Aux professeurs.
Les admonester me fait mal à l'âme ; mais cela me remplit d'amertume qu'ils ne m'aident pas à accomplir mon devoir, qui est ma vie. Que ne donnerais-je pas pour que cette parole résonne dans le cœur des Cubains !
Sacré est ce ministère de l'enseignement, et redoutable par les devoirs qu'il impose, plus encore à l’enseignant qu'à l’enseigné ; mais de quelque façon, l'un ne peut rien sans l'autre : ils sont étroitement liés devant Dieu et les hommes. Je ne voudrais pas vous forcer à venir à la présence dominicale, mais plutôt que vous veniez spontanément comme le fruit de la conviction du devoir, seule direction de votre directeur et père.
Celui qui n’est pas maître de lui-même, ne sera maître de personne.
Il ne se passe pas un jour sans que nous acquérions quelque connaissance utile, même auprès des plus ignorants. “Tout homme est un livre : la difficulté consiste à savoir le lire” avais-je dit en 1835.
Il est indispensable de mettre à profit le plus de connaissances possible, même celles qui semblent les plus indifférentes ou déconnectées d’avec nos recherches favorites.
Ainsi, un capital des plus précieux est insensiblement colligé, quand on y pense le moins, pour son prochain, à chaque instant, pour son pays, pour l'humanité.
Surtout, cette curiosité habituelle (et ici un autre grand mérite) fait essentiellement de nous des observateurs réfléchis.
Quasiment toutes les professions peuvent s’exercer sans enthousiasme : celle d'enseignant ne le peut absolument pas : il lui est indispensable pour inculquer la doctrine et surmonter les obstacles.
Tout doit être inspiration, sacerdoce, mansuétude, caractère, tempérance, flexibilité.
Il n’y a pas de moyen plus efficace pour prêcher les coutumes que l’exemple, et les meilleurs plans d’enseignement ne vont pas au-delà de simples feuilles de papier sans des précepteurs honnêtes et habiles. Espérer l’un sans l’autre, ce serait attendre la moisson sans avoir labouré ni semé. Il vaudrait mieux dans l’absolu ne pas créer d’écoles plutôt que de confier l’enfance à des êtres immoraux ou inexpérimentés.
Ne nous fixons pas sur le comment on enseigne, mais plutôt sur l’esprit avec lequel on enseigne. “Cherchez en premier le royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroît*.”
[*] “Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît.” Matthieu, 6.33.L'enseignement est un contrat avec Dieu, pas avec les hommes.
Art par excellence, car il est toute inspiration, même s'il repose sur l'expérience.
La difficulté n’est pas d’engendrer et de concevoir mais d’élever et d’éduquer.
L’enseignement est un apostolat épineux : il n’y a pas d’apôtre sans ressentir la force de la vérité et l’impulsion de la propager.
L'éducation commence au berceau et se termine dans la tombe.
N’importe qui peut instruire, seuls peuvent éduquer ceux qui sont un évangile vivant.
Éduquer, ce n'est pas donner une carrière pour vivre, mais tempérer l'âme pour la vie.
On ne converge pas vers les établissements pour apprendre tout ce qui est apprenable, mais très singulièrement pour apprendre à étudier et apprendre à enseigner.
Les instituts d’éducation sont les théâtres où la jeunesse doit sonder et endurcir ses forces pour marcher ensuite sans soutien extérieur.
On pourrait accuser l'éducation moderne d'avoir privilégié l'entendement au détriment du cœur ; et l'éducation ancienne d’avoir porté son attention à la mémoire et à la spéculation, avec une minoration de l’entendement et de la pratique.
L'école doit élever le caractère des enseignants avec les sentiments sublimes de la religion et de la morale, afin qu'ainsi préparés, ils fassent don, dans l’intérêt de la patrie, d’enfants non seulement meilleurs en entendement mais meilleurs en cœur.
Partout où nous approfondirons, nous nous arrêterons à la nécessité d’une solide éducation religieuse pour former des hommes qui seront des hommes.
Malheur aux jeunes s’ils ne ressentent pas l’étude comme une religion !
Une application moyenne n’a jamais produit que des fruits médiocres.
L’éloge discrètement manié, dispensé avec parcimonie et opportunité, est la meilleure de toutes les armes pour conquérir la jeunesse.
L’esprit de notre enseignement est de faire ressentir l’ignorance.
Nous parlons d'éducation comme les vierges folles de l'Évangile : avec des lampes, mais sans huile*.
