Lettre d'une coopérante au Nicaragua - numéro 8

MichMich News 

Nouvelles du Nicaragua

Edito

Après un début d’année à tourner en rond à me ronger les ongles… La montagne de tâches à réaliser en 2023 m’a rattrapée par les pieds et m'a fait tomber dans un méli-mélo de stress à ne plus savoir où donner de la tête ! Pas de panique, une chose après l'autre, voici enfin votre MichMich News ! À la demande d'un ami (merci Julien), la newsletter changera de look pour vous permettre de la lire depuis votre téléphone !

Du coup, pardonnez-moi mes quelques erreurs pittoresques, mes petites mains commencent à être plus à l'aise avec des pots de peintures physiques que la petite palette de couleurs graphiques de cette page web ! Cependant, je ferai de mon mieux pour apprivoiser ce nouvel outil ! Comme mes collègues qui doivent apprivoiser tout un tas de nouveaux outils digitaux dont je vous dirai plus dans cette lettre !

Depuis ma dernière lettre circulaire, le temps a filé au style nicaraguayen auquel je m'habitue de plus en plus. D'un début d'année d'une lenteur de tortue, le mois de mars a pris une accélération à 220km/heure avec la finalisation du projet de peinture en un seul petit mois. Entre les jets de peintures et les rires partagés, la plupart de mes vêtements ont gardé des taches de ce mois effréné. Sans avoir le temps de préparer réellement mon départ, me voilà dans un avion accompagné de ma collègue Karla, direction : La maison ! 

Certains d’entre vous ont eu l’opportunité de voir le petit bout de mon nez dans un éclair de fumée se pointer en Suisse. Juste le temps de présenter l’organisation et les différents projets, claquer quelques bises, se serrer dans les bras et faire le plein de chocolat et me voilà de retour au Nicaragua. Avec, dans ma valise, quelques surprises… Bien évidemment, une bonne fondue suisse qui n'a pas supporté la chaleur du voyage... snif... Cruelle disparition, bien trop jeune... Mais aussi, Valentin, un jeunet de la vallée du Trient qui est venu m'accompagner dans mon défi à former mes collègues aux outils Excel et à proposer des solutions pour digitaliser les outils de travail. 

Enfin, de nouvelles aventures se profilent au sein de Mary Barreda ! Vous en saurez plus en lisant les articles qui suivent !

La Shiva de la peinture 

Au Boulot 

Et c'est parti ! En 2022, vous avez été nombreux à nous soutenir pour acheter du matériel de peinture. Après un parcours complexe, le projet artistique a enfin pu être mis en place avec un petit hic... Les sept mois prévus pour sa réalisation se sont transformés en un seul petit mois...

 

Autant vous dire que j'ai vécu le stress de mes collègues nicaraguayennes et que j'ai compris comment elles faisaient pour réaliser des événements en un tour de bras. A force de tourner en boucle le projet dans ma tête dans l'attente qu'il se réalise, tout s'est aligné rapidement au moment venu. Quand on ne peut pas, on peut quand même... et quand on ne sait pas à quoi on servait et bien maintenant, on sait... Pendant longtemps, je ne savais pas à quoi je servais, je suivais et j'observais le travail de mes collègues. Cependant, à force de suivre mes collègues, j'ai évidemment créé des liens avec les personnes. Et, au moment où les activités se sont mises en place, je savais où aller, à qui demander et comment m'organiser.

 

Les groupes de jeunes se sont formés facilement grâce aux liens et au réseau que mes collègues ont développé au fil des années. Ma bonne intégration à Léon s'est également ressentie, mes contacts m'aidant à travailler avec les bons artistes et à trouver le matériel nécessaire. 

Bien sûr, tout n'a pas été simple et autant vous dire que gérer des groupes d'une vingtaine d'enfants ou d'adolescent·e·s accompagnés de l'artiste référent m'a rappelé les accueils libres en Suisse où l'on jongle avec une montagne d'éléments. Et puis, finalement, nous avons produit 4 processus de fresques murales participatives avec chacune son histoire et sa méthodologie dont je vais vous raconter l’histoire !

Prévention de la violence dans la Cancha du 3 de julio

Du 28 février au 4 mars

En 2022, je me rendais fréquemment dans la zone du 3 de julio pour accompagner les ateliers de la communicatrice sociale, chargée d’enseigner le journalisme, la communication et la production, auprès des 15 communicateurs et communicatrices du quartier. On a très vite commencé à parler du terrain de foot du quartier et de la maison abandonnée derrière. Les jeunes (entre 12 et 16 ans) mentionnaient que souvent, ils ne pouvaient pas y jouer car les grands occupaient l’espace et, à la nuit tombée, il y avait des voitures qui s’y parquaient avec, probablement, de la consommation d’alcool et d’autres substances. En plus, la maison abandonnée était probablement le lieu d’embrassades passionnées à l’abri des regards. Très vite, l’idée de peindre des messages de prévention positive est venue.

