Le conseil évangélique de la pauvreté, à l’imitation du Christ qui, « de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous » 1, ne comporte pas seulement une vie réellement et spirituellement pauvre, vécue dans la sobriété et le travail, étrangère aux richesses terrestres. Elle comporte aussi dépendance et limitation dans l’usage et la disposition des biens, conformément à notre droit et à notre manière de procéder 2. Pénétrés de cet esprit qui est un élément essentiel de notre vie religieuse, nous, compagnons de Jésus, en vertu d’une vraie consécration, suivons «de plus près et manifestons plus clairement l’anéantissement du Sauveur en embrassant la pauvreté dans la liberté des fils de Dieu » 3. Aussi le principe et fondement de notre pauvreté religieuse doit-il être l’amour du Verbe de Dieu, fait chair et crucifié 4. Car cette pauvreté est un effort de l’homme pécheur, dans sa marche radicale à la suite du Christ humble et pauvre, pour accéder, à l’encontre de tout attachement désordonné, à la liberté qui est la condition d’un amour intense pour Dieu et pour le prochain 5.
La pauvreté religieuse propre à la Compagnie de Jésus a sa source et son inspiration dans l’expérience vécue par saint Ignace et par ses premiers compagnons dans les Exercices Spirituels ; et sa définition authentique est donnée par la Formule de l’Institut et les Constitutions avec leurs Normes Complémentaires. Elle consiste, dans la gratuité du service apostolique 6, à n’avoir aucun droit à aucune sorte de bénéfices, rentes ou possessions, ni à aucun bien stable, en dehors de ce qui paraîtra nécessaire pour l’usage personnel et pour l’habitation, nous contentant de ce qui nous est donné par charité pour faire face à ces besoins. Elle consiste à mener une vie « personnelle de pauvres », sachant que « notre Seigneur Jésus Christ accordera à ses serviteurs qui ne cherchent que le Royaume de Dieu ce qui est nécessaire pour la nourriture et le vêtement » 7. De sorte que, « abandonnant toute la confiance que nous pourrions avoir dans l’argent ou dans d’autres choses créées, nous la placions entièrement, avec une foi vraie et un amour intense, en notre Créateur et Seigneur » 8. Aussi doit-on mener dans la Compagnie « un genre de vie aussi éloigné que possible de toute infection d’avarice et aussi semblable que possible à la pauvreté évangélique, dont les premiers Pères ont expérimenté qu’elle était plus heureuse, plus pure et plus apte à édifier le pro- chain » 9.
Dans la Compagnie, la pauvreté religieuse elle-même a une vraie valeur apostolique. D’abord parce qu’elle manifeste la valeur des biens du Royaume de Dieu. Ensuite parce qu’à travers le mépris des avantages personnels, elle recommande l’Evangile et libère l’apôtre pour qu’il l’annonce intégralement. Enfin parce que les communautés vraiment pauvres, par une vie simple et fraternelle, proclament les Béatitudes et rendent manifestes « les biens célestes qui sont déjà présents dans cette vie pour tout croyant » 10. Ainsi la pauvreté est en elle-même mission et annonce des Béatitudes du Royaume 11. Par elle chacun des Nôtres, quel que soit son ministère, en renonçant aux choses terrestres et en pratiquant la charité envers le prochain, « prêche en pauvreté » 12, par sa vie même, la « doctrine sacrée » dont parle la méditation des Deux Etendards 13. Cette pauvreté apostolique produit un fruit spirituel qu’aucune mesure humaine ne peut mesurer. Efficacité apostolique et pauvreté apostolique sont deux valeurs qui doivent être maintenues unies, mais en continuelle tension. Et ceci vaut aussi bien pour les individus que pour les institutions apostoliques 14.
Au cours des dernières décennies la clameur des pauvres s’est faite plus ai- guë. Au lieu de diminuer, le fossé entre riches et pauvres s’est renforcé et a même augmenté. Un capitalisme débridé engendre une croissance disproportionnée dans certains secteurs économiques, exclusion et marginalisation dans beaucoup d’autres. Le consumérisme, l’hédonisme et le manque de solidarité ont pénétré les sociétés contemporaines. Se réaliser personnellement, être compétitif et efficace, réussir, telles sont les valeurs recherchées à n’importe quel prix. Dans ce panorama de contrastes, notre pauvreté religieuse constitue un signe et un message d’une toute autre logique, celle de la solidarité évangélique 15.
Face aux attitudes et aux valeurs dominantes dans la mentalité du monde actuel, vivre radicalement la pauvreté évangélique devient le témoignage contre-culturel de la valeur de la gratuité, si chère à saint Ignace. Cette gratuité fait de nous des témoins de l’amour inconcevable et gratuit de Dieu qui a livré son Fils pour nous dans le dépouillement total de l’incarnation et de la croix. Par notre pauvreté, nous manifestons aussi que nous nous considérons, en tant que personnes et en tant que « corps », comme une « très petite » Compagnie, qui vit de Dieu et pour Dieu, sans mettre sa confiance dans les biens matériels, parce que l’amour puissant du Seigneur agira à travers notre petitesse 16 . Ainsi la pauvreté rend notre mission crédible 17 .
C’est pourquoi il est indispensable que les expressions et les formes de notre pauvreté, dans une « fidélité créatrice » à notre charisme originel, répondent à la mentalité de notre temps, à la vie et à l’apostolat de notre époque, et qu’elles constituent aujourd’hui un témoignage visible de l’Evangile18. Dans notre monde, où tant d’hommes meurent de faim, nul ne peut se donner à la lé- gère le titre de pauvre 19. Pour cette raison, notre pauvreté aujourd’hui doit être spécialement caractérisée par la sincérité, qui nous fera vivre vraiment pauvres dans la vie concrète, par l’application au travail, qui nous assimilera à ceux qui vivent du travail, et par la charité, qui nous fera dépenser généreusement nos forces et nos biens et nous dépenser nous-mêmes au service du prochain 20.
Notre profession de pauvreté doit être sincère, de telle sorte que notre manière de vivre y corresponde. Saint Ignace a voulu que nous prenions comme critères de notre vie de pauvreté à la fois notre fin apostolique et les principes évangéliques, puisque nous sommes des apôtres de l’Evangile. Mais, étant des apôtres de notre temps, nous devons tenir compte des circonstances de temps et de lieu, et en particulier sociales 21. C’est pourquoi il sera nécessaire que nous ayons tous une fois ou l’autre une expérience de vie au milieu des pauvres, pour nous aider à nous affranchir des limites inhérentes à notre origine sociale. Il convient de réfléchir aux conditions de cette expérience, afin qu’elle soit tout à fait vraie et exempte d’illusions et ne se fasse pas sans une conversion intérieure 22.
Notre pauvreté trouve une expression particulièrement parlante dans la pratique et l’esprit du travail entrepris pour le Royaume de Dieu, et non pour un salaire. Que notre pauvreté soit une pauvreté de travailleur, qui nous assimile à ceux qui gagnent le pain de chaque jour au prix d’un rude travail ; qu’elle soit soucieuse d’équité et de justice, voulant avant tout donner à chacun ce qui lui est dû ; qu’elle soit, enfin, généreuse, en sorte qu’avec notre travail nous aidions nos communautés plus pauvres, nos diverses œuvres et ceux qui sont dans le besoin 23.
Ainsi, que notre pauvreté soit un signe de notre charité, nous dépouillant de ce que nous avons pour en enrichir d’autres. Que personne n’ait rien en pro- pre pour que tout soit en commun dans le Christ. Que les communautés en tant que telles, détachées de leurs intérêts propres, s’unissent entre elles par le lien de la solidarité. Enfin, que les diverses parties et les membres de la Compagnie embrassent avec joie une plus grande pauvreté afin de mieux servir le corps entier. Et que cette circulation de la charité ne se limite pas aux Nôtres, car c’est l’humanité tout entière qui forme le corps mystique du Christ. La charité comporte l’accomplissement parfait des obligations de justice par lesquelles nous sommes spécialement tenus à l’égard des plus pauvres et à l’égard du bien commun 24.
