2020-09 : CLIO, la qualité pour tous



































========================================================================================================================

HISTOIRE

CLIO

La qualité pour tous

La volonté d’exprimer

la qualité s’impose dès ces

premières esquisses. Mais les

proportions évolueront avec

un empattement plus long.

Best-seller absolu de Renault,

Clio monopolise les podiums des

meilleures ventes depuis cinq

générations, la première remontant

à 1990, il y a tout juste trente ans.

Si son patronyme est celui de

la muse de l’Histoire, il ne fut

question lors de sa conception

que d’en changer le cours

pour repositionner la qualité

des produits Renault.

S

i la première génération de Clio

célèbre

ses 30 ans cette année

2020, la lignée des « petites Renault

populaires » dont Clio tire

son ADN remonte à la 4 CV, lancée

en 1946, et constitue une

vraie rupture après la période de

Louis Renault, surtout connue et reconnue pour

ses modèles haut de gamme.

Mais c’est en abandonnant l’architecture « tout à

l’arrière » de la 4 CV pour concevoir la R4 appelée

à lui succéder, que Renault trouva réellement son

identité. Le bureau d’études paria alors sur une architecture

— traction avant, hayon arrière et plancher

plat — qui permettait de multiplier les usages

du véhicule, à l’image d’un couteau suisse. Après

la R4, lancée en 1961, suivit la mal-aimée R6 fin

1968. Imaginée comme une petite R16, celle-ci ne

put jamais dépasser son statut de R4

embourgeoisée.

La deuxième voiture par foyer

De nouvelles études sociologiques dès le milieu

des années 60 montrèrent ensuite qu’une nouvelle

demande émergeait pour une deuxième voiture

dans chaque foyer, suite au développement des

couples bi-actifs. Le cahier des charges de la R5 a

été établi autour de cette évolution sociale. Le succès

fut au rendez-vous, et, depuis son lancement

en janvier 1972, les plans successifs ont toujours

affiché des volumes en croissance pour la R5 par

rapport au plan précédent. Se posait alors le problème

du remplacement de cette success story, et

la prospective produit de Renault se lança sur la

recherche d’une voiture plus petite mais très innovante

: le VBG (véhicule de bas de gamme). Ce

programme ambitieux et volontaire se heurta à des

tests de style plutôt calamiteux. La polémique

entre les traditionalistes et les volontaristes qui animait

alors l’entreprise enfla jusqu’au 11 novembre

1977, où une réunion au sommet avec le président

Bernard Hanon dans les salons du Sofitel Sèvres

acta l’abandon du projet. Il faut dire que les résultats

commerciaux de la R14 décevants avaient

douché les volontaristes quand on s’aperçut que

les résultats des tests de style de la R14 qui prévoyaient

ces difficultés avaient été un peu « caviardés

» pour plaire à certains responsables de

l’entreprise.

On décida donc de prolonger la vie de la R5, qui

d’ailleurs aligna des résultats spectaculaires : plus

de 16 % du marché français en 1981 et 1982 ! Mais

le problème du remplacement de la R5 n’était pas

résolu pour autant, et Renault choisit de faire une

Super 5 qui reprenait les éléments de style de la R5

en les modernisant. Cela donna un design sympathique,

mais dont la perception de « culbutos » de

l’arrière ne « tenait pas la mer » face à une Peugeot

205 très réussie, au design très dynamique bien

planté sur la route, en particulier vue de derrière.

Last but not least, le positionnement des prix de

vente au lancement avait été fixé selon un paradigme

disant que, quand on remplace un véhicule,

les volumes totaux de la première année sont la

somme de ceux qu’on peut produire du nouveau

et de ceux qu’on peut encore vendre de l’ancien,

qu’il convient donc de protéger par un positionnement

très agressif. Le commerce réussit tellement

bien à protéger l’ancienne R5 (série limitée « Lauréate

») qu’il fallut baisser les prix de la Super 5, en

bricolant des versions intermédiaires pour ne pas

la faire apparaître comme un échec !

Et, pendant ce temps-là, le bureau d’études lançait

des avant-projets variés pour un autre bas de

gamme. Mais tous ces projets (X-44, X-45, X-49…)

butaient invariablement sur une rentabilité désastreuse.

Un avant-projet cependant retint l’attention

du président Georges Besse en 1986, la W60, petit

monocorps sympathique (qui deviendra le projet

Twingo), et on décida de le geler en attendant des

jours meilleurs (qui arrivèrent en 1988).

La fin des appellations chiffrées

Mais malgré tout cela il fallait trouver un projet pour

remplacer la Super 5 qui soit rentable, mais surtout

de bonne qualité, car l’arrivée de Raymond Lévy à

la présidence fin 1986 fut le signal qu’il fallait donner

la priorité à la qualité des produits. C’est ainsi

que démarra le projet X57, qui deviendra Clio,

rompant

ainsi définitivement avec les appellations

chiffrées ayant cours chez Renault depuis les

années 60.

