Ce chapitre est une généralisation du précédent, pour un système pouvant échanger énergie et matière avec un réservoir. Outre sa température (ou "potentiel thermique"), ce dernier impose son potentiel chimique au système étudié.
Un système souvent étudié est un site d'adsorption, dont le modèle le plus simple est :
- soit vide (aucun constituant matériel du réservoir n'est piégé),
- soit plein (un seul constituant matériel du réservoir est piégé). Dans certains cas, un modèle plus sophistiqué peut accepter plusieurs constituants par site.
Notons dès à présent que le dernier chapitre (5/5) sur les statistiques quantiques établira la façon dont un niveau d'énergie est rempli selon que les constituants du réservoir sont des fermions (particules de spin demi-entier) ou des bosons (spin entier). Pour ce faire, nous définirons le niveau d'énergie comme un système du type "site" ou "piège" précédemment décrit (et moyenné dans un ensemble appelé grand-canonique).
La probabilité de chaque micro-état est obtenue comme au chapitre précédent, avec une expression généralisée faisant intervenir (en plus de son énergie) son nombre de constituants. De même, la fonction de partition devient "grande fonction de partition" (ci-dessous), avec un calcul en deux temps (somme double, d'abord à nombre de constituants fixé puis sur toutes les valeurs possibles de ce nombre). Comme au chapitre 2, cette version généralisée de la fonction de partition permet de calculer n'importe quelle moyenne macroscopique.
Dans les problèmes d'adsorption (en surface) ou d'absorption (en volume), les sites sont indépendants et le problème se résout entièrement avec comme système un seul des sites. Dans l'exemple traité en cours (proche d'un problème géré dans les salles blanches de la micro-électronique : voir par exemple ce reportage récent du CEA sur le sujet), le modèle associé à chacun des sites d'adsorption est le plus simple possible : soit le site est vide, soit il est rempli (par un seul atome).
Avec un modèle un tout petit peu plus détaillé, on peut prédire par exemple l'empoisonnement de l'hémoglobine du sang par le CO qui a tendance à prendre la place de l'oxygène : il faut au moins accepter 3 micro-états (au lieu de 2 dans l'exemple du cours), à savoir hémoglobine à vide, chargée avec une molécule d'oxygène et chargée avec une molécule de CO. Pour de meilleures prédictions, il faudrait en outre tenir compte de plusieurs sites de fixation par molécule d'hémoglobine (un modèle peut toujours être raffiné, il faut juste savoir s'arrêter lorsque la précision des résultats devient satisfaisante). Le TD3 (éléments de solution dans la vidéo ci-dessous) vous propose justement de traiter (simplement) ce problème de l'empoisonnement par le CO.
Pour bien montrer à quel point le pouvoir prédictif de la physique statistique déborde largement le seul cadre de la physique, on peut donner une autre application de cette généralisation aux échanges chimiques (qui est aussi un autre exemple d'adsorption). Il s'agit d'un nez artificiel (biocapteur optique capable d'identifier automatiquement toutes sortes d'odeurs), très récemment développé par la start-up grenobloise Aryballe Technologies. Le principe de base de ce détecteur (cf. vidéo ci-dessous) repose sur l'adsorption des molécules odorantes sur un métal (en fait recouvert de sites d'adsorption spécifiques). En envoyant une onde lumineuse sous la surface via un prisme qui la transmet après réflexion, il est possible (par Surface Plasmon Resonance) de produire une signature caractéristique des molécules adsorbées qui permet d'identifier une odeur.