12. Le char FT 17, naissance d'une légende






























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LE CHAR FT 17,

NAISSANCE D’UNE LÉGENDE

PHILIPPE CORNET

Retracer la saga de ce petit char est bien hasardeux tant il suscita de commen­taires passionnés. Après la victoire de 1918, beaucoup en revendiquèrent l’idée et sa mise en œuvre. Il est cependant incontestable que c’est la rencontre d’un militaire de terrain -Estienne – et d’un industriel pragma­tique – Renault – qui en sont à l’origine. Le phénomène de “cristallisation” permettra de fédérer autour de cette arme nouvelle l’industrie française : Berliet, Somua, Delaunay-Belleville, participèrent à sa fabrication. Ladécision de le réaliser illustra les tensions internes de l’État-major et de l’administration des ministères de la Guerre et de l’Armement. Au combat du front, la bataille de l’arrière fit rage.

Cité à l’Ordre de l’armée, il défila sur les Champs Élysées le 14 juillet 1919. Louis Renault et son personnel furent célébrés par les autorités civiles et militaires. Une ère nouvelle s’ouvrait pour l’industriel : la production en série sur ses chaînes.

Après l’échec de la grande offensive de 1915, le colonel Jean-Baptiste Estienne1 déclarait : « la victoire appartiendra à celui qui parviendra le premier à monter un canon sur une voiture capable de se mouvoir sur tous les terrains. » La doctrine militaire française soutenait que seule l’offensive de l’infanterie ferait la différence dans un conflit et le général de Castelnau, quelques mois avant la déclaration de guerre affirmait : « donnez-moi 600 000 baïonnettes et je ferai le tour de l’Europe. » Le lieutenant-colonel Grandmaison enseignait d’ailleurs à l’école de guerre : « l’élégance de la manœuvre française c’est l’offensive simple directe et forte. »

Pour donner une idée concrète de la prééminence de l’Infanterie aux armées, il suffit d’analyser la composition de celle-ci en 1914: 67 % des effectifs allait à cette arme contre seulement 16 % à l’artillerie. L’artillerie d’assaut (A S) ne fut créée que le 30 septembre 1916 et confiée à un nouveau promu : le général Estienne.

1 - E-G RAMSPACHER Le Général Estienne « père des chars » Paris 1983 Lavauzelle

UNE ARME NOUVELLE APPARAÎT PENDANT LE CONFLIT

A l’aube de la guerre, la faiblesse de la théorie militaire, ajoutée à un manque de vision stratégique sur les matériels nouveaux, conduisit à abandonner aux artil­leurs l’aéroplane, la photographie aérienne, la navigation au compas… en fait tout ce qui avait un moteur et des nouveautés techniques.

L’artillerie avait cependant saisi toute l’importance des aéronefs, comme vecteur d’observation du terrain de combat, pour régler ses tirs. Bombardements et recon­naissance seront missions premières de l’aviation naissante.

La genèse du char d’assaut connu aussi de nombreuses péripéties qui faillirent l’étouffer dans l’œuf. Sans la détermination d’un artilleur, le colonel JB Estienne, la ténacité de rares hommes politiques et de quelques militaires avisés, le FT172 n’aurait pas vu le jour. L’apport de Louis Renault fut déterminant dans la rapidité à proposer un prototype en quelques mois. Ce fut un cas de gestion de la complexité, dans un environnement pour le moins instable. Les centres de décisions fonctionnant de manière autonome, avec peu de coordination ce qui généra des conflits permanents.

Sur le plan technique, ce “char mitrailleur” ou “automitrailleuse à chaîne” – ses appellations pendant la guerre – donne déjà l’idée qui prévalut pour sa conception.Le char de type FT s’imposa à l’État-Major par son faible tonnage et sa mobilité opposé aux chars lourds et moyens de type Schneider et Saint Chamond, engagés au printemps 1917 ; comme aux “tanks” anglais apparus dès 1916.

Sa participation aux combats à partir du 31 mai 1918 fut décisive dans la victoire, notamment parce qu’il arriva opportunément pour contrer la grande offensive allemande de mars 1918, qui faillit être fatale aux Alliés. Le général Ludendorff déclara à la tribune du Reichstag le 2 octobre 1918: « Il n’y a aucune possibilité de vaincre l’ennemi et le premier facteur ayant déterminé ce résultat de façon décisive, c’est le char d’assaut. » Il avait déjà évoqué le char Renault dans un rapport du 22 juillet 1918: « nos précédents succès contre les chars ont conduits à un certain dédain. Aujourd’hui nous devons compter avec des tanks plus petits, mieux cuirassés, plus mobiles, et qui sont plus dangereux. » La leçon portera, le général Heinz Guderian la mit en œuvre en 1940 avec le succès que l’on connaît. Théoricien des blindés allemands, il créera les divisions de Panzer, mobiles et autonomes, pivot du fameux “blitzkrieg” – guerre éclair –3, qui s’illustra dans les campagnes de Pologne et de France de 1940.

2 - Dénomination qui n’apparaît qu’après la guerre.

3 -JP Brassler : « Le Blitzkrieg ne se limite pas à l’utilisation des chars, c’est d’abord une doctrine de

concentration et de coordination de leurs actions avec l’aviation d’attaque et l’infanterie mécanisée

(pour occupation du terrain), ce que les Français ont été incapables de faire en 1940. »

QUI INVENTA LE PREMIER LE CHAR D’ASSAUT MODERNE ?