La pauvreté religieuse est toujours un appel à suivre le Christ pauvre, mais plus spécialement aujourd’hui à suivre le Christ qui travaille à Nazareth, qui s’identifie aux pauvres dans sa vie publique, qui sympathise de tout cœur avec eux, qui va au-devant de leurs besoins ; à suivre, enfin, le Christ se met- tant spontanément au service des pauvres25. Aujourd’hui l’Eglise, en des termes de plus en plus clairs, invite tous les religieux à se soumettre à la loi universelle du travail 26. « Gagner votre vie et celle de vos frères et celle de vos sœurs, aider les pauvres par votre labeur, ce sont des devoirs qui vous incombent » 27. Bien plus, l’Eglise nous exhorte à « rejoindre les pauvres dans leur condition, à partager leurs lancinants soucis » 28 ; car « l’option préférentielle pour les pauvres... se situe dans la logique même de l’amour vécu selon le Christ » 29 . Ces souhaits se présentent comme des expressions de la profession de pauvreté religieuse parfaitement adaptées à notre époque. Et quand l’Eglise incite tous les fidèles à consacrer toutes leurs forces à l’instauration de la justice sociale, elle précise qu’elle place une très grande espérance en ceux qui ont consacré au Christ leur vie et tous leurs biens par le vœu de pauvreté 30 . Ainsi, une évolution s’est produite : aujourd’hui, la signification de la vie religieuse ne repose plus seulement sur une perfection ascético-morale, ayant sa source dans une imitation du Christ pauvre, mais aussi et très clairement sur la valeur apostolique de celui qui s’oublie lui-même et imite le Christ dans un service généreux et spontané de tous les délaissés 31. En effet, « fortes de ce témoignage vécu, les personnes consacrées pourront, de manière conforme à leur choix de vie et restant libres à l’égard des idéologies politiques, dénoncer les injustices perpétrées contre bien des fils et des filles de Dieu et s’engager pour la promotion de la justice dans le champ social où elles travaillent » 32 .
Le but premier du renouveau de la pauvreté est, en définitive, de « répondre aux exigences d’une pauvreté réelle et non fictive » 33. Car il est tout à fait impossible d’aimer la pauvreté et d’en éprouver les mystérieuses consolations si l’on n’en ressent pas soi-même les effets concrets. C’est pourquoi le niveau de vie de nos communautés ne doit pas dépasser celui d’une famille de condition modeste, dont les membres salariés sont obligés de travailler assidûment pour la faire vivre. Quelles exigences concrètes dérivent de ce principe ? C’est aux individus et aux communautés de le discerner dans une délibération loyale avec leurs supérieurs 34.
La grâce de notre vocation exige que nous nous efforcions tous, dans un engagement fraternel 35, sincèrement et généreusement, de vivre la pauvreté comme le demandent l’esprit et la législation de la Compagnie. L’indépendance vis-à-vis de la communauté dans les acquisitions ou les dé- penses – et c’est un vice qu’on peut déguiser de bien des manières – ne peut être tolérée. Chaque membre de la Compagnie est tenu de remettre à la communauté tout ce qu’il reçoit sous forme de rémunérations, honoraires, aumônes ou de quelque autre manière. De la communauté seule il reçoit ce dont il a besoin. De la même manière chacun accepte d’un cœur joyeux et reconnaissant la manière de vivre de la communauté, et assume la responsabilité de soutenir ses frères pour qu’ils vivent et aiment la pauvreté. Ceux qui, au contraire, ne seraient pas disposés à observer cette double dimension de la vie communautaire se sépareraient de la fraternité de la Compagnie, sinon juridiquement, du moins en esprit 36.
« Que tous aiment la pauvreté comme une mère et, selon la mesure d’un saint discernement, qu’ils en expérimentent à certains moments quelques effets » 37. « La pauvreté, en tant que mur solide de la vie religieuse, doit être aimée et conservée dans sa pureté, autant qu’il sera possible avec la grâce divine » 38. « Ceux qui ont été les premiers dans la Compagnie ont connu le besoin et de grandes pénuries des choses nécessaires pour le corps ; ceux qui viennent après eux doivent, autant qu’ils le peuvent, aller aussi loin que les premiers, ou plus loin encore, dans notre Seigneur » 39.
Que tous se souviennent, cependant, qu’aucune forme communautaire de pauvreté et qu’aucun témoignage extérieur de celle-ci ne peuvent être authentiques ni chrétiens, s’ils ne sont pas inspirés par une disposition intérieure tout à fait personnelle, c’est-à-dire par la pauvreté spirituelle acquise dans une union intime avec le Verbe de Dieu incarné 40 et par l’assimilation des principes ignatiens fondamentaux de la pauvreté 41. Il faut reconnaître que, plus que des innovations législatives, c’est la reconnaissance du péché et une sincère conversion du cœur qui favorisent la vie de pauvreté. Cette conversion du cœur, nous devons la demander à Dieu, puisqu’elle fait partie de la grâce de notre vocation à laquelle il nous faut rester disponibles 42. Et loin de rougir d’être et de paraître pauvres, affirmons-nous ouvertement comme de véritables adeptes de la pauvreté évangélique 43.
Aussi, que les supérieurs prennent conscience, par l’oraison et la méditation, de leur responsabilité personnelle dans le renouveau et la pratique de notre pauvreté religieuse. Et que tous se souviennent que rien ne se fera s’ils ne suivent pas d’un cœur large et unanime les consignes des supérieurs 44. On pourra accorder à chacun en particulier une responsabilité personnelle d’autant plus étendue que sera plus grande la perfection avec laquelle il observe la pauvreté, l’exprimant dans une vie plus austère, demeurant saufs la discreta caritas, le bien commun et la direction donnée par les supé- rieurs 45.
Pour saint Ignace, la pauvreté matérielle du jésuite était une grâce : il demandait qu’on l’aime comme une « mère » et l’appelait « joyau » et « aimée de Dieu » 46. Et la grâce produit toujours joie et paix. Nous aussi, nous devrions avoir les mêmes sentiments, désirer la pauvreté, l’aimer et la demander comme une grâce au Christ notre Seigneur, et la recevoir comme un don 47. Une pauvreté renouvelée aura en même temps pour effet un renouveau évangélique de la qualité de vie de notre Compagnie. Vivre la pauvreté comme une grâce dans un monde égoïste et ignorant la solidarité nous mettra joyeuse- ment avec le Fils et avec ceux avec lesquels le Fils veut être, les pauvres et les abandonnés de la terre 48.
Nous désirons donc que notre pauvreté religieuse, sincère et profondément renouvelée, soit avant tout :
– simple dans son expression personnelle et communautaire, et heureuse à la suite du Christ ;
– enthousiaste pour le partage de tous les biens, entre nous et avec les au- tres ;
– apostolique dans l’indifférence active et dans la disponibilité à toute sorte de service des autres ;
– inspiratrice dans le choix des ministères, afin de venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin ;
– spirituellement et apostoliquement efficace, pour qu’en tout ce que nous faisons, notre genre de vie lui-même soit une annonce du Christ 49.
Ainsi cette pauvreté religieuse rénovée qui nous est proposée pourra avoir des conséquences qui transformeront notre vie personnelle et communautaire ainsi que notre activité apostolique 50.
Pour y parvenir, accueillant le désir et la demande explicite de l’Eglise 51, les Statuts qui suivent pourront nous aider, avec le secours de la grâce de Dieu, « à mieux avancer, conformément à notre Institut, dans la voie du service divin que nous avons commencé à suivre » 52.
