France: Centre technique de Rueil (avec Lardy et Aubevoye)

Le Centre technique de Rueil (CTR) – ou la « Colline inspirée » - a été depuis les années 1950 au cœur de la conception et du développement des véhicules (jusqu’en 1998) et moteurs/ boites de vitesse de Renault (jusqu’en 2014).

La croissance continue et très rapide des effectifs du BE à partir de 1945 et des objectifs de rationalisation de son activité sont à l’origine de sa création en 1952 pour désengorger Billancourt (le futur CTR B), de ses extensions successives en 1975 (le futur CTR A) - le site sera passé sur un peu plus de 30 ans d'un seul bâtiment à une vingtaine...(Photo ci-contre: vue aérienne du CTR en 1986) - , puis à partir de la fin des années 1980 (plusieurs autres locaux dans Rueil), et enfin de son désengagement total entre 1998 et 2014 pour un transfert complet au Technocentre de Guyancourt.

Ses "annexes", les centres d'essai de Lardy et Aubevoye ont été créés respectivement en 1951 et 1982; ils restent à ce jour en activité.

Histoire du site en bref

Création et évolutions

  • Rueil:

En 1952, l’exiguïté de Billancourt conduit Pierre Lefaucheux et Fernand Picard à créer le Centre Technique Renault (CTR) à Rueil et y transférer progressivement la totalité des activités du BE. Renault implante ce centre sur un site libéré par l’entreprise VETRA, fabricant de Tracteurs et Véhicules Électriques, rue des Bons Raisins . En 1973, Renault acquiert une partie de l’Arsenal au nord de la rue des Bons Raisins. Ce nouvel espace, opérationnel en 1975, prend le nom de CTR A et l’espace initial de CTR B. À partir de la fin des années 1980, le CTR s’étend sur d’autres sites principalement à Rueil, mais aussi Nanterre. De 1995 à 1998, les activités d’études véhicule sont progressivement transférées au Technocentre de Guyancourt qui vient de s’ouvrir (en commençant par l’atelier de fabrication des Prototypes. En 2014, les activités d’études moteurs et boites sont transférées au Technocentre à Guyancourt et Lardy. Renault quitte définitivement Rueil fin 2014. Le site doit faire place à l’Ecoquartier de l’Arsenal (2018- … ).

  • Lardy:

Ce centre est créé en 1951 pour les essais de roulage des prototypes (jusqu’en 1982). Il accueille progressivement les bancs d’essais moteurs et boites de vitesse (env. 200 bancs aujourd’hui), trains et châssis (env. 100 bancs aujourd’hui), tests de longévité des équipements carrosserie, ainsi que les importantes installations d’essais de chocs (450 crash tests chaque année).

  • Aubevoye:

Ce centre démarre en 1982. Il est dévolu au roulage de prototypes et se substitue aux pistes de Lardy devenues obsolètes pour les essais d’endurance, ou à grande vitesse, ou pour mise au point confort/ comportement.

1956 - le bâtiment VETRA réutilisé par Renault, premier bâtiment du CTR B)
Vue aérienne de Lardy
Vue aérienne d'Aubevoye

Situation géographique

  • Rueil : en banlieue ouest de Paris. Le CTR B (partie la plus ancienne contrairement à ce que laisse penser l’appellation !), à partir de 1952, au Sud de la rue des Bons Raisins (au 112, sur 3,6 ha) puis, à partir de 1973, le CTR A au Nord de la rue des Bons Raisins (au 67 sur 7,2 ha).

  • Lardy : à 50 km au sud de Paris. 137 ha

  • Aubevoye : à 100 km à l'ouest de Paris (Vallée de la seine). 613 ha de terrain (272 ha de forêt), 70 000 m2 de bâtiments, 55 km de pistes.

Type d’activité

  • Rueil : bureaux d’études véhicules et mécanique, département de Style (ou Design). 4000 collaborateurs en 1995.

  • Lardy : Piste d’essai véhicules (remplacé par Aubevoye en 1982), essais véhicules (organes et chocs) et moteurs/boites. 2000 collaborateurs Renault en 2015.

  • Aubevoye : Piste d’essai véhicules. Environ 1000 personnes en 2015

Grandes dates

Les débuts (1952-1973): du bâtiment de VETRA à ce qui deviendra le CTR B

  • 1951 : Démarrage de Lardy (piste d’essai)

  • 1952 : Effectifs du BE : 540 (350 en 1949). La RNUR acquiert à Rueil le terrain (22 000 m2 extensibles) et le bâtiment jusque-là occupés par VETRA depuis 1948. Transfert dans ce bâtiment des Essais, puis des Études et de l’atelier de construction des Prototypes à Rueil (Mise au point Dauphine, Modifications Frégate). Premières extensions du terrain.

