1- Cosmétique
L’utilisation cosmétique de la toxine botulique est, sans aucun doute, son indication la plus connue aux yeux du grand public, voir même la seule. Son injection dans le traitement des rides dynamiques l’a rendu célèbre dans le monde entier, notamment aux Etats-Unis où elle demeure la procédure cosmétique la plus pratiquée. (1)
Le vieillissement est un processus naturel qui induit de nombreux changements, notamment au niveau de la peau. La diminution de la production de collagène et d’acide hyaluronique par les fibroblastes fait perdre à la peau son élasticité et sa densité d’origine. Le renouvellement cellulaire se retrouve, lui aussi, ralenti ; en conséquence, l’accumulation de couches cellulaires donne l’impression d’un teint plus gris et moins éclatant, souvent accentué par une sécheresse cutanée. Parallèlement, la contraction répétée des muscles du visage tout au long de la vie est responsable du plissage de la peau donnant lieu à l’apparition de rides perpendiculairement au sens de contraction du muscle. (2) Deux types de rides sont à différencier :
• Les rides dynamiques ou « rides d’expression » sont les rides causées par la contraction multiple et répété des muscles du visage lors des différentes expressions faciales. Il s’agit des rides glabellaires (rides du lion), canthales (rides de la patte d’oie) et des rides frontales.
• Les rides statiques ou « rides de vieillesse » sont induites par la diminution du taux de collagène et d’élastine, donnant lieu à un relâchement de la peau. Il s’agit des rides du cou ou des rides du sillon naso-génien par exemple.
Les injections de toxine botulique sont utilisées dans le but de traiter les rides dynamiques du visage en paralysant les muscles responsables des expressions faciales.(3)
2- Ophtalmologie
2.1. Blépharospasme et spasme hémifacial
Le blépharospasme résulte de contractions involontaires et répétées des muscles des paupières et des sourcils. Ces contractions donnent lieu à des clignements palpébraux incontrôlables, pouvant parfois durer plusieurs secondes, gênant ainsi la vision et la qualité de vie des patients (aspect esthétique, gêne visuelle, …).(4)
Le traitement majeur à l’heure actuelle du blépharospasme essentiel, passe par des injections de toxine botulique afin d’éviter une chirurgie. Il en est de même pour le spasme hémifacial. En cas d’échec de ces injections, la chirurgie peut être envisagée avec, dans la grande majorité des cas, une poursuite des injections de toxine botulique afin de conserver le résultat souhaité. (5)
2.2. Le strabisme
Le strabisme est une pathologie retrouvée fréquemment chez l’enfant, pouvant apparaître à la naissance ou un peu plus tard dans le développement. Cette affection survient plus rarement à l’âge adulte, et provient la plupart du temps d’un strabisme ayant été négligé durant l’enfance.
En France, le traitement du strabisme chez l’enfant passe, le plus généralement, par le port d’une correction optique adaptée ainsi que par de la rééducation. Si le résultat n’est pas satisfaisant malgré la bonne conduite de ces recommandations, une chirurgie peut être envisagée. Chez l’adulte, ainsi que chez l’enfant de plus de 12 ans, une autre alternative passe par l’injection locale de toxine (6)
2.3. La paralysie du nerf VI
Dans cette pathologie, les patients se plaignent d’une vision double (diplopie) ; ce symptôme peut être accompagné de céphalées, de vertiges, de nausées voire de vomissements. (7) La diplopie est la conséquence, comme dans le cas du strabisme, d’une déviation anormale de l’œil affectant la perception du patient.
