2020-10: À propos des véhicules hybrides

"A propos des hybrides"

Exposé de Michel Jullien le 2 octobre 2020 au Pavillon des Projets de Boulogne-Billancourt

Les véhicules hybrides font beaucoup parler d’eux actuellement. La “mobilité propre“ s’est emparée de ce concept, comme porte-drapeau des technologies devant permettre de franchir un cap dans la recherche de la diminution des “nuisances“ des automobiles en matière "d’écologie".
Cet exposé a été fait au Pavillon des Projets de Boulogne-Billancourt, dans le cadre des conférences organisées par la SPL (Société Public Local) - Val de Seine. Son objectif, à propos des véhicules hybrides, est de montrer à un large public que cette démarche d’optimisation de l’automobile en fonction de son environnement, n’est pas nouvelle, et qu'elle est même une constante de son histoire.

Préambule

Les véhicules hybrides font beaucoup parler d’eux actuellement. La “mobilité propre“ s’est emparée de ce concept, comme porte-drapeau des technologies devant permettre de franchir un cap dans la recherche de la diminution des “nuisances“ des automobiles en matière “d’écologie“.

Cette démarche d’optimisation, de meilleure adéquation de l’automobile en fonction de son environnement, n’est pas nouvelle, loin s’en faut ; c’est même une constante de son histoire, de son évolution.

Alors, historiquement, qu’en est-il de cette démarche, de cette recherche du Graal ?

Au début de l’histoire de l’automobile la compétition entre les différents types de moteur a fait rage. Dans l’ordre d’apparition, le moteur thermique arrive d’ailleurs bon dernier ; mais comme dit le dicton « les derniers seront les premiers et réciproquement ». Le moteur à vapeur sera la vedette incontestable du début de cette extraordinaire épopée que sont les transports terrestres automobiles.

L'Obéissante, premier véhicule routier à vapeur, est construit en 1873 par Amédée Bollée. Le 9 octobre 1875, A. Bollée fit 230 km avec son imposant engin pour rallier Le Mans à Paris, en 18 heures. Il doit s'arrêter à chaque changement de département et la circulation automobile n'étant pas prévue par le code de la route, il écope de 75 contraventions.

Au début du 20eme siècle, les moteurs thermiques s’imposeront rapidement sur les autres types de moteurs (vapeur et électrique) par leur avantage déterminant sur la puissance possible par rapport à sa masse et par l’utilisation du pétrole, à forte énergie massique (ou volumique), liquide et facile à transporter.

Pendant des décennies le moteur thermique va régner en maitre, mais en progressant dans des proportions impressionnantes sur ses performances, dont la consommation et la pollution.

C’est quoi une automobile hybride ?

C’est une auto à moteur thermique associé à un moteur électrique et à une transmission active plus ou moins évoluée, basée sur l’utilisation de moteurs électriques, de batteries et d’électronique / informatique chargées de piloter cette association.

A quoi ça sert “l’hybridation“?

C’est une tentative de combiner les avantages d’un moteur thermique et d’un moteur électrique, en minimisant le cumul de leurs inconvénients... dans le but de réduire encore d’avantage la consommation énergétique et la pollution.

Est-ce une idée vraiment nouvelle?

L’hybride est pratiquement né en même temps que l’automobile “moderne“, au début du 20eme siècle. Le besoin qui fut à l’origine de ce concept était lié à l’inconfort dû aux systèmes de transmission rudimentaire de l’époque. (et non bien sûr à des fins de réduction de consommation et encore moins de pollution...)

C’est l’origine de la création du premier hybride par Ferdinand Porsche, en 1900, avec sa La Lohner-Porsche Semper Vivus.

Il se dit que Ferdinand Porsche ayant effectué son service militaire comme chauffeur de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche (Prince héritier de la Maison de Habsbourg et de l'empire d'Autriche-Hongrie, dont l'assassinat à Sarajevo douze ans plus tard, le 28 juin 1914, déclenche la Première Guerre mondiale), aurait imaginé cette auto comme réponse au Prince qui se plaignait effectivement des difficultés pour démarrer une auto (pas de démarreur à l’époque) et pour passer les vitesses...

Cette première automobile hybride était dotée de deux génératrices couplées à deux moteurs à essence qui assuraient l'alimentation électrique des moteurs logés dans les moyeux de roues avant et des batteries. Il s’agissait donc d’un hybride “série“. Aucun développement commercial n’eut lieu. (très lourde – trois fois la masse de la voiturette de Renault), hors de prix, voire impossible, technologiquement parlant, à produire à cette époque.

