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Des Finlandais au Légué ...
En cette fin du 19e siècle, l’importation de bois du nord pour le Légué est en pleine expansion et connaîtra une progression constante jusqu’en 1936 où le tonnage débarqué atteindra un maximum de 8500 tonnes. Toute une industrie locale se développe autour du bois, construction, emballage, meubles, charbon de bois. Le bassin à flot, terminé en 1885, accélère ce développement en offrant un abri sûr pour les bateaux ; de plus, il possède toutes les surfaces nécessaires pour entreposer les marchandises. Sur l’un des six appontements de bois en redan du quai incliné, le trois-mâts goélette « Laura » procède au déchargement de planches de sapin tout de suite évacuées par charrette. Pour sa livraison de bois de 1896, l'arrivée du bateau est notée le 11 juillet. Il repart sur lest le 24 du même mois en direction de Fowey avant de rejoindre Rafsö en Finlande. Derrière ce voilier, le vapeur « St Brieuc » de 1904, appartenant à l’armateur Le Gualès de Mézaubran, est à son poste d’amarrage habituel. La fumée de la cheminée et le jet de vapeur qui s’échappe d’un évent nous indiquent la mise en chauffe de la chaudière. À l'arrière plan se trouve le bâtiment surnommé « la cabane du St Brieuc ». Il est à la fois lieu de stockage des marchandises en dépôt sous douane et gare maritime pour les voyageurs empruntant les lignes de la compagnie.
Laura, ici en blanc, a été construit à Luvia en 1892 pour le compte de Carl Fredrick Holmberg, dit Pulli. Dix hommes à bord assurent la manœuvre. Il fera naufrage en 1908.
Les voiles de « Laura » sont proprement carguées. Le bateau semble en parfait état et porte sur son tableau arrière une décoration remarquable, marque distinctive de l’armement Holmberg de Luvia. Cet armateur possède à lui seul quatre des quinze navires inscrits dans ce petit village de Finlande. Laitakari, le port rattaché à Luvia, est situé en bordure du golfe de Botnie dans la région de Satakunta, alors sous domination Russe (1809-1917). Il fait preuve d’un réel dynamisme en matière de construction navale puisque pas moins de sept à huit chantiers navals vont mettre à l’eau environ quatre cents bateaux sur une période comprise entre 1850 et 1900. Dans toute cette région se retrouve concentrée une grande partie de la marine marchande de l’empire russe avec deux grands ports, Rauma et Pori, qui assurent l’essentiel du commerce à destination des pays limitrophes de la mer Baltique et en premier lieu l’Allemagne. Le négoce du bois demeure l’activité principale des armements locaux. Si le volume exporté vers la France reste marginal - en 1912 le port de Rauma ne totalise que 2% de son tonnage pour cette destination - il n’en reste pas moins que des liaisons commerciales existent avec plusieurs ports français. Ainsi, Trouville, Dieppe, Paimpol, St-Brieuc et Morlaix recevront la visite des bateaux finlandais. Le brick-goélette Arvio est signalé en novembre 1893 à Morlaix, faisant suite à un précédent voyage en 1887.
Le port de Laitakari vers 1904. On y retrouve un bateau de l’armement Holmberg reconnaissable à la décoration sur son tableau arrière.
En 1889, l’industrie forestière occupe le tout premier rang du commerce finlandais et reste sous le contrôle des grandes sociétés finlandaises ou étrangères représentées à Kotka, Lovisa, Borga, Helsinki, Abo, Bjorneborg, Kristinestat, Jakobstad, Uléaborg et Tornio. Principalement située dans le nord du pays, la forêt finlandaise couvre, à la fin du 19e siècle, 64% de la superficie totale du pays soit 131 500 km2, l’État étant propriétaire de la moitié. Elle fournit des madriers, planches et planchettes de sapin rouge, sciés à la machine ou à la main mais également du bois de chauffage et des produits dérivés : goudron, poix et pâte à papier.
Les grandes scieries mécaniques, mues par l’eau ou la vapeur se concentrent à l’embouchure de presque toutes les grandes rivières. Pour les forêts les plus éloignées, on utilise la technique des radeaux flottants pour acheminer le bois jusqu’aux scieries, le voyage d’un train de bois pouvant durer deux à trois ans. Arrivé à la côte, le chargement du bois sur les bateaux s’effectue à la main, parfois à même la grève. Des rampes d’accès y sont construites afin de faciliter les manœuvres. Le chargement des planches de sapin est soigneusement arrimé en fond de cale et une partie de la cargaison trouve sa place sur le pont.
Ainsi préparés, certains de ces chargements seront exportés vers le Légué.
Un autre bateau finlandais au Légué, " Aïno " :
Peu de documents attestent du passage au Légué des bateaux finlandais. Sur cette carte postale bien connue, échoué sur la cale de carénage du Légué aujourd’hui comblée, le trois mâts «Aïno», fait escale devant le grenier à sel en ce mois de novembre 1899. Construit à Luvia en 1894 pour l’armement Carl Fredrick Holmberg, l’ «Aïno» fera naufrage en 1921. Compte tenu de ses dimensions , 34 mètres pour presque 9 mètres de large, le navire a de quoi impressionner les riverains peu habitués à voir de tels bateaux venir s’amarrer à cet endroit. Le capitaine Arvidson dirige la manœuvre sur ce voyage.
Sur ce document plus récent mais non daté, l’équipage pose pour la traditionnelle photo autour de la bouée couronne.
Le bateau au port de Rauma, le 03/11/1921, peu de temps avant son naufrage.
Tableau de J.Gregersen peint en 1903 représentant « Aïno » sous voiles. Il y est précisé, capitaine Westberg, armement F.F. Holmberg.
Philippe SAUDREAU
Remerciements:
Paula Kupari - Musée maritime de Rauma
Sanna Sassila - Association Kaljaasi Ihana