Dans tous les cas, la diplopie est gênante pour le patient, notamment au cours de la phase aigüe de la paralysie. C’est pourquoi, l’ophtalmologiste est souvent amené à proposer une occlusion de l’œil atteint, afin de supprimer la diplopie dans un premier temps, dans le but d’améliorer le confort visuel. Dans un second temps, si la déviation est stable et peu importante (pas plus de 25 dioptries), l’utilisation de prisme peut se faire sur l’œil atteint, ou 65 en répartition sur les deux yeux. Ce n’est seulement qu’à partir de 3 à 6 mois d’évolution que des injections de toxine botulique peuvent être proposées au patient. Si les troubles persistent au-delà de 12 mois d’évolution, la chirurgie devient le traitement de préférence. (8)
3- Neurologie
3.1. La spasticité musculaire
La spasticité est une atteinte neurologique caractérisée par une augmentation du tonus musculaire, c’est-à-dire par un réflexe de contraction exagéré lors de l’étirement d’un muscle.(9)
Lorsqu’un traitement médicamenteux s’avère nécessaire, la toxine botulique reste le traitement le plus adapté et donc celui proposé en première intention. Il est à noter qu’elle peut s’utiliser dans n’importe quel type de spasticité, peu importe la pathologie associée dans la mesure où la balance bénéfices/risques reste positive. Néanmoins, d’autres troubles sensoriels, neurologiques ou psychologiques associés peuvent limiter son utilisation. (10)
3.2. La dystonie cervicale
La dystonie cervicale résulte de la contraction involontaire de plusieurs muscles du cou entrainant une déviation anormale de la tête. Ces contractions peuvent être spasmodiques (cloniques) ou continues (toniques).(11)
L’utilisation d’injections de toxine botulique est un traitement de première intention dans les dystonies cervicales. Son utilisation nécessite de bien connaître le rôle de chacun des muscles du cou, ainsi que leur localisation ; en effet, les injections se font dans les muscles les plus impliqués dans les mouvements anormaux. Le bon déroulement de l’examen clinique du patient est donc primordial. De nombreuses questions lui sont posées dans le but de savoir quels ont été les premiers mouvements anormaux apparus, et donc, quels sont les muscles à l’origine de ces mouvements. Certaines dystonies peuvent devenir très compliquées avec le temps, il est parfois difficile d’injecter directement les bons muscles dès la première séance.(12)
3.3. La dysphonie spasmodique
La dysphonie spasmodique, encore appelée dystonie laryngée, est une dystonie focale responsable d’une contraction involontaire des cordes vocales ayant pour conséquence une modification de la voix ainsi que des interruptions de la parole. L’origine de cette pathologie reste à l’heure actuelle inconnue et semble concerner majoritairement l’adulte aux alentours de 40 à 50 ans. (13)
D’après plusieurs études, la toxine botulique démontre son efficacité dans la dysphonie spasmodique en ouverture ; en ce qui concerne la dysphonie spasmodique en fermeture, les auteurs sont plus prudents. (14)
Les injections peuvent se faire suivant plusieurs techniques : en transcutanée à l’aide d’un dispositif d’électromyographie ou par voie trans-orale à l’aide d’un laryngoscope. De manière générale, les injections peuvent être unies ou bilatérales. L’injection unilatérale présente l’avantage de réduire nettement les effets indésirables ; il n’est donc pas rare de réaliser les injections d’un seul côté lors d’une séance, puis de l‘autre côté lors d’une séance ultérieure. Le choix des muscles à injecter dépend du type de dysphonie spasmodique et cette intervention ne nécessite aucune anesthésie.(15)
3.4. La dystonie oro-mandibulaire
La dystonie oro-mandibulaire, tout comme la dysphonie spasmodique, est une dystonie focale. Elle se caractérise par une contraction involontaire de certains muscles du visage, de la langue et de la mâchoire, ayant une conséquence sur la mastication ainsi que sur l’élocution, entrainant souvent la morsure involontaire de la langue ou des joues. Les postures du visage causées par la contraction soutenue de certains muscles peuvent être à l’origine de douleurs. (16)