Hybride “Série“: Le moteur thermique entraine un générateur, qui lui-même alimente un moteur électrique qui entraine les roues. Le moteur thermique, source de puissance de l’auto, n’est jamais relié aux roues. La présence d’une batterie “tampon“ et d’un système de pilotage de l’énergie électrique créée par le générateur, permet de la diriger vers la batterie et/ou vers le moteur électrique, selon les conditions d’utilisation de l’auto, dans le but d’optimiser la consommation de carburant.

Hybride “Parallèle“: Le moteur thermique et le moteur électrique peuvent, contrairement à l’hybride série, tracter l’auto ensemble . Les deux moteurs sont donc reliés aux roues par l’intermédiaire d’une transmission, ayant la même fonction qu’une boite de vitesse - embrayage d’une auto classique, mais techniquement plus complexe, puisqu’elle est, en quelque sorte, à “trois voies“) . De même que dans le cas de l’hybride série, la présence d’une batterie “tampon“ et d’un système de pilotage permet d’optimiser, selon les conditions d’utilisation de l’auto, la consommation en carburant.

Sans rentrer dans la description technique des ces deux systèmes, qui dépasserait le cadre de cette conférence, retenons simplement que le dispositif “parallèle“ permet de mieux optimiser le “rendement“ du tandem moteur thermique-moteur électrique, au prix toutefois d’une complexité plus importante (donc coût plus élevé)

La plupart des véhicules hybrides actuels sont des “parallèles –série“ à savoir que l’ensemble transmission-pilotage batterie peut permettre, selon les conditions d’utilisation, de choisir le mode série ou parallèle, améliorant ainsi encore plus l’optimisation du rendement du tandem moteur thermique-moteur électrique.

Hybride rechargeable :

Une auto hybride n’est pas une auto électrique; sa seule source d’énergie pour avancer, comme pour une auto thermique classique, est l’essence (plus rarement le gasoil).

Mais, comme nous l’avons vu, dans une auto hybride, il y a une batterie “tampon“ pour alimenter le moteur électrique. L’idée de l’hybride rechargeable est simple: pour augmenter le temps d’utilisation du moteur électrique, il suffit de mettre une batterie de plus grande capacité avec la possibilité de la recharger de l’extérieur, comme dans le cas d’une auto 100% électrique; cette batterie joue alors le rôle de tampon – réservoir.

Dans ce cas, la batterie ne se recharge plus uniquement dans le cadre du fonctionnement de l’optimisation du tandem moteur thermique – moteur électrique, qui ne permet pas d’emmagasiner de très grandes quantités d’énergie électrique, mais par une source extérieure.

Ces autos sont donc doublement hybride : par leur motorisation (thermique-électrique), et par leurs sources d’énergie embarquées : essence et électricité.

Ce dispositif nécessite une batterie plus grosse, plus lourde plus chère, plus difficile à implanter (obligation de modifications souvent importantes des plateformes – déstandardisation)

Depuis un peu plus de 20 ans, les véhicules hybrides ont fait leur apparition sur le marché automobile de “monsieur Tout-le-Monde “…, même si cette technique, bien qu’apparemment récente, est aussi ancienne que... l’automobile (1900) !

Quelques chiffres

Toyota: a vendu 10 millions de véhicules hybrides dans le monde depuis 1997 (dont 4 millions de Prius). (720 millions d’autos vendues dans le monde entier sur la même période) (1,5%).

Les autres constructeurs sont plus ou moins partis à la chasse de Toyota, essentiellement à l’appel du marché américain.

Le marché de l’hybride et son évolution

Regardons comment évolue le marché de l’hybride en France (difficile de trouver des chiffres fiables pour l’ensemble de la planète...)

Dans l’hexagone, la vente de VP est quasi stable depuis les années 1990 à 2 millions / an. (2020 sera certainement différent...)

Les volumes de ventes des hybrides deviennent “brutalement“ significatifs en France à partir de 2012, où l’on passe de quasiment zéro à => 40.000 45.000 / an, avec un certain “envol“ à partir de de 2016 pour passer de 50.000 à plus de 100.000 en 2019.

