous sommes posé les questions de recherche suivantes :
§ Comment les laboratoires des Hôpitaux Généraux de Référence de la ville de Tshikapa identifient-ils les parasites du tube digestif ?
§ Quelles est la qualité de ces analyses ?
§ Quels sont les facteurs à la base de cette qualité des analyses ?
Le but ultime de cette étude est de contribuer à l’amélioration de la prise en charge des cas de parasitoses intestinales dans la province du Kasaï en générale et dans les structures ciblées en particulière par l’évaluation du niveau d’efficacité et de fiabilité d’analyses parasitologiques des selles directes réalisées dans les laboratoires des structures ciblées pour le diagnostic biologique des parasitoses intestinales.
Pour atteindre ce but, nous nous sommes fixé les objectifs suivants :
§ Ressortir les caractéristiques sociodémographiques des prestataires des laboratoires ciblés ;
§ Analyser la qualité des examens des selles directes
§ Identifier les facteurs qui contribuent à la qualité des examens réaalisés.
1. Approche méthodologique
Cette partie de notre travail est consacrée à la description de la population cible, de l’échantillon d’étude, des méthodes et techniques, de l’instrument de collecte des données ainsi que du déroulement d’étude.
1.1. Population et échantillon
Le présent travail a été réalisé dans la ville de Tshikapa, chef-lieu de la province du Kasaï, en République Démocratique du Congo ; précisément dans trois (3) laboratoires des Hôpitaux Généraux de Références du centre-ville de Tshikapa à savoir : HGR de Tshikapa, HGR de Kalonda-Ouest et HGR de Kanzala.
La population cible est constituée de tous les personnels des laboratoires des établissements de soins de santé ciblés, soit un total 32 prestataires.
Nous avons utilisé la technique d’échantillonnage aléatoire non probabiliste et exclusif qui nous a permis de retenir toute la population cible comme notre échantillon ; ce qui veut dire que la taille de notre échantillon est de 32 prestataires des laboratoires ciblés disponibles pendant la période d’étude.
Tableau n°1. Répartition de personnel de laboratoire par structures ciblées
Structures fréquence %
HGR/Tshikapa 13 40,6
HGR/ Kalonda OUEST 7 21,9
HGR/ Kanzala 12 37,5
Total 32 100
Il ressort de ce tableau que le laboratoire de l’HGR/Tshikapa a plusieurs agents (40.6%) par rapport aux autres (37.9% à HGR/Kanzala et 21.9% à l’HGR/Kalonda).
Tableau n°2. Répartition de personnel de laboratoire des structures ciblées selon leur qualification (niveau d’étude)
Il se dégage de ce tableau que la majorité des prestataires des laboratoires des structures ciblées sont des techniciens de laboratoire (A1) soit 65.6% ; suivi des Biologistes médicaux soit 18.8% puis laborantins A2 soit 12.5%.
Tableau n°3. Répartition des enquêtés selon leurs sexes
Ce tableau stipule que le personnel de laboratoire de sexe masculin prédomine ceux de sexe féminin soit respectivement 59,4% et 40,6%.
Tableau n°4. Répartition des enquêtés selon leur ancienneté au laboratoire
Ce tableau nous renseigne que la majorité de personnel de laboratoire ont l’ancienneté de ≤ 2 ans, soit 28,1%.
1.2. Méthode et techniques
Nous nous sommes servi de la méthode d’enquête prospective. Nous avons fait une descente dans les structures ciblées afin de découvrir la réalité en matière de l’exécution d’examens parasitologique des selles pour diagnostic biologique des parasitoses intestinales.
