Articles / Guerre du Mexique
Articles / Guerre du Mexique
L'aventure mexicaine de Napoléon III
La décision de Juarez, président de la République mexicaine, de suspendre le paiement des intérêts de la dette extérieure de son pays, sert de prétexte à Napoléon III pour intervenir au Mexique, aux côtés de l’Angleterre et de l’Espagne. En réalité, le but est d’implanter une nation catholique alliée à la France et d’y installer un gouvernement fantoche, capable de contrer les ambitions des États-Unis, alors très occupés et affaiblis par la guerre de sécession.
Une flotte alliée débarque à Veracruz en début 1862.
Paru dans l"Illustration" en 1862, ce dessin de Louis Le Breton, peintre de la marine évoque l’arrivée du corps expéditionnaire au Mexique.
Par la « convention de la soledad », le président Benito Juarez fait marche arrière et reprend le paiement de la dette. Du coup, Angleterre et Espagne se désintéressent de cette expédition. La France seule continue l’intervention.
Afin de se réconcilier avec son ancien ennemi, l’empire autrichien, Napoléon III propose à Maximilien, frère de l’empereur d’Autriche, de monter sur le trône du Mexique. Maximilien accepte le principe de devenir l’empereur du Mexique le 10 octobre 1863.
Le général Forey, à la tête de 20 000 hommes assiégea et prit Puebla en mai 1863. Le 30 avril, c’est le fameux sacrifice des légionnaires à Camerone.
Maximilien d’Autriche est proclamé empereur par une junte le 10 avril 1864. Le 28 mai, Maximilien arrive au Mexique. Il fut accueilli comme un héros à Mexico le 12 juin.
Après deux ans d’une guerre impopulaire en France contre les guérillas mexicaines de Juarez, de plus en plus soutenus par les Etats-Unis, Bazaine, successeur de Forey, dut replier ses forces sur Mexico puis sur Veracruz où elles rembarquèrent en mars 1867.
Le Mexique se souleva alors contre Maximilien qui, refusant d’abdiquer, fut finalement fusillé le 19 juin 1867 à Querétaro.
Charles Hamono
Un Plérinais né en 1839, Charles Hamono*, acteur de l’aventure mexicaine de Napoléon III, adresse à sa mère le 09/05/1865 une lettre circonstanciée.
Cette lettre, que nous publions dans sa version d'origine, nous renseigne sur la lutte des troupes et des navires français contre les guérillas.
Charles Hamono (1839-?) dessin au fusain, artiste inconnu.
Ma chère mère
Je vous écris pour vous donner de mes nouvelles qui sont très bonnes pour le moment. Je désire de tout cœur que la présente vous trouve dans les mêmes dispositions qu’elle me quitte pour la plus grande joie et consolation en ce monde. Ma chère mère vous trouverez sans doute bien étrange de ne pas recevoir de nouvelles de ma part au 1er mai. Vous serez sans doute restée dans la gène vu que nous allions partir en expédition et c’est cela qui m’a empêché de vous écrire car franchement je n’avais pas le moindre moment à moi aussi veuillez m’excuser car ce n’est pas positivement ma faute. Cependant jusqu’à ce moment je n’ai pas été blessé. Je ne sais pas comment cela ira pour l’avenir mais Dieu veuille m’en préserver je vais vous donner les détails de notre expédition qui dure toujours. Ma chère mère, nous sommes partis de Véracruz le 22 mars à 6 heures du matin pour aller prendre la ville de Tlacotalpan. Le 21 au matin, après avoir pris toutes les dispositions de combat, l’amiral signal d’appareiller. Nous étions alors cinq canonnières. Voici les noms: la Tempête, que montait l’amiral, la Diligente, la Pique, la Tactique et l’Augustine. Nous avions à peu près 6 lieues de rivière à faire avant d’arriver en ville mais à moitié de la rivière, l’entrée de la ville est défendue par un fort ou les guérillas nous attendaient. C’est ce qu’il y avait le plus à redouter. Enfin nous faisons route sur ligne de file. L’amiral en tête étant à deux encablures du fort. Ils ont commencé le feu sur l’amiral. À l’instant l’amiral ouvre et feu de batterie et de mousquèteries qui a été suivi de toutes les canonnières, feu à volonté machines à toute vitesse de sorte que nous sommes tous passés sans avoir un homme de blessé. Après être à l’abri du fort et avant d’arriver en ville, l’amiral signale de mouiller pour voir si il n’y avait personne à bord des canonnières de blessé et prévenir d’être paré à combattre devant la ville qui se trouvait peut être à deux lieues de là. Vers dix heures et demi le 24, nous appareillons, l’ennemi n’ose pas trop se fier à nous. Ce ne fut que sur nous que l’on fit un feu de peloton, l’amiral nous ayant signalé de prendre la tête de l’escadre, à l’instant nous ouvrons un feu de batterie et de mousquèterie