L’idée de base était d’avoir des ateliers de peinture, puis de finaliser le processus avec la fresque murale et un reportage sur le déroulement du projet. Dans la réalité, le temps et la grandeur de la paroi ne nous permettait pas de passer par un brouillon. Nous avons donc utilisé la technique de l’école de Perquin au Salvador que j’avais découverte durant mes études à la HES-SO de Sierre. Leur technique consiste à appliquer un fond de couleur pastel pour provoquer la créativité et l'imagination. Puis, nous avons observé la paroi, peint quelques éléments, pris du recul et continué à peindre. Le tout accompagné de deux excellents artistes de l’initiative Believe in Art de Léon au Nicaragua. Quant au reportage... on s’est plutôt tous mis à peindre…

 

La peinture a avancé dans un brouhaha infini avec des enfants et des jeunes qui se sont inclus petit à petit. Au total nous étions presque tous les jours entre 25 et 30 personnes à peindre. Les référentes communautaires sont venues nous aider en lavant tous les terrains. Puis, la leader politique a empoigné un pot de peinture blanche, a rameuté les hommes qui étaient assis et leur a fait repeindre le terrain de foot. On a aussi vite peint quelques marelles de jeux pour les enfants.

Au final, mon âme d’animatrice socioculturelle a presque envie de rester dans ce quartier et de développer cette énorme place comme un espace de rencontre et de convivialité. Les jeunes sont remplis d’idées et rêvent d’un multisport … tiens... ça me rappelle quelque chose… Enfin bref, les ressources financières et le temps ne va probablement pas nous le permettre.

 

Revenons à la fresque… en quelques mots, les jeunes voulaient garder la partie blessée de la paroi et en faire un message : quand tu blesses, les marques restent. Puis, leur idée a évolué vers : La violence blesse, l’éducation sauve ! Un second groupe a réfléchi à l’envie de montrer les deux visages d’une victime de violence : celui qui souffre en privé et le visage que l’on montre en public avec la phrase : L’amour ne devrait pas faire souffrir.

Au fur et à mesure de la peinture, un des jeunes m’a prise à part et m’a raconté que c’est sa maman qu’il a eu envie de représenté sur le mur. Je prends évidemment les précautions de savoir si le cas a été suivi par l’organisation et que le jeune se trouve actuellement dans un environnement libre de violence. Cet échange aura été un moment réellement complice et, montre, que chaque jeune s’est approprié à sa manière le processus.

 

Enfin, un troisième groupe a décidé de mettre en avant les messages de notre campagne de prévention, car… après tout : « on est des communicateurs et des communicatrices de la fondation ».

Le processus de la Cancha 3 de Julio m’a vraiment fait revivre cette posture d’animatrice socioculturelle que j’adore ! A travers les activités, petit à petit, les langues se délient, le lien se crée et on avance tous ensemble. Dans ces relations, il y a aussi des nouvelles réalités... Par exemple, plusieurs jeunes ou enfants souffrent de handicaps liés au fait que leur mère buvait de l’alcool durant leurs grossesses. Et cela représente pour moi une nouvelle forme de violence que je ne connaissais que très peu et qui cache probablement des causes tragiques.

Les droits des enfants à la Maison des enfants de la Terminal de bus

Du 10 au 18 mars

Le temps de transvaser les pinceaux au Terminal de bus, on entame avec ma collègue Aleida un tour de visite pour convoquer les enfants vendeurs du terminus de bus de Léon.

Le vendredi 10 et le samedi 11 mars, on se réunit avec tous les enfants et les artistes. Après quelques exercices de créativité, nous lisons un conte sur les droits des enfants. Petit à petit, on commence par sortir les éléments de ce que les enfants ont comme droit… A ce moment, il y a des histoires intéressantes qui se partagent. Par exemple, une des filles mentionne : « Mais c’est moi ça, des fois, je travaille très tard le soir avec ma cousine, et une fois, y a un homme qui a essayé de m’attraper et j’ai couru très vite ! »

Le brouillon prend forme et dès le mardi, on entame 4 jours de peinture. Les 10 enfants qui devaient participer se transforment en 20 enfants… Certains ne vont pas à l’école et profitent donc d’échapper à leurs parents pour venir se distraire.