18 – § 1. Après les premiers vœux, les membres de la Compagnie gardent la propriété de leurs biens et la capacité d’en acquérir d’autres. Mais cela concerne seulement les biens qui constituent leur patrimoine ou capital ou ceux qui s’y rattachent, soit par leur nature, soit par la volonté des donateurs, soit pour toute autre raison particulière. Les autres biens qu’ils acquièrent appartiennent à la Compagnie 53.
§ 2. Agissent contre le vœu de pauvreté tous ceux qui sans permission font acte de propriété sur leurs biens 54 ; mais, bien qu’illicite, un tel acte n’est pas invalide.
19 – § 1. Après les derniers vœux, tous les jésuites ont perdu la capacité de posséder des biens ou d’en acquérir pour eux-mêmes, en particulier à titre d’héritage ; et tous les actes qu’ils posent contrairement au vœu de pauvreté, s’ils peuvent être annulés, sont invalides, demeurant sauve la prescription du n.89,3° concernant l’incapacité de la Compagnie d’hériter en leur nom.
§ 2. Tous les biens qui leur échoient à titre de don ou de legs sont acquis à la Compagnie ; quant à ceux qui leur arrivent à titre d’héritage, s’ils n’ont pas été donnés à l’intention de la Compagnie, il faut simplement les refuser, conformément à la règle du n. 89, 2°.
§ 3. Quant à tous les autres biens, reçus à n’importe quel titre, ils sont acquis pour la Compagnie 55.
20 – On observera les règles des nn. 82-94 pour tout ce qui touche à la ces- sion de l’administration, à la disposition et à la renonciation des biens.
21 – § 1. Personne ne peut se servir ou disposer d’aucune chose comme si elle lui appartenait 56.
§ 2. Tous sauront que, sans le consentement du supérieur, ils ne peu- vent prendre, donner ou prêter aucune des choses de la communauté ou des institutions apostoliques, ni recevoir quelque chose de ceux du de- hors, ni pour eux, ni pour un autre 57.
§ 3. Pour ce qui est des choses dont chacun peut être autorisé à user habituellement pour lui-même et pour son travail, ou à emporter avec soi en changeant de maison, on gardera les usages approuvés pour la Province et les règles fixées par les supérieurs.
22 – § 1. On peut accorder à chacun d’une manière habituelle une modique somme d’argent pour les petites dépenses journalières.
§ 2. Si l’on juge opportun de donner régulièrement davantage à certains, que ce soit seulement pour des dépenses clairement déterminées et selon une estimation préalable légitimement approuvée, avec l’obligation de rendre compte aux temps fixés de l’usage fait de ces sommes. Que tous veillent néanmoins avec soin à ce que cette pratique ne dégénère en un pécule plus ou moins indépendant.
23 – A tous, il est sévèrement interdit, sans la permission expresse du supé- rieur :
1° de recevoir de quelqu’un étranger à la Compagnie de l’argent prêté pour soi ou pour d’autres, même en vue d’usages pieux ;
2° de placer de l’argent pour en tirer un gain, sous quelque prétexte que ce soit, en son nom ou au nom d’un autre, sauf le cas prévu au n. 82, § 2, 2° 58.
24 – § 1. Sans préjudice de la norme du n. 22, que personne ne garde de l’argent, si ce n’est avec une permission générale ou spéciale du supé- rieur et seulement pour l’usage qu’il aura fixé ; que personne n’ait ni argent ni aucune autre chose chez un autre ou dans des banques 59.
§ 2. Cette défense s’étend aussi à l’argent et aux autres biens dont la propriété resterait celle d’un autre, mais dont un jésuite pourrait se servir à son gré ; aucun supérieur ne peut permettre un tel usage 60.
25 – Si, pour de justes causes, il a paru bon de permettre que quelqu’un reçoive de l’argent d’étrangers, celui-ci doit être déposé auprès de l’économe. Ce dépôt reste sous l’autorité des supérieurs, l’intention du donateur demeurant sauve et conformément aux règles du n. 24. Mais les supérieurs veilleront à ce que des dépôts de ce genre ne deviennent pas d’une certaine manière perpétuels et que s’introduise ainsi, insensiblement, une sorte de pécule 61.
26 – § 1. Il est interdit aux jésuites de se charger, de quelque manière que ce soit, de l’administration de biens d’étrangers, même si ce sont des membres de la famille.
§ 2. Personne ne peut accorder de dispense de cette interdiction, sauf le Général 62.
§ 3. On ne peut pas non plus demander à des étrangers de prêter de l’argent à un autre.
27 – § 1. Tous pratiqueront fidèlement la dépendance à l’égard des supé- rieurs, aussi bien en demandant des permissions qu’en rendant compte 63.
§ 2. Comme il y a dans la vie moderne bien des moyens de rendre comme invisible le maniement de l’argent, tous rendront compte à leur supérieur de l’usage de tels moyens 64.
§ 3. Il ne suffit pas d’être soumis aux supérieurs dans l’usage des biens ; il faut aussi être pauvre en réalité et en esprit, ayant notre trésor dans le ciel 65. Il y a là pour chacun de nous une responsabilité personnelle dont nous ne pouvons nous décharger sur aucun autre.
28 – § 1. Pour que fleurissent entre nous la charité fraternelle et l’union des cœurs 66, la manière de vivre en ce qui concerne la nourriture, le vête- ment et le mobilier sera commune à tous 67 .
§ 2. Dans la Compagnie, cette vie commune doit être comprise ainsi :
1° Pour ce qui est de la nourriture, du vêtement et des autres choses nécessaires à la vie, on gardera, en évitant toujours ce qui est superflu, le même style de vie aussi bien dans les diverses communautés qu’entre compagnons, dans la mesure où le permet la diversité des ministères et des lieux. Si toutefois quelque chose de particulier est jugé nécessaire pour quelqu’un en raison de la maladie ou pour toute autre juste cause, cela n’est en rien contraire à la vie commune.
2° Les supérieurs doivent procurer toutes ces choses à leurs inférieurs, et il n’est permis à personne de se les procurer par un autre moyen, ni à aucun supérieur d’accorder cette permission.
3° Si quelque chose de ce genre est spontanément donné par des étrangers, cela sera reçu pour l’usage commun ; mais dans des cas particuliers, le supérieur verra dans sa prudence ce qu’il convient de faire 68.
29 – § 1. Tous, religieux et supérieurs, veilleront à ce qu’aucun abus ne s’introduise dans le mobilier et les instruments de travail ou de détente tels que : les appareils de télévision, de radio, de photographie, les instruments de musique ou électroniques, les moyens audiovisuels, etc. 69.
§ 2. On n’acquerra pas d’automobiles pour son usage personnel ou pour son œuvre apostolique, sauf dans le cas d’une vraie nécessité ; ce sera tou- jours, alors, selon le jugement des supérieurs et avec leur permission expresse. Ces derniers veilleront soigneusement à ce que, en pratique, ces automobiles ne deviennent pas des propriétés personnelles.
§ 3. Les supérieurs ne permettront pas les voyages coûteux, sauf pour de sérieuses raisons, conformément au n. 33 § 1, et en respectant les règles que les Provinciaux doivent établir pour les diverses régions. Au cours de leurs voyages, tous s’abstiendront de détours et de dépenses peu en accord avec notre pauvreté ; et toutes les fois que cela sera possible, ils résideront dans nos maisons 70.
30 – § 1. A moins que dans certains cas particuliers le Provincial en ait déci- dé autrement, le régime qui consiste à payer une pension en compensation de l’hospitalité reçue ne sera appliqué qu’à ceux qui résident temporairement dans une communauté. Que tous se souviennent d’ailleurs qu’une hospitalité généreuse est l’un des premiers éléments de l’union entre nous 71.
