1- Histoire
Le botulisme est causé, le plus fréquemment, par la consommation d’aliments mal conservés, garantissant à Clostridium botulinum, un environnement d’anaérobie propice à son développement et donc, à la synthèse de la neurotoxine botulique. La bactérie se développe préférentiellement dans des aliments mal cuits, ou conservés de manière inappropriée comme le jambon, les saucisses, le poisson ou encore certains légumes.
Depuis très longtemps, l’Homme tente de conserver au mieux sa nourriture. Les conditions de conservation n’étant pas toujours optimales, de nombreuses intoxications alimentaires se développèrent au fil des années. Dans les temps anciens, les intoxications alimentaires comme le botulisme étaient considérées comme des empoisonnements. En effet, aucun lien biologique n’était établi entre les symptômes et la qualité de conservation des denrées. Certains Chamans se servaient alors de sang de boudin séché à des fins d’empoisonnement lors de banquets. La mort des victimes se produisait des jours après l’ingestion et donc après les festivités, ainsi l’hôte n’était jamais mis en cause. (11)
A la fin du XVIIIème siècle, de nombreuses intoxications alimentaires, dues à l’ingestion de boudin noir, entrainèrent des décès en Allemagne. Dans un premier temps, et au regard de certains symptômes déjà bien connus comme la mydriase et la paralysie progressive des muscles des victimes, certains physiciens diagnostiquèrent une intoxication à l’atropine. Par la suite, le gouvernement, suspectant plutôt une intoxication due à l’acide hydrocyanique, mit en garde la population. (12)
En 1817, Justinus KERNER (1786-1862), poète romantique et physicien allemand, signala un cas d’empoisonnement mortel par ingestion de nourriture et contesta la piste de l’agent toxique, convaincu de la présence d’un poison biologique qu’il nomma par la suite « Fat poison » ou encore « Fatty poison ». Il entama alors des recherches et publia deux ouvrages : l’un en 1820 répertoriant 76 cas de patients avec la description clinique détaillée de ce qui semble s’apparenter au botulisme, et l’autre en 1822 avec, cette fois-ci, 155 cas de patients et l’intégration d’hypothèses relatives au « fatty poison ». (13)
Par la suite, KERNER entama des expérimentations sur des animaux en leur faisant ingérer des morceaux de saucisses contaminées et tenta même une expérimentation sur lui-même en fin de carrière. Grâce à ses observations cliniques et à ses expérimentations, il put établir l’hypothèse d’une action de la toxine sur le système nerveux autonome et sur les nerfs moteurs provoquée par l’interruption de la conduction nerveuse. Une de ses autres convictions est que la toxine est mortelle à très faible dose et qu’elle se développe dans des conditions d’anaérobie. (11)
Bien qu’établissant une certaine réserve sur ses propos et ses recherches, KERNER envisageait déjà la possibilité d’utiliser cette toxine dans un but thérapeutique, notamment dans des cas d’hyperexcitabilité nerveuse au niveau de glandes. (14)
Au XIXème siècle, de nombreuses publications à ce sujet virent le jour mais n’apportèrent rien de plus par rapport aux recherches de KERNER. Le terme « Botulisme » apparut au milieu du siècle ; du latin botulus signifiant « saucisse ». Ce dernier ne fait, non pas référence à la bactérie qui ne sera découverte que plus tard, mais à l’ingestion de saucisses donnant lieu aux symptômes. (11)
Il faudra attendre 1895 pour qu’un microbiologiste belge, Emile Marie VAN ERMENGEM (1851-1922), identifie enfin le Clostridium botulinum. C’est dans le village belge d’Ellezelles que se produisit un cas d’intoxication alimentaire collectif ; le repas contenait du jambon fumé et les 34 invités ont présenté des symptômes similaires tels qu’une mydriase, des troubles de la vision et une paralysie musculaire progressive. Trois des invités en sont morts, et dix ont vu leur pronostic vital engagé. Lors des investigations médicales, VAN ERMENGEM fit le lien entre l’intoxication, et un microorganisme retrouvé dans le jambon ainsi que dans des prélèvements sur les patients. Il émit alors l’hypothèse que ce microorganisme serait probablement à l’origine du poison produit dans le jambon et qu’il se développerait dans un milieu anaérobie pendant le processus de conservation. Il isola alors la bactérie dans le but de réaliser des expérimentations et la nomma Bacillus botulinus. Elle sera renommée plus tard Clostridium botulinum. (12)
En 1904, un allemand du nom de LANDMANN isola lui aussi une souche de Clostridium botulinum après une intoxination survenue après la consommation de conserves de haricots blancs. (15)
En 1910, LEUCHS compara les souches isolées par VAN ERMENGEM et LANDMANN ; il constata une différence antigénique entre les deux. Il introduisit alors la notion de « sérotypes » pour marquer cette différence. Cependant, c’est Georgina BURKE qui introduira la notion de « type A » et de « type B » afin de les classifier. (2)
S’en suivi, des années plus tard, la découverte d’autres sérotypes C (BENGSTON et SUDDON), D (MEYER et GUNNISON), E (BIER), F et G (MOLLER, SCHEBEIL, GIMENEX et CICCARELLI). (2) En 1949, BURGEN mis en lumière que la toxine botulique bloque la libération d’acétylcholine au niveau de la jonction neuromusculaire. (13)
De 1941 à 1989, Alan SCOTT, un ophtalmologiste faisant appel à Edward SCHANTZ, premier scientifique à avoir produit un lot de toxine pouvant être utilisé comme agent thérapeutique, établi des recherches dans le but de traiter les strabismes de l’enfant puis les blépharo et hémispasmes. Il utilisa alors la toxine botulique lors d’expérimentations animales dans un premier temps, puis sur des patients dans un second temps. Il publia ses résultats et produit un lot de toxine de type A qu’il nomma « Oculinum », renommée par la suite « Botox® » aux USA. (11)
En 1988 , Marie Hélène Marion, neurologue l’introduit en France.