Les pinceaux virevoltent dans les airs et les gouttes de peinture s’écrasent sur le sol au milieu des cris, des rires et de la sueur. La paroi est trop petite pour accueillir autant d’enfants, on se met donc à peindre le bureau de ma collègue… une vraie catastrophe artistique mais bon, on n’avait pas le choix…

Et puis, petit à petit, tout le monde s’organise… J’avais pris l’habitude d’emmener mes jeux de société à la Maison des enfants. Du coup, dès mon arrivée, les enfants prenaient les jeux en attendant qu’on les appelle pour peindre. Ils ont été tellement bien habitués que lorsqu’on a réalisé l’inauguration de la fresque, les enfants sont venus plus tôt et ont réclamé les jeux à ma collègue…

Le travail de Mary Barreda vu par les communicateurs et les communicatrices

Du 10 au 20 mars

La maison centrale qui abrite le bureau de la direction, l’administration, l’attention psychologique et juridique, le studio de communication est très souvent fréquenté. C’est également le lieu de rencontre pour leurs ateliers ou les soins des femmes en activité sexuelle rémunérée.

Avec la direction, nous avons décidé de ne pas peindre directement la paroi, mais de créer trois grands tableaux. Les ateliers ont été réalisés en même temps que le processus avec les enfants du Terminal. Dans une salle à part, nous avons réuni les communicateurs et les communicatrices de l’organisation pour réfléchir à ce qu’ils voulaient transmettre de l’organisation. Après discussion avec l’artiste, ils ont décidé de formuler des messages positifs et des aspects du travail de l’organisation : le renforcement familial, les ateliers pour informer et toutes les campagnes de prévention.

Puis, ils ont appris à monter la toile sur le support de bois, à la fixer et à commencer le travail de peinture. Le nombre d’enfants et la charge de travail ne me permettait que très peu d’interactions avec les communicateurs et les communicatrices.

Cependant, le peu de blagues glissées et les quelques ateliers sans les enfants m’ont permis de tisser une jolie relation avec les quelques communicateurs et communicatrices présent.e.s. L’artiste prenant soit trop de place, soit pas assez, j’ai dû finaliser une partie du travail à la maison. Cependant, le lien avec les communicateurs et les communicatrices m’a permis de leur faire des propositions et quelques minutes avant l’inauguration, les feutres POSCA ont fait leur travail. Cela a montré l’importance, pour un prochain projet, d’avoir à disposition un.e artiste et un.e facilitateur/trice tout au long du processus.

Concernant les blagues, j’ai le droit maintenant à des cours de prononciation du mot « rouge » à chacune de leur venue. Cela dit, la dernière fois, la discussion avec un des jeunes a commencé sur la blague du mot rouge puis, a terminé sur sa volonté déterminée de partir aux Etats-Unis. Ma position d’étrangère me permet dans ces moments de mettre en garde sur la notion de sécurité dans le voyage et d’échanger sur les enjeux de l’intégration d’une personne dans un monde totalement étranger. Et, cela, simplement à partir d’une blague…

La résilience à la maison des adolescentes

Du 21 au 29 mars

L’organisation Mary Barreda possède un programme de trois ans pour les adolescentes qui présentent de hauts risques ou sont dans des situations d’exploitation sexuelle ou/et commerciale. Nous avons donc réuni des filles qui étaient passées par l’ancien programme et des filles qui allaient entrer dans le programme. Cette fois-ci, pour des questions de confidentialité et de confiance, le brouillon et les idées ont été récoltés sans l’artiste.

Dans cette démarche, j’ai opté pour des méditations guidées sur de la musique et des discussions ouverte avec le groupe de filles. Le moment de discussion fut comme figé dans un instant de confidence et réellement intéressant. Au fur et à mesure que les filles qui étaient déjà passées par le processus expliquaient leurs histoires, les jeunes filles qui allaient passer par le processus acquiesçaient aux idées sans dire un mot. Une fois, les premières esquisses et quelques mots choisis, on a envoyé les idées à l’artiste qui a proposé un brouillon en respectant les idées des jeunes filles.

Durant les sessions de peinture, à coup de pinceaux et de rires, les langues se déliaient chaque jour un peu plus et les histoires se mélangeaient à la peinture. Durant le processus, les jeunes filles ont ramené deux amies qui ont été, ensuite, intégrée au programme de l’organisation. L’une d’elle m’a beaucoup touchée, elle avait 14 ans et un enfant de presque une année et une rage contenue qui peinait à s’exprimer. La situation d’exploitation sexuelle a souvent comme conséquence des grossesses à un très jeune âge. Selon le site lalupapress[1], 25% des femmes enceintes au Nicaragua sont mineures. Bien sûr, il y a d’autres facteurs qui mènent à la grossesse, comme le manque d’informations et la précarité des femmes. Cependant, à l’association Mary Barreda, on considère qu’une adolescente entre 10 et 16 ans enceinte représente une violation de son intimité personnelle et l’impossibilité de faire le choix conscient de la maternité.   

