Manifeste pour une discipline Sciences Humaines et Sociales - Travail social

Au moment où les formations en travail social s’inscrivent officiellement dans l’espace de l’enseignement supérieur à l’échelle nationale et internationale, nous considérons aujourd’hui essentiel d’instituer une nouvelle discipline Sciences Humaines et Sociales-Travail Social s’inscrivant dans un processus de renforcement des coopérations entre établissements de formation en travail social (EFTS) et universités.

Des valeurs de référence

  1. Affirmer des principes éthiques et déontologiques d’émancipation propres au travail social et à la charte universelle des droits de l’homme ainsi qu’à la Charte Sociale Européenne, fondateurs des principales compétences du travail social et de l’intervention sociale.

  2. Respecter la laïcité, posture professionnelle garantissant aux personnes concernées par le travail social leur libre arbitre.

  3. Orienter les formations professionnelles et la recherche vers l’exercice d’un travail social émancipateur.

  4. Ancrer la formation en travail social dans la réflexion et l’action, en référence à la pédagogie de « l’alternance intégrative » coproduite par des professionnels en exercice, des formateurs, des enseignants-chercheurs et des personnes concernées par l’interaction des savoirs académiques et des savoirs de l’expérience.

  5. Garantir, quel que soit le métier exercé, l’existence d’un socle commun de connaissances et de compétences partagées par tout travailleur social inscrit dans la définition du travail social présente dans le Code de l’action sociale et des familles.

Des objectifs d’action

Nos objectifs visent à renforcer l’autonomie de réflexion et d’action des acteurs de la formation et de la recherche engagés dans l’espace de formation en travail social et de l’enseignement supérieur :

  1. Par la reconnaissance des établissements de formation du travail social (EFTS), dont le défi est, d’une part, d’offrir des parcours de formation professionnelle depuis le niveau 1 jusqu’au niveau 7 et, d’autre part, de s’inscrire dans l’espace de la recherche et de l’enseignement supérieur régional, national et international.

  2. Par un rapprochement solide et équilibré entre EFTS et universités pour développer des coopérations et la mutualisation des expertises et des savoir-faire respectifs ; puis, créer des passerelles entre parcours de formation sociale et universitaire par la bi-diplômation ou la co-diplômation quand c’est possible.

  3. Par un renforcement de la qualification pédagogique et de recherche de l’ensemble des formateurs en travail social : structurer la place de la pédagogie par la recherche dans les formations. L’amélioration de la qualification des formateurs en travail social dont une partie d’entre eux (en particulier ceux participant aux formations de niveau licence et master) doit s’inscrire dans un processus de formation doctorale en sciences humaines et sociales.

  4. Par l’émergence d’un statut de formateur-chercheur dans les établissements de formation reconnu par l’État et les conventions collectives.

  5. Par le renforcement des liens de coopération et de co-construction pédagogique avec les milieux professionnels et les sites qualifiants par la construction d’un réseau partenarial d’engagements réciproques dans une perspective d’alternance intégrative.

  6. Par la consolidation des liens de coopération et de partenariat avec les organismes, les institutions et les associations qui partagent les valeurs propres au travail social.

Nos objectifs visent à faciliter des processus des formations ouvertes aux pédagogies nouvelles et émancipatrices :

  1. En favorisant les passerelles entre les parcours universitaires et professionnels ainsi que les échanges pédagogiques régionaux et internationaux des étudiants et des intervenants sociaux.

  2. En intégrant les formations sociales au processus LMD, tout en conservant des diplômes d’État référencés par les différents ministères, dont les ministères des Affaires sociales, de la Santé, de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et des Sports. Il s’agit de conforter l’existence de certifications en travail social inscrites dans le système LMD du processus de Bologne visant à traduire les singularités du travail social. Cette conservation aurait l’avantage de structurer le développement de spécialités et d’expertises spécifiques (lutte contre la pauvreté, contre les discriminations, rapports enfance-familles, handicap, dépendance…) L’objectif de la reconnaissance du grade de licence aux diplômes d’État a été le moteur de tous les projets de coopération avec les universités depuis une quarantaine d’années. Cette mesure présente l’intérêt supplémentaire de prévenir le risque émergeant de la baisse d’attractivité des diplômes de travail social. Dans le prolongement de cette mesure, il convient de conférer le grade de master aux diplômes professionnels supérieurs, dans le prolongement de l’obligation de coopération qui existe déjà pour le DEIS. Enfin, il importe d’ouvrir les formations sociales aux formations doctorales. En effet, les formations professionnelles supérieures doivent pouvoir s’articuler avec des formations universitaires, ouvrir des voies nouvelles pour les parcours de travailleurs sociaux disposant d’un haut niveau d’expertise, cela permet enfin de mieux associer la formation et la recherche.