§ 2. Ceux qui sont inscrits dans une communauté pour des raisons d’études, de santé ou pour toute autre cause particulière, et de même ceux qui appartiennent à une autre province et ne sont pas appliqués à celle de la communauté où ils sont inscrits ne seront pas regardés comme des hôtes, mais comme de véritables membres de la communauté, participant pleinement à la vie commune, à ses droits et à ses devoirs, conformément aux normes des nn. 28 à 30. Les Provinciaux détermineront clairement tout ce qui concerne les dépenses et les recettes, la vie commune étant toujours sauve 72.
31 – § 1. Notre pauvreté communautaire comprend d’une part cette « vie commune » qui, comme élément essentiel à toute famille religieuse, a été reçue par saint Ignace d’une tradition séculaire et sanctionnée par le droit en vigueur, et d’autre part un mode de vie qui, à la suite du Christ prêchant la Bonne Nouvelle avec ses Apôtres, est comme une note spécifique de notre vocation, selon laquelle la Compagnie, travaillant parmi les hommes, se consacre à la rédemption du monde 73.
§ 2. Or il est souverainement important qu’un apôtre, suivant toujours le Christ pauvre, s’adapte d’une certaine façon au genre de vie de ceux qu’il veut aider, se faisant tout à tous. Il faut donc que tout usage que nous faisons des choses de ce monde présente les deux caractéristiques suivantes : d’une part, exprimer et renforcer l’union des cœurs et des âmes entre les membres de la Compagnie par la mise en commun des biens matériels, et, d’autre part, signifier au monde, par notre genre de vie, notre volonté – aussi bien communautaire que personnelle – de rendre un témoignage de pauvreté évangélique et de servir humblement et fraternellement tous les hommes, surtout les pauvres, afin de les gagner tous au Christ, en vivant de façon pauvre et commune dans les choses extérieures 74.
32 – Lorsque notre Institut dit que la manière de vivre dans la Compagnie est « commune » et n’est pas différente de la vie des « prêtres honnêtes du même lieu », il faut le comprendre ainsi : la Compagnie n’a pas par obligation des austérités particulières dans la manière extérieure de vivre, comme en eurent habituellement d’autres Ordres religieux ; la vie des prêtres honnêtes doit être comprise conformément aux règles concernant la pauvreté évangélique et religieuse contenues dans les nn. 1-17 et 31-34 75.
33 – § 1. Notre style de vie en ce qui concerne la nourriture, le vêtement, l’habitation, les détentes, les vacances, les voyages, les instruments de travail et le reste sera ce qui convient aux « disciples pauvres du Christ », simple, accueillant et ouvert 76 ; il ne dépassera pas ce que peuvent se permettre des personnes de condition modeste. Mais s’il nous faut recourir à des voyages et à des instruments de travail qui dé- passent ces limites, ce seront exclusivement des moyens nécessaires pour l’apostolat, qui, autant que possible, apparaissent comme tels et que nous utiliserons seulement pour cela, demeurant fidèles à notre pauvreté propre 77.
§ 2. Pour ce qui concerne le soin de la santé, les supérieurs veilleront à ce que personne ne manque des soins qui conviennent 78. Mais tous doivent tenir compte de l’édification du prochain et de notre profession de pauvreté, même si les frais sont totalement ou partiellement payés par la Sécurité Sociale ou par une autre forme d’assurance.
34 – § 1. Nos bâtiments seront adaptés à nos ministères, faits pour y vivre, sains et solides, mais tels qu’il apparaisse clairement que nous avons conscience de notre pauvreté ; ils ne seront ni luxueux, ni attirant l’attention. On évitera, spécialement dans la partie destinée à notre habitation et dans toutes nos œuvres, les matériaux, les installations, et les équipements trop luxueux ainsi que tout ce qui paraîtrait ostentatoire, ayant toujours présents à l’esprit la finalité de nos institutions et notre pauvreté religieuse 79.
§ 2. Une séparation convenable entre la maison ou lieu d’habitation et la maison ou lieu de travail, voire d’étude, peut beaucoup contribuer à la simplicité et à l’intimité de la vie communautaire, pourvu que cela puisse se faire sans que ce soit au détriment de la pauvreté et du travail apostolique 80.
35 – § 1. Etant donné la diversité des situations économiques, des activités apostoliques et des autres circonstances dans l’ensemble de la Compagnie, il ne semble pas opportun de descendre dans ces Statuts jusqu’à des détails plus précis concernant notre style de vie.
§ 2. Il reviendra au Provincial ou à la Conférence régionale des supé- rieurs majeurs, après avoir entendu consulteurs et experts, et après un discernement personnel et communautaire 81, d’élaborer des règles plus précises, si on le juge bon dans le Seigneur. Les Provinciaux auront l'impérieux devoir de stimuler tous les jésuites, avec douceur et fermeté, et de les faire progresser dans la pratique de la pauvreté exigée par notre vocation 82.
36 – A moins que ne s’y opposent des raisons évidentes, que les Provinciaux encouragent les communautés qui, tout en demeurant en union fraternelle avec le reste de la Province, choisiront une pratique plus exigeante de la pauvreté ou préféreront vivre au milieu des pauvres, se consacrant à leur service et partageant leur expérience de vie 83.
37 – § 1. Notre Compagnie a été fondée avant tout pour la défense et la propagation de la foi par toute sorte de prédication de la Parole de Dieu, par les ministères spirituels et par l’administration des sacrements 84, tou- tes choses qui par leur nature propre transcendent toute rémunération financière et engagent à une gratuité parfaite 85.
§ 2. La nature de la gratuité propre à la Compagnie 86 doit être entendue avant tout par sa fin, qui est à la fois liberté intérieure (ou absence de recherche de tout avantage personnel et d’ordre temporel), liberté extérieure (ou indépendance des liens de toute obligation indue) et édification du prochain, naissant de cette liberté et de l’amour pur du Christ et des hommes 87.
§ 3. Ne recherchant pas leur intérêt propre mais celui de Jésus Christ 88, les jésuites ne chercheront rien d’autre, dans leurs ministères et leurs travaux, qu’une liberté intérieure toujours plus grande et une plus grande édification et aide spirituelle du prochain, se dépouillant de tout désir de gain ou d’avantages temporels 89.
38 – § 1. Sans préjudice du droit commun, on admet dans la Compagnie toute source de biens qui n’est pas expressément défendue dans notre droit.
§ 2. Sont permises les pensions de vieillesse ou de maladie et les pen- sions allouées après un nombre déterminé d’années de travail, ainsi que les indemnités versées aux victimes d’accidents, en observant les prescriptions du n. 41.
39 – § 1. En dehors des règles spéciales pour les paroisses, et également de la légitime compensation pour les frais de voyage et autres dépenses, y compris l’entretien personnel, on ne peut exiger aucune rémunération pour le travail dans les ministères spirituels, spécialement ceux qui sont mentionnés au début de la Formule de l’Institut de Jules III ; on peut seulement accepter ce qui est spontanément offert 90.
§ 2. On peut légitimement percevoir les droits d’auteur, les traitements et honoraires, les subventions et avantages semblables, fruits du talent et de l’activité de chacun ; il en est de même pour les rémunérations liées à certains ministères stables, comme celui d’aumônier d’hôpital, de catéchiste et d’autres activités semblables. Mais, dans le choix de ministères ou de travaux, nous ne pouvons pas nous laisser déterminer par l’esprit de lucre 91.
40 – Il est permis dans la Compagnie de recevoir des honoraires ou des aumônes pour la célébration de la Messe, conformément au droit en vigueur dans l’Eglise. Cependant, là où cela est possible, on pratiquera la gratuité, en tenant compte de l’édification du peuple de Dieu et de la charité, surtout envers les pauvres, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Compagnie 92 ; ceci nous conseillera tantôt de recevoir des honoraires tantôt de n’en pas recevoir.
41 – Sans préjudice des prescriptions des nn. 18 et 42, tout ce que les jésuites acquièrent, à moins d’une disposition particulière, est acquis pour la communauté à laquelle ils appartiennent. Et le supérieur local ne peut permettre que quelqu’un se comporte autrement d’une manière habituelle, pas même au bénéfice de son œuvre ou institution apostolique.