Et le Jenga ! Pas oublier le Jenga

J’ai fait créer 6 jeux Jenga d’un mètre de haut. Chaque jeu représentera une thématique préventive. Les pièces seront peintes en 4 couleurs et chaque couleur désigne un type de questions, une information utile ou une action à réaliser. Une face du bloc de bois est peinte par un participant. L’idée est de créer une tour géante avec tous les messages des enfants, des jeunes et des femmes en gardant la symbolique que si une pièce est retirée, des morceaux de la tour tombent. Comme dans la vie réelle, si on retire des droits, si on violente ou si on ne prend pas soin les uns des autres, des bouts de personnes sont détruits.

On peindra chaque Jenga lorsqu’il y aura une opportunité. Le premier a été peint lors d’une fête dans un centre scolaire pour prévenir l’exploitation sexuelle commerciale. On l’a peint avec 56 enfants, autant dire que les deux mains de Valentin pour m’aider n’ont pas été de trop…

[1] https://lalupa.press/exclusion-y-pobreza-el-costo-de-ser-madre-adolescente-en-nicaragua/

Le coucou suisse

Voyage et découvertes

Si j’ai choisi de partir avec Eirene Suisse, en plus du côté familial et de proximité de l’organisation, c’était pour sa vision de l’échange. Eirene Suisse est venue à moi en envoyant un volontaire du Nicaragua en Suisse. C’est cela qui m’a séduite, car dans le privilège du blanc éduqué dans un pays du nord, il est très facile de réaliser un travail professionnel dans un autre pays. Dans le sens inverse, on qualifiera la personne du sud comme migrante et on lui ôtera tout simplement son expertise professionnelle. Et, il y a encore moins la possibilité de venir s’ouvrir à de nouvelles cultures comme un coopérant. Certes, actuellement, les coûts et le financement d’une personne du sud qui viendrait travailler au Nord durant trois ans est un frein. Cependant, Eirene Suisse s’efforce de trouver les financements et les occasions pour emmener des collaborateurs du Sud à échanger sur leur expertise professionnelle au Nord. Et, pour moi, cela est synonyme d’un réel échange.

 

Avec mes collègues au Nicaragua, il est parfois complexe de comprendre la difficulté de s’intégrer dans un nouveau contexte, de communiquer avec des références culturelles totalement différentes et de faire face aux chocs culturels. L’opportunité de pouvoir emmener quelqu’un avec soi et de partager un bout de son pays est non seulement un juste retour des choses, mais également l’opportunité d’échanger et de se comprendre toujours un petit peu plus.

Nous nous sommes donc rendus en Suisse avec Karla Laguna, avocate et coordinatrice d’un des projets de prévention de l’organisation et nous avons réalisé l’échange du 17 au 30 avril 2023. Entre les visites dans les organisations, les présentations dans les écoles, les réunions et les évènements publics, j’ai un tout petit peu épuisée ma collègue… mais elle a tenu le coup ! Et moi, j’ai perdu la voix à force de traduire en vivo.

 

Entre la fatigue du mois de mars et le voyage du mois d’avril, je pensais rentrer au Nicaragua sur les rotules, mais la cure de fromage à raclette et l’air des montagnes a fait son effet et j’étais de retour au Nicaragua comme un sou neuf ! En vrai, c’est probablement vos câlins et prendre de vos nouvelles qui m’a fait le plus de bien !

 

Et, cela a même fait du bien à Karla ! A son retour, elle a fait une prise de sang et son médecin a salué son état de santé qui s’était nettement amélioré. Et, dans les bienfaits de l’échange, j’ai senti une réelle différence dans la communication avec ma collègue à notre retour.

Et puis, je crois que je me rends mieux compte comment cela peut être complexe de la part de l’organisation qui nous accueille de se mettre à nu, de reconnaitre qu’il y a certains éléments qui fonctionnent différemment, de constamment enseigner et défendre sa manière de travailler ainsi que de faire de la place pour qu’une personne étrangère sans réelle connaissance du contexte puisse s’intégrer pleinement. Cela représente aussi une certaine responsabilité d’avoir avec soi un être vivant qui puisse se perdre, se tromper, s’exprimer incorrectement avec de la maladresse et vivre ses émotions dans un contexte différent.

 

Un petit tour et puis s’en va !