On se perd en conjectures diverses. Ce fut une paternité partagée comme nous le verrons. En revanche, ce sont les Anglais qui furent les premiers à engager un char d’assaut, un “tank” 4, à Flers sur le front de la Somme le 15 septembre 1916. C’est à l’initiative du lieutenant-colonel Maurice Hankey, secrétaire du comité de guerre britannique, que fut lancée sa construction. L’idée en revient à un ingénieur anglais, Tank Burral, qui avait mis au point un engin agricole pour terrains accidentés. A Flers, ils alignèrent une quarantaine de tanks. L’issue de leur engagement dans la bataille fut catastrophique, les chars trop lourds, aveugles et sans maniabilité, furent une cible facile pour l’artillerie ennemie ; d’autant plus qu’ils évoluèrent sous une pluie torrentielle, qui bloqua leur progression. Les Allemands réagirent rapidement en élargissant les tranchées, en parsemant les défenses de poteaux métalliques et en développant la balle K perforante à noyau d’acier ; ce qui nécessitera de revoir l’épaisseur des blindages. Cependant cette première mise en ligne permit le début d’une réflexion stratégique sur l’emploi de l’arme blindée.

DES ENGINS BLINDÉS AU CHAR D’ASSAUT

Dès 1914 plusieurs inventions avaient vu le jour, certaines farfelues comme le “Luron”: une carapace mue par un soldat à genoux. La plus notable fut le “rouleau compresseur blindé” de l’ingénieur Frot. Cet engin de 10 t issu du civil était servipar deux mécaniciens et six hommes aux armements. L’État-Major décida en Mars 1915 que l’engin était plus une tourelle roulante qu’un véhicule qui pouvait franchir une tranchée. Le projet fut abandonné. Un homme cependant s’activait beaucoup sur le terrain des inventions, le député Louis Breton qui avait proposé au ministre de la Guerre Alexandre Millerand, un engin muni de scies circulaires pour dégager les barbelés et les pieux. L’ingénieur Pretot construisit en janvier 1915, un prototype qui n’eut pas d’avenir, aucune protection ne venant sécuriserses serveurs. À la même époque le commandant Boissin de la section technique du génie étudiait le tracteur Holt (tracteur agricole américain à chenille, devenu le Caterpillar5). Le ministre Millerand décida la construction de six de ces engins, armés et blindés. Début 1916, les Usines Schneider6 livrent au Ministère de l’Armement deux plates- formes Baby-Holt (engin à chenilles plus léger que le Holt générique). Elles furent présentées au Ministre Albert Thomas et à son adjoint le général Mourret, Directeur du Service Automobile (DSA). Le général donna 15 jours à un jeune sous-lieutenant, Charles Fouché, spécialiste des chenilles au service technique automobile, pour construire à partir de ces deux plates-formes un engin capable de franchir des tranchées de plus de 1,50 m et

4 - Tank : Réservoir en anglais. Il s’agit, soit d’un code afin de brouiller les pistes sur le projet de char, soit du nom d’un ingénieur anglais Tank Burral. En France on désignera cet engin sous les noms de : cuirassé terrestre, puis rapidement de char d’assaut, et de char léger pour le Renault. 5 - Caterpillar: qui vient du français, chattepeleuse, qui désigne une chenille processionnaire. 6 - Au Creusot, en Saône et Loire.

de détruire un réseau de barbelés. Devant le succès des essais du prototype, une commande de 400 “Caterpillar” fut passée au Creusot par Albert Thomas.

D’un autre côté, début septembre 1915, le colonel Estienne, à l’occasion d’une visite en secteur anglais proche de son commandement d’alors, put voir le tracteur d’artillerie Holt en manœuvre. L’idée du char s’imposa à lui. En décembre de la même année il écrivit une lettre au Généralissime Joffre pour solliciter une entrevue et lui exposer ses idées en matière d’arme blindée. Il fut aidé par le général Pétain qui avait repéré le bouillant colonel au moment de la bataille de la Marne. Il réussit à convaincre Joffre. Ce ralliement de poids permit au colonel Estienne de poursuivre ses études afin de lui présenter un projet plus abouti en janvier 1916. Il s’agissait en fait d’un Baby-Holt cuirassé et armé. À partir de ce moment vont s’affronter deux conceptions de l’arme blindée : celle de Mourret faite d’essais de projet de validation, en somme celle de la DSA, plus bureaucratique, et celle d’Estienne plus pragmatique, venant du combat et des hommes de terrains. Il qualifiait d’ailleurs l’entourage de Mourret de “tacticon” ou de “technicon”.

ESTIENNE-RENAULT,

UN DUO DE CHOC QUI IMPOSE LE CHAR LÉGER

En janvier 1916, le colonel Estienne présentait un projet plus finalisé7. Mais devant le refus de Louis Renault, de donner suite à ses sollicitations, tant il était absorbé par la fabrication de munitions et de matériel roulant et d’armement, il se retourne vers l’ingénieur Brillé de Schneider. Finalement, les deux projets sur Baby Holt (sous-lieutenant Fouché et Brillé) convergèrent et la commande de 400 Schneider fut confirmée. Mais pour qu’une saine stimulation soit instaurée entre industriels, il fut demandé à la Compagnie des Forges et des Aciéries et Homécourt (Saint-Chamond) de participer à la conception et à la fabrication du char d’assaut. Cette “saine émulation” eut pour première conséquence de retarder la mise au point du char et de partager des ressources rares en acier. La tentative de mise à l’écart du colonel Estienne retarde ses projets pendant qu’il exerçait un commandement à Verdun de mars à juin 1916. Auparavant, dans une lettre au Généralissime il avait proposé une organisation de l’Artillerie d’Assaut (AS) dont il demandait le commandement.