42 – Ceux qui dirigent des institutions apostoliques, qu’elles soient de la Compagnie ou non, ou qui y travaillent :
1° acquièrent en faveur de l’institution apostolique les biens qui leur arrivent en raison de cette institution, qu’elle soit ou non de la Compagnie ;
2° mettront tous leurs soins à dissiper, à temps et clairement, les doutes éventuels concernant l’intention des donateurs ; mais si des doutes demeurent, on devra présumer que la donation a été faite à l’institution, jusqu’à preuve du contraire.
43–§1.Les biens temporels de la Compagnie doivent être regardés comme les biens propres de notre Seigneur Jésus Christ et le patrimoine des pauvres du Christ, desquels dépendent grandement les biens spirituels et le bon état de la Compagnie, et sans lesquels nos ministères spirituels pourraient difficilement être exercés d’une manière stable 93.
§ 2. Ceux qui administrent des fonds doivent en rendre compte au supérieur local et au Provincial, et les supérieurs eux-mêmes ne disposeront librement d’aucune somme sans en rendre compte au Provincial.
§ 3. Les supérieurs et les chargés d’office administreront avec un grand soin et une grande fidélité les biens temporels, non comme des propriétaires pouvant user de biens personnels à leur gré, mais comme des mandataires devant gérer les biens qui leur sont confiés selon les lois de l’Eglise et de la Compagnie 94.
§ 4. Les supérieurs veilleront à ce que leurs collaborateurs subordonnés ne changent rien sans permission dans l’administration qui leur a été confiée, ni ne s’écartent des normes établies ; ils veilleront aussi eux- mêmes à ne pas introduire ou permettre de changements importants sans l’avis du Provincial 95.
§ 5. Tous, chacun selon sa responsabilité, auront à cœur d’observer l’Instruction sur l’administration temporelle 96.
§ 6. Les supérieurs qui se montreraient négligents ou prodigues avec les biens matériels seront corrigés comme il convient 97.
44 – Tous les supérieurs et leurs collaborateurs veilleront soigneusement à ce que, dans l’administration et surtout dans le placement de l’argent de la Compagnie, des provinces, des communautés et des institutions apostoliques, la justice sociale ne soit pas lésée, et à ce que l’on se soucie suffisamment de la promotion de la justice 98.
45 – On établira des contrats justes et conformes à la législation civile avec tous ceux qui ne sont pas jésuites et qui travaillent dans nos communautés ou nos institutions apostoliques 99.
46 – § 1. Dans ces statuts, on entend par « communautés » tous les groupes de jésuites légitimement constitués sous l’autorité d’un même supé- rieur local 100.
§ 2. On entend par « institutions apostoliques » les institutions ou œuvres propres qui ont une certaine unité et organisation permanente au service de buts apostoliques, comme sont les universités, les collèges, les maisons d’Exercices spirituels, les revues et autres institutions analogues dans lesquelles les jésuites exercent leur activité apostolique 101.
47 – § 1. Si l’institution apostolique est propre à la Compagnie, son régime économique et ses relations financières avec la communauté sont régis par les règles données dans ces Statuts.
§ 2. Si l’institution apostolique n’est pas propre à la Compagnie, même si elle lui a été confiée, ses relations financières avec la communauté ou avec les Nôtres seront fixées par une convention passée entre la Compagnie et l’institution.
48 – Toute communauté peut avoir à sa charge une ou plusieurs institutions apostoliques dans lesquelles tous ou certains de ses membres exercent leur apostolat 102.
49 – § l. En vertu du droit de la Compagnie, on doit établir une distinction entre communautés et institutions apostoliques, au moins pour ce qui est de la destination et de l’usufruit des biens, et dans la tenue des comptes respectifs 103.
§ 2. On recommande aussi, là où cela peut se faire sans grande difficulté, la séparation en personnes juridiques distinctes, soit canoniques, soit civiles, en sauvegardant toujours la finalité apostolique des institutions et la liberté d’action de la Compagnie pour les diriger selon cette finalité 104.
50 – § 1. Pour ce qui regarde l’administration des biens, toute œuvre apostolique qui remplit les conditions du n. 46, § 2, sera constituée en institution apostolique.
§ 2. Il appartient au Provincial, ou en certains cas au Général, de re- connaître ou de constituer les institutions apostoliques et de définir les relations entre le directeur de chaque institution apostolique et le supérieur de la communauté pour ce qui touche à l’administration des biens 105 .
51 – § 1. En constituant des communautés ou des institutions apostoliques, les Provinciaux prendront les précautions nécessaires pour qu’on observe les prescriptions du droit canon et du droit civil, en tenant compte des relations en vigueur entre l’Eglise et le pouvoir civil dans le pays concerné.
§ 2. De plus, ils veilleront à ce qu’on garde dans un même pays, autant que faire se peut, les mêmes critères pour constituer des communautés et des institutions apostoliques ou pour définir le régime de leur administration économique.
52 – § 1. Toute communauté érigée canoniquement en personne juridique a la capacité de posséder des biens mobiliers et immobiliers, en observant ce qui est prescrit aux nn. 53-60 106. Chaque communauté a ses biens propres, distincts des biens des autres communautés 107.
§ 2. Les communautés peuvent être sujet juridique des droits et biens des institutions apostoliques qui dépendent d’elles 108.
53 – Les biens des institutions apostoliques de la Compagnie ne peuvent être détournés à l’usage et au profit des jésuites ou des communautés, à part une rémunération convenable, à soumettre à l’approbation du Provincial, pour le travail qui y est accompli et pour les services qui y sont rendus 109.
54 – § 1. Toutes les communautés destinées à une tâche pastorale ou à toute autre tâche apostolique 110 sont soumises au régime de pauvreté qui est prévu dans les Constitutions pour les « maisons » ; c’est pourquoi leur sont spécifiquement interdits les revenus fixes et stables provenant de biens mobiliers ou immobiliers, soit appartenant à la Compagnie, soit placés dans des fondations, que la Compagnie pourrait revendiquer en justice 111.
§ 2. Sont cependant licites tous les autres produits fixes et stables, tels que ceux provenant d’assurances, de pensions ou du placement pour un temps d’une somme permise conformément au n. 60 § 1 112.
§ 3. En vertu d’une faculté accordée par le Saint-Siège, le Général, après vote délibératif de son Conseil, peut, dans des cas particuliers où cela semble nécessaire, dispenser aussi bien des communautés que des églises de l’interdiction d’avoir des revenus stables, quand il s’agit de revenus provenant de biens qui ne supposent pas le placement de capitaux en vue d’un profit financier, et quand ces sommes sont nécessaires ou très utiles 113.
55 – § 1. Les communautés ne peuvent avoir que les biens immobiliers nécessaires ou très utiles pour leur usage et leur habitation, conformément aux usages du pays, tout en tenant compte de la pauvreté propre à la Compagnie 114.
§ 2. Elles sont tenues de se défaire le plus rapidement possible (tout en attendant le moment opportun) de tout bien stable qui leur aurait été donné, à part ce qui est nécessaire pour acheter ce que, au jugement du Provincial, elles n’auraient pas et qu’il leur serait licite d’avoir, ou bien pour subvenir aux besoins des pauvres dans la Compagnie ou en de- hors de la Compagnie 115.
56 – Les communautés peuvent posséder pour leur usage des biens qui ne fructifient pas, comme des livres, des meubles et tout ce qui est nécessaire pour la nourriture et pour l’habillement 116.
57 – Aussi longtemps que les communautés ne possèdent pas ce qui leur est permis, conformément aux nn. 55-56, il est licite pour elles de recueillir les sommes dont elles ont besoin pour l’acquérir, de les administrer et de les placer, jusqu’à ce qu’elles soient opportunément dépensées, et de payer le loyer d’un immeuble avec les intérêts de cet argent tant que l’on n’a pas sa propre maison 117.