Visite professionnelle

Lorsque j’ai quitté l’Action Socioculturelle – Vallée du Trient, j’ai écrit dans mon dernier rapport que je gardais ancrés en moi des liens sociaux avec les jeunes de la vallée. Je suis une travailleuse sociale qui pense que les liens ne peuvent ou ne devraient pas se couper simplement parce que le travail se termine. J’aime également beaucoup la notion d’échange et d’horizontalité dans mon travail d’animatrice socioculturelle et, je suis heureuse que des jeunes que j’ai parfois orientés, accompagnés, et aidés, me retrouvent pour, à leur tour, m’orienter, m’accompagner et m’aider.

Dans ces liens que j’ai gardés et qui, bien souvent, se transforment en amitié, il y a Valentin. Je me souviens bien lorsqu’il m’a dit : « un jour, je viendrai t’aider au Nicaragua ! ». Il a suivi mes aventures au Nicaragua patiemment à coup d’Instagram, de Messenger et de lettres circulaires, jusqu’au jour où je m’arrachais une fois de trop les cheveux sur Excel et que je lui ai dit : « Finis ton Bachelor et viens ! ». Son Bachelor en poche en février 2023, deux petits mois plus tard, le voilà qui déambule dans les rues de Léon à la recherche de ses tajadas !

C’était intéressant de voir quelqu’un se frotter aux mêmes chocs culturels et d’évoluer dans la pagaille nicaraguayenne. J’avoue que Valentin se fait nettement moins arnaquer que moi et négocie beaucoup mieux les prix. Et, en termes d’intégration, il a réussi avec brio à faire rire toutes nos collègues et même à faire danser Marie Elena, la Gigantona de l’organisation. Je vous invite d’ailleurs à aller lire sa lettre circulaire : https://eirenesuisse.ch/fr/lettre-circulaire-valentin-rebelle-juin-2023-%f0%9f%87%b3%f0%9f%87%ae/

 

Bon, on a surtout travaillé… et on a beaucoup travaillé, tous les deux penchés sur nos ordinateurs sur la petite table du fond dans la maison centrale en grignotant des gourmandises de Léon. Valentin a également eu la chance de m’accompagner dans les fêtes d’inauguration de chaque processus artistique les premiers mois et d’observer le travail de mes collègues dans différents lieux pour mieux cibler les besoins du terrain. Mais sa venue était principalement pour appuyer mes collègues dans leurs difficultés avec leurs statistiques et leurs rapports.

 

Depuis mon arrivée au sein de l’organisation, je vois mes collègues s’arracher les cheveux avec des études, à essayer de faire des graphiques dans tous les sens, et surtout… elles perdent un temps précieux à manipuler avec leurs propres connaissances des fichiers Excel différents. Et soyons francs, je ne gère pas vraiment bien les formules Excel… Du coup, l’arrivée de Valentin était vue un peu comme un petit ange suisse qui vient régler les soucis Excel de l’organisation.

Après une tentative d’installation d’une KoboTool Box qui a échoué, j’ai observé mes collègues tenter naturellement de travailler avec un Google form. La solution d’installer les outils de Google Tool Box a pris ainsi petit à petit forme avec l’approbation de mes collègues. Si la proposition était acquise, la manière dont on allait procéder pour faire les changements nécessaires tardaient… et paf, Valentin arrive et tout semble s’activer bien plus vite.

Après avoir fait des entretiens et mesurer les connaissances de chacune de mes collègues, nous avons fait plusieurs propositions à la direction. Cette dernière a choisi de créer des ateliers EXCEL selon 3 niveaux : basic, moyen, avancé. Valentin a également créé des fichiers consolidés et avec des formules qui automatisent les statistiques des visites et des attentions sociales données. En cours de route, d’autres fichiers ont été adaptés à la demande de mes collègues.

Enfin, elles ont fait le choix d’implémenter les outils de Google et d’y connecter des courriels institutionnels. Sauf que… comme la plupart des organisations financées par projet, on peine à avoir de l’argent pour le fonctionnement institutionnel, donc pas de possibilité de payer pour le moment des frais mensuels. Donc, au grand bonheur de Valentin et moi, on s’est arraché à notre tour les cheveux à créer tous les comptes Gmail, à connecter les calendriers et à générer les dossiers manuellement. Cela parait simple dans les faits, mais dans la réalisation, nous avons passé plus de 4 jours à tout connecter… bien sûr avec plein de « bollo » de coco, une gourmandise bien sucrée pour nous donner de l’énergie (enfin… moi je carbure plutôt au litre de café…)


On a terminé par faire une présentation et une introduction aux outils. Si mes collègues ont bien compris l’importance des différents outils présentés, le changement de méthode de travail prendra du temps. Mon rôle sera donc, d’essayer d’accompagner ce changement au mieux avec l’objectif que mes collègues gagnent du temps… surtout pour profiter pleinement de leurs jours de congé.