Suite à l’observation sur des patients traités pour un blépharospasme de l’amélioration spectaculaire des rides glabellaires, les Dr Alastair et Carruthers publièrent en 1992 le premier article sur l’usage de la toxine botulique en cosmétique et démontrèrent l’efficacité et l’innocuité de l’usage du Botox® pour traiter les rides du tiers supérieur du visage.
A.M.M. en France est délivrée en 1993 dans des indications variée :
- Blépharospasme
- Hémispasme facial
- Torticolis spasmodique
- Troubles de l’oculomotricité
1998 : Pied en équin chez l’enfant IMC
2003 : Les rides de la région glabellaire (16)
2- Caractéristiques bactériologiques
a. Classification phylogénétique
b. Morphologie
Le Clostridium botulinum est un bacille à Gram positif, anaérobie strict et sporulé. Il se présente sous forme droite ou légèrement incurvée et peut aller de 2 à 10 µm de long et de 0.5 à 1,5 µm de large. Certaines souches se présentent sous forme filamenteuse, surtout lorsqu’elles ne sporulent pas. (17)
c. Caractères biochimiques
Les souches de Clostridium botulinum sont très hétérogènes de par leurs caractéristiques biochimiques, physiologiques et génétiques. C’est pourquoi on les classe dans quatre groupes différents. Cette classification ne se limite pas simplement au type de toxine produite par les différentes souches (de A à G) ; en effet, certaines sont capables de produire plusieurs types de toxine, voire même des mélanges de deux types de toxine.(18)
Chaque groupe de souches est caractérisé par une température minimale de croissance et une température maximale au-delà de laquelle les spores sont détruites. Le taux de chlorure de sodium est, lui aussi, déterminant car il permet d’inhiber la croissance bactérienne. C’est la raison pour laquelle la salaison, la température de conservation, ainsi que le contrôle du pH, sont importants dans le processus de conservation des aliments afin d’éviter toute contamination potentielle(19)
3- Habitat
Clostridium botulinum est une bactérie très répandue dansl’environnement. Grâce aux spores qui sont résistantes aux conditions extrêmes(chaleur, sécheresse, radiation, agents chimiques), CB est capable de survivrependant de très longues périodes.
L’habitat principal de Clostridium botulinum est le sol, et également lessédiments marins et d’eau douce.
Les différents groupes de Clostridium botulinum n’ont pas une répartition géographique identique.(18)
4- Pouvoir pathogène
Le botulisme humain est principalement dû aux neurotoxines A, B, et E, exceptionnellement aux types C et F. La maladie engendrée par cette bactérie se manifeste chez l’homme sous trois grandes formes cliniques :
- l’intoxication botulique ou botulisme alimentaire, survient après ingestion de toxines préformées dans un aliment contaminé, le bacille botulique étant incapable de se multiplier dans l’organisme. C’est la forme la plus connue de la maladie, et l’une des plus fréquentes. L’incubation de la toxine est généralement de 12 à 36 heures. Les symptômes débutent le plus souvent par des troubles oculaires (défaut d’accommodation, diplopie, ptose), puis s’installent des dysfonctionnements du système nerveux autonome tels que sécheresse de la bouche et des yeux, mydriase, difficultés de déglutition, constipation...(20)
Les signes digestifs (nausées, douleurs abdominales, vomissements, diarrhées) sont présents dans à peu près 50% des cas, au tout début de l’affection, puis disparaissent. Les formes les plus graves se traduisent par une faiblesse généralisée à type de paralysie flasque, avec des difficultés respiratoires. Le décès peut survenir par insuffisance respiratoire.
- la toxi-infection botulique ou botulisme infantile se manifeste chez des enfants de quinze jours à six mois.
Alors que les spores sont inoffensives chez l’adulte, l’ingestion de spores chez l’enfant entraîne une multiplication bactérienne et une production de toxine dans le tube digestif, du fait d’une flore digestive incomplètement constituée ou incomplètement fonctionnelle, permettant l’implantation de Clostridium neurotoxinogène.
La clinique débute par une constipation, suivie secondairement d’une hypotonie, d’une perte de tenue de la tête et de difficultés d’alimentation.
A noter que cette toxi-infection botulique peut survenir chez l’adulte ayant des facteurs prédisposants tels une chirurgie intestinale, longue antibiothérapie, inflammation chronique ou lésions chroniques de la muqueuse intestinale.
- le botulisme par blessure est la forme la plus rare. Les types A et B en sont responsables. Les plaies peuvent être colonisées par du Clostridium botulinum et provoquer l’apparition d’un botulisme. Ce mode de contamination est analogue à celui du tétanos, bien que beaucoup moins fréquent.
Le botulisme par blessure est en recrudescence aux USA chez les toxicomanes, soit par utilisation de matériel contaminé, soit par présence de spores de Clostridium botulinum dans les drogues.(21)