La conception de X57 fut la dernière à ne pas bénéficier

de l’organisation globale en direction de

projet qui prévaudra pour les modèles suivants à

partir de Twingo (X06). Le 1er juillet 1986, Philippe

« Il fallait un projet rentable, mais surtout de

bonne qualité : la nouvelle priorité depuis l’arrivée

de Raymond Lévy à la présidence » Yves Dubreil

.

Bourguignon commença sous « l’ancien régime »,

en tant que chef de projet Gamme I et Projet X57.

Responsabilité qui excluait les objectifs commerciaux

et les recettes. Il ne sera nommé directeur de

projet, selon le « nouveau régime », que le 16 décembre

1988, ce qui limita singulièrement sa capacité

à modifier les contenus et objectifs. Une situation

inconfortable qu’il surmontera avec brio

comme le confirmera le président Lévy dans un

courrier personnel : « […] Je ne suis pas certain

que le directeur de projet et son équipe aient eu, à

l’époque, la pleine responsabilité que je souhaite

qu’ils aient maintenant […] Mais le véhicule est un

succès : il est juste que la part de ce succès qui est

due à votre équipe et à vous-même vous soit aujourd’hui

reconnue. »

D’aspect solide, confortable et habitable

Sur le plan du design, la volonté d’exprimer la qualité

s’impose devant toute autre considération. Les

masses de la carrosserie sont visuellement bien

équilibrées, profitant de l’empattement long de sa

plate-forme. Le traitement en volume des flancs

est particulièrement qualitatif. Si bien qu’on la perçoit

solide, confortable et habitable, à défaut d’être

très dynamique. Paradoxalement, ce dessin très

mature est en fait l’oeuvre d’un jeune designer, encore

stagiaire à l’époque, Hermidas Atabeyki.

Par ailleurs, l’objectif de qualité se traduira par de

nombreuses initiatives, comme celle de mettre le

client au centre de la partition. On est parti des problèmes

réels des clients afin de prévoir les défaillances,

leur taux d’occurrence et leurs causes. Ce

qui a permis de déterminer 157 « effets client »,

lesquels étaient décrits en termes de perception

plutôt qu’en termes techniques. On disposait ainsi

d’indicateurs prévisionnels que l’on pouvait observer

à chaque évolution de la définition du produit et

comparer avec les véhicules antérieurs et la

concurrence.

En plus de l’implication continue des méthodes et

des usines pour atteindre le niveau de qualité désiré,

il fut décidé d’assurer l’assemblage de la carrosserie

et de la mécanique par un TMA (tronçon

mécanique automatisé), ce qui permit de supprimer

les postes « bras en l’air », source de difficultés

récurrentes et de défauts.

La suite du projet se déroulera avec la mise en

place des capacités industrielles : Flins en France

avec une capacité de 1 600 véhicules/jour sur deux

chaînes, puis Haren en Belgique, Valladolid en Espagne

et Setubal au Portugal.

Une alarme tardive tomba quelques semaines

avant que Clio ne soit révélée. Début mars 1990, la

délégation Renault au salon de Genève découvrit

avec une certaine stupeur que la nouvelle Daihatsu

Charade présentait de troublantes similitudes avec

la future Clio au niveau des ailes arrière. Si les plus

alarmistes pensèrent un moment qu’il faudrait revoir

sa copie, le directeur du produit, Jacques

Cheinisse, calma aussitôt le jeu en décrétant qu’il

était seulement « urgent de ne rien faire » ! Si bien

que les traditionnelles conventions de lancement

commercial purent avoir lieur lieu le 22 mai 1990

dans les douze DCZ de la France, en présence de

Renault TV, dont c’était le baptême.

Deux slogans célèbres

La gamme de la première génération de Clio fut

particulièrement étendue, avec des versions sportives

très motorisées, dont la Clio Williams avec

150 ch, qui fait aujourd’hui le bonheur des collectionneurs,

sans oublier la Clio Maxi pour rallyes

avec ses 270 ch ! En matière d’équipements, on

retiendra les versions Baccara puis Initiale Paris,

qui permettront de dire que cette Clio avait « tout

d’une grande » même si elle n’était « pas assez

chère, mon fils ! ». Deux slogans restés dans les

annales de la publicité.

Clio fut élue voiture de l’année 1991, sa production

entre 1990 et 1999 atteignant plus de 4 millions

d’exemplaires… Et la lignée gagnante continuera

avec un deuxième titre de voiture de l’année pour

la Clio 3 en 2006. Aujourd’hui, on a dépassé les

16 millions d’exemplaires vendus !

YVES DUBREIL POUR RENAULT HISTOIRE

Clio I fut élue voiture

de l’année 1991 et

produite à plus de

4 millions d’unités

entre 1990 et 1999.

Les masses de la carrosserie sont visuellement bien

équilibrées. Le traitement en volume des flancs est

particulièrement qualitatif. Si bien qu’on la perçoit

solide, confortable et habitable, à défaut d’être très

dynamique.

La qualité perçue à

l’intérieur de l’habitacle

fait un bond en avant par

rapport à la Super 5.

Les équipements des versions Baccara permettront

de dire que cette Clio « avait tout d’une grande ».

.