58 – § 1. Les maisons de formation, c’est-à-dire les maisons de première, seconde et troisième probation, et les maisons d’études ou Collèges des Nôtres, peuvent posséder des biens stables et des revenus fixes.
§ 2. Leur sont assimilées les maisons ou infirmeries qui accueillent ceux des Nôtres qui sont âgés ou malades 118.
59 – Dans chaque communauté, conformément à des règles que le Provincial doit établir, les responsables de l’administration établiront chaque an- née au temps fixé le budget prévisionnel annuel de la communauté et rendront compte des recettes et des dépenses de l’année ; ces deux documents seront présentés à la communauté en temps opportun et approuvés par le Provincial 119. Le supérieur aura soin qu’on fasse un bi- lan annuel.
60 – § 1. Pour garder la vie de nos communautés « aussi éloignée que possible de toute infection d’avarice et aussi semblable que possible à la pauvreté évangélique » 120, tous les ans l’argent et les ressources res- tant à chaque communauté seront distribués, conformément à la règle des nn. 65-66, à l’exception d’une somme limitée, à soumettre à l’approbation du Provincial, pour les dépenses imprévues, qui ne pourra jamais excéder les dépenses d’une année 121.
§ 2. Une fois par an, le supérieur, soit avec l’économe et les consulteurs, soit avec toute la communauté, examinera comment il a été ré- pondu à cette obligation et comment on y répondra dans un avenir im- médiat.
61 – Les institutions apostoliques, sauf les églises, peuvent avoir des revenus stables et des biens même productifs, proportionnés à leurs buts, si le Provincial le juge nécessaire 122. Pour ce qui est des églises, le Général peut accorder des dispenses dans des cas particuliers, conformément à ce qui est établi au n. 54 § 3.
62 – Les supérieurs et directeurs, se souvenant que le Seigneur nous a envoyés prêcher dans la pauvreté, veilleront avec le plus grand soin à ce que nos institutions apostoliques, rejetant toute forme de luxe, se main- tiennent dans les limites du fonctionnel, prenant comme critère les institutions et œuvres analogues de la région, en tenant toujours compte de la finalité apostolique de nos institutions. C’est aux Provinciaux de déterminer les conditions nécessaires pour que les institutions apostoliques qui appartiennent à la Compagnie gardent bien visible leur caractère apostolique et soient un signe de pauvreté évangélique. On doit peser avec prudence et discernement spirituel s’il est opportun de garder des institutions riches et puissantes exigeant de grands capitaux 123.
63 – Les responsables de l’administration des institutions apostoliques établiront au temps fixé le budget prévisionnel annuel de l’institution, le compte annuel des recettes et des dépenses, et, s’il y a lieu, le bilan général, et ils les présenteront au Provincial 124 ; et dans les institutions propres à la Compagnie ou qui lui sont totalement confiées, ils les soumettront à son approbation.
64 – En cas de disparition d’une institution apostolique, les supérieurs, selon leur compétence respective, pourvoiront à ce que ses biens soient dévolus à une autre œuvre apostolique ou à la caisse des œuvres apostoliques de la Province ou de la Compagnie, en respectant, selon les cas, les statuts de l’institution et la volonté des bienfaiteurs. Mais ces biens ne pourront jamais passer à l’usage ou au profit de la communauté, de la Province ou de la Compagnie 125.
65–§1.Selon des normes à fixer par le Provincial et à soumettre à l’approbation du Général, l’argent et les biens qui resteraient aux communautés, selon les normes du n. 60 § 1, devront être distribués aux communautés ou aux œuvres de la Province qui en ont davantage besoin.
§ 2. Les premiers bénéficiaires des surplus de chaque communauté seront, si elles en ont besoin, les institutions apostoliques qui en dépendent, à moins que le Provincial en décide autrement après avoir entendu ses consulteurs.
§ 3. Dans ce partage des biens, on aura également devant les yeux les besoins des autres provinces et de toute la Compagnie, comme aussi de ceux qui ne sont pas de la Compagnie 126.
66 – Les supérieurs majeurs pourront exiger de chaque communauté, en tenant compte de ses possibilités, une somme d’argent déterminée pour alléger les besoins d’autres communautés ou institutions apostoliques, qu’elles soient dans la Province ou hors de celle-ci, même si cela com- porte une réduction du niveau de vie, lequel doit toujours être modeste 127.
67 – Restant saufs les besoins des institutions apostoliques et éventuellement leurs statuts et la volonté des bienfaiteurs, les Provinciaux, avec l’approbation du Général, veilleront à une répartition des biens plus équitable et apostoliquement plus efficace entre les institutions apostoliques de leur Province, ayant toujours en vue un plus grand service de Dieu 128.
68 – Le Fonds Caritatif et Apostolique non capitalisé (FACSI), établi à la demande de la 32e CG, est régi par des normes propres établies par le P. Général 129.
69 – § 1. Il n’est pas permis de faire des dons avec les biens de la maison, de la Province ou de la Région, à moins que ce soit à titre d’aumône ou pour une autre juste cause, avec la permission du supérieur et conformément à la norme des Constitutions.
§ 2. Dans la Compagnie toutes les communautés doivent faire des aumônes aux pauvres, selon ce que déterminera le Provincial, en fonction de la situation économique de chacune.
70 – Chaque année, lors d’une consulte spéciale, le Provincial examinera dans quelle mesure et de quelle manière la Province elle-même et chacune des communautés et institutions apostoliques pourraient aider d’autres communautés et institutions apostoliques de la Province qui en auraient besoin ; et aussi quelle aide pourrait être proposée à d’autres provinces dans le besoin et pour alimenter le Fonds Apostolique et Caritatif de la Compagnie. Il traitera de tout cela au cours de sa visite annuelle avec les supérieurs locaux et les directeurs des institutions apostoliques 130.
71 – La Compagnie, ses provinces et régions (Missions), même dépendantes, en tant qu’entités distinctes des communautés et des institutions apostoliques, ont la capacité de posséder des biens, même productifs, et de percevoir des revenus stables et fixes dans les limites ici définies 131. Cependant il doit toujours être garanti que ces biens ou revenus ne sont jamais appliqués à l’entretien des Profès ou des Coadjuteurs formés, sans préjudice des cas prévus au n. 73, 1° et 2°.
72 – § 1. La Compagnie peut avoir des biens productifs et des revenus stables et fixes uniquement pour promouvoir des activités apostoliques de caractère plus général et pour subvenir aux besoins des régions (Missions) et des provinces.
§ 2. C’est la Compagnie qui possède aussi le Fonds Apostolique et Caritatif dont il est parlé au n. 68 132.
73 – Les provinces et régions (Missions), même dépendantes, peuvent posséder des biens, même productifs, et percevoir des revenus stables et fixes exclusivement aux fins suivantes :
1° Pour l’entretien et la formation de ceux qui se trouvent en cours de probation ou d’études, et pour l’entretien de ceux qui sont à leur service (Caisse des Séminaires - « Arca Seminarii ») ;
2° Pour le soin des vieillards et des malades, ainsi que pour ceux qui sont à leur service (Caisse de Prévoyance - « Arca Praevisionis ») ;
3° Pour promouvoir certaines œuvres comme sont : les maisons d’Exercices spirituels, surtout celles qui sont ouvertes aux personnes du dehors ; les œuvres sociales ou consacrées à la diffusion de la doc- trine catholique par les moyens de communication sociale ; les œuvres caritatives à l’intérieur ou en dehors de la Compagnie, et d’autres œuvres semblables qui, sans cela, ne disposeraient pas de ressources suffisantes (Caisse des Œuvres apostoliques - « Arca Operum Apostolico- rum ») ;
4° Pour créer ou achever des maisons et pour instituer et compléter des fondations, que leur caractère soit déjà défini ou qu’il doive être défini plus tard, selon ce que dictera la nécessité ou ce qui conviendra (Caisse des Fondations - « Arca Fundationum ») 133.
