Articles / Pêche aux maquereaux

La pêche aux maquereaux (un maqueret, des maquériaux)

Au lendemain de la guerre, le poisson était abondant, notamment les maquereaux. Les restrictions sur les sorties imposées aux pêcheurs par l’occupant avaient eu pour conséquence de préserver la ressource. Il suffisait de jeter de la « bette » pour voir en quelques minutes les maquereaux « effarés » se rassembler près du bateau. Ce mélange de farine d’arachide et de maquereaux de la veille, broyé dans un hachoir à viande (appelé « machine à saucisse ») fixé sur le pont, avait pour vertu d’attirer le poisson. Les maquereaux, ainsi « missés » alourdissaient la boëtte, lui permettant de mieux couler. Il arrivait parfois, lorsque les maquereaux se présentaient en très grand nombre dans la « bette », qu’on fasse usage d’une « balancine », terme impropre pour désigner une sorte d’épuisette. D’une brusque plongée dans le tas, 10 à 15 maquereaux se retrouvaient d’un coup sur le pont. À la fin de la journée, il n’était pas rare de compter à bord 15 à 20 mannées piquées de maquereaux, soit environ 400 maquereaux prêts à mettre en glace pour l’expédition.

La « machine à saucisse » utilisée pour préparer la bette est ici bien visible à bord de l’Anita. A droite on distingue le « bonhomme ». Fixé sur le tableau arrière, il facilitait les manœuvres du chalut à perche.

Les « batiaux » du Légué, tout du moins les plus forts tonnages, prenaient position dans le secteur de la balise de Trahillions ou tarhillions en gallo, et se mettaient au mouillage, séparés de 150 à 200 mètres les uns des autres. La pêche se déroulait en « ava », c’est-à-dire au fond de baie, par opposition à l’amont, plus au large et plus au nord. C’est ainsi que l’on disait les vents d’ « amont » pour désigner les vents du nord. Une aussière frappée de l’arrière du bateau sur le mouillage permettait de le ramener en travers du courant. Ainsi positionné, on commençait à jeter la boëtte à l’arrière du bateau près de la cabine, à un endroit où l’on est plus proche de la surface de l’eau. C’était là que se plaçaient les hommes d’équipage, pourvus d’une ou deux lignes tenues à la main et légèrement plombées et « bettées » avec un « libet » de maquereau évidemment. En fait, seuls quelques pêcheurs aguerris disposaient de deux lignes. En effet, quand deux maquereaux se trouvaient pris en même temps, il fallait faire preuve d’une grande réactivité pour fixer d’une main une ligne d’un tour mort et d’une demi-clé sur une cheville de bois plantée dans la lisse de pavois et ramener ensuite l’autre ligne le plus rapidement possible.

Quant aux « calfats », c’est-à-dire les pêcheurs occasionnels ou les invités, ils se tenaient plus à l’avant du bateau munis d’une seule ligne à main. Dans ces conditions, ne pêchant pas dans la boëtte que les pêcheurs entretenaient à l’arrière, leurs prises devenaient beaucoup plus aléatoires.

Une autre technique pour appâter le poisson consistait à utiliser le « pouillen » ou « pouillot » (terme utilisé dans l’est du département). Avec les premières chaleurs du printemps, au mois de mai ou juin, se pêchait entre deux eaux au bord de l’eau, une sorte de gelée blanche qui n’est autre que du zooplancton. On utilisait un petit filet monté sur un cadre en bois et, à la différence du filet à crevette, il n’y avait pas de planche à la base puisque l’on ne poussait pas le filet sur le sable mais entre deux eaux. Le filet lui-même fut d’abord en toile de lin que l’on enduisait d’huile de même origine. Un tel filet existait encore dans les années 1950 avant de céder la place au filet en nylon, acheté à St Brieuc à la « Maison du rideau » ! Lorsque le « pouillen » venait à manquer, on avait recours à l’ « enragé ». C’était du menu fretin, de minuscules poissons pêchés dans les petits ruisseaux du fond de baie à l’aide d’un « havenet » à crevettes. Cette sorte de pêche ne concernait guère les pêcheurs professionnels mais plutôt les « coureurs de grèves » qui se portaient à mi-marée sur divers points de la côte pour appâter à la saison « aigules », mulets, maquereaux ou chinchards qui, une fois capturés, étaient cédés pour la « fracque » aux habitants de la côte quand ce n’était pas gratuitement.

L’équipage du « Saint Laurent » (SB 552) pose le long du bord pour les besoins du photographe. Sur ce cliché, sont reconnaissables, debout et de gauche à droite, Francis Eouzan, Francis Méheut le patron dit « Tontaine », Jean-Louis Clairet, René Laclef, André Guégo, François Rouault, Gérard Le Picard, un inconnu.

À noter la présence de François Rouault, troisième en partant de la droite, terre-neuvas chevronné et qui était à la retraite. François Rouault est vraisemblablement le dernier grand terre-neuvas de Plérin.

À l’inverse, les petits bateaux ou ligneurs pêchaient à la traîne avec des tangons de chaque côté du bateau, bien souvent à la voile. Chaque ligne plombée était munie d’ « hains » « bettés » avec des « libets ». Pour débuter la pêche et avant d’entamer des maquereaux frais, on gardait depuis la veille quelques libets dans un bocal en verre avec du sel. Au dire des pêcheurs et surtout des consommateurs, leur qualité dépassait très largement celle des maquereaux gavés par la « bette » à bord des chalutiers.

Construit en 1930 à Paimpol, le « St-Laurent » passera entre plusieurs mains avant d’être mené par Francis Méheut. On le voit ici à l’échouage sans sa cabine. Celles-ci se généraliseront après guerre. Long de 13 m 50, il fait partie des chalutiers.

André GUEGO

Lexique:

· Hain : hameçons

· Bette : boëtte, appât

· Libet : appât formé d’une bande de maquereau prélevé au couteau sur le poisson mesurant 5 cm sur 1 cm environ

· Carrioux ou ripon : Chinchards

· Aigules : orphies

· La fracque : argent de poche