Basé supprimer le e

7 -Basée encore sur un char lourd.

Il apprendra aussi que les 400 tracteurs Schneider avaient été transformés en Saint-Chamond, ce qui provoqua son indignation. Il se sentit mis sur la touche, pour une décision dont il estimait, légitimement avoir à donner son avis.

par une décision

Notons qu’à la même époque le général Mourret contacte Louis Renault pour lui commander une étude de « gros char blindé et armé et d’un gros tracteur àchenilles porteur d’artillerie. » Etude sans suite pour le char, mais qui permit la construction de 350 tracteurs porteurs d’artillerie. Louis Renault s’était aussi intéressé au Holt et en avait acquis quelques exemplaires pour les copier.

Fin juin 1916 au retour d’une mission en Angleterre, le colonel Estienne est enfin chargé d’organiser l’AS. Elle comptera à la fin de la guerre plus de 20 000 hommes. Le 30 septembre, il en prend le commandement, après avoir été promu général le 8 août 1916. Un chef enfin est chargé de cette arme nouvelle, un indus­triel se prépare à le suivre !

En juillet, Renault avait été approché de nouveau par le colonel Estienne pour plusieurs projets de chars. Au total, c’est 11 études que Louis Renault avait lancé, mais une seule retint son attention, la onzième : celle d’un char léger. En trois mois un prototype était prêt et le général Estienne écrivit au général en chef pour lui proposer ce nouvel engin :

« J’estime possible de réaliser promptement un char mitrailleur à chenilles, très léger, répondant aux conditions suivantes: Poids maximum: 4 tonnes Hauteur maximale : 1,75 m Blindage à l’épreuve de la balle perforante actuelle à 30 m Armement : une mitrailleuse sous tourelle à tour complet d’horizon ou un canon de 37 mm Equipage : 2 hommes dont un conducteur et un mitrailleur. Avec un moteur de 40 CV, la vitesse en terrain mou bouleversé dépassera 12 km/h et, à la vitesse réduite de 2 km/h on pourra gravir des pentes de 80 %… »

En novembre 1916, 1 000 chars sont commandés (en octobre 1917 cette demande passera à 3 500) par le commandant en chef au sous-secrétaire d’Etat à la guerre. Le 12 décembre Louis Renault recevait la commande… d’un seul engin, un prototype.8

8 - JP Brassler : « A ma connaissance les premières commandes fermes datent de mars 1917, auparavant, il s’agissait d’intention d’achats ce qui est différent au plan commercial et juridique. La commande de décembre 1916 – un seul char – est considérée comme celle d’un prototype. C’est en octobre 1917 que le total des commandes passe à 3 500 (avec les trois autres constructeurs : Berliet, Somua et Delaunay – Belleville. »

UNE GESTATION DIFFICILE

Devant l’extrême concurrence, entre les centres de pouvoir militaires et civils, Albert Thomas crée un Comité consultatif de l’artillerie d’assaut, (CCAS), le 18 décembre 1916. Louis Breton en assurait la présidence. En font partie les généraux Mourret et Estienne, des industriels, d’autres officiers et des parlementaires. Cette décision ramena de la cohérence dans l’évolution des blindés. Ainsi, Renault présenta son char au CCAS fin décembre. Les CCAS s’enchaînèrent tous les mois, les tensions y étaient fortes, mais le général Estienne imposa chaque fois son point de vue malgré une opposition du général Mourret et du sous-lieutenant Hubert, son âme damnée et rapporteur du CCAS. Dans une lettre à son ministre, Hubert s’indigne qu’Estienne ait procédé à des essais sans en avoir informé la DSA : « Le général Estienne abuse (…) il devrait d’ailleurs avoir en ce moment autre chose à faire que des essais de matériels nouveaux. » 9 Sans entrer dans les validations successives, qui améliorèrent l’engin jusqu’à sa phase finale, la commande de 1 000 chars fut confirmée en mai. Cependant le 16 avril 1917 marque un tournant dans l’histoire du char d’assaut. A l’issue les combats de Berry – au – Bac (offensive de la Somme) les chars lourds de type Schneider sont anéantis. Le brillant commandant Louis-Marie Bossut du premier Groupe d’Artillerie d’Assaut (80 chars) périt dans la bataille, brûlé vif. Sur 121 chars, 81 furent définitivement détruits. Ce cavalier émérite écrivait à son frère à la veille de sa mort : « …le char est un cheval avec lequel on charge… » Malgré sa bravoure, on mesure bien que la stratégie sur l’emploi des chars n’était qu’à ses débuts.

En effet la réflexion sur l’engagement des chars lourds et moyens ne fut jamais close pendant la guerre.10

CHARS LOURDS OU LÉGERS, UN DILEMME STRATÉGIQUE11

Les études sur les chars ont été faites dès le début de la guerre et plus spécialement sur le char lourd. Le colonel Estienne en était un farouche partisan. Les armes devaient être puissantes, et de grande taille. Le “colossal” l’emportait sur le « lilli­putien ». Cette course à la puissance et au surdimensionné aboutit à la réalisation des deux premiers chars lourds français le Schneider et le Saint-Chamond. A la fin de la guerre apparut le char FCM, (Chantier de la Méditerranée, de la Seyne)

– Il ne fut jamais engagé. La sémantique a son importance, car même Estienne en juillet 1915 parle de “cuirassés terrestres”. La marine sera le socle de la réflexion sur les blindages, tourelles et canons embarqués.