  • 1956 : Mise en service d’un deuxième bâtiment dévolu aux Essais moteurs (voir photo ci-contre: )

  • 1955-1958 : Prospection et acquisition de terrains en vue d’agrandir le site. Construction de 10 nouveaux bâtiments. Transfert à Rueil des Essais Moteurs et Essais Organes, de la Carrosserie et du Style, du Laboratoire (de Jacques Poemy). Le déménagement à Rueil est quasi terminé. Le site prend officiellement la dénomination de Centre Technique de Rueil (CTR).

  • 1958 : Incendie qui détruit le bâtiment des Essais Moteurs qui sont rapatriés à Billancourt. La reconstruction est lancée.

  • 1959 : Premier essai de choc à Lardy dans des installations rudimentaires (Dauphine)

  • 1962 : Effectifs BE : 1333. Le CTR est le premier employeur de Rueil.

  • 1966 : 7 modèles sont en cours de conception. Yves Georges succède à Fernand Picard à la tête du BE.

  • 1967 : Effectifs BE : 1600. Premiers essais d’UNISURF.

  • 1968 : De nouveaux bâtiments sont construits. Grève du 16 mai au 18 juin.

  • 1970 : Explosion de la charge de travail : politique de gamme et diversité, durcissement de la règlementation (pollution, sécurité), impacts de 1968 (temps de travail). Effectifs de 2252 personnes. Plus de 1300 recrutements de 1971 à 1975 plus recours à la sous-traitance : la place commence à manquer. ()

  • 1971 : Création d’un établissement autonome avec Comité d’Établissement. Le CTR doit s’agrandir : premiers contacts avec le Ministère des Armées pour l’acquisition de terrains et bâtiments de l’Arsenal (appelés aussi Docks de Rueil - montage de chars -) de l’autre côté de la Rue des Bons Raisins (CTR A). Implantation d’un ordinateur de Calcul (IBM 1130) pour le calcul de structures.

  • 1972 : La RNUR rachète Bernard Moteurs (moteurs, tondeuses) implantée à Rueil rue Gallieni, non loin de la rue des Bons raisins.

1956: A gauche le futur CTR B avec ses 2 bâtiments, à droite: l'Arsenal

1970 - le CTR B et ses nombreux bâtiments et l'Arsenal

  • La croissance (1973-1985) : acquisition des terrains de l’Arsenal et installation du CTRA

  • 1973 : Acquisition des terrains et bâtiments de l’Arsenal (57 000 m2). 1974 : Mise en service à Lardy d’un centre d’essais de choc sophistiqué permettant de reproduire de nombreux types de chocs et de les mesurer.

  • 1975 : Effectifs BE : 3036 personnes. Le nombre de véhicules en études ou évolutions est passé de 3 modèles à 14 depuis 1952.

  • De 1968 à 1975, les dépenses Études ont augmenté de + 185% (CA RNUR : +73%). Ouverture du site de l’Arsenal. Construction de trois nouveaux bâtiments sur le nouveau site et d’un tunnel piétons/ auto pour la communication entre les 2 sites. Les sites prennent la dénomination de CTRA (A pour Arsenal) et CTRB. Réimplantation progressive des services : carrosserie au CTRA, mécanique au CTRB.

  • 1976 : Pierre Tiberghien succède à Yves Georges. Décision de construire une nouvelle piste d’essais, Lardy étant en limite de capacité (ce qui nécessite trop d’essais sur route). Début des recherches de terrain.

  • 1981 : Adrien Bertetto succède à la tête du BE à Pierre Tiberghien qui devient DGA.

  • 1982 : Démarrage du centre d’essais d’Aubevoye en novembre sur un terrain d’environ 200 ha.

  • 1984 : Georges Vian succède à Adrien Bertetto à la tête du BE.

  • 1985 : Les effectifs BE de 3900 (plus de 4000 en 1986). On est passé sur le site de Rueil depuis 1952 de 1 bâtiment à plus de 20 et déjà l’espace manque ! Renault est en crise aigüe (Georges Besse devient le PDG, remplaçant Bernard Hanon) mais les effectifs du CTR continuent de croître.

L’explosion (1985-1998) : des sites complémentaires autour de Rueil

  • À partir de 1985 : la croissance de l’activité conduit à de nouvelles extensions dans Rueil et aux environs. Ceci conduit à l’éparpillement des activités et à trop de pertes de temps.

