Tennis féminin : retour sur un combat pour l'égalité

article écrit par Lili Baccou - publié le 10 juin 2023

Ce samedi 10 juin se jouera à 15h la finale des simples dames du tournoi du Grand Chelem de Roland Garros. N.O.U.S. profitons de l’occasion pour vous proposer cet article sur la WTA (Women’s Tennis Association). Bonne lecture et bon match à tout.e.s !

Ce samedi 10 juin se jouera à 15h la finale des simples dames du tournoi du Grand Chelem de Roland Garros, entre Iga Swiatek et Karolina Muchova. N.O.U.S. profitons de l’occasion pour vous proposer cet article sur la WTA (Women’s Tennis Association), qui organise les compétitions professionnelles féminines dans le monde entier et qui comptabilise les points par joueuse pour déterminer le classement mondial. Vous pourrez en apprendre plus sur l’histoire du tennis féminin, ses enjeux, certaines joueuses et moments emblématiques.

Présentation générale de la WTA

La WTA, ou Women’s Tennis Association (Association des joueuses de tennis), est une organisation internationale, créée en 1973 pour défendre les intérêts des joueuses de tennis professionnelles féminines. Elle comptabilise aujourd’hui plus de 1650 joueuses en provenance d’environ 85 nations. Toutes sont en compétition pour gagner des points WTA, qui leur permettent d’obtenir une place dans le classement WTA.

Comment fonctionne ce classement ?

Une petite parenthèse technique pour mieux comprendre l’intérêt des tournois, et de la finale de tournoi du Grand Chelem à laquelle nous pourrons assister aujourd’hui.

Le classement WTA fonctionne de la même manière que le classement masculin (ATP), sur la base d’un système en 52 semaines. Cela signifie que le classement entre joueur.ses est déterminé selon les points gagnés sur les 52 dernières semaines, et non pas seulement lors de la saison ou l’année en cours. Par exemple, actuellement la première mondiale est Iga Swiatek avec 8940 points, cela signifie qu’elle a gagné 8940 points depuis mai 2022.

Pour gagner des points, il faut participer et gagner des tournois. Par exemple, la gagnante d’un tournoi « WTA 1000 » gagnera 1000 points. Le nombre de points attribués par tournoi est indépendant de la volonté de la WTA ou de l’ATP, car ils sont déterminés par l’ITF (Fédération Internationale de Tennis).

Les gagnantes de titres du Grand Chelem gagnent 2000 points. Gagner le tournoi de Roland Garros permettrait à Iga Swiatek de creuser son avance dans le classement (actuellement de 1299 points). Karolina Muchova (actuelle 43eme mondiale) pourrait, elle, espérer entrer dans le top 10 mondial.

Si vous voulez en apprendre plus en détail, N.O.U.S. vous invitons à visiter ce site internet : https://instantennis.fr/classement-atp-wta/

En plus de comptabiliser les points WTA, l’association est en charge d’organiser les tournois.

Plus de cinquante sont organisés tous les ans, en plus de quatre tournois du Grand Chelem, dont Roland Garros fait partie.

La WTA est présente sur tous les continents, et touche une audience générale de 700 millions de spectateurs par an dans le monde entier.

Retour en arrière : le tennis féminin avant la WTA

Le tennis féminin apparaît officiellement en compétition dès les Jeux Olympiques de 1900 à Paris.

La première vedette internationale du tennis féminin est Suzanne Lenglen, au nom de laquelle est nommé le deuxième court principal du stade Roland-Garros. Elle quitte le tennis amateur après six titres gagnés à Wimbledon (actuel tournoi du Grand Chelem) et une médaille d’or olympique pour effectuer une tournée professionnelle sur la saison 1926-1927, ce pourquoi elle se fait appeler une « diva » et se fait radier à vie de la Fédération française de lawn-tennis (tennis sur herbe), ainsi que par le All English Club qui organise le tournoi de Wimbledon.