Pour concrétiser cette étude, nous avons utilisé les techniques suivantes :
§ La technique documentaire qui a servi de consulter les documents et dossiers en rapport avec les examens de laboratoire ;
§ La technique d’interview qui a permis d’échanger avec nos enquêtés sur notre sujet ;
§ L’observation directe qui nous a permis d’identifier les types d’examens réalisés pour la mise en évidence des parasites du tube digestif et les erreurs les plus commises pendant l’analyse de selles directe ;
1.3. Déroulement de l’enquête
Cette étude s’est déroulée en deux phases à savoir : la phase préliminaire ou pré-enquête et l’enquête proprement dite. La première phase est partie du 1er au 14 févier 2022 et elle a été consacrée à la prise de contact avec les responsables des sites d’étude en fin d’obtenir leur aval pour l’enquête. La seconde a pris au total six (6) mois, de févier au juillet 2022. Elle a consisté à la collecte des données de notre étude au niveau des laboratoires ciblés.
2. Résultats de l’enquête
Tableau n°5. Répartition des enquêtés selon leur formation spéciale sur le diagnostic biologique des parasitoses intestinales.
Dans ce tableau nous remarquons que tous les personnels de laboratoire, soit 100% n’ont pas suivi une formation spéciale sur le diagnostic biologique des parasitoses intestinales.
Tableau n°6. Connaissance des types d’examens parasitologiques des selles
Dans ce tableau, nous observons que seul l’examen parasitologique des selles directes est connu à 100% par les enquêtés pour la mise en évidence des parasites intestinaux et les autres types d’analyses ne sont pas parfaitement connus.
Tableau n°7. Pratique des examens
Ce tableau indique que trois pratiques posent des problèmes aux prestataires : le respect de l’heure idéal de collecte des échantillons (soit 78% d’erreurs) ; utilisation des matériels de prélèvement (62.5% d’erreurs) et le respect du temps de conservation des échantillons avant l’analyse (56.2% d’erreurs).
Tableau n°8. Difficultés rencontrées par les prestataires
Nous remarquons dans ce tableau que la plupart des enquêtés ont évoqué les problèmes de motivation et l’insuffisance et rupture répétée des matériels comme principales difficultés rencontrées lors de cet examen, soit respectivement 59.4 et 47.0% ; suivi de mauvais état du microscope soit 37.5% ; de surcharge du travail (personnel insuffisant au service), soit 28.1%.
Conclusion
A l’issu de la présente étude, nous trouvons que les analyses parasitologiques de selles directes qui doivent permettre de poser un diagnostic étiologique et de fournir plusieurs indications pour une prise en charge correcte et efficace des cas ne se font pas de façon conforme aux principes analytiques, donnant ainsi des résultats faux positifs et de faux négatifs.
Plusieurs erreurs sont commises pendant cette analyse, avec des retombés sur la qualité des examens, le diagnostic de certitude et la prise en charge correcte de cas. Ces erreurs relèvent soit de la qualité du personnel relative au niveau d’étude, ancienneté, défaut de recyclage et remise à niveau soit de leur compétence et connaissance dans la pratique professionnelle, la démotivation et la rupture fréquente du matériel et des réactifs de laboratoire.
Ainsi nous recommandons ce qui suit :
Aux autorités politico-sanitaires
§ D’initier et/ou apporter un appui aux études locales visant à évaluer les performances et le niveau des connaissances des prestataires de laboratoires d’analyses biomédicales sur les phases analytiques ;
§ De mettre à la disposition des HGR les moyens matériels (équipement matériel, réactif) et personnel qualifié pour un diagnostic de certitude des maladies (parasitoses intestinales) ;
§ De recycler régulièrement les personnels des laboratoires sur le diagnostic biologique des maladies ;
§ De rémunérer (motiver) correctement les prestataires des laboratoires participants au diagnostic biologique des pathologies.
Bibliographie
Bengal-Y. (2006). Prévalence des parasitoses en Afrique, Lyon : PUF.
Bernard et Geneviève P. (1989). Dictionnaire médical pour les régions tropicales, Kangu Mayumbe : BRPS.
Courte Joie et al (1989). Prise en charge des maladies parasitaires ; Kangu Mayumbe : BRPS.
Mulumba M. (2003). Impact des parasitoses chez les enfants. Paris : Ed. John libby.