1- Notion de sérotype
Nous pouvons parler, non pas d’une toxine botulique, mais de plusieurs toxines botuliques.
En effet, différentes souches de Clostridium botulinum ont été répertoriées sécrétant, au total,
sept sérotypes de toxine botulique : A, B, C, D, E, F, G. (22)
Seuls les sérotypes A, B, E, F, G possèdent une activité chez l’Homme. Les sérotypes C et D concernent le règne animal. En thérapeutique, ce sont les sérotypes A et B qui sont utilisées à l’heure actuel (23)
2- Structure
Lorsque les neurotoxines botuliques sont sécrétées par le Clostridium botulinum, elles se trouvent dans un premier temps sous forme d’une chaîne polypeptidique inactive ; elles portent alors le nom de « pro-toxines » et ont un poids moléculaire allant de 140 à 170 kDa. (24)
Elles forment un complexe avec d’autres protéines non toxiques et hémagglutinantes ; c’est ce complexe que l’on appelle « toxine botulique ». La toxine botulique est alors beaucoup plus résistante aux protéases du système digestif, ainsi qu’à l’acidité gastrique. Les protéines non toxiques ont un rôle de protection des neurotoxines. C’est pourquoi l’on utilise préférentiellement la toxine botulique en thérapeutique et non la neurotoxine seule.(15)
Afin d’être active, la neurotoxine doit être scindée en deux chaînes par une protéase sécrétée par la bactérie. Elle sera alors composée d’une chaîne lourde de 100 kDa et d’une chaîne légère de 50 kDa reliées entre elles par un pont disulfure. Des liaisons non covalentes permettent de stabiliser l’ensemble de la structure. La présence de ces deux chaînes est indispensable à l’activité de la neurotoxine. Par exemple, une chaleur trop élevée rompt le pont disulfure et rend ainsi la toxine inactive. (11)
Cependant, chaque chaîne possède ses caractéristiques (23) :
- la chaîne légère est responsable de l’activité pharmacologique de la toxine (L).
- la chaîne lourde est responsable de la spécificité des différents sérotypes et possède
une extrémité C-terminale (Hc) et une extrémité N-terminale (Hn).
Le domaine L détient son activité enzymatique de par la présence d’une métallo-protéase à zinc.
Le domaine Hc est divisé en deux sous domaines : Hcn de type lectine dont la fonction n’est encore pas tout à fait connue et Hcc permettant la liaison à des gangliosides (très variable selon les types de toxine). Le domaine Hn, quant à lui, se présente sous la forme de deux grandes hélices alpha entourant la région L ; à cette forme cylindrique s’ajoutent quelques petites hélices alpha. La configuration de cette région change en milieu acide. (20)
Figure 16 : Structure fonctionnelle de la neurotoxine botulique [23].
3- Mécanisme d’action moléculaire (23)
La toxine botulique est une neurotoxine ayant un effet myorelaxant périphérique qui est dose dépendant et localisation dépendante et qui est réversible. Elle est sécrétée par la bactérie Clostridum Botulinum qui est une bacille gram positif, anaérobie strict et sporulé. On en trouve différents types :
· Neurotoxines actives : A, B, E, F, G
· Neurotoxine A (Dysport/Azzalure,Botox/Vistabel,Boccouture) : celle utilisée en esthétique.
· Neurotoxine B (Myobloc)
La toxine botulique agit au niveau périphérique en bloquant la libération d’un neurotransmetteur, l’acétylcholine au niveau de la plaque motrice à la jonction neuro- musculaire. Ce mécanisme provoque une dégénérescence de la terminaison nerveuse. Il en résulte une paralysie périphérique.
Il faut noter que la toxine n’agit que sur la libération du neuromédiateur sans affecter les autres modes de libération, que sont le transport membranaire et la libération calcique dépendante.
Que la toxine soit ingérée ou injectée en périphérie, son action reste limitée au système nerveux périphérique par le fait qu’elle ne franchit pas la barrière hémato-méningée.
Le mode d’action de la toxine dépend de quatre étapes majeures, à savoir :
• la liaison de la neurotoxine à des co-récepteurs présents sur les terminaisons nerveuses, au niveau de la membrane pré-synaptique
• l’internalisation de la neurotoxine dans les terminaisons
• la translocation de sa chaîne légère dans le cytosol
• le blocage intraneuronal de la libération de neurotransmetteur.
Ces étapes impliquent les grands domaines fonctionnels des neurotoxines.
3.1. Liaison toxine-membrane présynaptique
Cette étape est assurée par la chaine lourde qui se fixe sélectivement et de façon irréversible sur des récepteurs de la membrane synaptique du motoneurone, via des gangliosides permettant la liaison de la toxine à la membrane.
3.2. Internalisation
L’internalisation de la toxine botulique est un phénomène complexe mettant en jeu son endocytose à partir de sa liaison au récepteur membranaire présynaptique.
Figure 81: Internalisation de la toxine botulique (23) .
3.3. Inhibition de l’exocytose de l’acétylcholine
Seule la chaine légère intervient à ce niveau. Le fait qu’elle soit une métalloprotéase implique que sa ou ses cibles soient une protéine.
La protéine cible varie selon son sérotype. Le processus d’exocytose des vésicules présynaptiques implique deux protéines situées sur la membrane présynaptique : la SNAP-25 et la syntaxine, ainsi s’une protéine enchâssée dans la membrane vésiculaire, la synaptobrévine ou VAMP. Elles s’associent pour former le complexe SNARE qui a un rôle essentiel dans la libération du neuromédiateur.
Figure 82 : Cibles protéiques des différentes toxines botuliques (23) .
L’hydrolyse, en réalisant un clivage de ces protéines (hydrolyse de la SNAP 25 par la toxine A, et hydrolyse de VAMP par la toxine B), empêche la fusion de la vésicule synaptique avec la membrane présynaptique, et empêche la libération d’acétylcholine dans la fente synaptique. Cette inhibition ne met pas en cause le flux calcique potentiellement dépendant.
4- Mécanisme d’action cellulaire
Au niveau cellulaire, la toxine botulique provoque une atrophie et une paralysie transitoire des muscles striés en raison de l’inhibition de libération d’acétylcholine au sein de la jonction neuromusculaire (16). C’est pour cette caractéristique que la toxine botulique est aujourd’hui utilisée afin de traiter les contractions musculaires excessives.
Elle intervient aussi au niveau des ganglions du système nerveux autonome (parasympathique), ce qui permet de l’utiliser aussi pour des problèmes d’hypersudation et d’hypersialorrhée. C’est encore une fois son action sur le système cholinergique qui permet
l’inhibition des glandes sudoripares et salivaires. (23)
5- Effet cliniques et réversibilité d’action de la toxine botulique
Ils débutent vers le 2e jour et sont complètement effectifs vers le 10e ou 15e jour, pour durer 2 à 5 mois, ce qui correspond à la durée d’efficacité clinique.
La terminaison nerveuse inactivée par la neuro[1]toxine va émettre des petites repousses nerveuses amyéliniques à partir du 28e jour qui vont participer à la régénération de la jonction neuromusculaire. En effet, ces repousses libèrent de l’acétylcholine qui va permettre le rétablissement d’une neurotransmission fonctionnelle. Puis, ces repousses régressent après régénération de la jonction neuromusculaire. Ce phé[1]nomène prend de 2 à 5 mois, ce qui correspond à la durée d’efficacité clinique. Ainsi, l’action de la toxine est totalement réversible(25)