9 - AN.AP 17 note pour le ministre de l’Armement.

10 - JP Brassler: « Les Schneider seront quand même régulièrement engagés, comme le 5 mai suivant,

puis notamment le 23 octobre 1917 où ils feront reculer les Allemands au-delà du Chemin des

Dames. Durant les contre-offensives de 1918, ils seront également très utilisés. De plus ils combattront

jusqu’à la fin de la guerre, ce qui n’est pas le cas des Saint Chamond. »

11 - Sur ce sujet voir Les chars de la Grande Guerre du Ltd Colonel P. Malmarassi

L’apparition de ces deux chars lourds nous renseigne sur les tiraillements au seindes États-majors (Estienne/Mourret) et, sur la concurrence entre deux grandes entreprises (Schneider et Saint-Chamond). Les Anglais développant leur MK de leur côté (surnommé “crème de menthe”).

L’absence de coopération entre tous ces acteurs, malgré les retours d’expériences positifs de chacun, a probablement allongé le conflit de quelques mois voire plus. L’apport du char Renault de type FT aurait été décisif pour une fin de conflit plus rapide, s’il avait été décidé plus tôt.

LE CHAR RENAULT CONSACRÉ

On comprend mieux le succès du char Renault. Le 30 décembre 1916 Louis Renault défend sa conception d’un char léger face à Mourret partisan d’une machine de 30 T. L’industrie française était incapable de produire un engin de ce poids, et surtout elle n’avait pas le moteur pour l’équiper. Pragmatique, Louis Renault plaide pour un char de 6 t entraîné par un moteur de série existant. Il avait été un champion du rapport poids/puissance, tant pour ses autos de compé­tition que pour ses voitures. Il conçut donc son engin dans le même esprit. Le moteur facile à entretenir, comportait plein d’innovations pour l’époque: graissage par pression, pompe à engrenage qui permettait un graissage efficace quelle que soit l’inclinaison du char, carburateur à boisseau… Il ne fut pas non plus exempt de défauts qui furent corrigés au cours de ses fabrications : rupture de courroie de ventilateur, perforation de la membrane de pulsateur.

On peut considérer que Louis Renault fit basculer la décision de construire le char léger, avec l’appui énergique du général Estienne. Le réalisme de l’industriel soucieux d’efficacité, utilisant des ressources sur “étagère” et le militaire pratique, partisan de solutions rapides, sont réellement les créateurs du char léger. Estienne était fidèle à sa devise : « créer, c’est faire œuvre imparfaite. » Sur le plan de l’armement, sa tourelle à révolution totale, d’abord octogonale (tôles blindées) puis moulée, fut une innovation majeure.12

POINT DES COMMANDES ET PRODUCTIONS DU FT:

Le tableau ci-dessous de JP Brassler fait le point précis des marchés passés aux constructeurs :

Date Renault Berliet Somua Delaunay-Belleville

Mars 1917 150 - - -

Mai 1917 1 000 - - -

Octobre 1917 700 800 600 (481 livrés) 280

Mai 1918 470+300 225 125 50

Juillet 1918. Commande jamais confirmée donc non produite 1050 750 425 240

12 - Voir note de JP Brassler en fin d’article.

Livraisons Chars source 16 N SHD

Années Livré par les usines Livré aux armées Détruits ou réformés

En 1916 - - -

En 1917 60

En 1918 3 523 2 903 1 335

Totaux 3 583 2 903 1 335

Le sigle FT n’est qu’un simple type constructeur pour désigner cet engin. Il s’intercale entre un châssis FS et un camion FU. Le chiffre 17 n’apparaît pas pendant la guerre. D’autres pensent à F pour, Filloux pour l’inventeur du canon court de 37 mm, et T pour tourelle, ou encore à Faible Tonnage13.

Conçu comme une automobile, le FT devait donner naissance à une famille complète. Le programme, de fabrication fut rapidement interrompu après l’armistice, bien que sur quelques engins fût monté un canon de 75 mm, et que des chars de commandements équipés de TSF furent produits.

Sans l’apport des industriels qui bénéficiaient d’un niveau de compétence très élevé, et de militaires généralement moulés par l’école Polytechnique (Estienne/Mourret/Joffre/Foch…), jamais l’AS et l’aviation n’auraient pu se développer si rapidement.

CARACTÉRISTIQUES DU CHAR LÉGER RENAULT

Longueur: 4,10 m (5 m avec la queue de franchissement)

Largeur : 1, 74 m ; patin de chenille : 0,34 cm (Ce qui signifie un caisson très étroit) Hauteur : 2,14 m Garde au sol : 50 cm Poids : 6,5 t : mitrailleuse

et 6,7 t : canon

Equipage : 2, un

conducteur et un

mitrailleur

Blindage : 16 mm

(parois verticales), 16 à 22 mm (tourelle) 8 mm (parois obliques)

13 - Louis Renault d’Emmanuel Chadeau. (Plon)

Armement : Canon de 37 SA (237 obus), ou mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm Moteur : Renault 4 cylindres de 35 cv à 1300 t/m, de 4,48 litres Réservoir : 96 litres Autonomie : 8 h à vitesse normale Vitesse : 2 à 3 km/h, combat (7,8 km/h max) Franchissement :

Tranchée de 1,50 m (1,80 m si bords francs) ; peut renverser des arbres de 20 cm de

-diamètre et des murs

de 40 cm d’épaisseur Passage à gué : 70 cm

Croquis schématique de l’intérieur du FT

UN CHEMIN PARSEMÉ D’OBSTACLES,

ATTEND LE CHAR FT JUSQU’À LA VALIDATION FINALE

En décembre 1916 Nivelle remplace Joffre comme commandant en chef. Le nouveau promu porte peu d’intérêt aux chars. Il demande donc de reporter les fabrications de chars sur des tracteurs de type Caterpillar afin de transporter l’artillerie lourde.