NEXT

E3t un concept-car dont le nom évoque sa technologie novatrice, montrant la voie pour les futurs véhicules de Renault. NEXT est un véhicule hybride avec un moteur thermique de 35kW à l’avant et de deux moteurs électriques dans chaque roue arrière de 7kW chacun. La batterie (cadmium - nickel à l’époque) est positionnée sous le plancher arrière. Le tout est piloté par un système “électro-informatique“ placé sous le plancher.

Cette auto fonctionne en hybride parallèle et série, comme la plupart des hybrides actuelles.

A noter que ce concept car était une “vraie auto“, vue du client, en termes de prestations autres que la motorisation. Ce concept car proposait par ailleurs des principes de solutions d’allègement (NEXT pesait 875 kg...) ainsi qu’une architecture d’habitacle originale avec ses trois places à l’avant...

Ce véhicule est équipé d’un moteur thermique (D7F-1200cm3) et d’un moteur électrique de 15kW, placés dans le compartiment moteur à l’avant du véhicule. La batterie (cadmium-nickel) est placée sous le plancher arrière (et plus tard sous le plancher central). Cette batterie est rechargeable par l’utilisateur par une prise de 16 ampères classique.

Cet hybride rechargeable peut rouler 35 km sur sa batterie et possède au total 600 km d’autonomie.

EOLAB

Un petit rappel : Suite à la demande du gouvernement faite en 2012 aux deux constructeurs hexagonaux d’imaginer une auto pouvant, dans un futur pas trop lointain, se contenter de ... 2l/100km, Renault imagine le prototype EOLAB qu’il présente en septembre 2014.

L’idée est d’aller plus loin dans le rendement du système de propulsion hybride (baisse de la consommation), mais aussi de mettre cette technique à la portée du plus grand nombre de clients possible en baissant ses coûts de fabrication par une simplicité mécanique, qui n’altère pas la performance, bien au contraire. En particulier est mis au point pour ce véhicule une boite de vitesses innovante, légère, sans embrayage, ni synchros, simple techniquement, réalisée à base de pièces et organes de fabrication éprouvée,.

Le développement de ce prototype conduira les équipes de Renault à un travail de fourmis dans la mise au point de “l’intelligence“ du pilotage de cet ensemble, nécessitant du temps et de la méticulosité. Ce prototype a donc servi à développer des éléments techniques, mais aussi ce savoir-faire indispensable dans le domaine du pilotage de ces systèmes complexes, qui ne sont efficaces que s’ils sont parfaitement intégrés entre eux.

EOLAB sera l’amorce de l’offensive de Renault sur le marché des hybrides.

“Dernier venu“ à l’hybridation et champion de la voiture électrique (Zoé), Renault s’est donc lancé dans le projet d’une gamme de véhicules hybrides avec l’ambition d’apporter un plus sur le marché des ces véhicules.

Un petit retour en arrière

Renault se lance dans le véhicule électrique “grande série“ dès 2006, à une époque où aucun concurrent ne considérait cette voie comme réaliste techniquement et commercialement. De ces études naitra la ZOE commercialisée en grande série dès 2012.

Ce développement a permis à Renault d’étendre ses connaissances et de faire son apprentissage technique et industriel sur les moteurs électriques et leur contrôle, sur l’électronique de puissance et sur l’emploi des batteries lithium-ion. Savoir essentiel, nécessaire et totalement transposable sur les véhicules hybrides.

Renault, en retard sur les hybrides? Pas tant que ça donc. Et puis, il n’est pas usurpé de dire que les équipes de Formule 1 ont elles aussi acquis un savoir-faire dans le

domaine des hybrides, en grande partie transposable sur les hybrides “du commerce“.

Nous n’allons pas rentrer dans le détail du fonctionnement et de la technique de ce système somme toute assez complexe... Contentons-nous de démonter le réveil!

Sur le dessin de gauche, apparaissent les éléments essentiels que tout le monde connait :

En gris, le moteur thermique, bien connu

En bleu, le moteur électrique

Les deux compères coopèrent sous la direction d’un chef d’orchestre, qui connait la musique qu’il faut jouer: le boitier de pilotage (qui n’apparait pas sur ce dessin). Ils la jouent le mieux possible en combinant leurs caractéristiques différentes mais complémentaires. La musique consiste à propulser le véhicule avec le maximum d’efficacité énergétique (consommation-pollution)

En rouge et bleu, deux boites de vitesses, une associée au moteur électrique, une autre au moteur thermique. Elles s’interpénètrent et changent de rapports à bon escient, toujours sous les ordres du chef d’orchestre, sans synchronisation et sans embrayage (que l’on trouve dans une boite de vitesses classique pour éviter les “craquements“).