Suzanne Lenglen

En effet, à l’époque, le tennis féminin n’est pas considéré comme professionnel et est victime de nombreux préjugés et discriminations. Les journalistes sportifs préfèrent alors parler du physique des joueuses, de leur côté « femme libérée », plutôt que de la vitesse de leur service ou de la puissance de leur coup droit, comme ils le faisaient pour les hommes.

Des préjugés présents au début du Xxè siècle subsistent encore de nos jours : les femmes auraient moins de force ce qui rendrait leurs matchs moins intéressants, leurs services auraient moins d’enjeu que ceux des hommes… Pendant ce temps-là, Suzanne Lenglen établissait des records comme celui de 241 titres, 181 victoires d’affilée ou encore 98 % de matchs gagnés (341 sur 348). Elle est aussi à l’origine de beaucoup de coups et techniques différentes, pendant l’essor du tennis moderne.

Le tennis féminin souffrait aussi d’une très faible médiatisation, ce qui n’aidait pas au faible intérêt porté par les amateurs de tennis. Ce n’est qu’avec le développement de la télévision qui rend le tennis accessible à tout.e.s que le tennis féminin va gagner en force grâce à l’intérêt grandissant des classes moyennes.

Dans les années 1960 et 1970, des protestations des joueuses se font de plus en plus fortes pour réclamer l’égalité avec les joueurs masculins, en terme de primes, de reconnaissance… En effet, elles gagnent des primes (récompenses pour les gagnant.e.s des tournois) jusqu’à 8 fois moins importantes que celles de leurs homologues masculins.

La création de la WTA et les «batailles des sexes »

La Women’s Tennis Association a été fondée par Billie Jean King en 1973. La joueuse était alors première mondiale, avec douze titres de Grand Chelem à son palmarès. Elle est une militante féministe et lesbienne, qui passe sa carrière à exiger des primes équivalentes pour tout.e.s.

Billie Jean King

Pour protester contre le modèle patriarcal qui pèse sur le tennis, Billie Jean King rejoint un circuit féminin autonome créé en 1970 par Gladys Heldman, directrice du magazine World Tennis. Elles sont alors neuf joueuses, appelées The Original Nine, à rejoindre le circuit, en signant un contrat symbolique à 1$. Sept d’entre elles sont suspendues par la Fédération américaine de tennis, qui organise alors l’US Open (tournoi du Grand Chelem), qui les considère comme concurrence.

Gladys Heldman obtient le soutien de la marque de cigarettes Philip Morris et crée le tournoi Virginia Slims International. L’année suivante, ce sont dix-neufs tournois qui sont parrainés par Virginia Slims, pour une dotation totale de 309 100 dollars, qui éclipse de loin les primes gagnées jusque-là par les meilleures joueuses mondiales.

En 1973, Billie Jean King fonde la WTA, dans le but d’unir tous les tournois féminins en une seule compétition. Pour la première fois, l’US Open propose des primes égales pour les gagnant.e.s féminin et masculin du tournoi.

La même année a lieu deux « battles of the sexes » (ou « batailles des sexes »). Ce sont des matchs d’exhibition dans lequel un joueur affronte une joueuse en simple, ou parfois en double. Les deux ont lieu à la suite de provocations faites par Bobby Riggs, un ancien joueur de haut niveau qui a alors 55 ans. Il affirme pouvoir battre n’importe quelle joueuse de tennis, même les premières mondiales, car les femmes sont « nulles ».

Il gagne un premier affrontement contre la première mondiale, l’australienne Margaret Court. Ce match restera dans les annales comme le « Massacre de la fête des mères », Margaret Court ayant perdu 6-2, 6-1. Bobby Riggs est alors très médiatisé et utilise sa victoire pour décrédibiliser la place des femmes dans le sport, et dans la société en général.

L’ancien champion met ensuite à Billie Jean King au défi de l’affronter, et il ajoute un enjeu de 100 000 $ pour le vainqueur. Leur affrontement est diffusé par ABC et bat des records d’audience. Billie Jean King s’impose trois sets à zéro dans ce match en cinq sets gagnants. Cet évènement est utilisé par la joueuse pour répondre à toutes les critiques faites au sport féminin. Il devient la preuve tangible, contre tous les préjugés sexistes, que les femmes sont tout aussi méritantes que les hommes au niveau sportif, et dans la société entière.