  • 1986 : Annonce du départ de Renault de Rueil à partir de 1994 pour une installation de l’ensemble du BE sur un technocentre moderne en région parisienne.

  • 1987 : Renault liquide Bernard Moteurs. Le site est réutilisé pour extension du CTR (Architecture et Projets Véhicules). Extension d'Aubevoye à 600 ha pour réalisation de pistes d'endurance (avec quasi-avec arrêt des essais sur routes libres).

  • 1985-1995 : Déploiement de la CAO et de la simulation numérique (stations de travail graphiques, mise en place de puissants calculateurs IBM et CRAY). La planche à dessin disparait progressivement.

  • 1992 : Raymond Lévy puis Louis Schweitzer décident de limiter la taille du nouveau centre technique : celui-ci ne comprendra que les Études Véhicule, les Études Mécanique restant à Rueil. Le Technocentre doit s’ouvrir à partir de 1995.

  • 1994 : Regroupement BE et Méthodes (Ingénierie) avec management distinct pour l’ingénierie Véhicule (DIV) et l’Ingénierie Mécanique (DIM). Philippe Ventre est responsable de la DIV. La DIM est rattachée à la Direction de la Mécanique dirigée par Philippe Chauvel. Il faut rationaliser le CTR où se regroupera la Mécanique.

  • 1995 : Début du transfert des équipes Véhicules (Atelier prototypes) au Technocentre à Guyancourt (Yvelines). Le regroupement Études Méthodes, la perspective du transfert au Technocentre, l’apparition des plateaux-projet entrainent une réorganisation importante du mode de management et du travail. Charge de travail toujours en forte augmentation. D’où une longue grève (printemps) du BE impliquant techniciens et dessinateurs.

  • 1996: Renault (Direction Mécanique) occupe le site de la Route de l’Empereur laissé libre par Saunier-Duval.(photo ci-contre)

1986: le CTR sature de nouveau

1996: La direction de la Mécanique occupe le site laissé libre par Saunier Duval

Démarrage du Technocentre : décroissance et arrêt du site (1998-2014)

  • 1998 : Fin du transfert des études Véhicule au Technocentre. Lancement de travaux de rénovation du CTR. Voir plan du centre en 1998 >>>

  • 2000 : Fermeture du site Bernard Moteurs. Inauguration du nouveau CTR. La mécanique quitte la Route de l’empereur, remplacée par la Direction Après-Vente.

  • 2001 : K.Katoh (dans le cadre des échanges avec Nissan) est le nouveau Directeur de l’ingénierie Mécanique

  • 2005 : 2500 personnes occupent le CTR

  • 2006 : 10 000ème essai de choc à Lardy

  • 2009 : Les bureaux de la Route de l’empereur sont libérés et réoccupés par la SAGEM.

  • 2011 : Lardy accueille les tests des moteurs et batteries de la gamme électrique.

  • 2012 : 30ème anniversaire d’Aubevoye

  • 2014 : les équipes Mécanique (1500 salariés) quittent Rueil pour le Technocentre et Lardy. Renault n’a plus de locaux à Rueil. (Photo de gauche: le site en 2014). Voir plan du site en 2014 >>>

  • La place est reprise par la ville pour la création d’un écoquartier (à partir de 2018)

2000: les nouveaux bâtiments A2 et A3 au CTR A)

2014: le site des CTR A et B au moment du départ de Renault

Produits étudiés (dates de sortie)

De 1952 à 1998, à Rueil ont été conçus toute la gamme véhicules Renault depuis Dauphine à Scenic I, ainsi que les moteurs à essence ou diesel et les boites de vitesse associées (jusqu’en 2014).

  • 1956 Dauphine

  • 1959 Floride

  • 1961 R 4

  • 1962 R 8

  • 1964 R 8 Gordini

  • 1965 Renault 16, Renault 10

  • 1968 Renault 6

  • 1969 Renault 12

  • 1970 Renault 12 Break, Renault 12 Gordini

  • 1971 Renault 15 et Renault 17

  • 1972 Renault 5

  • 1975 Renault 30 et 20

  • 1976 Renault 14

  • 1978 Renault 18

  • 1979 R 18 Break

  • 1980 Fuego

  • 1981 Trafic (VU)

  • 1981 Renault 9

  • 1983 Renault 11

  • 1984 Renault 25

  • 1984 Super 5

  • 1985 Express (VU)

  • 1986 Renault 21, Renault 21 Nevada (Break)