En effet ce dernier prépare une offensive placée sous le concept de la “rupture” ou les bombardements intensifs doivent précéder l’infanterie qui monte à l’assaut dans les minutes de son arrêt. On connaît la suite…

Albert Thomas enjoint donc à Renault de ne pas détourner sa main d’œuvre pour fabriquer des chars.

Mais les déconvenues du front font revenir Nivelle sur sa décision. En avril 1917 il demande de « concentrer les efforts sur la fabrication des chars Schneider et des chars mitrailleurs légers. » L’échec de sa grande offensive au Chemin des Dames, et les combats de Berry-au-Bac, devaient sceller son sort. Six mois avaient été perdus dans la mise au point du FT.

Entre-temps, Louis Renault, homme toujours pressé, participa activement à la mise au point de son char. Ce patriote, meurtri par le décès de son neveu Jean Renault, pilote de chasse, mit toute son énergie pour raccourcir la guerre et épargner des vies humaines. Avec fougue et conviction, Il s’investit avec toute son intelligence au service du char. Le témoignage d’un jeune ingénieur Ernst Metzmaier, qui participa activement à la création du FT, nous livre une description émouvante d’essais privés à Billancourt où Louis Renault, en manœuvrant, faillit terminer sa course dans la Seine. Les essais officiels eurent lieu à Marly. Suite aux comptes rendus, du colonel Girard, et du commandant Alincourt, une suspension momentanée de toute commande est ordonnée. Une série de reproches sont faits au prototype : refroidissement du moteur, entrée de gaz dans l’habitacle, projections d’huile, freins de la tourelle insuffisants. Quant aux essais de tirs, ils soulevèrent autant de critiques.

Le général Estienne, contrarié que l’on n’ait pas demandé l’avis des combattants, exigea que l’on refasse des essais cette fois-ci à Champlieu (terrain reproduisant un champ de bataille). En conséquence des améliorations furent apportées au char, et les essais s’avérèrent concluants.

Le 15 mai Pétain remplace Nivelle, 1 100 chars étaient déjà commandés aux Usines Renault. Il décide de porter la commande à 3 500 chars. L’on sait les liens qui unissaient le nouveau général en chef des armées françaises et le général Estienne. Ce dernier l’avait convaincu, de longue date, de l’atout stratégique des chars d’assaut. Estienne avait été également un des pères fondateurs de l’aviation d’observation quand il commandait l’école d’aviation de Vincennes (1909). C’était sans compter sur un dernier baroud d’honneur d’Albert Thomas qui, avant sa visite au - “camarade Kerenski” en Russie, fit valoir qu’il serait impossible de fabriquer autant de chars, et que l’on ne pourrait honorer la commande qu’au printemps 1919 ! Thomas était soucieux des rares et coûteuses allocations d’acier. Il était de plus partisan du char lourd. L’arrivée de Louis Loucheur au Ministère de l’Armement en septembre 1917 permit à l’équipe qui allait gagner de se mettre en ordre de bataille : deux militaires (Pétain, Estienne), deux politiques (Loucheur, et Painlevé) et un industriel (Renault). Loucheur comme ingénieur (Polytech­nicien) connaissant bien le monde industriel, il était l’exact opposé d’Albert Thomas, normalien empreint d’un socialisme anticlérical de la fin du XIXe siècle. Il était plus proche d’Estienne, catholique, patriote et admirateur de Napoléon.

La stratégie de l’emploi des chars s’est figée au courant de l’année 1917. En juin Pétain définit l’organisation de l’AS et répartit les missions entre les chars lourds et les chars légers. Cette organisation eut des conséquences techniques sur les engins, notamment les Saint-Chamond et Schneider ; ce qui obligea à des modifi­cations des programmes de fabrication, en faveur du char léger.

Les Anglais, avec qui la coopération était étroite, avaient créé le 28 juin 1917, “le Tank Corps britannique”. A la fin de 1917 ils mettaient en service le Mark V 14 dont la France recevra 77 exemplaires en octobre 1918. Ce dernier s’illustra brillamment à la fin de la guerre après avoir reçu des améliorations notables. Son emploi était privilégié sur des terrains dégagés et fermes.

14 - Il y eut un engin blindé transporteur de troupe, dérivé du Mark V, le « Kangaroo » (Août 1918).

LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES UNIS DANS L’EFFORT DE GUERRE. GENÈSE DE LA TOURELLE

Jean Pierre Brassler – Fondation Berliet

« A l’été 1917, les autorités civiles et militaires décident que l’effort

d’armement en chars portera désormais uniquement sur le char Renault FT. Conscient que la dimension de l’outil industriel de Renault n’est pas suffisanten regard des quantités envisagées, l’État impose alors une entente entre divers constructeurs. Une première réunion a lieu le 13 septembre 1917 (Renault et Schneider), une seconde se tient le 9 octobre (Renault, Schneider, Saint-Chamond, Delaunay-Belleville, Somua). Bien qu’absent à cette réunion, Berliet est pressenti pour avoir un rôle important compte tenu de ses capacités industrielles et son éloignement du front. Berliet doit, en particulier, se charger de la fabrication de 850 moteurs (pour sa propre commande et fourniture à Delaunay-Belleville). L’organisation industrielle définitive est fixée le 19 octobre lors d’une réunion où Louis Renault et Marius Berliet finalisent l’accord avec tous les industriels. Outre les plans, Renault fournit aux trois autres constructeurs un char FT entièrement terminé. La production démarre chez Renault en décembre 1917 mais beaucoup plus lentement qu’espéré au point qu’en mai 1918, seuls 17 des 453 chars produits par Renault seront en état de combattre ce qui donne raison à ceux qui avaient imposé la répartition entre les quatre constructeurs. Ces retards s’expliquent par les processus de fabrication. Contrairement à Berliet, après mai 1918, Renault ne monte pas lui-même l’ensemble de ses chars. Les 1850 carcasses des trois premiers contrats sont fabriquées par Fichet (à Creil) avec des blindages fournis par la société britannique Miris Steel Company. Les suivantes le seront par Schneider, Saint-Chamond et Girod (le concepteur de la tourelle). Mais devant l’augmentation permanente des commandes, Renault doit trouver d’autres fournisseurs et les cadences de fabrications sont nettement inférieures aux prévisions. Chez Berliet la production démarre au printemps 1918. Le 8 novembre 1918, à trois jours de l’Armistice, Renault a livré au total 1963 chars FT, Berliet 759, Somua 314 et Delaunay-Belleville

210.

Quant à la tourelle, sans conteste, sa conception est bien d’origine Renault. En octobre 1917, la société Girod (Ugine), à qui le développement est confié, propose pour cet acier coulé un procédé de cémentation et de trempe qui semble très efficace, mais sa fabrication est pénalisante en raison du manque de fours spéciaux. Parallèlement, Renault confie à Fichet la fabrication de l’autre modèle de tourelle, la polygonale. Un peu plus de 1 000 tourelles polygonales sont construites, toutes installées sur des chars fabriqués par Renault. Tous les autres Renault FT seront équipés de la tourelle coulée.

Mais ni Renault ni Girod n’ont la dimension industrielle nécessaire pour usiner et traiter les quantités prévues. En janvier 1918, un accord est donc signé entre Renault, Ugine (Girod) et Berliet. Berliet a la charge « d’usiner, finir et tremper toutes les tourelles » (décision du ministère de l’Armement du 11 janvier 1918), la société Girod se limitant à les couler. Les premières tourelles sont livrées en avril 1918 (donc avant le lancement, le mois suivant, de la chaîne de fabrication des FT à Vénissieux). Comme Berliet est l’attri­butaire de la commande du ministère, cette tourelle restera sous le nom de « tourelle Berliet » bien que Renault en soit le concepteur et que Girod a mis au point le procédé de fabrication brute. Seul Renault va monter les deux types de tourelle sur ses chaînes, Berliet, Somua et Delaunay–Belleville ne montent que la version coulée ».

RETARDS DE FABRICATIONS

Les livraisons de FT sont très faibles en 1917. Une lettre de Louis Renault en avril 1917 fixe bien les difficultés et la complexité de la production:

«… il faut que les matières premières parviennent aux usines dans les délais convenables et, de plus, que l’usine puisse obtenir de l’extérieur les concours suivants: les engrenages des réducteurs de vitesse devront venirde l’extérieur forgés et ébauchés, de tours, l’usine devra recevoir également de l’extérieur des vilebrequins forgés. Les Aciéries Paul Girod à Ugine devront fournir les coupoles dans les délais convenables ; la maison Holtzer… devra fournir les aciers des engrenages et même une grande partie des engrenages forgés et estampés. Les tôles de blindage devront être fournies perforées et découpées au gabarit et traitées. Les Aciéries Paul Girod pourront peut-être se charger des tôles de 6 et de 8. Il resterait à chercher le fournisseur pour la tôle de

16. Enfin il faudrait mettre à la disposition de la maison Renault, 150 tourneurs 50 raboteurs ou fraiseurs, 100 ajusteurs. »

L’usine de Billancourt assemblait des sous-ensembles de provenance diverses, jusqu’à certains aciers qui venaient d’Angleterre.

Louis Renault, à qui l’on n’avait pas facilité la tâche, fut l’objet de critiques sur les retards de fabrication. Il dut prendre contact avec d’autres industriels pour assurer les livraisons aux armées. Il vendit même la licence du char aux Améri­cains pour 100 000 $. Le jour de l’armistice ils n’avaient construit qu’une centaine de chars, et aucun ne vint en Europe.

Le contexte de l’année 1917 marque un tournant dans le conflit : Révolution Russe, effondrement de l’Autriche qui aspire à la paix, guerre sous-marine allemande à outrance et entrée en guerre des USA. De plus, des mouvements sociaux dans les usines de guerre, provoqués par la vie chère et la lassitude de ne pas voir d’issue au conflit, réveillent les luttes syndicales mises sous le boisseau en 1914 au nom de l’Unité Nationale. Cet environnement troublé ne favorise pas un climat favorable à l’industrialisation du char, d’autant plus que le manque d’acier est tel que l’Etat s’engagera au côté de Renault afin d’y parer dans l’urgence.

Une commission parlementaire dirigée par Abel Ferry fut mise en place pour suivre les fabrications des chars. Cela montre l’acuité des problèmes que devait affronter Renault.

La situation sera critique début 1918. Devant la demande de production de plus en plus pressante, la qualité n’est pas au rendez-vous et les retards deviennent d’autant plus préoccupants que différentes stratégies s’affrontent sur l’emploi des chars.

