Vue de Fès depuis Sidi Ali El Mzali
Mouna Hachim, écrivaine marocaine, mentionne dans une chronique : « Citons [...] la tribu Aït Mzal dont l’ethnonyme est Mzali, arboré fièrement par plusieurs sommités culturelles et religieuses. Il serait vain de tenter d’énumérer toutes les personnes, familles et groupements dont le nom englobe cette racine : Qsar Imzilen sur la rive droite d’Oued Dadès ; Sidi Mzal, au nord de Taroudant; Omrou Wemzal, un des membres du Conseil des dix du Mehdi Ben Toumert et chef de la tribu Hintata au grand-Atlas; zaouïa de Mzilate à Chiadma […] Le professeur Ahmed Chafik se demande s’il faut rapprocher les termes Mazili, Mazouli, Mzala, Aït Amzal, Tamzilen du nom des Massyles. Il s’agit là du royaume antique des Mezala, dit Massyles par les auteurs romains qui s’étendait sur l’Afrique du Nord (est du Maroc, nord-est de l’Algérie, Tunisie et Libye jusqu’à Tripoli avec pour capitale, Cirta, actuelle Constantine). Parmi ses rois illustres figurent Jugurtha, Juba, Ptolémée… et Syphax. Celui-ci, allié des Carthaginois, en guerre contre Massinissa est vaincu par les Romains à la bataille des grandes plaines en l’an 203 av. J.-C. et envoyé en prisonnier à Rome où il trouva la mort tandis qu’incombait à son rival Massinissa son royaume des Mezala. »
De son côté, Habib Boulares écrit, dans Hannibal, éditions Perrin, à propos des Massæssyles : « ces noms de peuples se sont perpétués en Afrique du Nord, notamment en Algérie et en Tunisie, sous les formes de Massali, Messali, Mzali, Tamzali, Souli, Soula et même Massouli. »
C’est cette même racine que l’on retrouve dans le nom, Hiempsal, de deux rois numides parmi les descendants de Massinissa.
Ces appellations sont toutes issues de la racine MSL/MZL, S et Z étant très proches dans les parlers berbères. G. Olivier propose dans ses Recherches sur l’origine des berbères, pour Masala ou Mazala, le sens « grand et pieux » et ajoute « Massilia, l’antique nom de la cité provençale, Marseille, ne semble-t-il pas un appellatif berbère, et n’est-on pas frappé de sa relation intime avec les noms de Massylii et des Massaessylii ? »
Mohamed-Ali Haddadou dans son Recueil de prénoms berbères, propose pour la racine YMSL/MSL le sens « façonner, pétrir, lutter, combattre », le Mzali étant alors le combattant, le façonneur.
La première mention d’un Mzali dans l’Histoire de la Tunisie, apparaît avec les Hafsides. C’est un ‘Mzali’ qui en est l’ancêtre.
Comme le mentionne Habib Boularès dans son Histoire de la Tunisie ; les grandes dates, de la préhistoire à la révolution (Cérès Éditions), « La naissance de la dynastie Hafside est laborieuse. A son origine, il y a le patriarche, Abou Hafs Omar al-Hintati qui a mis au service de la nouvelle doctrine des Mowahhidine (Almohades) la force de frappe de sa tribu Hintata, branche des Masmouda du Haut-Atlas marocain [...]. Abou Hafs portait un nom berbère : Faska O'Mzal Inti. C'est l'Imam (Ibn Tumert, fondateur des Almohades) qui lui a donné son nom arabe : Omar, par référence à Omar Ibn al-Khattab […] et Abou Hafs, parce que Omar a donné sa fille Hafsa en mariage au Prophète. Fiers de ce rattachement à une lignée prestigieuse, tous les descendants du patriarche Faska vont garder le nom de Hafsiyine (Hafsides). » Faska O'Mzal Inti meurt en 1163. En 1228, « Marrakech confie le pouvoir en Ifriqiya au véritable fondateur de la nouvelle dynastie : le cheikh Abou Zakarya Yahya Ibn Abdel-Wahid Ibn Abi Hafs Omar (petit-fils de Faska O Mzal Inti). Après soixante-trois ans donc de gouvernement direct des Almohades, l'Ifriqiya prend une autre voie, désormais celle des Hafsides pour trois siècles et demi ».
Tous les descendants de Abu Hafs Omar continueront à revendiquer cette ascendance sur plusieurs générations et cela se fait alors au détriment de la référence Mzali.
La dynastie Hafside a gouverné la Tunisie de 1207 à 1574. A ses débuts, elle recrute les troupes qui lui sont nécessaires, nomme les fonctionnaires de l'État, les qadis, etc. parmi les clans Masmouda et Sanhadja qui entament une migration à partir du Maroc.
On peut penser que la première installation de la famille Mzali en Tunisie date de cette époque, non pas nécessairement en lien de parenté mais en lien d’origine avec Faska O Mzal Inti.
Mohamed Tahar Aguir (El Mounastir aabra maouaqaa el tajdhir ouel tahrir) et Abdallah Zannad (El Mounastir aabra el aousour) mentionnent un Imam Mzali, qui a vécu au milieu du 7e siècle de l’hégire, auteur d’un ouvrage intitulé Misbah el dhalem fel mostaghitthine bi sayd el anam oual yaqdha ouel menem.
El-Dabbagh (Abū Zayd Abd al-rahman ben Mohamed ben Ali ben Abdallah al-Ansari al-Usaydi surnommé al-Dabbagh (1208 ou 1209-1300), savant issu d’une vieille famille de faqih kairouanais et auteur de Maalim al-iman fi maarifati ahl al-Qayrawan) mentionne un Mzali, qui semble être son contemporain, homme pieux, auteur de plusieurs prodiges, ayant vécu à Kairouan. Il aurait donc lui aussi vécu au 13ème siècle.
Cette présence à Monastir et à Kairouan n’est pas fortuite. Le lien entre les deux villes est un lien fort et attesté notamment par le fait que « le Ribat de Monastir est entretenu par la piété des gens de Kairouan » comme le mentionne Jean Despois dans La Tunisie orientale, Sahel et basse steppe. (1955, Publications de l'Institut des Hautes études de Tunis, PUF, Paris). Et ce lien est source de flux de population.
D’autre part, depuis la fondation de son Ribat et encore plus depuis l’invasion hilalienne, la ville de Monastir attire de nombreux savants et autres Ulémas qui viennent y enseigner et y séjourner pendant des périodes plus ou moins longues.
Rappelons également que le 8e siècle a vu l’arrivée de près de 200 familles bannies de Kairouan (fuyant les persécutions des Aghlabides) s'installant sur la rive d'al-Aliya. Le nom de la mosquée universitaire Karawiyine fondée par l'aristocrate d'origine kairouanaise Fatima el Fihriya au 9e siècle fait référence à cette communauté. Elle a été l'un des centres spirituels et culturels les plus importants de l'époque et a participé à l'âge d'or intellectuel de la civilisation islamique.
Ainsi Fès, Kairouan et Monastir sont-elles reliées par des échanges historiques et spirituels. On peut penser que toute la période de la dynastie Hafsides a été marquée de migrations, dans les deux sens, entre Tunisie et Maroc et notamment entre Fès et Kairouan et entre Kairouan et Monastir.
Parmi les descendants des compagnons d’Abu Hafs installés en Tunisie, notamment à Kairouan et à Monastir, certains sont peut-être ainsi retournés au Maroc au nombre desquels figurerait Sidi Ali el Mzali, réputé guérir la coqueluche.