  • 1988 Renault 19, Renault 21 2 litres Turbo

  • 1989 Renault 19 Chamade, Renault 21 5 Portes

  • 1990 Clio

  • 1991 Renault 19 Cabriolet (Karmann)

  • 1992 Safrane Twingo

  • 1994 Laguna

  • 1995 Mégane BLK

  • 1996 Mégane Coupé

  • 1997 Mégane Scenic

Principaux progrès et innovations réalisés à Rueil

  • Naissance de la CAO (1967 : Pierre Bézier avec Unisurf) : maquette numérique dans les années 1990

  • Simulation numérique : calcul de structures, tenue de route, combustion, aérodynamique moteur et véhicule… avec réduction des essais et du nombre de prototypes physiques

  • Développement de l’électronique : moteurs, boites, châssis, habitacle

  • Réduction de la consommation et de la pollution: GTLisation au moment des chocs pétroliers, diésélisation, électronique moteur et boite, aérodynamique, allègement systématique et évolution des matériaux, réduction générale des frottements

  • Sécurité passive où Renault est devenu leader : tenue de l’habitacle aux chocs, compatibilité, ceintures à enrouleur pyrotechnique, protection piétons…

  • Sécurité active : ABS (Anti-Blocage de Sécurité), aide à la conduite (régulateur/limiteur de vitesse, GPS/Carminat), AFU (Aide au Freinage d’Urgence), ESP (Electro-Stabilisateur Programmé)…

  • Agrément : ergonomie, confort acoustique/thermique/ vibratoire, boîtes automatiques….

  • Fiabilité et durabilité des véhicules

  • Recyclage

Effectifs du BE

Les effectifs du BE ont crû régulièrement et fortement (plus vite que la croissance de Renault) depuis 1950 jusqu’à aujourd’hui. Nous n’avons pas trouvé de statistiques après 1986 où ils atteignaient plus de 4000 contre 350 en 1950. La quasi-totalité des effectifs du BE se trouvaient à Rueil à partir de 1959 jusqu’en 1995.

Le graphique ci-dessous est issu des chiffres recueillis dans le site Freyssenet.com et dans le mémoire de maîtrise cité au chapitre bibliographie.

Site Internet: Freyssenet.com

Directeurs successifs

  • Fernand Picard, issu de l'époque de Louis Renault. Directeur des Études depuis 1946, a ouvert l'établissement de Rueil en 1952.

  • Yves Georges (1966 – 1975)

  • Pierre Tiberghien (1975 – 1981)

  • Adrien Bertetto (1981 – 1984)

  • Georges Vian (1984 – 1987)

  • Georges Douin (1987 - 1989)

  • Philippe Ventre (1990 – 1994)

  • Puis, après le regroupement Études/ Méthodes et la séparation des BE Véhicules et Mécanique

  • Philippe Ventre (1994 – 1998), Ingénierie Véhicules (jusqu’en 1998 à Rueil) :

  • Philippe Chauvel, DM dont Ingénierie Mécanique(1994 - ??)

  • Gérard Detourbet, DM dont Ingénierie Mécanique

  • Katumasa Kato (Ingénierie Mécanique)

  • Jacques Prost (Ingénierie Mécanique (jusqu’en 2014)

Bibliographie

  • Renault Histoire n° 10 - Juin 1998 (Spécial Centenaire)‎ > ‎Prélude à une histoire du CTR par Louis Buty

  • Renault Histoire n° 10 - Juin 1998 (Spécial Centenaire)‎ > La création du centre technique d’Aubevoye par André Compain-Mefray

  • Renault Histoire n° 10 - Juin 1998 (Spécial Centenaire)‎ > Les essais de chocs par des auteurs divers

  • Renault Histoire n° 18 - Juin 2006‎ > Une crise de croissance aux études par André Compain-Mefray

  • Renault Histoire n° 20 - Juillet 2008‎ > Mutations de l’ingénierie 1975-1995 par Jean-François de Andria

  • Renault Histoire n° 21 – Juillet 2009 > Le printemps 1995 au CTR par Bernard Cheyrezy

  • Renault Histoire n° 32 - Avril 2015‎ > L’intendance suivra : les grands chantiers de la Direction des Études 1975-1987 par André Compain-Mefray

  • Mémoire de Maitrise d’Histoire – 2005 > Histoire du Bureau d’Études de Renault à Rueil-Malmaison (1952-1985) par Julie Martinez

  • Rueil-Malmaison, terre d'entreprises - Novembre 2005 > Une histoire d'hommes et d'initiatives économiques (1800- 2005) par Arnaud Berthonnet et Sylvie Gousset

Document réalisé en novembre 2017