L’utilisation de toxine botulique dans cette indication se fait hors AMM en France. Cependant de nombreuses données scientifiques témoignent de l’intérêt, de l’efficacité ainsi que de la sécurité de son emploi. C’est pourquoi cette solution thérapeutique est proposée par certains établissements dans le cas où un traitement médicamenteux n’est pas suffisant. Les injections se font en intramusculaire avec ou sans anesthésie locale, sous contrôle électromyographique. Les différents muscles à injecter dépendent du type de dystonie et doivent être sélectionnés soigneusement en fonction des symptômes du patient, de l’objectif thérapeutique à atteindre ainsi qu’en fonction de la réponse des muscles à l’électromyographie.(17)
3.5. Migraine
Lors de traitements de rides d’expression par l’injection de toxine botulique, un effet positif sur les céphalées avait été remarqué, ce qui a poussé la recherche à s’intéresser à l’utilisation de la toxine dans la pathologie migraineuse (18). Des études rendent compte de l’efficacité des injections de toxine botulique dans la prévention de la migraine ; néanmoins, son mécanisme d’action au niveau de cette pathologie n’est pas encore entièrement élucidé. En effet, bien souvent un effet multifactoriel est évoqué. Une hypothèse est que la toxine exercerait son effet antalgique et prophylactique par une action sur les terminaisons nerveuses sensorielle, ainsi que par une relaxation des muscles de la tête et du cou. Certains migraineux présentent une hypersensibilité musculaire durant leur crise, ce qui pourrait les rendre d’autant plus réceptifs aux injections de toxine botulique.(19)
4- Urologie
4.1. L’hyperactivité détrusorienne d’origine neurologie
Chez certains patients blessés médullaires, ou atteint de sclérose en plaques, le réflexe mictionnel peut être complètement perturbé en raison d’altérations au niveau des circuits nerveux impliqués dans ce dernier. Dans certains cas sévères, la contraction du détrusor devient hyperactive et se déclenche de façon intentionnelle, ou non, lors de la phase de remplissage. Cliniquement, cela se manifeste par une pollakiurie, une nycturie et par une impériosité accompagnée ou non d’une incontinence. En général, la vessie a du mal à être vidée complètement après la miction, laissant place à un résidu urinaire post-mictionnel pouvant être responsable de complications comme, par exemple, l’apparition d’infections urinaires ou encore l’apparition d’une insuffisance rénale. (20)
En première intention, ces troubles sont pris en charge par l’administration per os de médicaments anticholinergiques afin de réduire la fréquence des mictions et les urgenturies. Ces traitements s’avèrent très efficaces mais sont responsables de nombreux effets indésirables pouvant devenir vite gênant pour le patient : constipation, sécheresse buccale, troubles cognitifs, troubles visuels, … Ce n’est qu’après l’échec de ces traitements, ou qu’après leur interruption en raison d’effets indésirables jugés trop handicapants pour le patient, que les injections de toxines botuliques peuvent être envisagées. Les injections se font directement dans le muscle détrusor de la vessie afin de calmer son hyper-réflexie. (21)
4.2. L’hyperactivité vésicale idiopathique
L’hyperactivité vésicale est une pathologie fonctionnelle dans laquelle le détrusor se contracte alors que la vessie n’est pas encore remplie, déclenchant l’envie soudaine d’uriner. Cette envie se manifeste alors qu’aucun ordre provenant du système nerveux central n’a été donné.
Cela se traduit cliniquement par des envies soudaines et impérieuses d’uriner, à n’importe quel moment de la journée, que ce soit le jour ou la nuit, provoquant des réveils nocturnes.(22)
La prise en charge de l’hyperactivité vésicale idiopathique est sensiblement la même que celle pour l’hyperactivité détrusorienne neurologique. Dans un premier temps, des médicaments anticholinergiques sont utilisés ; en cas d’échec, des injections de toxine botulique peuvent être proposées. Les précautions ainsi que les examens à réaliser sont les mêmes que cités précédemment dans l’hyperactivité détrusorienne neurologique).(23)
4.3. La dyssynergie vésico-sphinctérienne
La dyssynergie vésico-sphinctérienne se caractérise par la contraction ou l’absence de relaxation du sphincter urétéral se produisant simultanément avec la contraction du détrusor. Il en résulte des troubles de la miction se traduisant par les impériosités avec l’impossibilité de vider complètement la vessie, une urine en plusieurs jets ainsi qu’une dysurie.