qui n’a pas duré longtemps car l’ennemi s’était enfui. Nous sommes restés trois jours devant la ville sans mettre pied à terre car nous attendions la troupe française qui marchait par la terre mais elle n’est pas arrivée si tôt que l’on le supposait et le 28, l’amiral signale d’envoyer à terre les compagnies de débarquement, à peu près 400 hommes que nous formions. Ils sont rentrés dans la ville l’arme au bras, l’ennemi était parti, il n’y avait plus que les habitants à qui l’on a pas fait de mal mais tous celui qui a paru suspect y a passé. Comme nous étions le seul navire qui eût des mortiers, l’amiral nous envoie le 29 bombarder le fort qui défend la ville. Nous avons descendu à terre avec nos mortiers et nous avons lancé trente et quelques bombes qui n’ont pas fait je ne crois pas grand mal, car la distance qui nous séparait du fort était trop grande il y avait au moins 2 000 mètres. Le lendemain l’amiral nous expédie faire la même opération mais les résultats pour cette fois ont été satisfaisants car toutes les bombes éclataient sur le milieu du fort ou dans leur tranchée ou de manière que l’on ne voyait plus personne. L’amiral est venu avec une canonnière portant les compagnies de débarquement que l’on a débarqué immédiatement. Elles ont monté sur le fort ont démoli et brulé tout ce qu’il y avait. Alors toujours devant la ville les compagnies de débarquement étant en ville et la troupe française nous étions assez tranquille quoique toujours prêts à combattre au premier signal. Le 16 avril l’amiral a envoyé les troupes à Véra Cruz et les compagnies de débarquement nous laissant devant la ville trois canonnières et à peu près 300 hommes de troupe mexicaine mais de notre côté qui sont dans la ville et le général Garcia dit qu’il veut rentrer à Tlacotalpan un de ces jours prochains de sorte qu’ils vont reconstruire leur fort et nous y avons descendu rien que nous la Pique seule trois jours consécutifs et je vous assure qu’il en pleuvait des balles et des boulets de telle sorte que j’étais à la barre sous le fort où il pleuvait une pluie de balles et de boulets. La fièvre m’a pris le docteur m’a fait me retirer et j’ai été quatre jours malade et en remontant la rivière le soir la machine a cassé mais sitôt réparée nous retournons comme de plus belle et je vous dis je ne sais quand est-ce que cela finira. Du reste, je me borne là dans peu de temps je serai près de vous et j’aurai d’avantage de tout raconter de vive voix ce qui s’est passé car franchement sitôt que je pourrai retourner en France. Je retournerai car je ne me porte pas bien. Voila la saison des maladies, l’autre jour nous sommes tombés 20 hommes malades avec une chaleur excessive et puis du reste je ne me vois pas à bord de la Pique. Plus tard je vous dirai pourquoi, j’y ferai peut être les dix mois que j’ai encore à faire et pas un jour de plus où je ne pourrai pas. Les jours pour moi ce sont des mois et les mois des années mais bien sûr sitôt mon temps fini et dès demain si je pouvais m’en aller du Mexique je n’hésiterai pas. Sale cochon de pays. Je me maudis moi-même d’y être resté de bonne volonté, cependant franchement parler je ne suis pas mal loin de là. Au contraire, je vous assure que je suis considéré comme un homme et non pas comme un fatras, mais vous savez que je suis un jeune homme qu’un rien dérange. La moindre parole et avec cela emporté comme un tourbillon, chose qui chez moi ne devrait pas exister. De là, surtout pour ma progression, car soit on a raison il vaut mieux mettre les pouces avec ces messieurs, chose qui me blesse trop quand j’ai raison et surtout moi qui me fit appeler qu’à être commandé par eux. Oh franchement, je serai obligé d’abandonner le service général s’il m’arriverait malheur, je me borne là sur cet article, c’est déjà trop. Ma chère mère, je ne peux pas répondre à la lettre que vous m’envoyez, que je recevrait le 15 mai du moins j’espère je suis obligé d’écrire d’ici Tlacotalpan aujourd’hui 09 mai pour envoyer ma lettre à Véra Cruz pour le 13, jour précis du départ du courrier. Autrement dit je m’enquérais encore le départ du courrier et comme je sais que vous êtes dans l’inquiétude sur ma position je tiens à vous écrire car pas une journée où je ne pense à vous mais veuillez je vous prie vous rassurer sur ma position normale car je suis très bien. Je demande à dieu de vous conserver la santé et j’espère ne pas m’oublier, réponse le plus tôt possible car si je ne recevais pas de lettre je me ferai de la bile et celui qui s’en fait dans ce pays, il peut dire adieu à la France.
