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Lettre d'une coopérante au Nicaragua - numéro 10

Et c'est parti pour 2024 !

Edito

Bonne année ! Cette année 2024 marquera pour moi la fin de mon projet de deux ans au sein de Mary Barreda et le début d’un nouveau projet, plus court, puisque je rentre en Suisse en septembre 2024. Ce petit laps de temps me permettra également d’accueillir la nouvelle coopérante qui intégrera l’équipe de Mary Barreda et sa famille au courant de l’année.

Du coup, j’avais envie de rédiger une dernière lettre pour la fin de ce projet qui sera la dixième lettre de mon aventure au Nicaragua ! J’avais surtout envie de prendre un moment pour remercier Eirene Suisse et notre principal donateur durant ces deux merveilleuses années : Valais Solidaire. Je prendrai ainsi le temps dans un premier article de vous résumer ces deux ans, puis, dans un second temps, je vous expliquerai ce qui nous attend pour cette année. Dans le troisième article, j’en profiterai pour remercier les personnes qui nous ont aidé financièrement.

Enfin, comme à mon habitude, le mot de la fin vous fera part de mon état d’âme concernant mon retour en Suisse en septembre 2024.


Le vieux de jour...

Le vieux, quelques minutes avant...

Le vieux cramé ! Vive le nouvel an!

Fin de l’année, rétrospective de deux ans passés chez Mary Barreda 

Au Boulot 

Commencer une nouvelle année, c’est le moment de revoir un peu les bons moments passés et terminer ce que l’on veut pour la nouvelle année. En 2022, je suis arrivée au sein de l’association Mary Barreda « en petit morceaux ». A cette période, je n’avais pas réellement conscience de mon état. Puis, il y a eu le chaleureux accueil de Doña Rosa et Doña Carmen avec cette douce sensation que j’étais arrivée dans un endroit spécial. Une chose est sûre, je n’avais pas grand-chose à leur apporter, si ce n’est l’envie d’être là.

Petit à petit, on m’a fait une petite place, nous avons cherché comment on pourrait travailler ensemble, échanger nos expériences et grandir un petit moment côte à côte.

Travailler dans un pays et un contexte nouveau m’a permis de comprendre que l’on pouvait faire les choses autrement. On arrive dans les villages nicaraguayens, on aperçoit les sourires des vieilles femmes ainsi qu’une dizaine de chaises en plastiques au milieu du jardin désertique où l’eau se fait si rare, de grands sourires et des langues qui se délient sur des violences silencieuses. Échanger nos histoires en confiance, en silence, en regards.

Petit à petit, j’ai eu l’opportunité d’observer ces manières de faire qui sont différentes. Je me suis, petit à petit, connectée à mes collègues, aux enfants, aux adolescentes et aux femmes. J’ai commencé à observer mes collègues construire des ponts, tisser des liens, et à pas lents, mais à pas sûrs, œuvrer pour que chaque personne puisse vivre libre de violence.

 

Et, puis, il y a eu ces longues réunions qui démarrent toutes de la même façon : une méditation. Prendre le temps de s’écouter, de se connecter à soi-même pour mieux appréhender la réalité du terrain et construire ensemble des projets, des nouvelles politiques, des actions afin d’avancer. Ensemble, on a revu des formulaires pour mieux calculer le nombre de visites réalisées et le nombre de personnes bénéficiant d’un accompagnement social. On a écrit des projets pour des donateurs et on a révisé notre nouveau projet. On a également beaucoup parlé de nos inquiétudes concernant la migration massive du pays, les situations qui se complexifient, la guerre Ukraine - Russie, l’inflation économique, les féminicides au Nicaragua et à l’étranger, la guerre Israël - Palestine, et j’en passe. Deux fois par année, on se réunissait toutes pour avoir une séance « prendre soin » et on échangeait nos douleurs, nos rêves, comment on vit nos émotions et des rires, beaucoup de rires.

 

Enfin, on a mis sur place le projet d’art, qui a été un peu bousculé par les circonstances. On disposait donc d’un délai réduit pour le réaliser. Alors les pinceaux ont fait leurs apparitions et les gouttes de peintures ont décoré les t-shirts des enfants et des ados. Un mois intense de créativité et de contacts incroyables avec les participants. Puis, je suis venue en Suisse pour claquer quelques bises et présenter la richesse des actions menées par l’association.

 

Au retour, je suis rentrée accompagnée de Valentin, qui a succombé à la beauté du Nicaragua et qui a été émerveillé par le travail réalisé par mes collègues. Ce dernier nous a surtout aidé à automatiser des fichiers Excel tout en nous donnant quelques formations essentielles. A la suite de tous ces évènements, il ne restait plus de quelques mois pour organiser et réaliser les séances d’analyses pour capitaliser la pratique en travail social de l’organisation.

 

Au final, deux ans, c’est si court et à la fois si riche et intense en émotions, en moments vécus et en apprentissages. Certains apprentissages peuvent être facile à mentionner comme l’amélioration de mon espagnol ou les fresques murales peintes et certains sont invisibles, à peine reconnaissables, comme l’apprentissage d’un contexte totalement différent et les processus sociaux qui s’y cachent.

