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Retour de pêche

Par une très belle après-midi ensoleillée en ce milieu des années trente, le photographe a devant lui une très belle scène maritime à immortaliser. Il va d’ailleurs réaliser ce jour-là plusieurs clichés. Le flot a déjà bien changé la physionomie de l’avant-port et, comme à chaque marée, le havre de Sous la Tour reprend vie. Une portion de grève est encore visible et les quelques canots présents nous indiquent que certains équipages sont déjà à terre. L’annexe de l’ANITA (SB 433) glisse sur l’eau en laissant le sillage de la godille qu’actionne d’une main ferme Mathurin Monfort, le patron. A l’avant, l’équipier porte l’ancre à jas, prêt à mettre pied à terre pour la porter haut sur la grève. Construit en 1927 à Paimpol, l’ANITA en est déjà à son troisième propriétaire. D’abord Jean Caulet qui la revendra en 1930 à Salvator Ayello avant de finir propriété de Pierre Dauphin de St-Brieuc, ancien capitaine au long cours. Laissée à l’abandon devant le café des Mouettes à la mort de Mathurin Monfort en Décembre 1951, elle sera finalement dépecée en 1954. Le bateau se remarque à sa fameuse moustache blanche à l’étrave, décoration emblématique du port. Grand voile et trinquette ferlées nous rappellent que la transition vers le tout moteur n’est pas achevée.

Au second plan, deux gabares lourdement chargées et grand-voiles hautes, la « St-JEANNE » d’Erquy à Alexandre Duclos et le « PREVOYANT» de Pleubian à Jean Guillou sont prises en remorque par la « SURPRISE » (SB 560) de Louis Le Saulnier et se faufilent dans un chenal bien encombré. Dès 1921, ces difficultés d’approche et d’échouage sont déjà évoquées par les marins du Légué au travers d’une lettre pétition envoyée au ministre de l’époque. Ils réclament des aménagements pour éviter « aux bateaux de pêche de mouiller en plein chenal où ils ne sont pas en sûreté …. et où aucun abri ne les préservent des vents du large». Ces demandes n’aboutiront pas. Avec son bateau, Louis Le Saulnier pratique la pêche au chalut et traque le maquereau au mouillage. Ce service de remorquage lui assure une source de revenus complémentaires, chaque bateau remorqué étant redevable d’une somme de vingt francs. La plupart des bateaux nouvellement motorisés le sont avec des moteurs 20 Cv Bolinder d’origine suédoise (80% du marché français à l’époque). La « Surprise » sera dotée quant à elle d’un moteur de 35 Cv plus puissant afin de faciliter ces manœuvres.

L’équipage de l’ Anita au retour de pêche (de gauche à droite):

Mathurin Monfort, patron

Louis Eouzan

Jean-Marie Corvaisier

Jean Henry.

Philippe SAUDREAU