Abel Ferry révélait en avril 1918 que seuls 72 chars avaient été livrés. La sous-direction de l’AS quant à elle précisait que sur les 453 chars sortis d’usine seuls 17 étaient mobilisables. Les 436 autres se trouvaient dans la situation suivante : 165 livrés aux armées (122 pour l’instruction, et 43 incomplets); 271 en cours de réception (dont 104 incomplets); 10 pour les Américains; 8 d’instruction pour les autres fabricants de la machine ; 3 pour les Britanniques.15

LE CHAR À LA « CHAÎNE16 »

La fabrication des chenilles “à chaînes” -brevet Renault- donna son nom au procédé de fabrication des chars en série. Cela obligea à réorganiser les ateliers. Les petits blindés montés sur des tréteaux à roulettes, étaient poussés manuel­lement en fonction de leur stade de montage. Plusieurs lignes parallèles fonction­naient simultanément. On connaît la suite !

Ainsi, le gigantesque effort de réorganisation permit à partir de juin 1918 de combler les retards.

On remarquera les deux types de tourelles : celles de gauche rondes et moulées et celle de droite octogonale. L’AS de Pique sur le char du fond indique la section (unité de base).

on remarquera ,sur la photo, ...,

rajouter ce membre de phrase

15 - Lettre de la sous-direction de l’AS du 4 avril 1918 citée par Le Lieut-Colonel Malmarassi, Les

Chars de la Grande Guerre.

16 - Alain. Julien, Le travail à la chaîne Renault 1898-1947, E.T.A.I.

AU COMBAT

Le récit, par le capitaine Aubert, du premier engagement de char FT, le 31 mai 1918 à Chaudun (S-O de Soisson) montre l’agilité, la souplesse d’utilisation et l’efficacité de ce petit blindé17.

Trente chars furent engagés, sans infanterie et sans préparation, pour retarder une attaque allemande qui avait pris Paris comme objectif. Cette offensive avait commencé en mars 1918. Un million de soldats de Von Bülow (libérés du front russe) avaient débordé les lignes alliées. Le 24 mai ils avaient progressé de 60 km en direction du Chemin des Dames. Le 31 ils étaient à Verneuil. Il y avait urgence, car une autre colonne descendait vers l’Ourcq en direction de Paris. La forêt de Retz était une position-clé pour la défense de la capitale.

Bien que ce premier engagement n’ait pas eu le succès escompté, faute de prépa­ration, le char démontra ses capacités manœuvrières. Il fallait encore en fixer la doctrine d’emploi.

A ce premier combat succéda, le jour suivant, la contre-attaque contre von Boehm et là encore, le char fit montre de ses capacités offensives, les pertes de chars furent élevées, et les combats très violents. Ludendorff avait allégé son dispositif pour prendre Calais. Cette erreur, combinée à l’emploi massif des chars marquait le début du repli allemand.

Du 18 au 27 juillet, c’est 185 Schneider, 190 Saint-Chamond, et 585 Renault qui sont engagés. Les pertes furent lourdes : en hommes – 891 soldats tués –, et en matériels, 37 % des chars moyens et 22 % des chars légers sont perdus. Les diffi­cultés inhérentes à l’emploi des chars et les réticences, de certains commandants de division, à protéger les chars expliquent ces déboires. Cependant au cours de l’été 1918, l’arme blindée par sa mobilité – transport en camion– et son nombre croissant viendra, en de nombreux points du front, à remporter des batailles décisives. (Logistique + mobilité/efficacité au feu + nombre = succès)

Le général Estienne en tirait la conclusion : « dans une contre-attaque locale quelques chars, montés par des équipages d’élite, bousculeront toujours l’ennemi. Les chars doivent être préparés à cette mission exceptionnelle. Mais leur rôle essentiel, leur raison d’être, reste l’action en grandes masses, dans une attaque montée par le commandant en chef. » Ce qui sera fait du 28 août au 2 septembre 1918 dans une attaque massive, engageant des chars lourds et légers, sur le front à Crécy au Mont.

Il faut noter aussi qu’à partir d’avril 1917 les Etats-Unis entrent en guerre. Cela sera décisif pour la victoire en 1918, grâce à l’apport en hommes et matériels. Le char, objet de recherche par “l’US army”, les intéressa dès leur arrivée. En août 1918, un certain lieutenant-colonel, Georges Patton, organisa au plateau de Langres la première brigade de chars d’assaut US composée de FT.

de divisions

au pluriel

17 - Capitaine Aubert Premiers combats Doc RH 406

Entre Le 31 mai et le 11 novembre 1918, le char Renault prit part à 3292 combats. Seulement 440 chars furent détruits. (Pertes dues au canon ennemi : 396, aux mines:13, grenade:1;disparus ou détruits:70?) 18

Au moment de l’armistice, Foch avait un groupe de 500 chars rassemblés en Lorraine pour l’assaut final.

Les grands oubliés de ces journées mémorables furent les Saint-Chamond et Schneider qui s’illustrèrent dans tous les combats de juin : contre-attaque de Mery Courcelles, de juillet la Porte de la ferme des Loges et de bien d’autres batailles…

L’histoire ne retiendra pour la postérité que le char Renault qui fut cité le 30 juillet 1918 à l’ordre de l’armée par le Général Pétain, qui après avoir nommé les équipages, les ingénieurs, les ouvriers des usines et du front terminait par le sacro-saint :

« Vous avez bien mérité de la patrie »

18 - Suivant les sources les statistiques sont souvent peu concordantes.