  3. En adoptant une architecture des formations (diplômantes et/ou certifiantes) du niveau 1 au niveau 7, favorisant le décloisonnement des métiers du travail social et renforçant la mobilité professionnelle par le développement de la formation continue et de la VAE marquant la réalité d’une possibilité de formation tout au long de la vie.

  4. En développant la FOAD, dont notamment l’appui numérique aux apprentissages.

  5. En affirmant la place centrale de l’apprenant dans le processus de formation en favorisant l’autoformation comme moyen de développer des apprentissages autonomes et l’ouverture culturelle des étudiants (prise en compte de la diversité des acquis expérientiels, professionnels et formatifs). Nos objectifs visent à augmenter les capacités réflexives et d’actions des acteurs du champ social par le développement de la recherche en sciences humaines et sociales dans la formation et l’animation des milieux professionnels :

    • a. Par la constitution ou la consolidation d’espaces de travail collaboratifs d’un point de vue pédagogique et de recherche entre enseignants-chercheurs universitaires et formateurs des Établissements de formation du travail social (EFTS).

    • b. Par l’institutionnalisation d’espaces de rencontre et de production des savoirs reconnus et financés de façon pérenne par les pouvoirs publics (État/Régions).

    • c. Par la légitimation des EFTS comme producteurs de savoirs scientifiques et praxéologiques par l’octroi de moyens dédiés à la recherche afin que ces établissements de formation contribuent à l’amélioration de la formation des étudiants en travail social par l’apprentissage de la recherche par la recherche, dans une relation partenariale et de réciprocité avec les universités.

12. La mise en place d’un doctorat spécialement conçu à l’intersection des sciences humaines et sociales d’une part, du travail social et de l’intervention sociale d’autre part est une condition essentielle pour que les liens entre formation et recherche puissent être mieux reconnus.

En définitive, l’augmentation du niveau de qualification des travailleurs sociaux, acteurs centraux de l’intégration et de la cohésion sociale nationale et régionale, nécessite d’accroître des dynamiques de travail partenarial équitables et équilibrées entre les mondes des écoles professionnelles du travail social et des universités, ce qui appelle à faire évoluer la législation en cours en matière de formation des travailleurs sociaux dans les régions :

  • Faire en sorte que le financement de la « mission de recherche » assumée par les IRTS ou les EFTS de taille équivalente devienne une obligation réglementaire pour les régions en charge du financement des formations sociales supérieures dans les territoires. Il s’agit d’inciter les Conseils régionaux à financer la recherche produite par les EFTS pour que ces établissements coopèrent dans un respect réciproque avec les universités ;

  • Soutenir l’inscription des formateurs en travail social préparant des diplômes et qualifications supérieurs du travail social dans un parcours de formation doctorale.

Notre objectif est de construire un espace d’inter-reconnaissance composé de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et de formateurs-chercheurs issus des universités et des écoles du travail social, mais aussi, dans certaines situations, des milieux professionnels, tous reconnus par leurs pairs pour leurs capacités à produire des connaissances en mobilisant des techniques de recherche pour penser et agir dans le champ social. Cet espace vise, en effet, à réunir des acteurs-chercheurs promouvant l’étude rigoureuse (respect d’un cadre épistémologique, d’étapes et de méthodes de recherche reconnues) des pratiques de l’intervention sociale en situation (enjeux politiques, sociaux, culturels, éthiques, déontologiques) dans l’objectif d’améliorer la formation en travail social.

La construction de cet espace académique doit pouvoir rassembler des acteurs-chercheurs désireux de développer par la recherche des pratiques réflexives d’intervention sociale productrices d’innovation sociale dans les milieux professionnels, avec les acteurs sociaux et les citoyens. L’enjeu principal de cet espace académique est alors triple :

  • Faire en sorte que les pouvoirs publics en charge de la recherche et de l’enseignement supérieur réunissent les conditions financières, administratives et académiques nécessaires à l’édification de cet espace en sciences humaines et sociales ouvert aux chercheurs professionnels des universités et des établissements de formation en travail social ;

  • Institutionnaliser le financement public de postes de formateurs-chercheurs qualifiés en sciences humaines et sociales au sein des instituts de formation en travail social nécessaire à l’établissement de partenariats équitables entre les mondes des écoles et des universités ;

  • Constituer une section « CNU » (instance consultative et décisionnaire française chargée, en particulier, de la gestion de la carrière des enseignants-chercheurs) propre au travail social et à l’intervention sociale, nécessairement pluridisciplinaire (sociologie, psychologie, ethnologie, sciences de l’éducation…) devant permettre la reconnaissance pleine et entière du travail social comme nouvel espace académique autonome.

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Les co-auteurs

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