 

Le temps de réaliser tout ça, Valentin s’en va… avec peine, car il y a encore des tas de choses qu’il aurait aimé faire… mais bon, il a promis de revenir pour la semaine sainte en 2024, alors ça va !

Et la capitalisation, dans tout ça ?

Rendre visible l’invisible

Mon travail au sein de Mary Barreda se présente sous la forme de 3 projets : les actions communautaires et artistiques, le renforcement d’outils pour la gestion de projet et la capitalisation de l’intervention sociale et de l’action sociale au sein de Mary Barreda.

Tout comme les deux autres projets, la capitalisation a pris un rythme plus intensif. En 2022, les quelques réunions réalisées ont permis à l’équipe de reconnaitre qu’elle faisait dans son entier partie du processus d’intervention sociale et que chaque personne était un peu travailleuse sociale. Cette prise de conscience était réellement nécessaire pour commencer à décortiquer les 35 ans de travail de Mary Barreda et ressortir ses actions et ses caractéristiques. Et, cette année, je travaille main dans la main avec Ana Cecilia, travailleuse social et coordinatrice du programme pour les adolescentes.

Au mois de juin, nous avons réalisé, avec la direction et Ana Cecilia, un plan des sessions de récolte de donnés et d’analyse. Autant vous dire que je me réjouis de réaliser les différents ateliers ! Le tout sera terminé en décembre 2023.

Même si un petit soupçon de peur et d’angoisse me fait trembler à l’idée de ne pas réussir le processus, cela reste pour moi un grand défi d’animer et guider des personnes qui ont le double, voire le triple, d’expérience que moi…

La team Suisse au Nicaragua

Au Boulot... ou presque !

Avant de présenter la team d’Eirene Suisse dans l’Association Civil Projet Femme – Mary Barreda, nous les avons accompagnés à un concert de l’organisation Chispas Musicales qui tente de favoriser le respect et le vivre ensemble à travers la musique classique. Puis, nous avons passé une journée au bord de la Laguna de Apoyo, un lac volcanique, à débriefer et refaire le monde. 

Puis, nous nous sommes rendus le lundi à Léon au sein de l’organisation. J’ai voulu profiter des réunions officielles pour aller cuisiner un Chap Sue, recette qui me vient de Bluefields. On arrive donc à 8 heures du matin… ma collègue nous passe ses clefs, et en voulant ouvrir la porte, la clef se brise dans la serrure. Ce sont des choses qui arrivent. On fait en sorte d’appeler un serrurier qui évidemment n’arrivera pas avant ma réunion avec Eirene Suisse et mes collègues, je pars donc direction la maison centrale… étonnamment, très sereine… En pleine séance, je reçois un message de ma collègue : « le serrurier est venu, j’ai voulu avancer le repas en mettant le chou à cuire… mais y a plus de gaz. » Je profite d’une petite pause dû au retard des séances pour aller voir mes collègues de l’administration qui me disent qu’elles sont au courant, elles ont envoyé le livreur de gaz. Je retourne en séance à moitié rassurée… je me répète dans ma tête : « on est au Nicaragua, il y aura une solution ». Je pars environ 20 minutes avant la fin de la réunion pour me rendre à la maison de la Terminal.

Toujours pas de gaz... Avec ma collègue, on regarde un vieux fourneau qui sert plus… Elle me regarde… je la regarde… on pense la même chose, sans rien se dire on le débarrasse. On trouve du vieux bois sec et du charbon usé, on fait un feu et on pose la casserole comme on peut dessus. Ça fonctionne !

Une autre collègue arrive, on se passe les aliments et on met le tout dans la casserole quand soudain, ma collègue me dit : « Je mets le Ketchup ? ». Je réponds par l’affirmative la tête dans la fumée… d’un coup, je vois une marre de ketchup sur le chou, je lève la tête et je lui dis l’air hébétée : « Toute la bouteille ? Vraiment ? » « Bah oui, ça donne du goût ! On fait comme ça à Léon ». Bon, ben ça sera un chapsu moitié Bluefieleño moitié Leonesa. Y a des trucs de Nica, auxquels je ne me ferai jamais… genre le ketchup comme condiment…


Et, finalement, mes 15 collègues et la team d’Eirene Suisse arrivent et le repas est presque prêt… On entend ma collègue crier : « Et le livreur de gaz n’est même pas encore arrivé ! » S’il y a un truc que j’ai appris au Nicaragua, c’est de ne jamais stresser parce que « El Nica resuelve ! ». Cela signifie que les Nicaraguayens résolvent n’importe quelle situation.