En vert, un “petit“ moteur électrique dont le rôle est multiple: servir de démarreur au moteur thermique, recharger la batterie quand c’est utile, aider le moteur thermique à atteindre la bonne vitesse de rotation lors des changements de vitesses et servir de complément de puissance dans certaines configurations d’utilisations!

Cette image laisse à penser qu’il y a peu de différence entre un hybride “normal“ et un “rechargeable“. Une batterie un peu plus grosse avec une prise de courant, et le tour est joué...

Pas tout à fait aussi simple.

l’hybride normal s’installe, se glisse dans la peau de la Clio de base (thermique) presque de façon discrète sans nécessiter de très importantes modifications de la caisse. Au total, le surpoids de cet hybride ne sera que de 80kg “seulement“.

Pour l’hybride rechargeable, ce n’est pas la même chanson. La greffe du système hybride plug-in sur le Captur n’est pas aussi indolore... La batterie trois fois plus lourde et plus volumineuse que celle de la Clio E-TECH nécessite d’importantes évolutions de l’auto de base.

Revue de détail.

Le full hybrid Clio :

Pour un surcoût de 1000 € environ cette auto apporte :

Un confort agrément de conduite et silence de fonctionnement incontestablement plus élevés que ceux de la Clio thermique.

Une consommation moyenne réelle presque indifférente aux conditions de roulage (moins de 6 litres/100km)

L’hybride rechargeable :

Pour un surcoût 5000 € environ, cette auto a deux visages : full hybride ET véhicule électrique.

Explications

Les données concernant les utilisations clients, montrent que la moitié d’entre-nous ne fait que 50 km/jour et plutôt en zone urbaine.

Il est donc possible pour cette population de ne rouler qu’à l’électricité, à condition bien sûr de ne pas oublier de faire le “plein“ tous les soirs... Recharge qui demande environ 3 à 5 heures avec une simple prise de courant 16 A. Une fois la batterie vide, vous ne restez pas pour autant, comme avec un VE, au bord de la route... Votre auto devient “simplement“ une full hybride.

Mais ce double visage à bien entendu un coût.

Le poids

La batterie avec sa capacité 10 fois plus importante que celle du full hybride (9,8 kW/h au lieu de 1,2) est aussi beaucoup plus lourde et plus intrusive dans le châssis, nécessitant des modifications importantes avec des conséquences sur le dessin de la caisse (renforts), un train AR plus sophistiqué (à cause de la charge).

Le surpoids de 300 kg du Captur rechargeable / Captur thermique équivalent en terme de performance “moteur“ est majoritairement du à la batterie (150 kg environ).

Le coût

Le poids c’est du coût...

Le surcoût est donc essentiellement lié à la batterie plus grosse, mais aussi à des moteurs électriques plus puissants, un train AR plus sophistiqué pour conserver les qualités dynamiques et de confort de l’auto, malgré le poids supplémentaire...

Vous l’aurez compris, la “greffe“ d’un VE sur une full hybride coûte chère... Ce qui, par associativité, montre qu’une auto électrique est intrinsèquement chère. (8900 € de batterie sur une ZOE soit 160 € le kW/h...)

Conclusion provisoire ...

L’Hybride est une réponse technologique pour continuer à diminuer les “nuisances“ des automobiles en matière “d’écologie“, tout en leur permettant de remplir leur rôle de moyen de transport individuel terrestre...

L’hybride rechargeable, solution à priori séduisante, ne tente-t-elle pas l’association de la carpe et du lapin ? Deux véhicules en un (VE et thermique performant, pour suppléer aux défaillances de base du VE), histoire de ménager la chèvre et le chou...

Le marché tranchera, comme toujours (a condition qu’il ne soit pas “pipé“ par des incitations étatiques outrancières...)

Et puis, n’oublions pas que d’autres technologies montrent le bout de leurs nez (depuis très longtemps également), comme celles mettant en œuvre l’hydrogène... Les piles à combustibles, les prolongateurs d’énergie, .... Cela mériterait un développement particulier, spécifique.

Ne pas oublier ces bons vieux moteurs thermiques qui n’ont pas encore, loin s’en faut, rendu les armes.

Et puis une remarque: toutes ces techniques vont inéluctablement contribuer au renchérissement des moyens de transports individuels terrestres, qui pourrait alors, à l’inverse de ce qui s’est passé depuis plus d’un siècle, échapper à la plus grand masse de la population...