Session d'évaluation de l'année 2024, le joli tableau de Valentin!

La capitalisation... ca bosse ensemble !

Les premiers grafiques en révision...

2024, que de belles choses à venir!

Le  nouveau projet

Deux ans, en fin de compte, c’est réellement très court. On a à peine le temps de s’acclimater et de s’habituer aux nouvelles manières de travailler. Au terme de ces deux ans, je ressens comme un petit goût d’inachevé. Certes, beaucoup de choses ont pu se réaliser, mais il manquerait quelques mois pour réellement créer un échange et que les choses que nous avons pu mettre en place ensemble commencent à porter leurs fruits.

 

Lorsque j’évoque cela, je pense en particulier à mon désir d’utiliser davantage l’outil artistique afin de prévenir le recours à la violence. En 2023, nous avons à peine trempé le bout d’orteil dans un océan vaste et infini de possibilités à découvrir. En effet, l’art est vaste et si nous avons pu confirmer que la peinture était un moyen attractif pour les jeunes ainsi qu’un puissant outil de communication, il reste d’autres formes d’art à essayer et d’autres manière de les appréhender. Afin de prévenir la violence et réaliser un processus complet d’art-thérapie il serait nécessaire de faire recours à des compétences que l’organisation ou moi-même, n’arrivons pas encore à mobiliser, mais espérons acquérir un jour.

 

À la fin de l'année, en collaboration avec la coordinatrice d'Eirene Suisse, nous avons élaboré un projet axé sur la prévention de la violence, exploitant la formation artistique de jeunes désireux de véhiculer des messages préventifs à travers quatre médias artistiques différents. Pour définir ces moyens, nous avons engagé des discussions avec plusieurs de nos communicateurs et communicatrices, tout en observant le manque d'accès à des activités artistiques pour les jeunes intéressés.

En m'immergeant dans l'univers des jeunes, j'ai écouté leurs chants résonner dans les couloirs, sollicité des photos de leurs dessins, porté fièrement un t-shirt orné d'une gravure artisanale, qui a suscité beaucoup d'échanges, et même imité des voix de personnages avec certaines adolescentes. En somme, je me suis pleinement investie dans leur univers. Au fil de nos discussions, nous avons fait des choix en tenant compte des moyens artistique et du support de création pour véhiculer les messages préventifs. La fresque murale et la peinture sur tableau ont été maintenues, car de nombreux jeunes souhaitent approfondir leurs compétences dans ce domaine. La fascination des jeunes pour la production visuelle et le désir que l’organisation cultive pour s'engager davantage sur les réseaux sociaux nous ont conduit à proposer des cours de photographie et d'édition de contenu pour les réseaux sociaux.

 

Sachant que les messages préventifs trouvent souvent leur voie à travers la sérigraphie industrielle, inspirés par un collectif de jeunes filles pratiquant la gravure artisanale et imprimant elles-mêmes des t-shirts, nous avons décidé de leur offrir cette possibilité.

 

Enfin l'idée de réintroduire l'art théâtral a émergé naturellement. Un jour, ma collègue est revenue d'un échange avec une organisation spécialisée dans la création de contes radiophoniques, ce qui nous a conduit à fusionner les cours de théâtre avec la production de contes radiophoniques.

 

En raison de ressources financières, nous avons été contraints de restreindre nos options à ces quatre médiums dans un premier temps. Pendant la durée initiale d'un an de ce projet, nous chercherons à adapter notre expérience et à rechercher des financements (dans la mesure du possible) pour entreprendre des projets à plus long terme. Le projet s'étendra de mars 2024 à février 2025. Cependant, j'ai pris la décision de me retirer après la célébration de l'anniversaire de l'organisation en septembre 2024. Bien que ma décision ait une dimension personnelle, elle revêt également une dimension stratégique : je souhaite éviter de m'approprier le projet et encourager mes collègues à le prendre en charge et à le concrétiser à long terme. En effet, le projet des fresques murales est longtemps resté l'initiative de Michele, plutôt qu'une réelle perspective pour créer et pérenniser une méthodologie utilisant l'art comme outil de prévention. Cependant, soyez assurés que je ne laisserai pas l'organisation seule. Mary Barreda a pris la décision de solliciter l'aide d'une nouvelle coopérante en août 2024. Bien que cette personne ne soit pas directement impliquée dans le projet artistique, elle collaborera avec l'organisation sur l'évaluation du plan stratégique 2015-2025 et contribuera à la création du nouveau plan stratégique.


La gravure

La peinture du Jenga... 

 

Qui dit projet et coopérants... dit aussi financements... 

Au boulot !