Après cette péripétie, on profite pour faire un petit tour dans le marché du Terminal histoire de déambuler entre les stands et de saluer quelques participants des différents programmes de l’organisation, puis, en route vers la communauté 3 de Julio où les jeunes et la référente politique nous attendent pour présenter leur fresque murale.

Ensuite, en route vers la maison des adolescentes pour visiter la dernière fresque…

 

Sauf que ! Je dois donner naissance à… non, je me perds…j’en profite pour mentionner que je ne suis toujours pas enceinte, juste pour les mauvaises langues. Donc, revenons à nos moutons, je dois emmener un membre de la team Eirene au médecin pour un petit souci d’oreille, mes collègues et Valentin se chargent de faire la présentation. Mes collègues ont préparé depuis quelques jours une fête d’aurevoir surprise pour Valentin lors de laquelle elles lui ont offert toutes les gourmandises de Leon qu’il adore et une chemise de l’organisation avec son prénom brodé dessus. Même en étant chez le médecin, j’ai pu assister à distance à ce joli geste de la part de mes collègues.

 

Puis, on termine la journée avec un bon « variado », le plat correspondant de la planchette valaisanne sauf que tout est frit et bien gras, et des rires. Le lendemain, on emmène l’équipe au sein du musée de la Fondation Ortiz Guardian à Léon qui est une vraie perle de musée… Puis, la team Eirene s’en va vers de nouvelles aventures !

 

Et moi… je reste la ?

Valentin a sa fete de départ

L’art de ne pas savoir...

On rentre ou on ne rentre pas ?

Le petit projet d’art que l’on a mené a montré qu’il y avait réellement de belles choses à mener en termes de prévention et d’attention de la violence basée sur le genre. Du coup, un projet a pris forme dans ma tête depuis nos discussions sur le sujet avec Karla en Suisse. J’essaie de le formuler sur 3 étapes dont la première serait d’ouvrir les différents types d’art et proposer des ateliers d’art visuel, plastique ou vivant aux jeunes pour générer et/ou renforcer leurs compétences artistiques. Le tout, toujours sur la thématique de la prévention de la violence.  

 

D’autant plus que la plupart des jeunes avec lesquels on travaille n’ont pas accès à ces différentes formations. La seconde étape est de créer une méthodologie de prévention par l’art en formant des groupes de jeunes qui communiquent à travers différentes formes d’art dans les écoles et sur la place publique. Et enfin, de créer une méthodologie qui prend en compte l’attention aux victimes de violence à travers l’art.

Ce sont des choses qui existent dans d’autres organisations et qui s’associeraient bien avec la forme de travail de l’organisation.

 

Un de mes contacts à l’ambassade suisse m’a remis un appel à projet pour des jeunes sur une période d’une année émis par l’ambassade de France. Durant le mois de mai et de juin, je me suis donc mise à rédiger la première partie du projet. Et… l’idée de voir cette première étape se réaliser me trotte dans la tête, mais cela signifierait rester une année supplémentaire… Alors que j’étais bien décidée à rentrer en Suisse ! Mais quand même… ça serait vachement bien de faire ce petit bout de projet là et après je rentre… Bon, de toute façon, il faut qu’on attende de savoir si on nous financera ou pas le projet… je doute toujours de mes capacités à écrire un projet pour la recherche de fonds à l’internationale, du coup, on verra… Mais... en plus y aura les 35 ans de Mary Barreda en 2024 et ce serait quand même chouette d’être dans les parages… Et pis, la capitalisation et tout le travail de retranscription d’entretiens pourraient servir…En plus, la formation que je veux faire commence en 2025… Enfin... vous l’aurez bien compris, je sais plus si je rentre ou pas…

Une fin qui approche!

Et une histoire de cernes et d’oreilles

Même si le doute s’installe quant à mon départ en 2024 ou en 2025… La fin de mon mandat s’approche tout de même avec l’envie et la motivation de finir les tâches qui m’ont été confiées et tout ce que j’arrive à faire en plus. Dans ma vie personnelle, cela se ressent également, je prévois beaucoup de marches et de lieux que j’ai envie de connaitre avant de partir.

Durant le séjour de Valentin, j’ai eu l’occasion de gravir le volcan Telica et de patauger dans le cañon de Somoto. J’ai surtout reconnecté avec la randonnée qui m’avait beaucoup manqué et j’ai rencontré une nouvelle amie qui est ravie de me tirer marcher… elle a même réussi à m’inscrire à un cours d’acro-yoga… ou comment sortir de ma zone de confort++ !  Je zieute également tous les possibles cours d’art auxquels je pourrais m’inscrire (je rêve de faire de la broderie, de l’aquarelle et de peindre à l’huile…). Et puis, j’aimerais profiter de prendre soin de mon corps, et surtout, des bas prix des soins médicaux ici au Nicaragua… et j’ai commencé par aller laver mes oreilles ! Après l’accouchement des bouchons d’oreilles vécu par Bastian de l’équipe d’Eirene Suisse.