[*] “Alors il en sera du Royaume des cieux comme de dix jeunes filles qui prirent leurs lampes et sortirent à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insensées et cinq étaient avisées. En prenant leurs lampes, les filles insensées n’avaient pas emporté d’huile ; les filles avisées, elles, avaient pris, avec leurs lampes, de l’huile dans des fioles.” Matthieu, 25.1-4.L'homme est un enfant qu'il faut instruire sans qu'il s'en aperçoive, du moins sans qu'il s'aperçoive où on le conduit.
Je suis si scrupuleux avec la morale, surtout envers les enfants et le beau sexe, que là où les autres ne craignent pas ou ne voient pas de danger, je vois moi la mort ou une maladie incurable. Ce n'est pas de la méfiance, car je ne suis ni malicieux ni jaloux : ce n'est même pas une expérience : c'est un sentiment, une sensibilité, presque un instinct pour moi. Mais je crois que l’expérience la plus vaste et la science la plus approfondie justifieront et corroboreront cet instinct le plus profond.
Dieu sait ce qu'il fait : tout de Lui et rien sans Lui. Sans le sentir, je me le suis expliqué avec les paroles du métaphysicien des Évangélistes : Et sine ipso factum est nihil*.
On ne doit pas offrir d’horizon aux enfants (pour le plaisir, bien entendu.)
On doit plus de respect aux enfants qu'aux anciens.
Quel parent n’est pas au final gouverné par son enfant ? (Intentionnellement je n’ai pas dit son fils.)
L'enfance aime écouter l'histoire, la jeunesse la faire et la vieillesse la raconter.
Ici, les trois âges sont liés et harmonisés entre eux et avec le monde.
Tout se correspond : de trois manières : le physique avec le physique, le physique avec le moral et le moral avec le physique. Cette trinité qui se veut partout apparaît comme l'unité de Dieu.
Bisogna scrivere*.
Dans la jeunesse, la pensée coule à flots : il n'est pas possible d'être aussi laconique ; ou du moins, nous ne sentons pas aussi enclins à condenser, comme dans la méditation. Ici est la nature des choses : dans la jeunesse le fleuve coule ; dans la maturité nous le contenons pour voir ce qu'il transporte.
À la quarantaine, il n’y a pas lieu d’entonner le ré dans n’importe quelle clé.
J’admire que les autres s'admirent, surtout les anciens. Bienheureux ceux qui sont restés jeunes !
Mais cette grâce gratis data, et nunquam acquisita*.
Puisque la science de l'éducation est une branche aussi expérimentale que la physique ou la médecine, tout projet scolaire normal serait très défectueux si une partie du cours ne se destinait pas à la pratique des doctrines expliquées.
Ennemi de l'encyclopédisme, mais tout a son terme. Car il devient de plus en plus presque aussi nécessaire pour tout homme d'avoir des notions de mécanique, par exemple, que d'avoir des notions d'arithmétique.
Voyager, comparer les impressions nouvelles avec les anciennes. Voyager, ôter la rouille des armes.
Quitte ta patrie pour apprécier ta patrie (vrai en bien et en mal).
Ni dans l'enfance ni dans la vieillesse, il ne faut quitter la patrie : la jeunesse est l'âge des voyages.
À un moment et à un autre, on a besoin de la chaleur de la mère.
L'enfant ne doit pas être éduqué en dehors du pays où doit vivre l'homme.
Combien de pertes irréparables l’éducation sur un sol étranger entraîne-t-elle ! La langue native se perd, l'amour filial s'affaiblit, tous les liens familiaux se relâchent, et même le saint amour de la patrie subit un très grave préjudice dans la comparaison continue des habitudes acquises avec celles qu'il est obligatoire d’acquérir.
En d'autres termes, [l'éducation] heurte de plein fouet la grande loi de l’harmonisation.
Un fardeau pour soi et pour les autres.
L'instruction primaire ne signifie rien en ce qui concerne la moralité d'un peuple, quand elle ne s'applique pas directement à la discipline des sentiments et des affections de l'âme, non moins qu'à cultiver les facultés mentales.
Rendez les enseignants respectables et ils seront respectés.
Soutenons le magistère* et Cuba sera nôtre.
[*] Magistère : Pouvoir, autorité, fonction de celui qui est maître (CNRTL).LUZ Y CABALLERO J. (de la), Obras - Aforismos, La Habana, Ediciones Imagen Contemporánea, 2001.
Patrick Moulin, MardiPhilo, février 2025.
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