Je vous dirai que la maladie fait du progrès les dysenteries la fièvre jaune fait des ravages. Cependant nous ne sommes pas encore dans la saison des pluies.
Ma chère mère vous aurez l’obligeance de me dire si vous avez touché le premier trimestre de 65 et le décompte qui m’était dus… et je vous en prie ne vous privez pas.
Ma chère mère rien de nouveau pour le moment je vous prie de souhaiter le bonjour pour moi à tous les parents et amis.
Je finis en vous embrassant ainsi que tout mes frères et sœur. Votre très obéissant fils et frère qui vous aime
Charles Hamono, Quartier maître de timonerie à bord de la « Pique » à Véra cruz
Extrait de l'original de la lettre
Malade lors de l’expédition, nous ignorons si Charles Hamono parvint à rentrer en France. La fièvre jaune sera un véritable fléau lors de cette expédition et de nombreux marins périrent sans combattre.
Ainsi, le « Masséna », vaisseau mixte de 90 canons arrivé à Véra Cruz le 7/01/1862 au tout début de la campagne, repartira au mois de décembre après avoir recensé 392 décès imputables à cette épidémie. Parmi eux, des marins de la région briochine feront partie de cette funeste liste :
· Jean Marie Le Faucheur de Plérin, mort le 20/08/1862.
· Jean François Verry de Pordic, mort le 30/08/1862.
· Jean Burel de Plérin, mort le 30/12/1862.
Et l’année suivante, de retour à Veracruz, le « Masséna » perdra encore deux marins plérinais, François Baudet, le 10/08/1863 et Jean Louis Fromentin, le 10/08/1863.
Sur les 38 493 hommes envoyés au Mexique entre le 12/11/1862 et le 25/06/1863, il y aura à déplorer la perte de 6 654 hommes dont 1 627 hommes tués au combat pour 4 735 hommes morts de maladies.
Le "Masséna" (col. M. Verhnes )
La "Pique"
La « Pique », canonnière de 2e classe lancée à Toulon en décembre 1862 sur des plans de Jules Aurous, faisait partie d’une série de quatre bateaux de la classe Décidée. Ces bateaux en bois de 39 mètres, à fond plat, n’avait pas une bonne tenue à la mer. Ces vapeurs mixtes possédaient une réserve de charbon leur assurant un rayon d’action d’environ 550 milles nautiques à 7 nœuds. De plus, une voilure de 452 m2 venait soulager la propulsion mécanique. La « Pique » sera démolie en 1895 à Nossy Bé (Madagascar) .
La carrière de la "Pique"
· 1863: essais terminés, affectée au Mexique.
· 15/10/1863 : à Véra Cruz.
· 22/01/1864 : force la ville de Campeche à la capitulation.
· 04/1864 : évacuation de San Juan Bautista.
· 04/04/1867 : en Guadeloupe.
· 03/08/1869 : quitte la Guadeloupe pour rentrer en France.
· 13/10/1869 : arrivée à Brest, mouillée en baie de Trébéron pour quarantaine.
· 1870/1873 : à Montévidéo
· 1877/1878 : Atlantique sud
· 1881 : prise de Sfax (Tunisie)
· 1882 : océan indien
· 1884 : désarmée à Nossy-Be
· 13/11/1886 : utilisée comme charbonnière à Nossy-Be
· 1895 : démolition.
André GUÉGO
en collaboration avec Pierre Perrin et Philippe Saudreau
* La famille Hamono était propriétaire du moulin de Souzain implanté sur le Gouët au niveau du viaduc du même nom démoli en 1995.