Au sens propre, makhzen signifie magasin, dépôt. Le makhzen a alors désigné le dépôt où venaient s’entasser les ressources de l’État (Mustapha Kraïem, 1973. La Tunisie précoloniale, Société tunisienne de diffusion). Par métonymie, le terme a désigné ceux qui sont au service de l’État.
C’est aux almohades puis aux hafsides que l’on doit cette terminologie, « terminologie de tous les gouvernements marocains et qui était en usage en Tunisie, comme survivance hafside, sous le gouvernement des beys. » (Slimane-Mostafa Zbiss, 1962, Inscriptions du Gorjani, Contribution à l’histoire des Almohades et des Hafsides, Institut national d’archéologie et arts, Tunis).
Khalifa Chater (Introduction à l'étude de l'establishment tunisien : l'État Makhzen Husseinite et ses mutations. In Cahiers de la Méditerranée, n°49, 1. La Tunisie, une dynamique de mutation, 1-18, 1994) indique que dans la Tunisie ottomane, le concept makhzen a commencé par désigner « la force armée spécialement attachée au souverain et aux hommes du pouvoir et chargée d'exécuter leurs ordres. Les troupes du makhzen constituaient, à l'origine, l'escorte militaire du bey ou des officiers en mission, dans l'intérieur du pays ».
Le Commandant Raymond Emile Drevet précise (L’armée tunisienne, Ch. Weber et cie., 1922) qu'il y avait, en effet, depuis que la Tunisie était sous suzeraineté ottomane, deux sortes de forces armées : les janissaires qui, en principe, n’étaient composés que de turcs envoyés de Constantinople, et les formations indigènes dites de makhzen » (. Ces troupes n’étaient pas permanentes et étaient fournies par certaines tribus arouch es Sandjak (tribus du drapeau) dans lesquelles le souverain puisait – en fonction des besoins – comme on puise dans un dépôt/magasin. Cette distinction entre troupes permanentes et troupes makhzen s’est poursuivie dans la durée. Ainsi le décret du 23 mars 1899 stipule que ‘les caïdats se divisent au point de vue militaire en deux territoires ainsi dénommés : territoires de makhzen, territoires de recrutement’. Les territoires de recrutement sont appelés à fournir les contingents annuels alors que les territoires makhzen fournissent les cavaliers nécessaires à la garde et à la surveillance des frontières. A titre d’exemple, parmi les tribus makhzen, celle des Drids assurait le transport (matériel, ravitaillement) et l’appui au mouvement de la colonne. Elle était exemptée d’impôts mais tenue de répondre à toutes les réquisitions du Gouvernement.
Khalifa Chater complète en indiquant que, par extension, « l'usage général considère comme makhzen, les élites qui gravitent autour du pouvoir, forment son système de gouvernement, ses instruments de domination de l'ensemble de la société et entretiennent avec lui des relations privilégiées. Telle famille est mekhazni, l'expression consacrée signifie qu'elle fait partie des structures du pouvoir, qui l'ont hissée dans la hiérarchie sociale, puisqu'elle est au service de l'État-dynastie et qu'elle en tire des privilèges d'influence réelle. »
Parmi les grandes familles mekhazni, on trouve les Djellouli et les Ben Ayed. Ainsi, en 1831-1832, Ibn Abi Dhiaf (Ithaf ahl al-zaman bi akhbar muluk Tunis wa 'Ahd el-Aman, édition critique et traduction d'André Raymond, Alif, Tunis, 1994) précise que « des membres de ces deux grandes familles occupaient effectivement à peu près tous les gouvernorats de la côte orientale de la régence. » Les Djellouli avec Sfax (Mohamed), Monastir (Hassouna) et les Mthalith (Farhat) et les Ben Ayed avec Djerba (Suleyman), el-Aradh (Abderrahman), Mahdia (un fils de Mohamed) et Sousse (Mahmoud).