Créer des projets ou faire venir des coopérants nécessitent des ressources financières considérables ! Si anciennement les envois de coopérants étaient financés presque entièrement par la DDC, ce n’est plus le cas depuis plusieurs années. Actuellement le financement octroyé par l’état Suisse représente environ 40 % du coût total du projet. Les 60 % restants sont comblés à travers de la recherche de fonds auprès des fédérations et des fondations, ainsi que des dons privés. Autant vous dire, qu’avec le contexte actuel, il est extrêmement complexe d’obtenir les fonds nécessaires. Mais pas impossible ! Et, à ce propos, je tenais à remercier dans cette lettre toutes les personnes qui ont participé financièrement au projet.

En particulier :

 

La recherche de fonds est une partie un peu invisible de notre travail en tant que coopérante, mais j’ai également passé beaucoup de temps à conceptualiser et écrire pas moins de 5 projets pour rechercher des fonds qui me sont souvent revenus bredouilles, des lettres de demandes, des lettres circulaires, des rapports et des mots de remerciements.

Sur chacun de ces projets, nous avons soigneusement rédigé ou corrigé ces différents documents avec l’équipe d’Eirene Suisse que je remercie chaleureusement et qui m’ont toujours appuyée et épaulée dans mes démarches. La preuve, je ne serais pas restée aussi longtemps au Nicargua sans eux.


Sortie d'équipe au Pico de Garza

Se préparer mentalement au départ!

Le mot de la fin !

Bon pour finir, vous avez bien compris que je ne rentre pas tout de suite. Et pourtant, ma tête commence déjà à revenir en Suisse. Et oui, nous préparons déjà notre retour si tout va bien, à temps pour la Foire du Valais, si Dieu le veut (j’ai attrapé les tics de langage Nica). En effet, mon chat et mon chien nous accompagneront et cela demande beaucoup de paperasse et d’argent… Du coup, j’en profite pour remercier Papa Serge, sans qui, ma chienne et mon chat sauvés des rues seraient restés au Nicaragua. Il paiera d’ailleurs également le billet d’avion de son gendre, du coup, je l’ai un peu ruiné !

 

Mais revenir, c’est aussi recommencer à se projeter en Suisse dans un contexte bien différent et cela signifie se réadapter à nouveau. J’avoue que je fus soulagée de rester quelques mois de plus ici. En 2020, lorsque je suis partie, j’ai fait un burn-out que je n’ai jamais réellement pris le temps de soigner. Et, ni une, ni deux… je suis directe partie sac à dos, à pied afin de traverser la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua en temps de Covid. Autant vous dire, que j’étais aussi déterminer d’arriver que de laisser derrière moi l’expérience douloureuse de ne pas avoir réussi à tenir jusqu’au bout sans m’effondrer.

Ce morceau de vie m’a vite rattrapé avec le décès de Jo en janvier 2021. Une douleur plus forte et un coup de la vie qui a transpercé mon cœur à jamais. Et, si, j’ai réussi à remettre un peu de couleur autour de ce vide, c’est grâce à l’appui de mes collègues de Mary Barreda et le fait de ne pas habiter en Suisse.

 

Rentrer en Suisse signifie aussi affronter son absence dans les rues de Martigny et ne pas pouvoir appeler ce numéro si familier en cas de difficultés, mais également ne pas pouvoir compter sur une équipe de travail attentive et à l’écoute. Je suis extrêmement reconnaissante envers la direction de l’association Proyecto Mujer Mary Barreda pour avoir su sécher mes larmes et accueillir ma douleur avec patience. Mais également pour m’avoir permis de prendre la décision de rester et de me préparer plus sereinement à mon retour en septembre 2024. On avance tous avec des trous dans nos cœurs, mais l’important ce sont ces personnes sur le chemin qui mettent de la couleur dans votre vie.

Mon travail au sein de MARY BARREDA ne serait pas possible sans le soutien d’EIRENE SUISSE et le vôtre !

Merci infiniment pour votre soutien ! 

Adresse de correspondance : Rue des Côtes-de-Montbenon 28 | 1003 Lausanne         

Tél : +41 22 321 85 56
e-mail : info@eirenesuisse.ch | www.eirenesuisse.ch    
Coordonnées bancaires : Eirene Suisse | Rue de Vermont, 17 | 1202 Genève             

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Dons en ligne (cartes et Twint) : https://eirenesuisse.ch/fr/don/ 

Mention : Michèle / Nicaragua

Si vous souhaitez me contacter, je réponds volontiers à vos messages par mail cooperante@marybarreda.org ou par WhatsApp : +505 57 51 00 24  / +41 77 529 46 59

Quelques photos...

Les toits de Léon et ses couleurs

Nicaragua Miss Universoooo

Coucher de soleil à las peñitas

Concert de Costa Azul, la bande de cumbia qui passe dans tous les recoins du Nicaragua... AAAyyy aguita, agua de coco!

Sauvés des rues...

... à obtenir la visa suisse!

Une fois sur l'eau, ma collègue : "Ca me rassure de faire du kayak avec toi j'en ai jamais fait..." Ma rèponse :" ah bah moi non plus !"

Ma collègue, moi et le lézard... 

Moyogalpa, ville des moustiques

Un voyage entre copines pour bien commencer 2024