74 – Il est permis aux provinces de pourvoir aux assurances vieillesse et maladie, soit par une caisse propre, soit solidairement avec d’autres provinces, soit en participant à des institutions publiques ou autres 134.
75 – En cas de nécessité grave, il sera permis aux jésuites, au jugement du Général, de vivre d’aumônes déjà appliquées à la Caisse des Fondations ou à celle des Dépenses Communes, si l’on peut raisonnablement présumer l’accord des donateurs 135.
76 – On maintiendra bien séparées les unes des autres les diverses Caisses de la Province au moins au plan comptable. Seul le Général peut transférer les biens d’une Caisse dans une autre ou en fondre plusieurs en une seule, pour des causes justes et graves, en respectant toujours la volonté des donateurs, ou au moins leur intention raisonnablement présumée, et ce qui a été établi aux nn. 53 et 73.
77 – Le Provincial aura particulièrement à cœur les Caisses de la Province, en premier lieu la Caisse des Séminaires, puis celle de Prévoyance ; aussi, si ces Caisses n’étaient pas suffisamment dotées, il appliquera, pour les alimenter et les accroître :
1° les aumônes demandées à cette fin ou spontanément offertes ;
2° les renonciations des jésuites, les legs et dons laissés à sa disposition selon les normes des nn. 94 §3 et 5, et 89, 3° et 4° ;
3° les contributions modérées qu’il peut imposer aux communautés, en fonction de leurs ressources ;
4° les sommes que les communautés sont tenues de distribuer, conformément au n. 60 § 1.
78 – Les biens de la Caisse des Séminaires et de la Caisse de Prévoyance ne peuvent être prêtés à aucune communauté ou institution apostolique sans la permission expresse du Général.
79 – § 1. Le Provincial disposera du surplus des biens des Caisses de la Province avec l’approbation du Général, en respectant la finalité des biens et l’intention des bienfaiteurs, au moins raisonnablement présumée.
§ 2. Au moins une fois par an, le Provincial examinera avec ses consulteurs, avec l’économe et le réviseur des Caisses, de quelle manière on a répondu à cette obligation et comment on y répondra à l’avenir.
80 – Le Général, les Visiteurs, les Provinciaux et les supérieurs de régions, ainsi que leurs Assistants et leurs adjoints sont à la charge des maisons dans lesquelles ils se trouvent pour l’utilité de celles-ci ; autrement, ils sont pris en charge par les Dépenses Communes 136.
81 – Il faut pourvoir aux dépenses faites pour l’utilité commune de la Compagnie, de la Province ou de la Région non pas avec des revenus fixes, mais avec les aumônes faites à la Compagnie, à la Province ou à la Région, ou bien avec les contributions que le Général impose aux provin- ces et avec celles que le Provincial, avec la permission du Général, impose aux communautés selon les possibilités de chacune d’entre el- les 137.
Cession de l'administration des biens
Dispositions des biens
Renonciations aux biens
82 – § 1. Dès leur entrée et pour le temps du noviciat, les novices doivent, pour ce qui est des biens qu’ils possèdent alors :
1° en céder l’administration à qui ils préfèrent ; seul le Général peut dispenser de cette obligation ;
2° prendre des dispositions pour leur usage et leur usufruit, en premier lieu pour acquitter dettes et obligations s’il en existe ; sinon, ce sera en faveur des pauvres ou d’autres œuvres pies (si de justes raisons n’orientent pas différemment) à l’intérieur ou à l’extérieur de la Compagnie, en toute liberté, mais avec l’approbation du Provincial ; il leur est permis de décider que les fruits de ces biens s’ajoutent au capital, mais en aucune manière de les employer pour leur utilité personnelle ou pour leur profit.
§ 2. Avant les premiers vœux, pour tout le temps qui s’écoulera jusqu’à la renonciation, ils doivent :
1° céder l’administration de ces mêmes biens à celui qu’ils préféreront ;
2° prendre des dispositions pour leur usage et leur usufruit comme ci-dessus § 1, 2° ; mais ils ne peuvent pas décider que les revenus de ces biens viennent, après le noviciat, s’ajouter au capital, au-delà de la somme nécessaire pour que le pouvoir d’achat du capital demeure in- changé.
§ 3. S’ils le veulent, ils peuvent, par une unique cession et disposition au début du noviciat, satisfaire à ce qui est prescrit aux § 1 et 2 1.
§ 4. Si, au cours du noviciat, ils ont, d’une manière ou d’une autre, renoncé à leurs bénéfices ou à leurs biens ou les ont engagés, cette renonciation ou cet engagement sont non seulement illicites, mais juridiquement nuls, sans préjudice du privilège dont il est question au n. 85.
83 – Pour ce qui est de la cession et de la disposition dont il est question au n. 82 § 2 :
1° si cet acte a été omis en raison du manque de biens et que ceux-ci surviennent par la suite, ou bien si, une fois cet acte déjà fait, de nouveaux biens viennent s’ajouter aux premiers à quelque titre que ce soit, qu’on fasse ou renouvelle cet acte selon les règles du même n. 82 § 2, nonobstant le fait d’avoir émis les premiers vœux.
2° les dispositions de cet acte peuvent être modifiées, non au gré du religieux, mais avec la permission du Provincial ; la sortie de la Compagnie rend caduque toute cession ou disposition de ce genre.
84 – § 1. Avant les premiers vœux, que tous, du moins ceux qui possèdent effectivement des biens personnels, fassent leur testament en forme valide devant la loi civile 2.
§2.–Dans ce testament, ils disposeront librement de leurs biens, conformément aux règles du n. 91 et des nn. suivants relatifs à la renonciation aux biens, après avoir pris, si cela est opportun, l’avis d’un expert.
§ 3. Si l’on a omis de faire un testament et que des biens surviennent dans la suite, on le fera conformément à la règle du § 1 ; si le testament a été fait, mais que par la suite on acquiert, à quelque titre que ce soit, d’autres biens pour lesquels on n’a pris aucune disposition, on complétera le testament.
§ 4. Après les premiers vœux, le testament peut être modifié avec la permission du Provincial ou, en cas d’urgence, avec celle du supérieur local.
85 – § 1. Conformément au droit de la Compagnie, confirmé par le Concile de Trente 3, les jésuites peuvent et doivent renoncer à leurs biens dès que, au terme de la première année de noviciat, les supérieurs le leur ordonnent 4. Tous ceux qui sont admis dans la Compagnie doivent s’engager à cela 5 ; mais cet acte est une simple promesse avec la condition suivante : « s’il persévère dans la Compagnie et que le supé- rieur le lui ordonne » 6.
§ 2. Cependant l’usage de ce privilège a été limité dans la Compagnie, en sorte que la renonciation se fasse généralement peu de temps avant les derniers vœux ; et, à moins que le Général en ait décidé autrement, elle ne prend pas effet avant l’émission de ces vœux 7.
§ 3. Toutefois, la renonciation aux bénéfices ecclésiastiques se fera aussitôt après l’émission des premiers vœux et doit être transmise le plus tôt possible à l’autorité ecclésiastique compétente ; elle prendra effet dès que son acceptation aura été notifiée à celui qui renonce 8.
86 – La renonciation faite après les premiers vœux sans permission du supé- rieur constitue une violation du vœu de pauvreté dans la Compagnie 9.
87 – La renonciation avant les derniers vœux doit être :
1° universelle, en sorte qu’elle s’étende à tous les biens et droits actuellement possédés ainsi qu’à tout droit ou pouvoir d’agir sur les biens qu’on peut attendre ;
2° absolue, en sorte que celui qui renonce écarte de lui pour toujours tout espoir de récupérer certains biens 10.
88 – § 1. La formule de renonciation doit être conçue en termes tels que tout échappatoire en soit éliminée.