 

Pour la petite histoire des oreilles… comme je sais que certains d’entre vous aiment bien connaitre mes péripéties d’apprentissage de l’espagnol, je n’arrive pas à prononcer les « r » et les « j » correctement, ce qui fait qu’au lieu de dire « orejas » pour ne pas confondre avec « ojeras » qui signifie les cernes, je suis obligée de dire : la chose pour écouter. Ce qui évidemment fait beaucoup rire mon mari.

Tout ça pour dire qu’après les soins à mes sinus qui bouchent constamment mes cernes depuis plusieurs années… non mes oreilles! Je projette d’aller enlever mes dents de sagesse qui trainent depuis un moment. Et surtout, aller me faire masser et changer mes vieilles lunettes !


Je pense à vous!

Mon patchwork à moi…

Il n’y a pas de Poste pour vous envoyer mes pensées sur des cartes postales, parfois, j’oublie de vous envoyer un message ou d’écrire cette lettre. Mais, je pense à vous. Et, je me suis découvert une nouvelle forme de « penser à vous », une forme qui me rassure et me fait grandir professionnellement et personnellement. La plupart des gens qui me connaissent savent que derrière mon assurance professionnelle se cache pleins de petites voix qui me déstabilisent et qui me font constamment douter de ma pratique. J’ai appris à vivre avec mes incertitudes.

Et cet apprentissage s’est fait, souvent, à travers des pensées que j’ai envers les profesionnel.le.s qui m’ont formée et les personnes qui ont traversé ma vie. D’ailleurs, cette même technique, je la tire d’une séance avec Mathieu Moulin, qui restera toujours la meilleure des valeurs sûres pour calmer mes grosses incertitudes de travailleuse sociale.

Récemment, j’ai eu un énorme sourire pour Nicole, la responsable de l’animation socioculturelle au Bachelor que j’ai également retrouvé au Master, avec qui j’ai eu la chance d’échanger des moments amicaux lors des matchs d’impro. Je me suis surprise à expliquer sa fameuse méthode du OgiLiRi OgaLaRa à ma collègue pour développer comment j’avais monté les sessions de récolte de données et d’analyse pour la capitalisation d’expérience. Et, je revoyais le visage de Nicole s’agacer une millième fois face à mon incompréhension de Michel Vuille et de son OgiLiRi OgaLaRa. Dix ans plus tard, ce même concept incompréhensible sort d’une telle facilité de ma bouche et m’oriente dans ma pratique. Alors, j’ai eu une grosse pensée et un sourire envers Nicole et cette professionnalité qu’elle a laissée en moi… Une pensée que je ne saurais envoyer à travers une carte postale…Bon, il n’y a pas que ça, parce qu’elle m’a aussi emmenée faire de la méditation chez une voyante, engueulée quand je séchais les cours pour aller boire des verres et elle m’a appris à faire la sorcière dans une patinoire… mais enfin bref…

Où je veux en venir, c’est qu’à travers chaque élément que je mobilise, que ce soit actuellement l’adaptation de la méthode d’explicitation de Vermesh apprise avec Karine, ou les techniques d’animations apprises avec Chantal ou Fabien, en passant par des petites bribes de phrases de Jérémie et Steve qui me reviennent en tête, je pense à vous et je me rends compte que je suis constituée d’un petit peu de vous tous. Non seulement de la part des personnes professionnelles qui m’ont entourée et qui m’entourent encore, mais également de souvenirs que j’ai pu vivre avec des jeunes, des amis, ou de la famille. Tous ces petits bouts mis ensemble créent un espèce d’énorme patchwork et c’est cette pensée, celle de savoir que vous avez tous laissé une petite marque dans ma manière d’appréhender la vie qui me permet d’avancer sereinement. Et je récolte encore des petites marques ici. Par exemple, la positivité de la directrice calme mon angoisse d’obtenir une réponse négative du fonds où l’on a postulé. Ou encore, le sourire malicieux de ma collègue avec cette petite lueur qui crie au fond d’elle « Michheeeellééé, vamos para un café ! » dans le silence du bureau qui me réveille lorsque je m’endors sur mon ordinateur. Et surtout, l’apprentissage très fort de la part de la plupart des Nicaraguayens que quoiqu’il arrive, les choses se solutionnent toujours même dans la plus grande précarité et en ayant trois fois rien sous la main.

J’ai envie de conclure cette lettre, en vous disant simplement : Merci d’être mon Patchwork réconfortant.


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Mention : Michèle / Nicaragua

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