Au niveau du traitement, la toxine botulique semble être une bonne alternative lorsque les options médicamenteuses ont échoué, ou que l’auto-sondage est compliqué ; cependant, cette indication reste hors AMM en France. Les injections peuvent se faire soit par voie transpérinéale, soit par voie endoscopique selon les injecteurs, avec ou sans l’utilisation de l’électromyographie. La voie la plus pratique à mettre en place semble être la voie transpérinéale, mais elle nécessite une bonne connaissance anatomique et électromyographique du sphincter urétral. (12)
6- Gastro-entérologie
6.1. Achalasie primitive
L’achalasie est une pathologie motrice primitive de l’œsophage caractérisée d’une part, par une absence de péristaltisme et, d’autre part, par l’absence de relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO).(12)
La prise en charge de l’achalasie passe majoritairement par la réalisation d’une dilatation pneumatique dans le but de réduire la tonicité du SIO, ou encore par la réalisation d’une myotomie chirurgicale. Ces deux procédés présentent de très bons résultats mais ne sont cependant pas dénués de risques. C’est la raison pour laquelle l’utilisation d’injection de 104 toxine botulique au niveau du SIO a été étudiée afin de permettre une nouvelle alternative thérapeutique. Un des seuls effets indésirables consiste, chez certains patients, à ressentir des douleurs thoraciques. (27)
6.2. Fissures anales chroniques
La fissure anale est une lésion non cancéreuse correspondant à une déchirure de la muqueuse au niveau de la partie distale du canal anal
En ce qui concerne la cause d’apparition de la fissure anale, une hyperactivité du sphincter interne anal est mise en évidence par un examen manométrique chez tous les patients. Cette hypertonie sphinctérienne serait responsable de l’interruption de la circulation artérielle au niveau du sphincter anal interne, provoquant ainsi une ischémie. La circulation nécessaire à la muqueuse anale étant altérée, la cicatrisation de la plaie devient compliquée ; ceci expliquerait l’apparition d’un ulcère.
Le traitement de la fissure anale ne s’envisage que pour sa forme chronique. Comme dans le traitement de l’achalasie, deux approches thérapeutiques sont bien connues : la dilatation anale et la sphinctérotomie. (28) Ces deux options sont très efficaces mais présentent de nombreuses complications, comme une incontinence fécale et l’apparition de flatulences, à titre d’exemple.
L’injection de toxine botulique au niveau du sphincter anal interne apparaît comme une troisième alternative permettant de corriger l’hypertonie de ce dernier. In fine, la prise en charge d’une fissure anale passe, dans un premier temps, par des mesures hygiéno-diététiques incluant un régime alimentaire à base de fibres et par l’utilisation de topiques à base de nitroglycérine ou d’inhibiteurs de canaux calciques (Nifédipine, Diltiazem). Dans un second temps, l’utilisation d’injections de toxine botulique permet une bonne alternative avant d’orienter le patient vers un acte chirurgical. (52)
5- Hyperhidrose
L’hyperhidrose est une pathologie dans laquelle la production de sueur par les glandes sudorales eccrines devient excessive et dépasse largement la quantité nécessaire à la thermorégulation. Elle peut être primaire (idiopathique), ou secondaire à une pathologie et/ou à une prise de médicaments. Elle touche jusqu’à 3% de la population, et se développe majoritairement durant l’enfance ou l’adolescence avant de s’atténuer après 40 ans. Une corrélation génétique semble être admise par plusieurs auteurs.(24)
La prise en charge de l’hyperhidrose passe dans un premier temps par l’utilisation d’antiperspirants locaux à base de sels d’aluminium, permettant d’obstruer mécaniquement les glandes sudoripares. En cas d’échec, l’utilisation systémique d’anticholinergiques (Oxybutinine) est possible, cependant les effets indésirables liés à leur emploi peuvent s’avérer extrêmement gênants pour les patients. (25) L’ionophorèse est un procédé utilisant un courant électrique dans le but de faire pénétrer des ions chlorures et sodium par voie transcutanée au niveau de la zone à traiter. En pratique, un courant allant de 15 à 20 mA est appliqué dans un récipient rempli d’eau dans lequel le patient mettra ses mains ou ses pieds. Les séances durent approximativement une vingtaine de minutes et doivent être renouvelées trois à six fois par semaine (espacées jusqu’à deux fois par semaine si la réponse est bonne), ce qui en fait un traitement contraignant et peu adapté à l’hyperhidrose axillaire. Après l’échec de ces thérapeutiques, des injections de toxine botulique peuvent être proposées afin de bloquer chimiquement, et de façon durable dans le temps, l’action des glandes eccrines hyperactives.(49)