Billie Jean King et Bobby Riggs lors de la "bataille des sexes"

Cet affrontement a donné lieu à de nombreuses adaptations, dont un film datant de 2017 dans lequel Emma Stone a interprété Billie Jean King et Steve Carrell a interprété Bobby Riggs.

Avancées du tennis féminin et actualité

Maintenant que la WTA est créée et se veut de mettre à niveau le tennis masculin et féminin, les avancées se font beaucoup plus rapides.

En 1976, Chris Evert devient la première athlète féminine à dépasser le million de dollars gagnés grâce à sa carrière.

En 1977, une décision de la Cour Suprême de New York en faveur de Renée Richards, une tenniswoman transgenre, ouvre le droit de jouer aux athlètes transgenres.

(vous pourrez retrouver plus d’informations sur notre article dédié)

En 1980, plus de 250 femmes jouent au niveau professionnel dans le monde au sein de 47 tournois qui ont au total une dotation financière de 7 millions de dollars, soit plus de vingt fois le total de 1970.

En 1983, l’unification des tournois voulue par la WTA est effective et cette même année les hommes et les femmes obtiennent les mêmes primes lors de l’US Open.

En 1984, Martina Navrátilová gagne les quatre tournois du Grand Chelem, et le total des primes qu’elle remporte dans l’année est plus élevé que celui du numéro 1 mondial masculin, John McEnroe. Quand elle prendra sa retraite en 2006, elle aura le record absolu, tout.e.s joueur.ses confondu.e.s, de titres remportés.

En 2007, il y a plus de 1300 joueuses professionnelles qui sont en compétition lors de 62 épreuves, pour une dotation financière totale de 62,4 milliards de dollars. La WTA estime alors que 4,5 millions de spectateurs sont venus assister à un match de tennis féminin dans l’année.

En 2011, Li Na devient la première joueuse asiatique à remporter un titre du Grand Chelem. Pour la première fois dans l’histoire de la WTA 10 nations sont représentées dans le top 10 du classement mondial.

De nombreuses joueuses iconiques ont contribué à faire avancer le tennis féminin et à le faire gagner en notoriété, comme les sœurs Williams, Amélie Mauresmo, qui devient la première joueuse ouvertement lesbienne à jouer, Steffi Graf ou encore Monica Seles.

Toutes ces avancées ne se font pas sans côté négatif puisque le tennis féminin reste victime de nombreux préjugés. De nombreux témoignages d’agressions sexuelles ont été fait ces dernières années, notamment de la part des entraîneurs des joueuses.

Aujourd’hui se joue la finale d’un titre du Grand Chelem : Roland-Garros. Iga Swiatek et Karolina Muchova vont s’affronter pour 2000 points au classement et 2 300 000 euros, soit 100 000 de plus qu’il y a un an. Tout.e.s les participant.e.s au tournoi auront les mêmes primes et mêmes apports de points. Le public est au rendez-vous pour tous les matchs. La finale féminine se jouera à 15h sur le court central du stade Roland-Garros, le court Philippe Chatrier.

Comme il est écrit sur le court « la victoire appartient au plus opiniâtre », cette citation de Roland Garros est valable pour tout.e.s. Alors cet après-midi, que la meilleure gagne !

Bon match à tout.e.s !


par Lili Baccou

sources :

https://www.wtatennis.com/about

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_des_sexes_(tennis)

https://leplus.nouvelobs.com/contribution/1375031-roland-garros-de-lenglen-a-sharapova-on-parle-plus-du-corps-des-femmes-que-de-leur-jeu.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/WTA_Tour

Images :

https://images.rtl.fr/~c/770v513/rtl/www/1157606-suzanne-lenglen.jpg

https://www.lefigaro.fr/sports/tennis/actualites/il-y-a-42-ans-billie-jean-king-remportait-la-bataille-des-sexes-739974

https://www.britannica.com/biography/Billie-Jean-King