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Lettre d'une coopérante au Nicaragua - numéro 9

Cathédrale de la Recoleccion, en face du bureau central 

C'est pas long, promis!

Edito

Allez, je te promets que cette fois, la lettre sera moins longue et tout aussi intéressante ! En plus, seulement 3 petits mois et des bricoles se sont écoulés depuis la dernière lettre, donc, en théorie je devrais avoir moins de choses à te raconter ! Enfin… Quoique… J'aime bien raconter mille et une choses… Promis, je ferai un effort pour être brève, précise et concise !

Ces derniers mois ont continué à être très intenses au travail et je n’ai pas trop trop de temps… Du coup, je suis sortie du bureau et je suis allée m’asseoir dans un café pour vous écrire.

En septembre, à la fin de ma dernière lettre, une décision planait au-dessus de ma tête comme un bon gros orage : « Est-ce que je reste ou je pars ? ». J’ai finalement pris cette décision lors d'une session “prendre soin" que l’on a eu au travail. Et bien, si vous avez envie de savoir si je reste ou si je rentre, je vous souhaite une bonne lecture !

En octobre, le stress routinier a repris de plus belle avec l’année qui s’achève bientôt. Comme dirait ma collègue : “Quand on passe septembre, Noël est déjà là !”. Et, Noël signifie la fin de mon contrat et donc la finalisation de mes résultats. En tant que bonne animatrice socioculturelle, j’ai dégainé tous mes post-it et j’ai cherché les dynamiques les plus adaptées pour terminer la capitalisation d’expérience en travail social au sein de Mary Barreda. En plus, le projet d’art a donné naissance à un nouveau projet artistique dont je te dirai un peu plus dans les prochaines lignes.

En novembre, l’organisation continue de chercher comment digitaliser ses instruments de travail. J’ai donc eu l’occasion de mettre mes connaissances à profit avant de laisser le mois filer, la tête dans mes graphiques Inkscape.

Niveau aventures personnelles, j’ai réussi à prendre quelques cours de peinture et à aller au fitness (oui, oui… je sais...) avant de devoir me faire opérer des yeux et forcément immobilisée à ne rien pouvoir faire…

Sinon, il y aura aussi quelques petites réflexions philosophiques dans cette lettre. Ainsi, il ne me reste plus qu'à te souhaiter une bonne lecture !


Les 34 ans de l'association Mary Barreda : l'équipe au complet !

34 ans de liens tissés et de luttes acharnées! 

Au Boulot 

Capitaliser 34 ans d’interventions sociales… Autant vous dire que c’est un casse-tête géant ! Le premier semestre fut principalement destiné aux projets artistiques, avec comme décor des pinceaux dans tous les coins de mon appartement. Lors du deuxième semestre, ce fut le moment de faire place aux post-it ! Mon appartement s’est transformé en atelier coupage de feuilles de couleur et petits papiers qui trainent. Comme on est en saison des pluies, mes vêtements sèchent à l’intérieur ce qui donne lieu à un joli carnage.

Avouons-le, ma première séance de capitalisation n’était pas un franc succès ! Alors, j’ai mis les bouchées doubles pour la seconde session. Parmi mes petits papiers, j’ai réalisé une longue ligne du temps sur laquelle j'ai présenté les différentes étapes de la professionnalisation du travail social au Nicaragua et au sein de l’organisation. Puis, mes collègues ont conté leur propre histoire au sein de l’organisation. De cette expérience, nous avons dégagé 5 types d’interventions en travail social que l’organisation réalise. S’en sont suivis 5 groupes locaux et leurs retranscriptions respectives, suivies de leur analyse. Enfin, nous avons terminé par une session présentant cette analyse et la manière dont se concrétisent ces 5 interventions à travers notre travail quotidien.

Il ne me reste plus qu'à créer une multiple série de graphiques pour illustrer l’histoire des interventions sociales de l’organisation et faire une jolie mise en page. Ça a l’air simple… mais je m’arrache quand même les cheveux… Synthétiser une information si dense reste bien complexe… Cela dit, c'est extrêmement intéressant ! Je me réjouis des deux dernières séances afin de terminer ce processus.

