Articles / Goélette Langouste
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Une goélette en carénage
En 1907, un armateur roscovite, M. Hernandez, fait construire au chantier Bonne-Lesueur à Paimpol, une goélette mixte en tout point identique à la production habituelle du chantier. Mais cette fois-ci, la Langouste, archétype de la goélette dite « islandaise », va faire cap au sud et se consacrer à la pêche aux « fausses morues »1 sur les côtes mauritaniennes. L’été précédent, l’Ouest-Éclair nous signale que ce négociant a commencé l’importation de langoustes et de poissons en provenance de ce nouvel « eldorado » que sont les côtes mauritaniennes. Il franchit donc un cap en investissant dans un bateau neuf.
Installé sur la grève de Poulafret en 1899, le chantier Bonne produira trois cents bateaux en vingt ans d’existence, au point d’assister à une période au lancement d’une goélette par mois.
Un article de Ouest-Éclair, en date du 07 mai 1907, nous signale le premier départ de la Langouste de Paimpol pour les côtes du Portugal et le banc d’Arguin. Il est précisé que le navire est muni d’un moteur de 60 ch et d’un vivier pour conserver le poisson.
L’année suivante, la Langouste est de nouveau armée pour la pêche aux « fausses morues » en utilisant la même technique que sur les bancs de Terre-Neuve, à savoir des lignes de fonds mouillées au moyen de doris. Mais dans un rapport de l’office scientifique et technique des pêches maritimes de 1926, son auteur, M. Bronkhorst, précise que cet « essai ne fut pas couronné de succès ».
La Langouste à l’aire de carénage de Rohannec’h, deux ans après sa mise à l’eau. À l’arrière plan, le lougre Augusta (1904), à Mathurin Lagadeuc, est issu d’un chantier local.
Après cet échec, le bateau est armé au cabotage au départ de Saint-Nazaire. Quelques documents attestent de son passage régulier au Légué notamment pour y subir un carénage et quelques réparations.
La Langouste, ici à l’aire de carénage, les coutures des bordés d’étrave ont nécessité une reprise du calfatage.
Toujours par la presse locale, on apprend que la Langouste, en sortant du port du Légué le jeudi 05 mai 1910 dans l’après midi, s’est échouée dans le chenal sous la tour de Cesson. Cet incident, assez fréquent pour les navires de passage au Légué, n’empêchera pas le capitaine Témoin et son équipage de poursuivre leur route à la marée suivante. La goélette devait se rendre à Péniche au Portugal après une escale à Roscoff.
Cependant, la Langouste aura une carrière de courte durée et se terminera par un naufrage le 30 janvier 1913 au cours d'une forte tempête.
La Langouste échouée sur les rochers de la Govelle (Batz sur Mer).
Une tempête fait rage sur les côtes de Loire-Atlantique en cette fin du mois de janvier 1913. La mer est estimée très grosse. Différentes sources permettent de comprendre le déroulement des faits :
« La goélette à vivier Langouste, capitaine Viaud, allant de Falmouth à Saint-Nazaire, a fait côte pendant la tempête de la nuit dernière sous la côte de Batz. À cinq heures du soir, le navire doublait Belle-Île. À 20h30, mer démontée, estimant qu’il ne pouvait doubler la Banche, le capitaine vira de bord. Il ne put, vu l’état de la mer, virer vent devant. Il vira donc vent arrière, ce qui le drossa à la côte. Ayant viré bâbord amure, la dérive et les courants le rentrèrent entre le Four et la Banche. Malgré force de toile, il vint inévitablement à la côte. À 22 heures, le navire talonnait sur les rochers de la Govelle. Aucune manœuvre pour le retirer de cette position n’était possible. Le navire était constamment couvert d’eau. Le canot de sauvetage fut emporté par la mer. Aucun secours, malgré les signaux de détresse, ne venait de terre. Il était impossible de mettre le second canot à la mer. L’équipage passa la nuit, réfugié dans la chambre arrière, au milieu d’une angoisse mortelle. On imagine dans quelles conditions : la tempête, les vagues, la pluie et le bruit de la mer sur la coque éventrée. À quatre heures et demie du matin, munis de leurs ceintures de sauvetage, tous les hommes purent regagner la terre ferme, la marée ayant baissé, mais sans avoir sauvé aucun effet ni objet du bord. »
Au petit matin, alors que l’équipage a pu rejoindre la terre, le canot de sauvetage de la Turballe est lancé pour venir en aide à un caboteur en difficulté en baie du Croisic, le dundee Anne-Marie de Vannes, qui se rapproche dangereusement de la côte. Il est rejoint par le canot du Croisic, l’Amiral Méquet. Celui-ci est rappelé pour rejoindre sans tarder la plage de la Govelle par voie de terre quand l’alerte est donnée pour une goélette en perdition. Heureusement, l’équipage est en sécurité mais le bateau va vite se transformer en épave.
Deux mois plus tard, le 13 avril, le tribunal maritime de Nantes condamnera le capitaine Viaud à trois mois de retrait de commandement.
Après avoir subi les assauts de la mer durant plusieurs jours, la Langouste se retrouve coupée en deux morceaux.
1 Appellation donnée à certains poissons des côtes africaines dont l'aspect rappelle celui des morues. Ainsi, Cherne ley, une fois tranché, salé et séché pouvait créer l'illusion.
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