§ 2. Il faut faire tout ce qui est requis pour que la renonciation obtienne son effet, autant que possible, au regard du droit civil 11.
§ 3. Quand la renonciation ne peut produire ses pleins effets au regard du droit civil, on doit rédiger un testament ou autre instrument légal, afin d’essayer d’obtenir que les dispositions contenues dans la renonciation obtiennent le plus d’effets possibles au plan civil.
§ 4. Même après les derniers vœux, on rédigera un testament ou autre instrument légal, quand cela paraîtra nécessaire au jugement du Provincial, pour que les droits, les biens et les indemnités qui appartiennent de fait à la Compagnie ou à un tiers puissent être reconnus aussi par la loi civile.
89 – Notamment, selon notre Institut :
1° les biens et les droits possédés de fait, même ceux qu’on ne connaîtrait peut-être pas, doivent être appliqués à une fin déterminée ou à une personne, physique ou morale ; on doit faire de même pour les biens qui pourraient échoir dans le bref intervalle de temps survenant, selon la règle du n. 85 § 2, entre la renonciation et les derniers vœux.
2° Ceux qui font leur renonciation ne disposent pas des biens héréditaires qui pourraient leur échoir après les derniers vœux ; ils doivent y renoncer purement et simplement 12.
3° La succession héréditaire, que ni les jésuites après les derniers vœux, ni la Compagnie en leur nom n’ont la capacité d’acquérir, conformément à la règle du n. 19 § 1, s’entend seulement de ce pour quoi quelqu’un est constitué, selon la loi civile, non pas légataire mais héritier, à moins que ne soit évidente l’intention du défunt d’en faire bénéficier la Compagnie, soit directement soit à cause du religieux ; cette intention peut être présumée en cas de doute.
4° Celui qui renonce peut exprimer à ses parents et à ses proches son désir que la part d’héritage qu’il pourrait recevoir s’il n’émettait pas ses derniers vœux soit appliquée en partie à la Compagnie ou à une au- tre œuvre pie sous forme de don ou de legs ; mais il les avertira que la Compagnie n’a aucun droit sur cela et qu’ils ont pleine liberté de dis- poser de ces biens.
5° Si quelqu’un, avec permission du Général, fait sa renonciation avec effet immédiat, il doit même alors renoncer expressément en faveur d’un tiers ou, s’il le veut, en faveur de la Compagnie, aux biens qui, à quelque titre que ce soit, conformément au n. 18, pourraient lui survenir avant les derniers vœux.
6° Sans préjudice des nn. 38 § 2 et 41, les revenus et les pensions personnels que les jésuites reçoivent en raison d’un patrimoine ou de leur famille et auxquels la loi ne permet pas de renoncer, seront semblablement appliqués à une fin déterminée, de telle sorte que, bien qu’ils restent au nom du pensionné, celui-ci ne garde pourtant aucun droit sur eux. Il n’est pas permis de statuer qu’une pension fixe suive d’un lieu à un autre celui qui y renonce, ni non plus qu’une partie des biens soit réservée à une œuvre pie que celui qui renonce désignerait toujours à son gré 13.
90 – § 1. La renonciation doit se faire par écrit, selon la formule approuvée par le Général, pour chaque Province ou Assistance ; on devra y déclarer :
1° en faveur de qui on dispose, conformément à la règle du n. 89, 1°, des biens et des droits qu’on possède en fait, même s’ils sont ignorés ; et si l’on n’a ni bien ni droit, on le notera ;
2° que l’on renonce purement et simplement aux biens héréditaires, conformément à règle du n. 89, 2° et 3°.
§ 2. On consignera aussi par écrit les conventions éventuellement passées avec les parents ou avec d’autres, ainsi que les déclarations faites par ceux-ci, conformément au n. 89, 4° 14.
§ 3. On établira deux exemplaires de ces documents, dont l’un sera gardé dans les archives de la Province à laquelle appartient celui qui re- nonce, et l’autre sera envoyé au Général.
91 – On appliquera d’abord ces biens à l’extinction des dettes et obligations, s’il y en a ; sinon leur application doit être faite comme il convient en vérité à un homme spirituel qui suit le conseil du Christ : « donne aux pauvres ». Cependant il reste à la dévotion de chacun de disposer de ses biens en faveur de telle œuvre plutôt que de telle autre, comme il lui paraîtra dans le Seigneur convenir davantage au service divin 15. Les supérieurs pourront exposer simplement à celui qui fait sa renonciation les besoins de la Compagnie, mais de manière qu’il reste libre dans ses dispositions.
92 – Si celui qui fait sa renonciation veut appliquer ses biens à des œuvres pies étrangères à la Compagnie, on ne doit pas l’en empêcher, ni l’en dissuader et il n’a besoin pour ce faire d’aucun consentement des supé- rieurs.
93 – Quand celui qui fait sa renonciation estime devoir donner ses biens à sa famille parce qu’elle en a autant ou plus besoin que d’autres, ou pour d’autres motifs légitimes, il doit soumettre ce projet au jugement d’une, deux ou trois personnes recommandables par leur doctrine et leur bonté, et qu’il choisira avec l’approbation du supérieur (et ce seront des membres de la Compagnie, à moins que le supérieur, pour de justes raisons, ne trouve bon de choisir l’un ou l’autre en dehors de la Compagnie) ; et il doit faire ce qu’ils estimeront, toutes circonstances bien pesées, être plus parfait et plus agréable à Dieu notre Seigneur 16.
94 – § 1. Celui qui, par dévotion, voudrait disposer de ses biens ou d’une partie de ceux-ci en faveur de la Compagnie doit savoir qu’il est plus parfait, dans le désir du bien plus universel, de s’en remettre à la disposition du Général, que d’en venir par un attachement particulier à désigner des lieux déterminés. Malgré tout, si l’on voyait que celui qui fait sa renonciation a une inclination pour un lieu plutôt qu’un autre, alors qu’il est prêt à se soumettre au jugement du supérieur, le Provincial informera le Général sur la valeur des biens, sur les besoins des mai- sons et de la Province et, enfin sur l’emploi vers lequel incline celui qui fait sa renonciation 17.
§ 2. Toujours nécessaire pour la validité, l’acceptation de renonciations en faveur de la Compagnie, ainsi que l’affectation de ces renonciations, relèvent du Général. Cependant, acceptation et affectation sont permises au Provincial si leur valeur ne dépasse pas la somme qu’il peut, avec la permission du Général, engager dans des dépenses extraordinaires. Mais le Général ainsi que le Provincial ont le pouvoir d’accepter et de ratifier, même après les derniers vœux ou après la mort du donateur, une donation faite auparavant ; et si celle-ci n’est pas acceptée, on tiendra que l’on a purement et simplement renoncé à ces biens 18.
§ 3. Si les biens sont laissés à la disposition du Provincial, ils doivent être appliqués à l’intérieur de la Province à laquelle appartient celui qui a fait sa renonciation, à moins qu’il apparaisse souhaitable de faire autrement dans des cas particuliers. Si la transcription à une autre Province se fait lors de l’émission même des derniers vœux, on entend par Province celle dans laquelle est transcrit celui qui fait sa renonciation 19.
§ 4. Il faut faire de même si les biens sont laissés à la disposition du Général ; mais celui-ci, pour de graves raisons et selon l’esprit des Constitutions, pourra aussi appliquer ces biens à d’autres besoins de la Compagnie 20.
§ 5. Sans préjudice de ce qui a été établi au n. 77, les biens qui pour- raient échoir à la Compagnie à la suite de renonciations ou de donations, de legs et d’héritages en faveur de la Compagnie, pourront être conservés par le Provincial – mais pas plus de deux ans – pour faire face aux besoins qui pourraient se présenter.
§ 6. Le recouvrement des biens laissés en faveur de la Compagnie se fera en tenant compte de l’édification et avec charité, non d’une façon rigoureuse.