Avoir le privilège d’écouter les fondatrices conter les récits de 34 ans d’accompagnement et de moments vécus auprès de femmes, adolescentes et enfants en situations de vulnérabilité dans un pays chargé de luttes, de culture et de richesse humaine, restera un moment mémorable. Une tasse de café froid à la main, leurs yeux brillaient à chaque mot qu’elles prononçaient pour retracer le chemin parcouru. Les moments de déceptions, les éclats de rires, les plus belles réussites et les plus grands échecs, furent tous évoqués. En les écoutant, j’avais les yeux plein d'admiration et je ressentais l’envie intérieure d’un jour, peut-être, avoir la chance de conter avec autant d’entrain l’histoire de ma vie professionnelle et personnelle ! Il me reste encore du pain sur la planche… et accessoirement, 32 ans à travailler… si ce n’est plus !


"Donne je t'aide..."

"Déconne pas, donne moi de la bouffe oú je détruis tes efforts..."

J'ai enfermé le chat dehors...

Je reste ou je pars?

La grosse décision

Ma vie au Nicaragua n’a pas toujours été un fleuve tranquille et aujourd’hui survient un dilemme, celui de partir ou de rester. Ces décisions ne sont jamais faciles à prendre et pèsent sur notre moral.

Au mois d'août, lorsque la directrice m’annonce que ma demande de financement pour mon projet d’art auprès de l’ambassade de France a été refusée, une vague de soulagement m'envahit. Ainsi, je n’ai plus de décision à prendre, je rentrerai en Suisse en janvier 2024 comme prévu. Bien sûr, je continuerai à chercher les fonds nécessaires parce que ce projet me tient beaucoup à cœur. Et bah non ! Tadadada… Pas une, ni deux, ma coordinatrice de programme a rattrapé le projet en vol en m'annonçant que si je restais, elle m’aiderait à trouver les financements pour ce projet avec le soutien d’Eirene Suisse.

J’en profite… toi qui me lis : si tu as des tuyaux pour trouver de l’argent, je t’assure que ce projet en vaut la peine ! Je l’ai créé avec tout mon amour et ma conviction en le fait que l’art peut transformer des vies.

Et paf, il me faut à nouveau prendre une décision, et cette fois, je n’ai pas beaucoup de temps pour la prendre. Choisir le projet, c’est aussi accepter un nouveau défi professionnel que je ne pense pas avoir en Suisse et débloquer un poste de travail pour mes collègues ou pour de nouvelles personnes. Mais refuser le projet, c’est rejoindre les êtres qui me sont chers, et si j’ai bien appris quelque chose ici, c’est que la vie est éphémère et s’en va sans vous envoyer une notification.

Par chance, nous étions en séance “d’autocuido”, en français cela se traduit par “prendre soin de soi”, et la session m’a aidé à comprendre que je n’étais pas prête à rentrer en Suisse.

Je serais rentrée avec un petit goût d’inachevé et, en plus, après deux ans passés auprès de l’association Mary Barreda, je commence enfin à trouver ma place et à évoluer comme un petit poisson dans l’eau. J’ai donc coupé la poire presque en deux : je rentrerai mi-septembre 2024, juste à temps pour fêter les 35 ans de l'organisation au Nicargua et être en Suisse pour la Foire du Valais !


Toujour aussi fiere de savoir cuisiner le "Rondon de Bluefield" pour mes collegues de travail!

Des ateliers "Lire la bible avec des yeux de femmes" : j'adore cette approche et c'est particulièrement intéressant de l'aborder sous cette angle vu l'importance des religions ici. 

Reprise des cours de peinture en septembre avec Norlan Gutierrez... je l'ai toujours pas fini!

 

L'art est de retour dans ma vie !

Au boulot !