Et le 3 août le général Estienne, sur l’exemplaire qui était destiné à Louis Renault, porta de sa main : « A Monsieur Louis Renault, à tous ses Collaborateurs, Ingénieurs, Ouvriers, avec mes félicitations personnelles. »

Le 14 juillet 1919, 9 chars Renault clôturent le défilé de la victoire, la légende commence !

Défilé sur les champs Elysée le 14 juillet 1919

CONCLUSION

Deux interrogations se posent à la fin du conflit. La première est de savoir pourquoi les Allemands n’ont pas disposé de chars ? Et la seconde sous forme d’uchronie : que ce serait-il passé sans les chars dans l’issue de la guerre ?

À la première question il est plus facile de répondre. L’abondance des ressources dont disposaient les Allemands les sécurisait. Ils avaient une artillerie lourde à tir rapide très performante, et une industrie métallurgique de pointe. Outre l’aviation, ils avaient peu exploré les voies nouvelles, sauf le gaz. Bien qu’en 1918, ils aient engagé un mastodonte de 35 T, de 7 m de long et de 3,20 m de large propulsé par deux moteurs Mercedes de 100 HP, ils ne produisirent que peu d’exemplaires. Ils n’avaient pas non plus, des hommes animés par le feu sacré du char. D’autre part les piètres résultats des chars alliés dans les premiers engagements ne les avaient pas convaincus, qu’il s’agissait d’une arme d’avenir. Enfin, le blocus leur imposait un rationnement des livraisons d’acier.

Le général Von Taysen écrivit même en 1925, que cette arme avait peu de valeur stratégique et que son succès n’était dû qu’à des troupes allemandes éparpillées et désorganisées.

Le second point, mériterait une étude plus approfondie, car une succession de hasards, de chances, de circonstances favorables a permis de gagner cette guerre. Mais il se fallut de peu pour que le résultat s’inversât. L’apport tardif des chars fit basculer l’issue de la guerre, mais sans qu’ils soient en nombre et performances suffisants en avril 1918. L’effort des usines dans la montée en cadence et les améliorations apportées au char et à son utilisation entre mai 1918 et le 11 novembre furent exceptionnels et contribuèrent sûrement à la victoire.

Notes sur les manœuvres des Chars FT :

1 - Marche avant : pour mettre le char en mouvement, il faut donner un coup dans le dos du mécanicien.

2 - Arrêt : donner un coup sur les deux épaules du mécanicien.

3 - Ralentir : tirer en arrière sur le collet du mécanicien.

4 - Accélérer: pousser me mécanicien en avant à hauteur du col.

5 - Marche arrière : frapper deux coups sur le dos du mécanicien. En marche arrière le chef de char fait face en arrière.

6 - Changement de direction : serrer l’épaule du mécanicien du côté vers lequel

on veut tourner. Maintenir la main serrée pendant tout le temps que doit durer

le virage.

L’esprit de corps :

Très vite, comme dans l’aviation naissante, se forge un sentiment d’appartenance qui soude les hommes des blindés. Tous volontaires, ils se distinguent par leurs tenues (veste decuir) etles signes extérieurs:marques des chars (les 4 AS), les noms de baptêmes (patte de velours), les fanions et le fameux « Rique de Rick ».

Rick! Rick! Rique de Rick – Houp la! Houp la!hé

Haki! Haka! – Kahi! Kaha!

Ha! Ha! Ha!

Ce cri de guerre avait été ramené de Nouvelle-Zélande, par un joueur de rugby du Racing-club affecté à l’AS 5. Les amateurs de rugby apprécieront ce Haka.

Les quatre AS apparurent à la fin de la guerre :

La forme de l’as indiquait la section : 1er pique; 2e cœur; 3e carreau; 4e trèfle.

La forme de l’écusson désignait la compagnie: 1er un cercle; 2e un carré; 3e un triangle.

Le bataillon se reconnaissait à la couleur de l’as : 1er bleu ; 2e rouge ; 3e jaune.

Bibliographie :

-Histoire des Usines Renault de Patrick Fridenson (Seuil)

-Renault Usine de Guerre de Gilbert Hatry (Lafourcade)

-Louis Renault d’Emmanuel Chadeau (Plon)

-L’invention de la guerre moderne Du pantalon rouge au char d’assaut de Michel Goya (Texto, 2014)

-Mécanique de la Victoire de Roger Pierre Laroussinie (Albin Michel)

P Malmassari

-Les chars de la Grande Guerre du Lieutenant-colonel P. Malmar (14/18 éditions)

-M. Detchesahar /Y.Lamarchand « Des hommes et des projets dans l’urgence, la naissance du char d’assaut français 1914-1918 » (Annales des Mines juin 2001)

-Témoignage d’Ernst Metzmaier (Bibliothèque HA 35 ; RH)

-Origine du char d’assaut (doc 407; RH)

-Capitaine Aubert premier combat (doc 406 ; RH)

-Manuel pratique du char Renault (L. Fournier)

-

Les vrais chiffres du char Renault FT de JP Brassler. Fondation de l’automobile Marius Berliet, à Lyon. (Reçu à RH en Février 2014)

-

Les Chars d’Assaut : leur création et leur rôle pendant la guerre 1915-1918, par le Capitaine Dutil

-1917 la Paix impossible, par Jean-Yves Le Naour (Perrin)

L Dingli Louis Renault (Flamarion)

-Alain Michel, Le travail à la chaîne, Renault 1898-1947, E.T.A.I.