Du coup, nous avons adapté le projet d’art avec la directrice et la sous-directrice. Plus nous avançons dans la correction du projet, plus les choses prennent forme et… une forme que j’apprécie plus particulièrement car je vais enfin pouvoir retourner à mon amour pour le théâtre. Je pourrai également y mêler cette nouvelle pratique que j’apprécie : la gravure. L’idée de ce projet est de former aux pratiques artistiques 40 jeunes communicateurs divisés en quatre groupes. Chaque groupe recevra des ateliers d’apprentissage sur l’un des quatre médiums artistiques (la gravure, la peinture, la photographie pour la production de contenu digital, et enfin le conte radial transformé en théâtre-forum). Puis, il y aura une présentation des apprentissages reçus lors d’un échange entre les 40 jeunes. Ensuite, chaque groupe élaborera une proposition artistique au travers de son médium. Un second échange entre les 40 jeunes permettra de lier les propositions et de faire les ajustements nécessaires. Et finalement viendra le moment de présenter les productions artistiques au public : en premier lieu, lors de l'événement anniversaire des 35 ans, puis à travers la diffusion dans les radios locales, la présentation dans les écoles et/ou communauté et, enfin, à travers les réseaux sociaux. 

Avec la communicatrice de l’organisation, nous avons commencé à nous extasier sur le fait que dans un futur proche, on pourrait avoir une multitude de jeunes formés à diverses techniques et les voir créer ensemble des projets en mettant leurs compétences diverses à disposition. Autant vous dire que la participation des jeunes serait juste incroyable ! Assez pour me faire encore douter de rentrer en septembre. Mais, ne vous inquiétez pas, un jour je rentrerai en Suisse… Enfin… Peut-être.


Notre oeuvre d'art de ligne du temps pour les 34 ans de l'organisation!

L’industrie du lien social : ou comment calculer les rapports humains?

Reflexion ou déprime, au choix! 

En marchant a la maison avec une de mes collègues, nous avons été forcées de constater qu’au final tout est chiffre. En observant le nombre d’activités réalisées au sein de l’association, nous nous sommes demandé : combien vaut la relation humaine ?

(D’ailleurs, cela a fait écho avec un article publié dans reiso.org par une de mes camarades de master concernant le rapport qualité-prix de la relation : https://www.reiso.org/articles/themes/pratiques/458-le-rapport-qualite-prix-de-la-relation)

Après 3 ans passé au Nicaragua, j’ai pu me plonger dans un système pas si différent qu’en Suisse, où tout doit être calculé au centime près, afin de bien prouver que l’argent est bien utilisé. Ainsi, la paperasse et le temps passés à justifier ce que l’on fait augmente. On entre presque dans ce que l’on pourrait nommer : « l’industrie du changement social ». Et autant vous dire que tout est calculé pour savoir si les choses changent. On évolue dans un paradoxe complexe ! On doit sans cesse prouver des changements significatifs dans un monde où les problématiques sociales augmentent considérablement. Parfois, je me sens comme David contre Goliath, mais au lieu d’avoir un lance pierre, je suis munie d’une calculatrice et d’un cadre logique. Dans ces moments de désespoir, je me raccroche aux paroles des fondatrices : « On n’avait rien à leur offrir sinon nos bras pour les accueillir ».

Les résultats, les indicateurs, les pourcentages, le nombre de fois que je vois des gens, … Il faut tout calculer pour montrer que l’on travaille. On veut mesurer l’impact du changement social et plus c’est rapide, mieux c’est ! Mais comment mesure-t-on ces bras que l’on ouvre au gens ? Comment évaluer en chiffres cette présence sans jugement, les sourires, les blagues échangées à la volée ou encore l’offre de notre accompagnement silencieux lors de la douleur d’une personne ?

Je reste persuadée que l’impact de la coopération par l’échange de personnes ne se compte pas au nombre d’activités que j’ai réalisé ni au nombre de gouttes de peintures sur mes vêtements. Il se mesure par ces moments où l’on se découvre, où l’on échange sur nos réalités diverses, où l’on s’épaule dans les moments de stress comme dans les moments de joie. Ainsi, j’essaie de me réconforter un peu en pensant que l’échange de personnes constitue une petite part d’humanité dans des projets calculés au centime près. En fin de compte, ce n’est pas l’indicateur qui va emmener ma collègue partager un café et quelques rires pour déstresser.


Les fondatrices de l'association, un exemple de conviction, d'empathie, de profesionalisme et de chaleur humaine. 

A l'autre bout du monde...

Amitié a distance

LA fameuse fondue venue tout droit de suisse!

Pour une fois, je ne vais pas parler du fait que vous me manquez terriblement à l'autre bout du monde. Mais plutôt de la magie de la coopération internationale et des réseaux sociaux. Quinze ans en arrière, je n’aurais probablement pas eu la chance de connaître d’autres coopérants autour du monde.

Les lettres prenaient bien plus de temps à arriver que cette présente lettre circulaire. (Pour en savoir plus sur ce monde d’avant, je vous invite à visionner la vidéo des 60 ans d’Eirene Suisse, je te met le lien en dessous de l'article !)

Allez… j’avoue, j’écris ce petit bout de texte, parce que je sais que la personne visée le lira et sautera sur son téléphone pour m’envoyer un message “maiiis whaaat” depuis l’Ouganda. On ne s’est jamais vues ; on a apprivoisé nos voix via des messages vocaux et pourtant, cette personne est devenue un repère dans mon monde nicaraguayen. On échange sur les petites bêtes qui nous piquent, on essaie d’appréhender les chocs culturels de nos relations, on fulmine sur un patriarcat bien trop ancré un peu partout dans le monde et on fait des parties de Rummikub en ligne. 

Ah oui ! On est toutes les deux un mix suisse-hollande de travailleuses sociales et du coup on s'émerveille quand l’une des deux reçoit des “muisjes” ou des “Hagelslag” de notre enfance (ce sont des copeaux de chocolat ou de sucre de toutes les couleurs que les enfants mettent sur leurs tartines). On s'envoie nos photos de fondue improbables et on se demande parfois à quoi ça sert les travailleuses sociales coopérantes. Et surtout... on se rappelle entre nous “t’as fait ta lettre circulaire toi ?” “Non, je suis toujours à la bourre !”.

Ce petit bout de texte pour vous dire que l’on ne sait jamais d'où peuvent naître des relations improbables.


Les coupure d'éléctricité...

Atelier peinture avec les adolescentes

La soupe de midi sous 40°... je m'y suis habituée... 

Et enfin!

Le mot de la fin !

Je reçois encore des messages pour savoir quand je rentre, et cela fait toujours du bien de savoir que quelque part sur cette planète, quelqu’un pense à vous. Ou alors que des gens, comme Sandra et son frère Nathaniel, qui lisent ma lettre et m'écrivent pour me dire que y'a une phrase qui n'est pas française et qu'ils ont pas compris. Et bien, ils comprendront jamais, voila ! 

Ducoup… je reste une quatrième année au Nicaragua. Ma foi, je suis désolée, mais vous allez encore devoir vivre sans mes caramels de Noël cette année ! Le temps file très vite et je suis persuadée que le mois de septembre arrivera très vite et je me réjouis de vous revoir l’an prochain ! 

En attendant, je vous souhaite d’avance d’excellentes fêtes de fin d’année et je suis un peu jalouse que vous ayez de la neige (et du jambon cru, et de la viande séchée et du vin rouge !)

A tout bientôt ! C'est pas long, promis! 

Abrazos ! Michele



Mon travail au sein de MARY BARREDA ne serait pas possible sans le soutien d’EIRENE SUISSE et le vôtre !

Merci infiniment pour votre soutien ! 

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Mention : Michèle / Nicaragua

Si vous souhaitez me contacter, je réponds volontiers à vos messages par mail cooperante@marybarreda.org ou par WhatsApp : +505 57 51 00 24  / +41 77 529 46 59

Quelques photos...

Passer le 1er aout avec l'ambassade suisse... j'avoue on a été parce qu'on espérait qu'il y'ait de la raclette... que nenni...

Le petit déjeuner chez l'abuela de Bluefield a 7h du matin... 

Mon petit déjeuner Nica préférée!

Virée a Corinto, village de pecheur!

La plage de las Peñitas juste avant l'orage...

Les meilleures cadeaux du monde : la tasse kitch personalisé et mon choc ovo!

Tape-cul de 8h pour aller passer 2 jours a Bluefield!

Enseigner aux copains a jouer a Splendor...

La beauté des arbres...

Balade proche de la capitale

Cascade la Estanzuela, Esteli